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31 juillet 2017

Si j'étais un homme

L'autre soir je rejouais tout seul à un jeu de société de David Gentle, un party game intitulé "La boîte à quizz", et je m'estramassais en particulier tous les quizz de la section "Cinéma et télévision", étant à peu près sûr de cartonner, en ma qualité de blogueur ciné. L'un des quizz portait sur les accroches de films : "Identifiez les films à partir de ces accroches". L'énoncé est clair. Objectif à atteindre : en reconnaître 7 sur 12. J'en ai trouvé 4, dont l'efficace "Ne rien oublier, ne rien pardonner, ne rien oublier", issue de La Mémoire dans la peau, "Sept péchés capitals, sept façons de crever", tirée de l'affiche de Se7en, la fameuse "Houston, on a un souci" d'Apollo 13 (toujours pas vu les 12 premiers) et la géniale "Ils étaient sept et se sont battus comme sept cents", l'accroche mythique des 12 salopards. Il y en a encore sur lesquelles je bute comme un fou, notamment "Dans l'espace, personne ne vous entend crier", que j'aurais tendance à attribuer au film Papa de Maurice Barthélémy, aka Pue-le-pipi, car je crois me souvenir que le film se déroule presque entièrement dans un Renault Espace, mais il me faudra vérifier.


Une symbolique très fine.

Bref, tout ça pour dire que je me suis retrouvé devant Si j'étais un homme, le dernier film en date d'Audrey Dana, qui avait déjà commis l'irréparable avec Sous les jupes des filles, et qu'avant même de le regarder, j'ai contracté une rage énorme devant l'affiche et sa tagline, son accroche : "Un matin, elle s'est réveillée avec un truc en plus", qui suppose que les hommes auraient quelque chose de plus que les femmes, pas autre chose, pas un autre organe génital, différent de celui des femmes qui en ont un aussi, non, un truc en plus, parce qu'avant l'héroïne, en tant que femme, avait donc un truc en moins. Si le personnage interprété par Audrey Dana (pour ne pas dire Audrey Dana elle-même, car je ne veux pas tomber dans ce petit jeu) a quelque chose en moins, c'est une case, ou deux maximum, mais pas un zgeg. Donc déjà, rien qu'avec l'affiche et l'accroche, j'avais envie de tout faire flamber chez moi et de lancer le film dans mon salon en brûlant avec.


Hommage à Robert Aldrich et à la scène de l'ouverture de la valise dans Kiss me Deadly, un modèle assumé pour Audrey Dana.

Mais j'ai vu le film sans tout faire cramer, même si j'avais le briquet allumé en permanence, tendu à un centimètre du rideau de ma baie vitrée, du début à la fin. Et le film est à l'image de l'annonce. Ignoble. Voulant évoquer la question des différences entre l'homme et la femme et la théorie du genre à travers une comédie, noble projet s'il en est, Audrey Dana se vautre et inspire la pitié. Ne portant aucun véritable discours, le scénario se perd dans des clichés exaspérants, par exemple quand l'héroïne, parce qu'elle est désormais dotée d'un pénis, éprouve une sorte de désir insatiable, permanent et incontrôlable pour toutes les femmes qu'elle croise, y compris sa meilleure amie, quand bien même elle est encore, pour tout le reste, une femme hétérosexuelle ; ou encore quand elle se révèle soudain une "femme" à poigne, disons qui a des couilles, au boulot, comme par magie, par la grâce de sa verge. Sérieusement ? Audrey Dana veut peut-être (on l'espère) critiquer notre société patriarcale et phallocratique en montrant qu'il lui suffit d'être tout à trac équipée d'un zizi pour que cela impacte l'image que l'héroïne se fait d'elle-même, mais elle dit tout l'inverse. Sa révolution personnelle semble entièrement physique, naturelle : un homme, c'est comme ça. Et tout ce binz de se boucler comme il se doit : retour à la "normale" grâce à une intervention du ciel, et la dame de finir heureuse en couple avec un homme, entourée de mille enfants.


Christian montre à Audrey comment marche l'asperge en ressortant le vieux grimoire du mage Eusæbius. Per Horus et per Rha et per solem invictus, duceres ! Entre parenthèses, l'héroïne se plaint d'avoir une "bite" (mot qui rend Clavier complètement taré à plusieurs reprises), mais à sa place je m'inquièterais plutôt d'avoir la jambe à moitié blanche à moitié black.

Mais plus globalement, Audrey Dana a le tort de prendre pour pivot un personnage complètement débile sans, et c'est là que le bât blesse, car c'est souvent quitte ou double, sans qu'il soit jamais drôle. Son héroïne est donc profondément inintéressante quand elle n'est pas embarrassante. Ses questions autour de son nouveau jouet (par exemple quand son gynécologue, interprété par Christian Clavier, lui conseille de se masturber aussi souvent que possible (!) et qu'essayant elle demande "C'est normal que ça ne se relève pas ?") sont dignes d'un enfant de moins de deux ans, alors qu'elle est censée avoir eu deux gosses. Et tout est à l'avenant, rien n'étant crédible, jusqu'au prénom de la voisine et meilleure amie du personnage principal, interprétée par Alice Belaïdi, qui se prénomme Marcelle... Marcelle !... On est quand même content pour Audrey Dana à la fin du film, car elle semble s'être fait un petit plaisir perso dans la scène où elle s'adonne à un strip-tease intégral sous l'orage. Et puis, si l'on veut essayer de sauver les meubles, on peut saluer la performance de Christian Clavier en gynéco surexcité. L'éternelle Fripouille parvient à nous faire décrocher quelques rires dans les scènes où il intervient comme souvent en électron libre, y allant à l'instinct, tout à l'impro, bien conscient d'être seul capable (car il ne fallait pas compter sur Elmosniño...) de dérider le spectateur devant un tel naufrage.


