
Une semaine avant la sortie de
The Amazing Spider-Man, Hollywood nous a livré son adaptation du
Bel-Ami de Maupassant. L'imagination ayant totalement foutu le camp chez les scénaristes des grands studios, quand ces derniers ne tournent pas misérablement en boucle sur les pires comics pour adolescents peu exigeants ils s'en prennent à un autre matériau brut, d'une qualité inversement proportionnelle : les grands auteurs classiques. C'est plus rare évidemment, et pour un roman des sœurs Brontë ou de Maupassant taillés en pièces sortent cent films de super-héros, mais le mal occasionné est plus grand. Il est plus grand quand le produit ciné fruit de l'adaptation, d'une qualité médiocre quoi qu'il en soit, massacre un grand texte au lieu de sur-populariser une bande-dessinée déjà populaire et de crétiniser un
comic book déjà crétin. La crétinisation du texte de Maupassant s'organise en deux temps. D'abord celui de la mise en scène, d'une banalité sans faille bien qu'essayant vaguement de passer pour maligne, balisée par le cahiers des charges habituel, le guide du routard hollywoodien, le petit futé du film en bois, le manuel illustré d'Alan Smith en personne. Le film de Declan Donnellan et Nick Ormerod (car ils s'y sont mis à deux…), qui se paye pourtant le luxe d'avoir Maupassant pour scénariste, Maupassant l'un des plus grands et des plus efficaces conteurs de l'histoire de la littérature, nous plonge dans un ennui tel (le film est presque aussi excitant que son homonyme
Bellamy) qu'on se met à observer les plans concoctés par les deux horlas aux manettes et par mille autres manchots avant eux, à scruter chaque travelling et chaque contre-plongée, et il y a de quoi se rendre nauséeux comme on peut l'être face à un Paris-Brest (même si une tarte à la crème serait plus adaptée) quand on en a déjà bouffé des tonnes, à ceci près que ce film n'a pas le centième de la saveur d'un Paris-Brest. Puis, seconde étape de la crétinisation de l’œuvre originale : les comédiens. Et petit interlude imagé avant d'attaquer le second et dernier (faut pas exagérer) paragraphe de cette critique :

Tous les acteurs du film sans exception cabotinent comme des sagouins en donnant à la prose de Maupassant des accents vaudevillesques de théâtre de boulevard. Le cadavre d'Uma Thurman et le squelette de Christina Ricci s'appliquent à foutre en l'air tous leurs dialogues et se rengorgent de vomir ici ou là un mot en français, y compris le titre du film et de l’œuvre source, qui risque d'en pâtir à jamais. La palme revient peut-être à Robert Pattinson, qui minaude d'un bout à l'autre comme la dernière des starlettes glam-rock en mal d'amour (le magazine
Glamour donne d'ailleurs 4 étoiles au film comme nous l'apprend une affiche rose-bonbon proprement hideuse, en affirmant : "
Les Liaisons Dangereuses pour une nouvelle génération", c'est juste dommage qu'ils aient confondu les deux livres). Pattinson en fait des tonnes à coup de froncements de sourcils inopinés et de mouvements de lèvres en tous sens, supposés chavirer les dames. L'acteur se sait boloss et fait tout pour l'être à chaque seconde où il est à l'image (ça fait un paquet de secondes d'auto-masturbation), n'ayant pas encore

compris que c'est en évitant de la quêter que la beauté apparaît. Pattison inverse sous nos yeux le paradigme mathématique selon lequel moins par moins égale plus : plus il en fait des tonnes moins il nous convaincra et si je ne parle que de ce tocard c'est vous dire qu'il n'y a rien à retenir de cet affadissement malingre du roman de Maupassant. Dans les toutes premières scènes le film semble bénéficier malgré lui de la richesse du texte qu'il adapte mais très vite Hollywood dans ce qu'il a de pire reprend ses droits et une superficialité accablante vient martyriser l'écrivain français. Le vrai drame c'est que pour quelques années la couverture de l'édition poche de
Bel-Ami sera à l'effigie vulgaire de ce naveton de premier choix.
Bel-Ami de Declan Donnellan et Nick Ormerod avec Robert Pattinson, Uma Thurman, Christina Ricci et Kristin Scott-Thomas (2012)