Quand on revoit La Porte du paradis aujourd'hui en pensant à la carrière sabordée de Michael Cimino, on est d'autant plus sidéré qu'on assiste au chant du cygne prématuré de l'un des plus grands cinéastes qui aient vécu, et sans doute au dernier véritable éclat du cinéma américain de studio à grand spectacle. Après l'échec public cuisant du film, on s'est empressé de fermer les portes à Cimino alors qu'il incarnait, dès ses débuts et grâce à cette œuvre en particulier, la quintessence même du cinéma américain. On connait l'histoire. Sous prétexte que son film fut un gouffre financier et causa la perte de la United Artists, Hollywood fit du cinéaste un cas de jurisprudence (comme l'a très bien analysé Jean-Baptiste Thoret), profitant de ce scandale financier pour peu à peu éjecter les artistes audacieux et visionnaires du système et réserver la place, toute la place, aux blockbusters commerciaux rentables à souhait. Sorti en 1980, Heaven's Gate a choisi sa date pour marquer un basculement total entre deux décennies, deux époques et deux âges des grands studios. Le Nouvel Hollywood, âge adulte du cinéma américain, céda ainsi le pas aux années Reagan et aux grosses machines destinées à un public du premier âge. Ainsi s'est clos l'un des derniers grands chapitres du cinéma hollywoodien, sinon le dernier…
Michael Cimino avait dépassé de beaucoup son budget et explosé tous les records de retard de tournage, mais pour accoucher d'une œuvre aussi démesurée que magistrale. Quel film hollywoodien justifie mieux les sommes et les efforts qu'il a coûtés, et d'une façon aussi noble, propre à élever l'âme de ses spectateurs et à les immerger complètement dans son mouvement lyrique virtuose ? On est aujourd'hui ému tant par la beauté du film que par la double mélancolie qu'il représente et suscite. Celle affichée par un James Averill (Kris Kristofferson) sorti d'Harvard pour affronter ses anciens camarades dans une guerre perdue d'avance, guerre des propriétaires capitalistes nantis contre une centaine d'éleveurs immigrés pauvres, et, plus globalement, guerre de la vertu, de la solidarité et de l'amour contre les forces inépuisables du pouvoir, de l'argent et de la tyrannie. Plus que désabusé dans la dernière scène du film, notre héros, vidé de ses dernières illusions et quittant un pays débarrassé de tous ses rêves en ce début de XXème siècle, trouve un écho tragique dans la destinée injuste et pathétique de Michael Cimino lui-même, génie sacrifié sur l'autel de la rentabilité et du profit.
Et génie n'est pas un faible mot. Comme devant la séquence d'ouverture de Voyage au bout de l'enfer, cette gigantesque scène de mariage sublimement orchestrée qui composait en fait toute la première partie du premier chef-d’œuvre de Michael Cimino, on est systématiquement emporté par la grâce extraordinaire que déploie le cinéaste dans les immenses scènes de foule et de mouvement qui scandent son second et dernier grand chef-d’œuvre. Dès l'introduction de La Porte du paradis, qui nous présente la consécration des étudiants de Harvard en 1870, ceux-là même qui seront les acteurs et ennemis d'une guerre civile mineure mais capitale dans l'histoire naissante des États-Unis, au cœur du Comté de Johnson (Wyoming) en 1890, Michael Cimino, d'une ambition à tout rompre, fait preuve d'une maestria littéralement époustouflante.
La chose est célèbre mais ne cesse d'éblouir : cet art du mouvement déployé par le cinéaste dans des travellings aussi maîtrisés que gracieux, qui glissent sans qu'on s'en aperçoive et qui ont le parfum de la facilité, rappelle le génie de Max Ophüls, autant le manège de La Ronde que le bal de Madame de… ou le cirque de Lola Montes (et par conséquent les meilleurs chapitres de l’œuvre de l'un de ses héritiers revendiqués, Stanley Kubrick, autre utilisateur brillant du Beau Danube Bleu de Strauss dans une autre séquence de ballet circulaire harmonieux et gigantesque dans 2001 l'Odyssée de l'espace). Et comme devant les grands films d'Ophüls, on éprouve devant le bal de la promotion de Harvard et devant celui du Comté de Johnson, moins guindé mais plus vibrionnant, avec sa danse en patins à roulettes sur les airs inoubliables d'un orchestre irlandais de violons, un plaisir esthétique quasi indicible, un bonheur de l’œil qui n'est pas totalement communicable dans la mesure où nos sens, avant toute analyse, sont immédiatement sollicités, et où nous nous retrouvons violemment émus et transportés par le mouvement de l'image, la beauté de ce mouvement, de la lumière, des corps et de la musique. Et ce brio, qui frappe aux deux premiers grands instants du récit, l'ouverture et le milieu de l’œuvre, alternant toutes deux - quoique dans un ordre inverse - grâce absolue de la valse en couple et tumulte exalté jusqu'au chaos des emportements d'allégresse en groupe, resurgit lors de la bataille finale, la séquence du bal irlandais apparaissant comme une bulle de temps autonome et hors-norme (irréelle même, quand la salle de bal est vidée comme par enchantement de sa foule éméchée pour réserver l'orchestre aux amants), au sein d'une destinée qui n'aura tenu aucune de ses promesses : la sortie d'école d'une élite politique ayant directement conduit à des jeux d'argent couronnés par un massacre atroce de civils innocents.
Mais le talent de Cimino ne tient pas que dans une mise en scène prodigieuse, il s'exprime aussi pleinement dans l'art du récit. C'est son talent, par exemple, de ne pas tout dire immédiatement, non pas dans une optique de rétention d'informations vouée à tromper le spectateur (comme dans ces films traitres qui dupent sans se poser de question), mais pour donner à ce dernier le sentiment de la vraie vie, des vraies gens qui ne se donnent jamais à lire tout de suite. C'est le personnage de Christopher Walken qui symbolise le mieux ce phénomène. Quand il fait son entrée, c'est un tueur froid que l'on est tenté de croire limité à ce rôle et promis à le rester, aussi notre surprise est-elle réelle quand le personnage s'étoffe et se densifie. Or si Cimino se veut serviteur de la complexité humaine, il ne nie pas ses possibles extrêmes.
On retrouve là son ambition d'embrasser tout le genre humain, à l'œuvre dans Voyage au bout de l'enfer. Ici les diplômés de Harvard se retrouvent en 1890 dans le Wyoming et de même que le combat qui les oppose est une allégorie de conflits moraux plus vastes, ils composent eux-mêmes une sorte de microcosme du genre humain, avec en premier chef le héros honnête et droit, venu défendre le Comté dont il est shérif (Kris Kristofferson), et sa nemesis, l'intellectuel cupide, stupide et assassin, président d'une association d'éleveurs ayant arbitrairement décidé autour d'un pot d'assassiner 125 immigrants accusés de vol de bétail (Sam Waterston). Entre les deux se trouve le personnage le plus passionnant du film, qu'on avait tort de trop vite prendre pour ce qu'il semblait, un tueur impassible sans pitié, cavalier sans nom et mercenaire à la solde des truands, et qui peu à peu se révèle un homme amoureux et pétri de doutes, instable et fragile, qui n'a d'autre certitude et d'autre ambition que son amour pour une femme et son désir de le partager sereinement, quitte à commettre quelques forfaits pour parvenir à ses fins (Christopher Walken). Celui-là, tiraillé, devra faire un choix. Son amour est voué à une putain au grand cœur, cruellement partagée entre deux hommes et deux destins (Isabelle Huppert). Reste l'impuissant ironique, le rêveur soumis, celui qui ne choisit pas, l'inactif voué à tourner fou (John Hurt). Nous tenons peut-être là un précipité du genre humain toute entier.
