3 mars 2012

R.I.F. (Recherches dans l'Intérêt des Familles)

Attal, Elbé. Elbé, Attal... La rencontre de deux monstres sacrés du cinéma. Le Heat français. J'attendais gros de ce film. Le premier film d'un ex-flic, ce qui nous promettait quelque chose de âpre, de réaliste, un thriller brut de décoffrage. Prenant exemple sur l'abominable femme-flic Tonie Marshall, c'est en effet au tour de ce mystérieux "Franck Mancuso" d'entamer une carrière dans le cinéma après avoir servi les forces de l'ordre. Ne me demandez pas pourquoi deux pointures de l'envergure d'Attal et Elbé, deux stars qui croulent sous les propositions, ont dit "oui" et ont accepté de tourner pour un débutant. Le projet a dû leur plaire. Le scénario ? "Du béton armé" selon les dires de cet ex-flic, apprenti cinéaste, qui a écumé tous les plateaux télé à la sortie de son petit bébé car ses deux stars étaient bien trop occupées à enchaîner les tournages. Alors, in fine, qu'en est-il de cette Recherche dans l'Intérêt des Familles ?


Une sacrée brochette...

Attal incarne un flic qui en a ras la casquette, bouffé par son boulot trop prenant où il est obligé de sauver des vies et d'être héroïque 24h/24. Son couple bat de l'aile. Il ne se souvient plus du prénom de son fils. Franck, peut-être. Pour se rabibocher avec sa femme et renouer avec fiston, rien de tel qu'un week-end en famille à la campagne. En Lozère, plus précisément, le salaire d'un flic n'étant vraisemblablement pas assez élevé pour se payer mieux (par contre ils roulent pratiquement tous en BM, allez comprendre). Mais bien évidemment rien ne se passe comme prévu. Sur le trajet, Attal fait une embardée terrible en essayant d'éviter un sanglier. La bestiole est saine et sauve mais le Scénic ne redémarre plus. Attal a beau taper sur le volant, rien n'y fait. Sa femme commence à l'ouvrir, le ton monte, le môme Franck quitte enfin sa Nintendo DS des yeux pour demander "Quand est-ce qu'on arrive ?" avant de se rendre compte que le paysage ne défile plus. La torgnole n'est pas loin. Un vieux lozérien de passage embarque la petite famille vers la station service la plus proche dans son 4x4 dégueulasse. Une main sur le volant, l'autre dans son slip, le vieux plouc mate très lourdement le décolleté pourtant peu ragoûtant de Madame Attal. En réaction, celle-ci se reboutonne jusqu'au gosier et Attal adresse son premier "regard de tueur" de tout le film, ce qu'il reproduira donc à qui mieux mieux par la suite, sa paupière folle l'aidant beaucoup. Arrivés à la station, l'engueulade entre Attal et sa femme reprend de plus belle. Énervé, très con et ayant vraisemblablement regardé très peu de thrillers moisis dans sa vie, Attal décide de laisser sa femme seule à la station service et de repartir avec son fils quand arrive enfin la dépanneuse. Le moteur du Scénic se met à rugir sans que le mécano ne touche à rien. Attal lui demande "Vous avez touché à quelque chose ?!", il lui répond "Non que dalle, j'ai juste ouvert le capot, parole. Vous, par contre, vous avez au moins touché aux clés, rassurez-moi ? Autrement je vous conseille de l'amener au plus tôt chez Volvo. C'est quand même pas net tout ça. Chez Volvo !" Le mécano fait preuve d'esprit, il ne doit pas être lozérien. Ni une ni deux, Attal et son fils retournent à la station. Bien entendu, sa femme n'y est plus. Elle a disbaru. Attal inspecte les alentours et découvre un paysage de désolation dont les couleurs vont du jaune pisse au brun-rouge en passant par le gris le plus terne. Sa femme est introuvable. Il est donc contraint de s'en remettre aux policiers locaux, à commencer par Elbé. Le comédien, auquel le bleu marine va fort bien, incarne un flic droit dans ses bottes dont la première hypothèse (la femme a mis les voiles à cause des disputes incessantes avec son mari) s’avérera fausse et poussera Attal à mener l'enquête par ses propres moyens en employant la manière forte.


"Si elle n'est pas retrouvée d'ici 48h, c'est mort !" ne cesse de répéter l'impitoyable Elbé au pauvre Attal. Un tableau statistique confirmant ces dires nous sera proposé juste avant le générique final. Accablant !

