24 juillet 2012

Un Heureux événement

Ce film-là Félix, maso parmi les maso, se l'est lancé un soir en solo. Durant toute la séance il m'envoyait des mails pour évacuer sa douleur devant l'horrible purge de l'ami Bezançon. Et puis il m'a carrément poussé à souffrir ce film moi aussi, histoire de partager sa peine et sa rage. Comme un idiot j'ai obéi, et j'ai vite compris, car dès les premières secondes, dès le générique d'ouverture en réalité, on sait que ce film va nous tuer à petit feu. Bezançon ouvre son histoire par la rencontre des deux protagonistes qui vont bientôt faire l'amour et donner naissance à un enfant, geste synonyme, selon le réalisateur, de "suicide collectif" ou de "commettre la pire erreur de sa vie". Les personnages tombent amoureux dans le vidéo-club où travaille Pio Marmaï et où Louise Bourgoin se rend chaque soir pour louer des films (à l'ère d'internet, passons). Et comme dans un sketch de Bref ou dans un film de Jean-Pierre Jeunet, les deux tourtereaux communiquent sans un mot en se montrant des jaquettes de films qui en disent long sur leur attirance commune et leur permettent toutes sortes de gags sentimentaux réjouissants.




Ainsi Louise Bourgoin, pour taquiner Marmaï, loue En présence d'un clown d'Ingmar Bergman et agite le boîtier sous le nez de son futur compagnon, à quoi notre homme répond en lui suggérant Les Dents de la mer, pour se moquer gentiment des chicots de l'actrice, et puis petit à petit, de taquineries en taquineries, les sentiments affleurent et quand Louise Bourgoin montre à Marmaï la couverture de Je t'aime je t'aime d'Alain Resnais, ce dernier répond par le dvd des Nerfs à vif en sortant son sexe pour le poser sur le comptoir. C'est après ce dernier message subliminal (en réalité les dvds choisis ne sont pas du tout ceux-là, Rémi Bezançon ne connaît pas les films cités, il s'agit plutôt de films du genre Les hommes préfèrent les grosses, Viens chez moi j'habite chez une copine, Allô maman ici bébé et Le Premier jour du reste de ta vie, le réalisateur citant son propre film sachant que personne ne le fera jamais), c'est à la fin de cette séquence tétanisante donc que les deux jeunes gens se retrouvent au lit puis en couple. Et comme dans la plupart des films populaires français ils ont l'air putain de plein aux as alors que Marmai tient juste un vidéo-club (un commerce pourtant sur le déclin, il me semble...) et que l'autre plaie est thésarde en philosophie. Leur situation normalement ultra précaire ne les empêche pas de parcourir le monde, de vivre dans un appartement immense et de s'entre-ruiner dans des lits qui passeraient incognito au Château de Versailles.




Et puis après de nombreuses séquences d'explicit pregnant sex, l'enfant paraît et avec lui le couronnement des emmerdes du couple. Ce film est à déconseiller à quiconque désire, attend ou possède un enfant. Pour être honnête il est à déconseiller à absolument quiconque est doté d'yeux (les "plans" de Bezançon et ses "idées" visuelles sont à vomir) ou à la limite d'oreilles (le film prend régulièrement les atours d'un clip atroce). En fin de compte, seuls nos amis échinodermes pourraient passer du bon temps devant l’œuvre de Bezançon. C'est officiellement le film le plus déprimant du monde, et c'est une arme de destruction massive contre la natalité, contre le couple, contre la vie et la joie. Ce film est un concentré de capharnaüm avec un zeste de gros bourdon, c'est du cyanure dans un grand bol de ciguë, c'est la peste et le choléra qui se tiennent la main, si on est une femme on a envie de gifler son mec tout de suite, si on est un mec on a envie de se jeter par la fenêtre, qui qu'on soit on n'a plus envie de rien, à part de maudire continument Rémi Besançon, Louise Bourgoin (avec sa grosse tronche vulgaire d'arriviste insupportable), Pio Marmaï (déjà à l'affiche du terrible D'amour et d'eau fraîche, et il est assez amusant que pour illustrer un film anti-gosses Bezançon ait choisi un acteur qui s'appelle Marmaille), la chanteuse Anaïs (oui, elle joue dans ce film, duel de freaks avec Bourgoin), Josiane Balasko (celle qu'on appelle Malabar Princess dans le métier) voire même Louis-Do de Lencquesaing (qui n'aura pas chômé en 2011, présent dans mille et un films pour le meilleur et pour le pire).




Sans parler des acteurs, mis au service de personnages tous plus cons, vulgaires et irritants les uns que les autres, on a du mal à dire à quel point on en veut à Rémy (je l'écris volontairement avec un "y") Bezançon de foutre aux gens une déprime énorme alors qu'ils n'ont rien demandé. Cet homme, auteur du Dernier jour du reste de nos vies et de Zarafa, réalise des films qui nous horripilent comme très peu de films parviennent à le faire. Des films toujours hantés par les mêmes idées fixes, les mêmes lubies de détraqué, y compris quand ils s'adressent à toute la famille et sont supposés nous émouvoir. Dans son second long métrage, on croisait Déborah François la bouche pleine de sperme après avoir tout juste perdu sa virginité et s'être vraisemblablement comportée comme une déesse du porno ; ici, Bezançon nous montre Louise Bourgoin demander innocemment à son gynéco quel peut être l'effet d'une trop importante ingestion de sperme sur l'alien qu'elle a dans le ventre, et c'est à nous d'imaginer sans aucun souci l'ex-Miss Météo recevoir la gueule grande ouverte toutes les averses salées de l'infâme Pio. Un exemple parmi tant d'autres ! Il n'y a pas grand chose de plus dégoûtant sur Terre qu'Un heureux événement, film sans rémission, noir, noir, noir, bourdonneux, cafardeux, glauque et malaisant. Ce film est un gros corbac de mauvais augure, un chat noir à trois pattes, un miroir brisé renvoyant les visages morbides des vaniteux qui l'ont concocté. Si on faisait de ce film et de La Guerre est déclarée un seul et même long métrage de plus de trois heures sur deux couples qui ont chacun des emmerdes avec leurs gamins, imaginez un peu ! Ça donnerait un putain de film ma parole ! La fin du cinéma en 180 minutes environ.


Un Heureux événement de Rémi Bezançon avec Louise Bourgoin, Pio Marmaï, Josiane Balasko, Anaïs et Louis-Do de Lencquesaing (2011)