Ces projections d'humanité nous rendent proches, indispensables même, des personnages riches et sublimes, tous portés par des acteurs admirables (il faut aussi saluer les excellents Jeff Bridges et Mickey Rourke), qui laissent aller leur talent dans des scènes parfaitement écrites et inoubliables (comme l'appel des 125 condamnés ou, dans un autre registre, l'offrande d'un chariot rutilant à une Isabelle Huppert à moitié nue et plus lumineuse que jamais). Avec un sens du romanesque exacerbé, Cimino compose ainsi une vaste épopée humaniste où la ronde des sentiments humains a autant si ce n'est plus d'importance que celle de leurs mouvements. Et pourtant quels mouvements, auréolés d'une lumière laiteuse opalescente signée par le remarquable Vilmos Zsigmond (on pense évidemment à L'homme sans frontière ou à McCabe & Mrs Miller, également éclairés par ce grand opérateur), qui vient sublimer des décors naturels extraordinaires et contribue à soumettre à notre admiration un spectacle romantique et tragique incroyable. Cimino, épris du désir de dénoncer la violence et les morts gratuites, représente éros et thanatos dans un même ballet, une danse majestueuse quoique de plus en plus macabre : les rondes euphoriques des étudiants autour de l'arbre centenaire à Harvard, puis les cercles dansants du bal qui fait tourner les amants et, à l'autre bout de la chaîne, les boucles meurtrières de la tuerie finale, où la cavalerie sous les ordres du gouvernement ne vient plus sauver les innocents mais ruiner leurs efforts, donnent tous cet impressionnant mouvement circulaire, forme parfaite de l'inexorable, à l'ensemble d'un film monumental.
La Porte du paradis de Michael Cimino avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, John Hurt, Sam Waterston, Jeff Bridges et Mickey Rourke (1980)
Jamais osé aller le voir , ce film. Même avec des places gratos. Et là, ça va nous faire du 3h40 en durée... Quasiment insoutenable, non ?
RépondreSupprimerEn fait, Kris Kristofferson + Huppert, ça annihile mon envie de Walken.
En outre, ces images avec gélatine sur l'objectif qui donnent ces auréoles blanchâtres autour des arbres et des robes, j'ai toujours détesté ça. Vous trouvez ça beau, vous? Franchement ?
Bon, oui, d'accord: le propos du film, les intentions, le génie maudit, la profondeur des personnages, les courbes des travellings ophulsiens selon vous, oui, oui, bien sûr, bien sûr...ça devrait me pousser...
Mais toute cette gélatine, bordel! Ce K.K. ! Cette Huppert! Tout ça presque 4 heures!
Désolée, Je peux pas. J'arrive pas. Vraiment pas.
Faut vraiment ne pas avoir vu le film pour parler de gélatine.
RépondreSupprimer4h30 oui, c'est long pour un film, mais aujourd'hui ça ne devrait plus décourager personne puisqu'on est à l'heure des loooongs films, des Nolan en passant par les Seigneurs des anneaux (qui affichent un total d'une bonne dizaine pour 3 opus qui n'en demandaient pas tant). La différence c'est que là, les 3h40 sont largement méritées, nécessaires et sublimes.
Après t'aimes pas K.Kristofferson et Huppert, ça en revanche ça ne se discute pas. C'est dommage pour toi, c'est tout.
Bon et quand même, super texte pour un film magnifique!
La ressortie au cinoche pourrait se justifier uniquement pour la scène d'ouverture, ça doit être un pied d'enfer de voir ça sur grand écran, j'ai hâte :D
"Faut vraiment ne pas avoir vu le film pour parler de gélatine."
RépondreSupprimerEt comment... Qualifier le travail de Vilmos Zsigmond de gélatineux c'est passible de la cour matiale je crois bien. On n'est pas chez David Hamilton chère amie.
En revanche tu as le droit de ne pas aimer Kristofferson et Huppert, même si les détester l'un et l'autre sans les avoir vus dans ce film c'est déjà porter un jugement hâtif et incomplet.
Bref, rater ça au cinéma, ou le rater tout court, "C'est dommage pour toi, c'est tout." (bis repetita) :)
"Gélatine" c'est le terme technique employé par les chefs op', j'invente rien.
SupprimerIls posent ce filtre nommé "gélatine" devant l'objectif (enfin, avant que n'arrive l'ordinateur, mon bon!) pour un peu euh, "flouter" ? "baigner d'un halo"? "fusionner le camaïeu" ? genre. Je me souviens d'un western proprement in-bitable inittulé "Les Indésirables" avec Newman et Marvin (excusez du peu!), où il n'y avait que de l'imagerie comme ça. Et ça m'a dégoûtée à jamais! C'était très prisé, très couru, ce filtre, entre 75 et 80.
(PS: j'aime bien "fusionner le camaïeu" comme expression).
Pour ce qui est de Huppert, je la trouve excellente comédienne. Mais, voilà : j'aime pas du tout, du tout, la voir. C'est comme ça. Vous z'en avez pas, vous, des aversions incontrôlées ?
Bon. J'irai la voir un jour, vot' porte !! Mais faut que je me prépare psychologiquement !
Après tout, j'en connais qui passent à côté des Ford (John, Glenn...) et autres sublimes. Nobody's perfect.
Je vois de quoi tu parles, mais la "gélatine" est légère dans le film de Cimino (un peu comme dans John McCabe, mais en moins prononcée d'après mon souvenir), et couplée à un vrai travail sur la lumière qui correspond parfaitement aux décors filmés et à la tonalité générale du film.
SupprimerLa "gélatine" peut vite être grossière et a été utilisée avec un certain abus dans la période que tu dis, et même avant (dès le début des années 70), mais en quelques cas son utilisation correspond au sujet du film et diffuse un sentiment de nostalgie, pour un passé idéalisé par exemple, qui n'est pas sans fondement (je pense à "Un été 42" (1971) de Robert Mulligan, entre autres).
Nous avons aussi nos aversions, d'où que nous respectons la tienne !
Quant au(x) film(s), il y a passer à côté (parce qu'on n'a pas encore vu) et passer à côté (parce qu'on refuse de voir) :)
Très juste ce que tu dis sur l'aspect rétro-nostalgique de l'utilisation de la "gélatine" et de choisir pile poil le film qui y fait penser tout de suite : UN ETE 42.
SupprimerJ'ai adoré ce film. Dieu sait que je l'ai adoré, vu et revu!
Ben, à cause de cette gélatine, franchement, je ne peux plus le voir ce film! Rien qu'à cause de ça. Idem pour "L'AUTRE" toujours de Mulligan qui se passe durant les années 30 (encore que je l'ai moins revu et qu'il me semble que la gélatine y est plus "légère" comme tu dis...)
Tu vois ces films des années 60 où, dès que t'as un flash back, l'image se met à trembloter et les personnages à avoir l'air d'être noyés sous l'eau ?
Les halos de la gélatine ça me fait le même effet...Insupportable.
ça te vous fait prendre un coup de vieux au film, ça fait pas un pli! (mais plein de rides à la pellicule!)
Bref, j'en ai trop vu, des gélatinés. A la pelle! Et ça me gonfle.
"C'était très prisé, très couru, ce filtre, entre 75 et 80."
SupprimerC'est clair, on le voit dans pas loin de 80 % des films réalisés à cette période. Mais je pousserais encore davantage le bouchon en affirmant que cette esthétique "vaporeuse" a été fréquemment utilisée jusqu'aux alentours de 95, en particulier dans le cinéma européen à tendance commerciale (les séries B voire Z de Fulci et compagnie, les téléfilms frenchie ou ritals, etc.) Dans certaines de ces productions c'est tellement mal exploité que ça tourne à l'expérimental involontaire, avec des plans où tu distingues strictement plus rien. L'utilisation qu'en ont fait Altman, Mulligan et d'autres était quand même beaucoup plus judicieuse.
LdF
76,3% exactement des films réalisés à cette période utilisaient ce filtre dit "gélatineux". Tu exagères un peu...
SupprimerQue dalle Johnny. Pas ma faute si t'as de la gélatine dans les yeux ^^
Supprimer@à Michael Frimino dit LdF : Fulci... et dans les téléfilms anglais... Aaaah les téléfilms anglais ! Tu les repères dans la 1ère demi-seconde quand tu zappes : Tu chopes Hercule Poirot ou Maggie Smith dans un rôle de rombière des colonies, et ils te la tartinent à la louche, la gélatine !
SupprimerTerrifiant.
Sans doute que Fulci, ça lui servait à donner une tonalité anglo-saxonne à ses âneries. Je me rappelle avoir vu un Fulci avec Jennifer O'Neill, tiens! La même Jennifer que dans Un Eté 42, justement (Mio Dio come era caduta in basso!). La pauvre, on l'aura complètement gélatinée! Et sur les 2 côtés...
de l'Atlantique!
Je causerai bientôt d'Un été 42 ici :)
SupprimerM'en parle pas, Frita, m'en parle pas... Miss Marple et Jessica Fletcher. Horst Tapette et la parade de narines persillées. Toute une époque, outre-Rhin comme outre-Manche. Du brouillard à chaque couloir.