Si j'étais un homme d'Audrey Dana avec Audrey Dana, Christian Clavier, Eric Elmosnino et Alice Belaïdi (2017)

8 juin 2011

Papa

C'était le deuxième film de Pulpipi, après la parodie de biopic Casablanca Driver qui avait fait quelques émules. Voulant se forger une image de cinéaste crédible et offrir à Alain Chabat son Tchao Pantin, Maurice Barthélémy sortait de la comédie avec un road movie dramatique, oscillant entre le larmoyant et la comédie familiale. Le résultat c'est un film d'une heure et dix minutes qui se prend au sérieux et qui nous prend le chou bien qu'il se veuille modeste et simple avec sa petite Renault 5 poussiéreuse dans le premier rôle. Dans le second rôle, le gros Chabat plus vrai que nature, Monsieur tout-le-monde en jean moule-bite, affublé de tous ses pires défauts : points noirs, cheveux gras, démarche de quinqua. Il accomplit tous les gestes obligés du type qui fait un trajet trop long en bagnole. Qui du gars qui se surprend à ouvrir la fenêtre pour sauver son passager de l'asphyxie par le pet, qui de celui qui règle cent fois son rétro pour mieux apercevoir le décollebac de la meuf au volant de la voiture qui le double, qui de celui qui, au péage, fait tomber sa pièce et doit l'attraper sous sa roue, en se contorsionnant pour ouvrir sa portière, mais sans l'ouvrir complètement car elle est bloquée par la borne, et lui-même l'est par sa ceinture, obligé de se détendre et de lâcher la pédale de frein au risque de se rouler sur les doigts tandis que 2000 routiers barraqués et tatoués ont déjà la rage derrière.



Quid de celui qui à la station essence se paye, fier de lui, et à 70 centimes la tasse, un bon café avec supplément de sucre bien mérité après 9 heures de route, et constate que son gobelet n'est rempli qu'au tiers, pire, qu'un tiers de ce tiers est un bloc de sucre figé au fond du récipient, lui rappelant immédiatement le fond de ses chaussettes. Qui n'a pas fait une partie endiablée mais quand même chiante sur la fin de Pyramide avec son chiard impatienté par le trajet ? Qui n'est pas tombé en panne sous des trombes d'eau sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute, contraint de s'abriter du déluge avec son manteau pour aller téléphoner à un connard depuis la borne située trois kilomètres plus loin ? Qui n'a pas eu envie d'étriper son propre moutard en se cognant le petit doigt contre le genou moite de ce dernier au moment de passer la cinquième, après bien sûr le tête à queue occasionné par ce petit contre-temps ? Bref, tout y est, tout y passe dans ce petit guide du routard illustré. Pour faire un film pareil, si prolixe en détails au plus proche des petites gens, il faut nécessairement qu'il soit un peu autobiographique. Donc, si j'en tire de trop hâtives conclusions, je dirais que s'il n'est pas vraiment boxeur, Barthelemy s'identifie en tout cas à un type qui a buté son fils. Car c'est ça qui se trame derrière cette histoire de bagnoles et de petites cylindrées. Entre quatre vannes qui tombent forcément à plat et que la bande-annonce avait déjà révélées, condensées sur trente secondes, Barthélémy nous fusille l'esprit avec cette histoire de deuil impossible teinté de culpabilité et cette relation homme-fils crevante.



Le soupçon d'autofiction déguisée est alimenté par le caméo, à la toute fin du film, de Judith Godrèche, alias Madame Pulpipi et désormais Pulpipi à la ville comme l'écran, qu'Alain Chabal et son fils retrouvent enfin en quittant leur bagnole adorée après un voyage de 180 jours autour du monde pour retrouver le chemin des filets. Le deuil est une pilule plus facile à avaler pour cette femme propre sur elle qui, étant enceinte d'un troisième enfant doté d'après l’échographie d'un siège rehausseur collé au cul, a moins de mal à oublier. Elle est d'autant plus sereine que son compte en banque n'est pas dévalisé par les 40000 euros de péage que Chabat a déboursé d'un bout à l'autre du film. A la fois c'est peut-être parce qu'elle voit arriver Chabat au lieu de Barthélémy que Godrèche a l'air si jouasse à la fin du film, oubliant son rôle par la même occasion. Chabat est vraiment très très laid quand on le regarde bien sous certains angles (je me permets ce coup bas car ce rôle sérieux et "mignon" a contribué à me le rendre détestable), mais à côté de Barthélémy, c'est un boulevard. Godrèche a pour ligne de conduite de s'enfiler tous les comiques très petits et puant le pipi de la place publique : de Dany Boon à Barthélémy et à quand Mimie Mathy ? Ce film m'a tout de même ému, notamment quand on voit Chabat verser une larme dans le rétro, derrière ses lunettes de soleil, car il m'a rappelé ma propre vie. Quand mon chien Über-Jason est mort, mon père a dit : "Je vais faire un ride en bagnole", il n'est jamais revenu...


Papa de Maurice Barthélémy avec Alain Chabat et Judith Godrèche (2005)