28 mai 2011

Viridiana

Écrit en collaboration avec notre rédactrice à temps partiel, Nônon Cocouan.

En 1961, Jean Giono, président du festival de Cannes, remet une double Palme d'Or au film français Une aussi longue absence d'Henri Colpi et au Viridiana de Luis Buñuel. A revoir le film aujourd'hui, on se demande comment il a pu arriver jusqu'à la sélection, comment même Buñuel a pu le sortir en 1961, soit un an après l'interdiction aux moins de 18 ans infligée au premier film de Godard, A bout de souffle, et un an avant que Vivre sa vie ne subisse le même le sort. Le film engendra bien un scandale, autant cinématographique que politique, puisque ses copies furent saisies en Espagne après que le Vatican et Franco le jugèrent blasphématoire, mais il put exister grâce à une certaine "intelligence de la censure" de Buñuel et reçut tout de même la récompense suprême largement méritée.



Le film raconte l'histoire de Viridiana, interprétée par Silvia Pinal, qui vit dans un couvent et s'apprête à prononcer ses vœux. Son oncle, joué par l'excellent Fernando Rey, avec qui elle n'entretient que des rapports lointains, lui demande de lui rendre une dernière visite avant sa prise de voile. Elle s'exécute et découvre peu à peu que le vieil homme, bouleversé par la mort de sa femme (la tante de Viridiana) a quelques idées incestueuses à son sujet. Don Jaime propose même à la jeune religieuse de l'épouser, mais suite à son refus, il lui demande une ultime faveur : se parer de la robe de mariée de feu son épouse. L'obligeante Viridiana accepte et son oncle profite du repas pour la droguer puis l'emmener dans son lit. Réglant encore ses comptes avec son enfance, Buñuel, comme à son habitude, nous offre un festival de fétichisme plus ou moins subtil mais toujours savoureux. Cela peut être parfaitement explicite, comme quand le cinéaste s'en donne à cœur joie dans la symbolique la plus crue en filmant la jeune femme pieuse hésitant à traire une vache et frémissant à l'idée de se saisir de son pis sous le regard libidineux d'un paysan. C'est aussi une simple corde à sauter qui prend une dimension étonnamment sexuelle quand le vieil oncle tourne autour d'une fillette jouant à la corde qu'il incite crapuleusement à sauter encore et encore. Buñuel filme alors les jambes nues de l'enfant dans un plan qui rappellerait presque Bresson, où l'innocence de l'enfant est corrompue par le désir de Dom Jaime et où les poignées de la corde à sauter révèlent une forme étrange. C'est - attention les deux lignes qui suivent révèlent des éléments clés de l'histoire - avec cette même corde à sauter que l'oncle se pend quand Viridiana fuit la maison, et c'est avec celle-ci que Viridiana sera ligotée lors d'une tentative de viol par des mendiants à la fin du film.



Toute la première partie du film est ainsi fondée sur le désir et le fantasme, thèmes chers à Buñuel, qu'ils soient incestueux ou blasphématoires. Il faut voir ainsi comment ce génial saligaud de Buñuel filme cette bonne-sœur qui retire ses bas avant de se coucher... A ce titre le choix d'une superbe blonde comme Silvia Pinal dans le rôle d'une nonne pousse immédiatement le spectateur dans ses derniers retranchements et le contraint à condamner l'oncle tout en s'identifiant à lui. Buñuel lui-même considère cet homme avec tendresse et lui voue une certaine sympathie, et il est vrai que Don Jaime est touchant dans sa détresse affective et dans son besoin de retrouver un amour perdu.



Après un événement majeur concernant le personnage de l'oncle, le film prend un virage pour se tourner vers une seconde histoire, quand Viridiana, qui est persuadée d'avoir perdu sa virginité dans la nuit passée avec Don Jaime et qui en conséquence considère avoir perdu toute légitimité pour accéder au couvent, décide de se consacrer aux pauvres et de fonder une sorte de refuge afin de les accueillir. C'est alors un vrai festival de gueules brisées, de tronches estropiées, un boulevard d'affreux sales et méchants (qui ont dû inspirer Ettore Scola), avec beaucoup d'humour et d'ironie. Par exemple quand les miséreux prient aux côtés de Viridiana en montage alterné avec les images du camp de travail qu'est devenu le refuge. Ou encore lors de la grande scène de festin déjanté où les pouilleux jouissent de tout ce qui est à leur portée dans la maison familiale qu'ils ont investie par effraction. Ils improvisent là une bacchanale où tous les excès sont rois. Buñuel rejoue alors la Cène avec des clochards bourrés à la place du Christ et de ses apôtres dans une séquence magistrale de vivacité, d'irrévérence et d'humour, typique du cinéaste. Celui-ci se défoule et fait brûler la couronne du Christ à l'image pour mieux délivrer ses propres théories humanistes sur le mode : "Donne-le à Bertrand, il te le rend en caguant". On pourrait, ailleurs, s'attendre, au début de la deuxième partie, à ce que la richesse de cœur des mendiants soit opposée à la richesse matérielle des bourgeois dans un discours bien-pensant, manichéen et moraliste. Mais on a droit à Buñuel et chez lui les choses ne sont pas si simples. Toute bonté a ses limites dès lors que l'occasion fait le larron. A la fin, l'idée est claire, "c'est chacun pour soi" comme le dit l'une des clochardes, et au fond tout le monde n'est voué qu'à son propre petit plaisir crapuleux. Néanmoins le cinéaste manifeste une sympathie évidente pour ses personnages et ne se pose jamais en accusateur ou en donneur de leçon. Quant au caractère supposé blasphématoire du film, Buñuel l'a assez dit, il ne s'agit pas pour lui de critiquer ou de ridiculiser la religion, dont il admire l'idéal spirituel, mais bien d'en montrer le caractère illusoire dès que cet idéal est confronté à la réalité et aux bas instincts de tout un chacun.