SupprimerLe Fulci dont tu parles avec la belle Jennifer c'est L'Emmurée Vivante non ? Eh beh moi j'l'aime bien celui-là. Il était dans sa bonne période le père Lucio - en gros jusqu'à La Maison près du Cimetière en 81. Si tu veux voir du Fulci gélatineux triple épaisseur renforcé où ça finit par ressembler à heum... de la semence, je te recommande vivement certains de ses peu glorieux (télé)films de fin de carrière dont Sweet House of Horrors et Voices from Beyond. T'en as pour tes frais. Plein de buée sur les lunettes après la séance.
Rémi, ça me plairait beaucoup que vous causiez aussi de L'Homme Sauvage et The Nickel Ride à l'occase. Le premier est un des plus fascinant western des 60's et le second un des plus envoûtants thrillers des 70's. Il a fait fort le père Mulligan quand même. On en parle pas assez de ce mec.
LdF, l'unique, le vrai.
Il faudra déjà que je les mate ! Ce que tu en dis donne bien envie.
SupprimerOn a déjà causé de "To Kill a Mockingbird" ici : http://ilaose.blogspot.com/2012/09/du-silence-et-des-ombres-to-kill.html
The Stalking Moon (L'Homme sauvage), j'ai failli le mater dernièrement pendant ma fringale de westerns. Il a l'air intéressant oui !
SupprimerQuant à The Nickel Ride, tu m'as filé envie, LdF, et la présence de Jason Miller dans le premier rôle contribue également à attiser ma curiosité.
De Bob Mulligan, j'ai aussi vu L'Autre, qui m'avait un peu déçu car je voulais le voir depuis longtemps et j'espérais mieux, mais je l'avais tout de même bien aimé.
Ah moi j'ai beaucoup aimé L'Autre. Ca joue énormément sur le non-dit, la suggestion, un peu à la façon de Rosemary's Baby, ce qui fait que selon moi ça a beaucoup mieux vieilli que certains films plus ouvertement spectaculaires de la même époque - tiens, L'Exorciste au hasard. Si tu n'es pas trop client de ce genre d'approche, TANK, je ne sais pas si The Stalking Moon et The Nickel Ride vont tellement te plaire. Surtout ce dernier qui est à mille lieues d'un polar explosif et rentre-dedans à la Friedkin ou à la Siegel (deux big boss dont j'aime tout autant le style hein, l'un n'empêche pas l'autre). C'est un film intimiste, introspectif je serais même tenté de dire, qui distille un profond humanisme derrière sa froideur de façade. Et Jason Miller y est effectivement remarquable dans le rôle principal.
SupprimerTo Kill a Mockingbird j'aime bien mais sans plus, un peu trop sentencieux pour moi. Un autre Mulligan que j'ai vraiment apprécié c'est Une Certaine Rencontre avec Steve McQueen et Natalie Wood, chouette comédie sentimentale qui a l'originalité de commencer en drame pour mieux se terminer en vaudeville. LdF approved.
J'aime les films qui jouent sur le non-dit, la suggestion, autant que ceux qui sont plus ouvertement spectaculaires, voire davantage (même si en ce qui me concerne, j'aime par exemple autant Rosemary's Baby que L'Exorciste, et je ne trouve pas que ce dernier ait mal vieilli). Les films de la première catégorie me semblent plus difficiles à réussir, ceux de la seconde, plus faciles à rater, mais l'un dans l'autre on s'y retrouve !
SupprimerJe conserve donc tout mon intérêt pour les deux films de Mulligan que tu as évoqués. :)
"Les films de la première catégorie me semblent plus difficiles à réussir, ceux de la seconde, plus faciles à rater, mais l'un dans l'autre on s'y retrouve !"
SupprimerEn gros il te semble que le verre est plus à moitié vide qu'à moitié plein... Meuh non je te chambre, je vois très bien où tu veux en venir. Tu m'en diras des nouvelles de ceux pelloches-là. ;)
LdF
Ah Ze Nickel Ride ! Jason Miller et son trousseau de clefs en cercle. C'est un de mes Mulligan favoris ! (Il est passé où ce génial Jason M. ?)
SupprimerAh et Love with a proper stranger ! Natalie Wood et Steve Mc Queen se disputant devant les poissons rouges...!
Yep! Suis d'accord avec toi, Frime de Lesson : on n'en parle pas assez de pépé Mulligan.
Par contre, je ne te rejoins pas sur le Mockingbird : c'est un pur chef d'oeuvre ! Pas sentencieux pour un nickel... ride.
Bah kestu veux Limonade de Fruits... J'ai un peu de mal avec ce volatile moqueur. Pas que ce soit mauvais ou quoi que ce soit hein. Mais j'ai trouvé ça un peu pesant. Pour te dire, je l'ai vu il y a 2-3 ans et je me souviens de presque rien donc faut croire que ça m'a pas chamboulé outre mesure. En fait j'aime pas trop les drames anti-racistes en général, ça a tendance à me gonfler. Bon là c'est clair qu'on est pas dans la démo double-crème façon Robert Cramer-du-Cibouleau mais quand même. Y a des sujets qui me bottent mieux quoi. J'espérons que tu me pardonnez.
SupprimerLdF
Abruti ! Pas Robert Kramer, le mec génial qui a fait Route One USA (ZE documentaire sur les States si vous voulez mon avis), je voulais dire STANLEY Cramer-du-Bulbe, l'auteur-producteur à sabots de cheval de trait spécialisé dans le film dit "à message". Frima culpa.
SupprimerLdF
Ah bah non, ça c'est ben vrai, Mulligan c'est pas Sens-les-Kramer et ses dramaturgies éléphantesques (quoique, comme producteur, il pouvait avoir quelques qualités, fallait juste pas qu'il s'occupe de mise en scène).
SupprimerBref, pour en revenir aux "drames anti-racistes", moi, justement, j'adore. Le vieux Sud, les lynchages manqués, les pêches à la truite en crachant le pépin de pastèque, la salle de tribunal où on s'essuie les fronts, j'adore.
Genre "Intruder in the dust" de Clarence Brown, ou "Stars in my crown" de Tourneur, ou "Le Sergent noir de Ford. Et cet Oiseau moqueur of course.
Ah ouais. Vraiment. J'A-DO-RE !
T'as le droit, hein, mais dommage pour toi (pour un juste retour du leitmotiv qu'on m'a jeté +++ au début de ces commentaires à propos de La Porte de l'enfer. Pas de bol, ça tombe sur toi...).
Beuh non voyons, "dommage pour toi", "dommage pour toi",.. ça veut rien dire ça. Si tant est que j'aime Twilight 5 et que je déteste Vertigo (c'est extrââââème hein, comme exemple ?), ce serait peut-être dommage pour tous ceux qui ont apprécié le Hitch et sautent en l'air en voyant mes goûts, mais en aucun cas ce serait dommage pour MOI. Héhé.
SupprimerKrameur de spliffs il a produit quelques excellents trucs c'est vrai (Champion avec Kirk Douglas, chef-d'œuvre du film de boxe, le palpitant Ouragan sur la Caine avec Bogie) mais quand il pose ses miches sur la chaise où c'est marqué "director" c'est en général moins glop.
Le Sergent Noir de Papy Ford je trouve ça trop mal, Intruder in the Dust j'aime bien, quant à Stars in My Crown j'adore itou. T'inquiète, les Americana, l'ambiance péquenaud du deep south tout ça, ça me branche. D'ailleurs à quand une édition sous-titrée en la langue de Molière de cette formidable chronique rurale qu'est Le Soleil Brille pour Tout le Monde ? Parce que j'en suis fan de ce Ford-là moi, mais quand ça slang du "southern drawl" jusqu'à plus soif j'avoue que j'y perds un peu ma frime.
LdF
Si si, ce serait dommage pour toi. Parce qu'au-delà de la question du "goût" que l'on est libre d'avoir pour un divertissement artisanal ciblé produit à la chaîne et dénué de toutes qualités artistiques, voire volontairement abrutissant ou idéologiquement douteux, je ne pense pas que l'on puisse comparer les plaisirs (même s'il y en a dans les deux cas, admettons), psychiques et sensoriels, que peuvent procurer Vertigo et Twilight 5.
SupprimerOu alors, mettons qu'une personne éprouve le même plaisir devant Twilight 5 qu'une autre devant Vertigo. Si cette personne connaît ensuite Vertigo et qu'on lui apprend (ou qu'on l'aide) à voir sa richesse et sa beauté (ce que l'on serait bien en peine de faire pour Twilight 5), l'écart se creusera à partir de ce moment-là, à moins d'une mauvaise foi de premier choix ou d'un aveuglement terrible, un écart obligatoire et incommensurable, m'est avis, qui tient dans la différence gigantesque de niveau (et à tous niveaux) entre les deux objets filmiques en question. Non ?
Non, ton raisonnement ne me convainc pas. Et c'est pas de la mauvaise foi de ma part ! Tu pourras fournir tous les efforts que tu veux pour "apprendre ou aider" un jeune de 14 ans fan de Twilight à "voir la richesse et la beauté" de Vertigo, lui risque malgré tout de n'y voir qu'un "vieux film chiant". En est-ce pour autant dommage pour LUI ? Je ne crois pas. Il a ses goûts, ses appréciations et il en est content. Après, il n'est bien sûr pas exclu que ses goûts évoluent et que plus tard il en vienne à se dire "merde j'ai été un vrai con". Mais l'essentiel c'est ce qu'on apprécie sur le moment présent, sans que personne nous dicte ce qu'il faut aimer ou pas aimer. Non ?
SupprimerJe n'ai pas parlé de "dicter" mais de "guider" ou de "montrer". Et je ne pensais pas que tu parlais, dans ton commentaire précédent, du cas d'un adolescent de 14 ans, car certes cela fausse tout le débat.
SupprimerQuoique en fait. Je pense qu'il n'est pas vain de "fournir tous les efforts pour apprendre ou aider un jeune de 14 ans fan de Twilight à voir la richesse et la beauté de Vertigo" (ce qui n'implique pas d'être agressif, de lui interdire de regarder sa merde ou de lui "dicter" ce qu'il doit aimer), c'est même censé être l'un des objectifs de l'école par exemple, et c'est quelque chose qui me semble complètement noble, ça s'appelle "l'éducation" entre autres. Quitte à ce que le gamin trouve ça chiant quand même.
SupprimerCe qui serait dommage c'est que le jeune ne voie pas Vertigo, ou qu'il le voie et n'aime pas sans que jamais personne n'essaie de lui montrer que c'est bien (parce que C'EST bien, et que si ça ne saute pas aux yeux des gens il faut peut-être quelqu'un pour les aider à le voir, car c'est plus complexe et donc moins immédiatement accessible qu'un truc aussi con que Twilight), et a fortiori que c'est mieux que Twilight 5 pour tout un tas de raisons objectives, factuelles, mathématiques, raisonnables et formelles.
Si, après cela, et après avoir grandi, la personne continue de trouver que Twilight 5 c'est géant et que Vertigo c'est de la daube, et qu'elle est contente avec ça, alors certes tant mieux pour elle. Mais vu que le premier est à chier et que le second est superbe, ça reste un peu DOMMAGE (pour elle... :P). Non ?
Non, non et non ! Je persiste à ne rien trouver de dommage pour notre jeune homme de 14 ans (ou de 44 ou de 74 ans, peu importe) s'il aime Twilight et pas Vertigo. Le rôle éducatif ? Pourquoi pas. Quoique j'ai personnellement rarement envisagé le cinéma comme tel. Quand j'aime un film, c'est au feeling, pas parce que quelqu'un m'a expliqué (avec toute la pertinence du monde, soit) qu'il y a lieu de l'aimer. Alors bien sûr, avec l'exemple dont nous parlons, je manque certainement plein de choses devant l'évidente richesse de Vertigo en préférant mon petit film de boutonneux à la mode. Mais je ne crois pas que ça va me rendre moins heureux pour autant. De même que si je préfère toute ma vie un petit morceau de rap sympa aux 4 Saisons de Vivaldi, pour une raison ou une autre (le morceau me file la banane, il me rappelle une belle période de ma vie, etc.) ce-n'est-pas-dommage-pour-moi. No sir. Le plaisir et le feeling mon ami, pas le conditionnement et la prise de tête ! On est au cinéma, pas à l'école.
SupprimerSi, en bon fan de Twilight 5 de 14 ans et demi, je loupe ma séance de Twilight 6 là OUIIIIIII c'est dommage pour moi ! Nope ?
Ton boutonneux (ou pas) qui prend son pied avec Twilight 12 et s'emmerde au "Soleil brille pour tout le monde", ça s'appelle un imbécile heureux. Y a pas de mal à être heureux en effet. Mais dommage pour lui qu'il soit un imbécile.
SupprimerYep?
Au ciné club du lycée, le prof nous a balancé dès la 1ere séance "Salvatore Giuliano" de Rosi. Puis "La Ligne générale" d'Eisenstein. Franchement, on tirait tous la gueule (c'était en seconde). S'ensuivit discussions et analyses...
SupprimerLe voile s'est levé d'un petit millimètre... Mais il s'est levé.
Ensuite ce prof a, bizarrement, pris un chemin inverse de ce qui se fait généralement : il a terminé l'année en nous projetant Billy Wilder, La Mort aux trousses (et, devine quoi, Frime? The Sun shines bright , yes!!!) etc. Je dis bizarrement parce qu'il me semble qu'en général les profs commencent par Hitchcock (réputé accessible, sic) et terminent par les austères si tant est qu'on puisse qualifier Rosi ou Sergei E. d'austères.
Bref, avec le recul du temps, je trouve ça super finaud. Et payant. Au résultat, on est aujourd'hui toute une bande de potes (on se revoit depuis le lycée) tous amoureux de Ford, Wilder, Rosi, Eisenstein et... les autres.
Preuve que, yep, ça s'éduque, le goût. Demande aux chefs cuistots. Le goût de la papaye bleue, ça s'apprend.
Merci Liseron Firmant. Le goût, ça s'éduque, oui.
Supprimeron pourrait donc avoir des goûts "infaillibles" à force d'éducation? et si on "apprend" tout seul?..
SupprimerOn s'en fout de comment, Anonyme. Le principal c'est de découvrir. Tout seul ou avec.
SupprimerY a des goûts de mon prof que je ne partage toujours pas. Mais, grâce à lui, je peux expliquer pourquoi je ne partage pas certains de ses avis.
(P... il est minuit. La philo à c't'heure, c'est de la torture soph...istiquée!).
" c'est de la torture soph...istiquée!"
Supprimerauch ça...
Crois-moi ma chère et tendre Sirlon, je plains bien moins l'imbécile heureux que l'érudit malheureux !
SupprimerPour ce qui est de ta théorie sur l'éducation du goût, comme dit ++ au début de ces commentaires je ne la réfute pas. Disons que Smaug s'est détourné du leitmotiv dont on parlait à la base, ce "dommage pour toi" qui me paraît toujours aussi insensé dans un tel contexte...
Elle est chouette ton anecdote de lycée. Non sérieux, je trouve ça formidable d'être éveillé à Ford, Wilder, Rosi, Eisenstein & cie, quelle qu'en soit la méthode. Mais il ne faut pas faire des "cours de cinéma" une condition sine qua non à cette "éducation gustative". Prends mon exemple: je te parle avec admiration du Soleil Brille.., de Mulligan, de Mann & tralala-tsouin-tsouin, pourtant je n'ai jamais participé à un quelconque ciné-club de lycée ou suivi ne serait-ce qu'un cours sur le cinéma. Bien sûr toutes ces connaissances me sont pas tombées du ciel, faut pas déc: il y a les échanges entre amis, les livres, le nenet, la TV, la radio, etc. Mais mon "éducation cinématographique" (bon dieu que ça sonne péteux) je me la suis surtout faite moi-même, en bon autodidacte. Si j'ai vu une 50aine de films de Ford c'est parce qu'au départ les premiers m'ont plu et m'ont donné envie d'en voir davantage, pas parce qu'un brave professeur bedonnant aux lunettes d'écaille et aux tempes grisonnantes m'a expliqué que Ford c'était bien. Ce qui me fait peur aussi là-dedans, c'est le snobisme cinéphilique qui s'installe peu à peu: on a tous nos préférences, moi inclus, mais je suis autant ouvert à un Tarkovski qu'au dernier actioner bourrin sorti en DTV. J'aime Renoir et j'aime pas Michael Bay. Mais aussi, j'aime Nolan et j'aime pas Godard ! Tous les cours de ciné du monde n'y changeront rien. Le feeling, Liseron, voilà tout.