Là où Hitchcock montrait son doigt à la censure avec le fameux plan final de La Mort aux trousses, où le train phallique de Cary Grant s'engouffrait dans le tunnel d'Eva Marie Saint (pardon...), à son tour Buñuel ne manque pas de déjouer certaines interdictions, notamment à la fin du film, dans une scène qui nous semble pourtant magnifiquement scandaleuse. A l'origine, le scénario prévoyait qu'après avoir été sauvée in extremis par son cousin d'une tentative de viol, Viridiana devait le rejoindre dans sa chambre et le film s'achever par une porte refermée sur leur liaison incestueuse et impie. La censure ayant jugé cette scène "effroyable", Buñuel en prit son parti : Viridiana rejoint son cousin et la bonne en train de jouer au cartes, s'assied à coté d'eux, et s'introduit dans la partie tandis qu'un long travelling arrière les abandonne à leur sort. Non seulement le ménage à trois est explicite et ô combien immoral, mais en plus, histoire d'enfoncer le clou, le cousin dit alors ces derniers mots : "Je savais bien que ma cousine Viridiana finirait par jouer à la belote avec moi". Quand on connaît le double sens de l'expression "jouer à la belote" en espagnol, qui ne signifie rien moins que tirer un coup, ça ne donne pas envie d'aller taper le carton dans un bar espingouin, et ça dit tout du génie scabreux de cet immense cinéaste.


Viridiana de Luis Buñuel avec Silvia Pinal et Fernando Rey (1961)

20 commentaires:

  1. Je ne l'ai pas vu et je comptais le voir, donc merci d'avoir raconté qu'à la fin l'oncle se pend et que Viridiana se fait violer par des brigands.

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  2. Non c'est pas ça qu'on a dit. L'oncle se pend au milieu du film et à la fin les mendiants tentent seulement de violer la fille. Tu peux y aller, on t'a rien dit !

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  3. Silvia Pinal, Maria Sharapova, même combat.

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  4. C'est Sharapova sur la tof ? Ce cul...

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  5. Dès que je la mate jouer elle paume, alors j'arrête de la mater. Quequoi...

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  6. Manderlay > Non. Mais ça pourrait.

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  7. Dommage. Je recherche des photos de Sharapova dénudée (au maximum) depuis 3/4 d'heure (depuis que son match a commencé)...

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  8. Tati Golovine elle s'envoie Sam Nasri.

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  9. Je dirais même plus : Samir Nasri trousse régulièrement Tatiana Golovin

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  10. Très bon article, ça fait plaisir de lire ça et de reparler de ce film.
    Moi j'avais adoré la scène où le cousin de Viridiana s'attaque à la bonne dans le grenier, et que Bunuel conclue la séquence avec un plan où un chat saute sur une souris. En plus du symbolisme amusant, je me suis marré en voyant comment un des gars de l'équipe avait du jeter le chat pour qu'il atterrisse de traviole sur la chaise :)

    Vous devriez faire une semaine thématique Bunuel, son humour et son talent vous réussissent !

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  11. Réponses
    1. Film un peu ennuyeux à notre époque. Le scandale est daté : ce film date de 1961

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  12. Une vision sans illusion sur l'humanité. Bourgeois ou miséreux il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.
    Pour l'époque il fallait le faire :mettre une bande de pouilleux à la place des apotres !

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  13. Le fim est choquant pour l'époque mais plus à la notre ou tout est riduculisé !
    Cette fille n'exiserait plus maintenant, qui pourrait s'idantifier à elle!

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  14. bon dieu quand est-ce que les commentaires sont publiés !

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  15. il y a des commentaires vraiment consternants.

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  16. Film brûlot contre la religion ,la bourgeoise et les pauvres ne sont pas épargnés !

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  17. ce film ne passe jamais à la télé

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