LdF
Ce qui me fait peur moi c'est le mépris généralisé et instinctif pour l'éducation, l'université ou tout ce qui ressemble à une réflexion poussée, une analyse construite et un enseignement quelconque. Lire encore des clichés du genre "un brave professeur bedonnant aux lunettes d'écaille et aux tempes grisonnantes" en 2013, ça me désole. Faut-il ne pas avoir foutu les pieds dans une fac depuis des lustres (voire jamais) pour resservir des clichetons pareils sans se poser de question. L'université, puisque c'est elle qui est directement visée, n'est pas réservée aux personnages fantasmatiques que tu décris, elle est peuplée de professeurs jeunes ou non qui ont une expérience plus ou moins grande mais qui ont appris à voir les films, à les analyser, qui ont acquis une méthode et des connaissances, et qui les redistribuent (je ne suis pas en train de faire l'apologie aveugle du milieu et de tomber dans l'autre extrême, mais il semble important de rappeler que le principe même de "cours" ou "d'éducation" n'est pas marqué du sceau de l'infâmie, donc autant le faire). Quand tu lis un livre sur le cinéma tu le fais parce que tu juges, ou tu imagines, que le type qui l'a écrit a un savoir, un regard, des qualités didactiques, méthodologiques, analytiques, qui vont t'apprendre des choses, t'en faire découvrir, t'ouvrir l'esprit. A la fac, dans le meilleur des cas, qui existe bel et bien et pas qu'un peu, c'est tout simplement la même chose. Ce sont des gens qui parlent avec d'autres, plus jeunes, de ce qu'ils connaissent, aiment, et qui essaient de partager ces connaissances, ces méthodes d'analyse, ces goûts, avec eux. Ce n'est pas le lieu de l'endoctrinement ni de la dictature de pensée. C'est même l'un des lieux qui luttent contre la pensée unique et le populisme, et qui apportent de l'ouverture, de la diversité, du savoir et, peut-être, au bout, plus de plaisir qu'il n'y en avait avant ça, un plaisir conscient. La vieille rengaine des autodidactes qui marchent au feeling et qui considèrent tout principe de formation, d'apprentissage et d'éducation comme de la dictature intellectuelle, ça, ça fait vraiment peur. S'il y avait un peu plus de cinéphiles qui s'intéressaient aux cours de cinéma (mais aussi aux ouvrages sur le sujet, aux ciné-club ou que sais-je), il y aurait peut-être moins de fans de Christopher Nolan (ça c'est juste une pique gratos pour terminer).
Supprimer"Faut-il ne pas avoir foutu les pieds dans une fac depuis des lustres (voire jamais) pour resservir des clichetons pareils sans se poser de question"
SupprimerJe crois que les auteurs de ce blog ont quitté leur fac il y a des lustres :D (si tu parlais bien d'eux, parce que j'ai un peu perdu le fil de la conversation).
Et quand à ça :
"C'est même l'un des lieux qui luttent contre la pensée unique et le populisme,"
Je ne vois pas le rapport entre les deux. Tu devrais moins lire les journaux. Le populisme, qui est la défense du peuple, s'oppose par nature à la pensée unique, qui est celle des possédants. Si tu veux vraiment élever le débat, je te suggère de ne pas sortir le mot "populisme" comme une insulte.
Je ne m'adressais pas du tout aux auteurs de ce blog (tu as totalement perdu le fil de la conversation je te le confirme).
SupprimerEt au lieu de "populisme" je voulais dire "démagogie", erreur classique, mea culpa, mea maxima culpa.
Tu aimes les films de Christopher Nolan, LdF ?
SupprimerJe vois très bien ce que tu veux dire, Smaug. Moi, je suis heureuse d'avoir eu l'école et l'université parce que, d'où je viens, c'était pas gagné. J'ai adoré la plupart de mes profs, et quant à ceux qui m'ont donné le goût du cinéma, ils étaient fans de "genre" et sans lunettes d'écaille (toi tu as trop vu Douglas Sirk, Frime!). Ils connaissaient le western, Don Siegel ou Pietro Germi aussi bien que Diderot ou Mme de La Fayette. On faisait des films aussi, et du théâtre. Ils nous emmenaient voir des pièces, des films, des concerts. Je sais, j'ai eu du bol. Et j'en suis bien contente!
SupprimerAprès, bien sûr, j'ai fait cavalier seul. Mais grâce à eux j'avais des pistes. That's all folks !
PS: On va pas jouer au jeu de la liste mais j'aime des anciens et des modernes tout comme je déteste des modernes et des anciens.
What else?
En plus de ton premier degré crasse, Smâââeurgh (beuh oui que le coup du professeur bedonnant c'était un gros clicheton, heureusement qu'il y en a comme Asile Frontal qui ont vu la p'tite référence à Sirk et surtout qui ont le sens de l'humour...), tu déformes complètement le sens de mes propos en me prenant pour un gros pourfendeur de l'instruction et de l'éducation. Si tu avais nettoyé un peu mieux tes lunettes d'écaille, tu aurais constaté que je ne dénigre rien de ce dont tu fais longuement et solennellement l'éloge dans ta touchante tirade. C'est vrai, je n'ai jamais mis les pieds dans une fac mon vieux. Quant au cinéma, je l'ai toujours considéré comme un loisir, une détente. Alors oui, j'aime en parler avec mes modestes moyens et je suis conscient que j'en parlerais certainement beaucoup plus pertinemment si j'avais eu une éducation plus académique en la matière. Mais moi ça me va très bien comme ça, fichtre. Le snobisme cinéphilique, ah oui ça me fait peur. C'est pas parce qu'on a fait des grandes études de cinéma qu'on peut se permettre de mépriser en bloc tout ce qui n'est pas digne d'analyse approfondie ou qui n'est pas réservé à une certaine "élite" intellectuellement supérieure. Ben oui, j'aime Nolan. Je trouve The Dark Knight et Inception fabuleux, ce sont des films qui m'ont scotché à mon fauteuil façon colle forte UHU colle tout. J'ai passé un BON MOMENT en voyant ces œuvres. Pour moi c'est l'essentiel. Désolé de passer pour un gros beauf d'la populace mon mignon.
SupprimerLdF
J'avais saisi la référence à "Dors, mon amour", film que j'aime tout particulièrement d'ailleurs, mais elle était quoi que tu en dises au service d'un cliché bien réel et bien vivace, peut-être pas très sérieusement implanté chez toi mais chez tout un tas de gens que l'on croise très très régulièrement, et c'est ce cliché et le mépris qui va généralement avec, peut-être pas très sérieusement implanté chez toi mais chez tout un tas de gens que l'on croise très très régulièrement, qui me fait peur, à la longue. Par ailleurs tu détournes également mon propos, je n'ai jamais méprisé (ma dernière phrase était une pique, c'était écrit noir sur blanc, n'oublie pas d'avoir le sens de l'humour même quand on s'en prend au sacro-saint Nolan) les autodidactes ou la "populace", pour reprendre ton terme, jamais. Et, pour avoir lu quelques uns de tes propos dans les commentaires de ce blog, je ne te considère absolument pas comme un "cinéphile beauf" ou quoi que ce soit du genre, au contraire. C'est juste que les railleries contre l'université et l'amalgame entre "éducation/partage/formation" et "formatage/diktat/pédantisme" me parait, même sous couvert d'humour, sinon dangereux en tout cas usant.
Supprimerje suis votre conversation et je suis d'accord avec LdF: le snobisme cinéphile ca va quoi... ca pollue les forums et les blogs sur le cinéma qu'a cause de ca je fréquente presque plus a qques exceptions près.
Supprimeret heu Smaug c'est Rémi, non??
À propos de clichés, ta pique sur Nolan est pas mal non plus. Même sous couvert d'humour. C'est bien connu, Nolan est idolâtré par "la masse" et fustigé par le cinéphile "pointu" ou "underground"... ben tiens, ce que je viens de dire là c'est un beau cliché aussi ! Si on se mettait à relever tous les clichés qu'on débite, inconsciemment ou non, on n'atteindrait pas la dernière strate de rêves de Dom Cobb et sa team aujourd'hui, crois-moi.
SupprimerSi je t'ai semblé faire les amalgames dont tu parles, ce n'était pas mon intention. Je voulais simplement apporter un contrepoint à la façon dont Liseront Frimant a acquis son "éducation cinématographique" en parlant de la façon - différente, plus autodidacte et instinctive, moins raffinée (sans aucune péjoration) - dont j'ai cultivé la mienne. Comme l'a dit Lisarde Rifmont, l'important c'est de découvrir. Tous les moyens valent leur pesant de cacahuètes. Peut-être bien que j'ai choisi quelques raccourcis faciles en m'exprimant (d'où ton impression de "railleries contre l'université"), mais il faut aussi savoir faire preuve d'un peu de second degré, comme dirait Tantank.
Allons, Smâeuâeuâeuârgh, on va ranger nos pop guns et se faire la bise de l'amitié, non ?
LdF
Anonyme > Je suis un grand con avide de pognon.
SupprimerBeaufrime > Sans rancune aucune.
Et Anonyme > je n'ai jamais prôné le "snobisme cinéphile", juste au cas où...
SupprimerBah moi j'aime le snobisme cinéphile.
SupprimerJe le prône et le revendique.
Juste rééquilibrage avec la beaufitude consternante des amateurs de cinoche "qui ont bien aimé le film sans dire que c'est un chef-d'oeuvre" (tiédasserie plus que reccurente et récurante ces temps-ci!) Les pires, ce sont ceux qui aiment tout ! Ford et Gondry. Minnelli et Honoré. Inarritu et Stanley Kramer. Lubitsch et Delbert Mann, Almodovar et Tar(an)tino, etc.
Alors, ceux-là...
Oui,il me semblait bien... "récurrente" voulais-je écrire.
Supprimer"[...]la beaufitude consternante des amateurs de cinoche "qui ont bien aimé le film sans dire que c'est un chef-d'oeuvre" (tiédasserie plus que reccurente et récurante ces temps-ci!)"
SupprimerOups ! C'est ce que je me dis avec environ le 80% des films que je vois. "Bah, c'est pas folichon. Mais y a quand même un peu à grailler de ce côté-là." "Ouais c'était sympa mais ça aurait pu être mieux si..." Ou encore "ça sent pas mal la daube mais on passe quand même un bon moment". Je prône (un peu) la beaufitude cinéphil(ique). Juste rééquilibrage avec le côté parfois stressant du snobisme cinéphag(iqu)e. Hihi !
LdF
J'ai vu ce film en "version longue" en salle en 1989. Faudrait que je vois la nouvelle version "définitive" de 2012, le film aura bientôt autant de versions que Blade Runner. En attendant, la version courte charcutée sur DVD est déjà pas mal...
RépondreSupprimerTrès bel article qui fait honneur à cette grande fresque de Cimino, l'une des dernières du cinéma américain qui vaille la peine d'être nommée à ce jour (n'oubliez toutefois pas Il était une fois en Amérique sorti quatre ans plus tard, même si là on est dans la co-prod italo-américaine). La frontière est mince entre les grands films et les chefs-d'oeuvre; toutefois, contrairement au monumental Voyage au Bout de l'Enfer du même Tchimino, je n'arrive pas à ranger La Porte du Paradis dans la dernière catégorie. La faute à des personnages que je n'ai jamais trouvé réellement attachants, à une certaine froideur, une distance et une virtuosité qui me semblent écraser quelque peu la force dramatique du film. Dans Voyage au Bout de l'Enfer, la longue séquence de mariage, en plus d'être filmée avec une maestria toute invisible et géniale, c'est hyper humain; l'épisode vietnamien est immersif et traumatisant; la transformation mentale du personnage de Walken est poignante; le retour aux pénates de De Niro, les retrouvailles avec Meryl Streep, la famille tout ça c'est juste bouleversant. Bref, je n'ai rien retrouvé de tout ça dans La Porte du Paradis, malgré toutes ces scènes intimistes qui importent autant si ce n'est plus que les batailles. Mais bon, je le trouve tout de même remarquable en bien des points hein, faut pas déconner. Je dois avouer que la copie (version longue) dans laquelle je l'ai vu était pas mal fatiguée; une prochaine redécouverte en HD ne peut être que bénéfique.
RépondreSupprimerLdF
Exact pour "Il était une fois en Amérique", mais effectivement c'est moins directement un film de grand studio américain.
SupprimerJe pense être également plus profondément sensible à "Voyage au bout de l'enfer", mais en fait les deux films, gigantesques par l'ampleur et l'ambition, ne m'apportent pas tout à fait les mêmes émotions. Dans "Voyage au bout de l'enfer" je suis bouleversé par des choses assez minuscules, pratiquement imperceptibles, qui passent entre les êtres, dans les regards, et dans des conversations toutes en surfaces, secondaires, futiles mais profondément minées, chargées du poids du non-dit et de tout ce que qui a précédé. Dans "La Porte du paradis", même si les personnages sont très beaux et partagent des scènes touchantes, c'est plutôt l'émotion d'un grand ballet, d'un mouvement général sublime, ce qu'on peut ressentir devant les meilleurs moments des meilleurs comédies musicales, un plaisir moins intellectuel que sensoriel. Dans les deux cas c'est grandiose.
D'après Télérama (http://www.telerama.fr/cinema/la-porte-du-paradis-l-epopee-maudite-de-michael-cimino,94108.php) la première mouture de "la Porte du paradis" durait 5h25.
SupprimerC'est peut-être celle qu'il faudrait voir pour retrouver ces choses minuscules qui ont dû être sabrées dans les versions suivantes.
Non vu. Pas dans mes priorités. Un film qui semble diviser et dont on parle peu même dans les cercles cinéphiles. Absent du top 250 imdb : ne prouve rien *mais*. Bref des doutes certains sur la crédibilité des éloges dithyrambiques qu'on trouve ça et là dont ici. Bon film probablement, exceptionnel cela serait connu après trente ans.
RépondreSupprimerDouter de la crédibilité de ces éloges c'est un droit absolu, mais accorder le moindre crédit au top 250 IMDB, c'est plutôt douteux. A s'y fier, "L'aurore" de Murnau ou "La Règle du jeu" de Renoir, qui n'y figurent pas, ne seraient pas des priorités non plus et n'auraient rien d'exceptionnel.
SupprimerEnfin, tant que les cinéphiles, même eux, rechigneront à voir le film, il n'y aura rien d'incroyable à ce que son caractère "d'exception" reste méconnu, même après 30 ans.
Disons que ce top 250 sur IMDB est un bon baromètre des goûts actuels des cinéphiles d'un peu partout dans le monde (et connectés). Après, quand je vois des trucs boursouflés comme Matrix, Pulp Fiction ou Fight Club (ou pis encore, l'assez gnangnan Guerre des Étoiles) atteindre les sommets du top tandis que les grands films de Ford, Hawks ou Mann sont loin derrière ça me fait un peu dresser les cheveux sur la tête mais bon, tout l'égout sont dans la nature ;)
SupprimerLdF
Sans parler du fait qu'à s'y fier Christopher Nolan est un des quelques grands Dieux du cinématographe. Tu parles d'une connerie.
SupprimerLe top IMDB, c'est pas aussi là qu'on a longtemps fait de 'La Ligne verte' (ou des 'Évadés', je sais plus) l'Everest indépassable des cimes cinématographiques ? Tu parles d'une connerie (bis).
SupprimerLes Evadés !
SupprimerEt dis-toi qu'un gros papelard sur ce film traîne dans nos tiroirs. :)
J'en tremble d'avance... :D
SupprimerQue vient faire Nolan dans cet article ? On ne peut jamais être tranquille...
RépondreSupprimerNan mais allo quoi ?! C'est pas parce que le film a 30 ans qu. il est un chef d'oeuvre ! Four commercial à l'époque tu m'etonnes ! Je suis assez fier d'avoir déjà tenu 2 heures de ce spectacle d'un ennui mortel. Scenario vide de contenu, scènes interminables, film bruyant,
RépondreSupprimerbref
Qui a dit que c'est parce qu'il est vieux de trente ans que ce film est un chef-d’œuvre ?
SupprimerSi elle était mieux tournée, je replacerais volontiers ta dernière phrase en exergue à tout propos sur les derniers films de Christopher Nolan.
@Stavros :
SupprimerTu as donc compris de quoi il causait , notre ami ci-dessus, l'Only Ray ? Bravo. Parce que, pour moi, c'est aussi intelligible qu'une défourraillade de Nostradamus...
Ce dossier westerns était pas mal du tout, mais perso, j'aurais bien remplacé Bandidas ou les burrowers contre un bon petit western spaghetti bien givré, ça manque un peu...
RépondreSupprimerC'est vrai que ça manquait d'un bon petit Paolo Bianchini de derrière les fagots ou d'un Franco Rossetti bien cradasse. J'aurais aussi bien vu ça à la place de Bandigrasses ou de Pas-de-Braguette et Kiki Ze Kid moi.
SupprimerLdF
Bandidas et The Burrowers c'était des petites soupapes dans le flot d'articles élogieux de notre dossier. Concernant le western spaghetti, on s'est fait la remarque, mais on s'est arrêté là.
SupprimerBon. J'ai flairé, enquêté, pisté, et.... trouvé !
SupprimerJ'ai un scoop, les gars:
Christopher Nolan est le pseudo américain de Christophe Honoré.
Ils sont une seule et même personne.
Je pense que comparé à Christopher Nolan, Christophe Honoré est un saint homme et un génie du cinématographe, et c'est un type qui a brûlé tous les dvds de ses films loués dans le dernier Vidéo-Club du département dans un grand feu de joie au milieu de son jardin qui vous dit ça.
SupprimerS'il y a un tic visuel repérable dans 'La Porte du Paradis', il n'est pas vraiment dans l'emploi de « gélatines » au sens où l'entend ci-dessus l'un des multiples avatars de Lisa Frémont. (En fait, les gélatines, au cinéma, ce sont des filtres colorés, qui ne donnent pas forcément un aspect doucereux à l'image. Si je ne me trompe, cet aspect est obtenu par la combinaison d'un objectif spécial et d'un « diffuseur » placé devant la source de lumière.) Le filtre qui me gâche parfois un peu la vue dans le film de Cimino, c'est plutôt celui qu'il utilise pour assombrir la partie supérieure du ciel tel qu'il apparaît dans certains plans. Ça plombe un peu l'image, artificiellement.
RépondreSupprimerMais au regard de l'immense expérience que représente la vision de 'Heaven's Gate', c'est de la chichipoterie, tout ça, et je souscris à quasiment tout ce que Rémi écrit à propos du film !
Précision : il est arrivé dans certains films qu'on obtienne un aspect réellement gélatineux en apposant une substance flasque du type vaseline directement sur l'objectif. Ce fut par exemple le cas des horribles plans, littéralement dégoulinants, tournés par Robert Wise pour le moment du coup de foudre entre Natalie Wood et Richard Beymer dans 'West Side Story'. (Film dans lequel tout ce qui a été filmé par Jerome Robbins est, par ailleurs, très beau).
RépondreSupprimerLa scène que tu décris (avec cet effet de flou sur tout le plan SAUF sur les deux sujets du coup de foudre, obtenu donc par voie de vaseline, charmant...) est à mon sens la seule scène vraiment poussive et donc un peu ratée de West Side Story, qui reste, malgré elle, et même avec elle, une merveille.
SupprimerSans vouloir tomber dans le systématisme « Wise vieux routier académique, Robbins réalisateur néophyte et génial », je dirais quand même qu'il y a un peu de cela dans WSS, mais là où je te rejoins c'est que c'est un miracle que le film reste si fort malgré certains des tunnels robertwisiens : en gros, toutes les scènes non dansées, sauf celle du bal qui précède immédiatement le « coup de foudre », tournée après la mise à pied de Robbins. (« Mauvais cinéaste » ne rime d'ailleurs pas forcément avec « mauvais homme » : il semble que Wise se soit très bien comporté avec son co-réalisateur après le renvoi de ce dernier suite à l'interminable tournage de la séquence « Cool ». Il aurait scrupuleusement respecté la préparation par Robbins de la danse du bal, et lui aurait permis d'exercer son droit au montage du film.) La séquence « Gee, officer Krupke », tournée par Wise, n'est pas si mal, de même que la dernière séquence. Le vrai problème, c'est que Wise ait imposé Beymer pour le rôle de Tony : il est vraiment trop mollasson, et ne tient pas le coup face à Russ Tamblyn et à Chakiris (amené, pour sa part, par Robbins). Sans parler (j'en parle quand même) de l'ébouriffante Rita Moreno, qui est pour moi l'interprète la plus mémorable du film (même si j'aime bien Natalie Wood, par ailleurs). Ceci étant dit, de Beymer aussi, le film se remet !
SupprimerJe n'ai rien de particulier contre Beymer j'avoue. A la limite je trouverais plus à redire sur le doublage de Natalie Wood, que j'adore par ailleurs. Le film s'en remet amplement on est d'accord. En revanche, il sera plus difficile de se remettre de ça : http://collider.com/steven-spielberg-west-side-story/
SupprimerHeureusement, j'y crois peu... mais l'avenir me punira peut-être de mon incrédulité ! Du coup, ce qui me frappe le plus dans ce numérique papelard, c'est qu'ils citent Robert Wise, mais ne parlent pas un instant de Jerome Robbins. Typique.
SupprimerJe me rappelle qu'au début des années 90, il avait été question d'un remake de 'Citizen Kane'. C'était peut-être une fausse rumeur (qu'on aime ou pas le film de Welles, c'est quand même le film par excellence qu'on ne peut pas « décliner », même si Scorsese pense sans doute l'avoir fait dans 'Aviator'), mais il est permis de s'amuser à imaginer quel acteur en vogue à l'époque aurait été susceptible de reprendre le rôle-titre : Woody Harrelson ? Kevin Costner ? Alec Baldwin ?
Contrairement aux deux autres, Woody Harrelson est de nouveau au top !
SupprimerEntendu ce soir à la téloche, sur Arte, à propos de Noé d'Aronofsky, une intervenante spéciale cinoche causait des problèmes rencontrés par le film dans certains pays, où il est censuré, et ajoute "Bon personnellement, je crains le pire hein, le film a été monté et remonté 6 fois, il y a eu des problèmes sur le plateau avec l'actrice Emma Watson qui est tombée malade car Darren Aronofsky l'a obligée à boire de l'eau croupie et l'a incitée à se servir de sa maladie pour jouer juste... Je le sens mal ! (et aux autres personnes autour d'elle :) Vous vous rappelez de ce film, Haven's Gate qui avait coulé les studios dans les années 70 ?" et là, la présentatrice répond aussi sec "La Porte du Paradis, oui. Chef d’œuvre. Film sublime de Michael Cimino" et l'autre d'enchaîner "Oui bon... je pressens le pire pour ce Noé...". Désaccord manifeste sur le plateau...
RépondreSupprimerComme le dit Marc-O ONPPATLM, et c'est ça qui fait la diversité dans notre monde de merde !
SupprimerJe suppose que vous avez vu la version définitive, 3 h 30, de La Porte du paradis. Œuvre « démesurée », « magistrale », « gigantesque », « époustouflante », « prodigieuse », comment ne pas être d’accord avec ces qualificatifs si l’on prend chacune des grandes scènes ? Je suis déjà moins d’accord pour reconnaître à Cimino un « art du récit ». Dans L’Année du dragon, oui. Ici, non. Contrairement à Ophuls qui liait intimement les mouvements de caméra et le scénario ; contrairement à Sternberg qui parvenait à styliser les mouvements de foule (en réalité une poignée de personnes) qui résonnaient et donnaient un sens à ses films (je pense notamment à Dishonored), Cimino, dans La Porte du paradis, réussit à étouffer son récit sous le poids d’une mise en scène trop vibrionnante, et sous des longueurs insupportables, du moins dans la version longue d’origine. Cimino semble considérer que les scènes de foules en grappe, toutes sortes de foules, reconstituées avec de réels figurants signifient ou, mieux, signent la réalité. Certes, c’est beaucoup mieux que les foules reconstituées par des effets spéciaux. Mais, au final, c’est comparable : quoi qu’il semble, il n’y a de style ni dans l’une ni dans l’autre de ces reconstitutions. Par ailleurs, il y a l’intention de lier l’histoire romanesque entre Kris Kristofferson et Isabelle Hupert avec celle de la guerre du comté de Johnston, un peu à la manière de Autant en emporte le vent dans un autre contexte. On est loin du compte. D’abord ces scènes sont parfois interminables, ensuite elles sont banales, et enfin Isabelle Huppert n’est pas crédible dans le rôle de la tenancière de bordel (la comédienne n’est pas en cause). Le film aurait pu être passionnant, audacieux et très dérangeant si Cimino ne s’était pas pris pour Dieu créant le monde. Audacieux et dérangeant, son film le reste quand même un peu, mais il l’aurait été davantage si le réalisateur-scénariste avait davantage resserré l’histoire autour de ces propriétaires qui se croient au-dessus des lois avec l’assentiment de Washington. L’avant-dernière séquence, celle de la bataille des immigrés contre les propriétaires, aurait dû nous faire retrouver le fil mais, là encore, c’est beaucoup trop long (envie de dire à Cimino : « Arrête, on a compris ! ») et, de plus, trop invraisemblable (la formation en tortue romaine adoptée en quelques minutes par les révoltés sur les conseils d’un Kristofferson deus ex machina, sans parler d’une Huppert caricaturalement romanesque chevauchant héroïquement sous les balles et les évitant).
RépondreSupprimerTrès bonne intervention, Anonyme de 18h04, avec laquelle je me sens à la fois (ce qui n'est pas confortable !) à la fois d'accord et pas d'accord. Cela appelle une réponse détaillée, que je tenterai pour ma part de faire dès que possible, n'étant en ce moment que de passage sur ce site !
Supprimer(En tout cas, d'ores et déjà la référence à Sternberg est particulièrement bienvenue, en sus de celle à Ophuls, avec ou sans tréma, que Rémi avait déjà faite. Ce sont d'évidence là, avec King Vidor, des influences majeures de Cimino, beaucoup plus en fait que John Ford, auquel on le ramène — et il prête à se laisser ramener — constamment.)
Outre le fait que je ne trouve personnellement aucune longueur à ce film (dans sa version longue de 3h30 évidemment, et c'est d'autant plus admirable), et que je trouve, au contraire de vous, cher anonyme du 10 juillet à 18h04, à Cimino un vrai sens du récit, comme dit dans l'article, je reviendrai sur un argument qui me semble être au cœur de votre commentaire. A savoir celui-ci :
Supprimer"Cimino semble considérer que les scènes de foules en grappe, toutes sortes de foules, reconstituées avec de réels figurants signifient ou, mieux, signent la réalité. Certes, c’est beaucoup mieux que les foules reconstituées par des effets spéciaux. Mais, au final, c’est comparable : quoi qu’il semble, il n’y a de style ni dans l’une ni dans l’autre de ces reconstitutions."
Auquel j'ajouterais, car cela me semble relever plus ou moins de la même idée, vos reproches quant à une Isabelle Huppert "pas crédible" en mère maquerelle et à une tortue romaine "trop invraisemblable".
Je ne suis en réalité pas certain de bien comprendre la première citation, vous parlez d'abord de "signer la réalité" par les scènes de foule puis d'absence de "style" dans la reconstitution historique. Pouvez-vous expliciter votre pensée ?
Il me semble quoi qu'il en soit que Cimino, malgré les apparences, n'a pas grand chose à faire de la réalité (dans le sens où vous semblez l'entendre). Les grandes scènes du film sont extrêmement chorégraphiées, composées, orchestrées, et sont finalement pensées en triptyque dans une volonté symbolique et discursive, très forte. Cimino abandonne même les vagues velléités réalistes de sa scène inaugurale (autour de l'arbre des diplômés) dans la seconde scène de danse, quand, comme je l'évoquais dans l'article, Kris Kristofferson et Isabelle Huppert se retrouvent seuls au détour d'un (faux-)raccord (ma mémoire me fait défaut sur les modalités précisés dudit passage - dans tous les cas très bref et tout sauf évident - entre le moment où la salle de bal est pleine à craquer de citoyens enjoués et celui où elle est, avec son petit orchestre du dimanche, comme par magie exclusivement réservée aux deux amants esseulés). Et la fin du film, à mon humble avis, s'éloigne encore plus radicalement de toute idée de réalité, de vraisemblance ou de vérité historique. Les boucles parfaites formées par les assaillants et les assaillis ne sont pas plus crédibles que la formation en tortue romaine, et encore moins qu'Isabelle Huppert chevauchant parmi les balles. Le film tient de la fable politique (la séquence finale, où Kris Kristofferson voir fuir ses idéaux dans son costume blanc sur un beau bateau blanc, s'inscrit pleinement là-dedans), et Isabelle Huppert, dans l'ultime affrontement, est peut-être aussi peu vraisemblable que l'incarnation de la liberté guidant le peuple chez Delacroix. "La Porte du paradis" serait en somme, si je puis dire, et je peux me tromper, un film plus romantique que réaliste.
Pour moi le style est l’opération un peu mystérieuse qui conduit à montrer ou dire davantage que ce qui est montré ou dit. Le style se laisse voir ou apercevoir (ou sentir) sans prendre la place de ce qui est montré ou dit. Il forme avec ces deux-là un tout indissociable et permet une distanciation, elle-même génératrice d’une sorte d’émotion quasi indicible. Bien évidemment le style doit imprégner toute l’œuvre. Une scène ou un chapitre stylé ne font pas à eux seuls un film ou un livre stylé.
SupprimerPar signer la réalité j’entendais : la labelliser. Mais, comme vous citez Delacroix et que la comparaison me paraît bien vue, je mets un bémol.
En fait, la conclusion de votre article me fait comprendre — c’est là le but des échanges et je vous en remercie — ce qui ne me convient pas dans La Porte du paradis, à savoir le dosage entre réalisme et romantisme ou romanesque. Je trouve dommage d’affadir l’histoire de la guerre du comté de Johnston par des amourettes aussi élaborées, aussi longues, aussi banales, et, qui plus est, surlignées par le contexte de la prostitution (ce qui est un peu facile et hors sujet). Le caractère intolérable et révoltant des actes de l’association des propriétaires m’apparaît comme une sorte de faire valoir à ces enjeux amoureux, alors que le contraire eut été préférable (pour moi). Combien plus intéressante et conséquente aurait été une histoire d’amour, s’il en fallait une, entre une immigrée et Kristofferson et Walken. Vous me direz : Mais Huppert est une immigrée (on l’entend parler français à une ou deux reprises). Oui, mais c’est ambigu, on n’est sûr de rien, elle n’est jamais montrée comme telle, un gouffre formel la sépare des autres.
Oui, la scène du bal dont vous parlez, avec son faux raccord sur les amoureux esseulés (ne seriez-vous pas un peu fleur bleue ? – ce n’est pas un reproche) est jolie, belle même, mais hors sujet encore puisque, pour moi, le sujet est la guerre du comté de Johnston.
J’avais vu à l’époque, à Cannes même (mais ouiiii !), la version que Cimino avait écourtée sous la menace des flingues des producteurs affolés. Je l’avais trouvée magnifique, comme ont pu être magnifiques tant de films américains où les réalisateurs rusaient avec les exigences commerciales des producteurs. Dans La Porte du paradis version définitive, c’est-à-dire celle qui a été livrée aux producteurs, Cimino ne ruse pas, il fait ce qu’il veut et par la même occasion il pompe ses financiers, les ruine et les oblige à mettre la clé sous la porte. Sincèrement, bravo ! Mais le film qui en est résulté ne me paraît pas à la hauteur de cette magnifique opération kamikaze anticapitaliste.
Je n'ai pas le temps de faire plus long dans l'immédiat. Mais juste un détail : le personnage d'Isabelle Huppert fait clairement partie des immigrés, et son nom est sur la liste des 125 personnes à abattre dressée par l'association d'éleveurs.
SupprimerUn autre détail : il se pourrait bien que je sois un rien fleur bleue, oui, disons sentimental.
Oui, certes, Huppert est sur la liste, ça ne m'avait pas échappé. Mais elle se fait parfois payer avec du bétail, ce qui est vu comme une incitation au vol dudit bétail et qui est la raison plus ou moins explicite à la présence de son nom sur la liste, d'autant plus que c'est une pute. Il se peut que vous ayez raison et qu'elle soit très explicitement désignée comme une immigrée. Je crois que non mais je n'ai pas le courage d'aller vérifier. Je me demande si nous n'avons pas ouvert la porte de l'enfer...
RépondreSupprimerEt dire que j'ai offert le magnifique DVD à mes parents pour Noël 2013 et ce Noël dernier il était toujours sous plastique. Déprimant...
RépondreSupprimerJ'ai eu envie de leur reprendre et puis, je me suis raisonnée. Je leur ai redit qu'il était absolument vital de le voir !!
On verra la prochaine fois s'il est toujours sous plastique...
Dur... J'imagine ton impatience.
RépondreSupprimerSalo pour le coup ma mère connait. Je n'aurais jamais osé leur offrir ce film ni à qui que ce soit. Ça doit une démarche personnelle de choisir de voir le film ou pas d'ailleurs :)
RépondreSupprimer