La suite de ce remake à peine déguisé du Breakdown de Jonathan Mostow nous réservera autant de surprise que son introduction, c'est-à-dire aucune. On suivra le film uniquement pour le spectacle offert par nos deux stars aux abois, pour le ridicule involontaire de certaines situations et pour cette triste volonté affichée par Mancuso d'être le plus réaliste possible alors que son film est par ailleurs miné d'incohérences idiotes. Ainsi, quand l'expertise sanguine prouvera que le sang retrouvé dans la remorque d'un 4x4 est celui d'un sanglier et non celui de sa femme, Attal poussera un râle de mécontentement tout à fait déplacé. On relèvera tout de même quelques bonnes répliques ici ou là, comme lorsque Elbé prie Attal de bien vouloir aller dormir et que celui-ci lui répond, survolté, "Vous voulez que j'aille roupiller alors que ma femme est peut-être entre les mains d'un enculé ??!". A ce moment-là, on a envie de lui dire que si son ravisseur est bel et bien un enculé, il ne s'en tire pas trop mal. Mais c'est moche... On notera aussi une sacrée faille dans le jeu d'acteur d'Attal : ce que j'appelle le "jeu sans ballon", c'est-à-dire le dialogue sans interlocuteur présent à l'image, autrement dit : la façon dont il joue les appels téléphoniques. Attal devrait s'inspirer de Jean-Pierre Bacri et du coup de fil inoubliable qu'il donne à un taxi dans le si sympathique Cuisine et dépendances lors d'une scène géniale qui devrait servir de modèle à tous les acteurs un peu éclairés. Au téléphone, Attal est une sous-merde, y'a pas d'autres mots. Il ne sait pas jouer ça. C'est pas dans ses skills. Et c'est bon à savoir. Cela devrait être précisé sur son CV, tout comme il est mentionné qu'il ne maîtrise aucun art martial ni aucune langue en dehors du français, ce qui lui ferme quelques portes.


Attal découvre, atterré, la dvdthèque du lozérien de base...

On pourra aussi établir un constat encore plus affligeant à la vue de R.I.F. Il n'y a donc pas que les films d'horreur minables qui dressent un portrait dégueulasse du monde rural, au sens large, comprendre : tout ce qui n'est pas Paris. Des films d'un autre genre le font aussi, en s'enfonçant parfois même davantage dans la caricature, la bêtise, le ridicule, et en osant le pire, comme c'est le cas ici. Dépeinte comme le trou du cul du monde dont on rappelle la densité d'habitants ("10 au kilomètre carré", 15 en réalité) en s'en moquant connement, la Lozère selon Docteur Mancuso est donc un département désolé. Un endroit maudit rempli "d'hommes de Néandertal", des "chevelus" qui passent leurs vies à "glander dans des bistrots" et dont tous les actes sont guidés par l'alcool quand ça n'est pas "le cul, toujours le cul" (les guillemets indiquent que je cite mots pour mots le personnage d'Elbé, ce gardien de la paix qui est donc supposé protéger ses semblables). Selon Mancuso, le lozérien est bête, laid, vulgaire, mal rasé, malpropre, pire que négligé, complètement oublié, plus proche de la bête que de l'être humain. C'est le cas de tous ceux que l'on croise dans son film méprisable qui nous donne souvent l'impression de voir un de ces survivals pitoyables où d'affreux dégénérés hantent systématiquement les zones trop éloignées des villes.

En France, si la culture du dtv existait, ce film serait sorti en dtv. RIP RIF.


R.I.F. (Recherches dans l'Intérêt des Familles) de Franck Mancuso avec Yvan Attal et Pascal Elbé (2011)

17 commentaires:

  1. En fait, il est sorti en DTI : Direct To Internet ;)

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  3. Si Yvan Attal est suffisamment nerveux lorsqu'il course sa femme en alignant les conneries, ça peut être plutôt rigolo à regarder... en tout cas c'est marrant à vous lire le raconter !

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    1. trop ! J'ai vu aucun film avec Attal je crois, mais je me sens déjà ami avec lui, et son lobe défoncé.

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  4. J'ai kiffé le "jeu sans ballon", j'ai utilisé la flèche haut, équivalent du rewind de ma télécommande, pour relire cette phrase pas mal de fois!

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  5. Fameuse scène en bagnole avec le gosse à deux doigts de la torgnole. Ca sent le vécu !

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  6. Je reviens sur un point, après m'être fendu la gueule sur "Elle a disbaru." c'est le CV d'Attal : tu dis qu'il ne cause qu'une seule langue, le francaoui. OR OR OR, je te rappelle qu'il eût été le doubleur de Tom Cruiz ! OR OR OR, en tant que mec qui est DANS la traduction, et dont la meuf est DANS le cinéma, je peux t'assurer qu'il convient de causer la langue pour doubler ! Je pense donc que Yvan Atlas parle l'espagnol couramment !

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    1. Tous les doubleurs chinetok doivent causer le chinetok? J'en doute!

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    2. Oui, c'est pour ça qu'ils prennent un accent chinois à couper au couteau. Exemple fameux, le jeune doubleur de Demi-Lune dans Indiana Jones et le temple Maudit ("Tocto Djon's, tocto Djon's").

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    3. Elle est dans le cinoche ta meuf ?

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    4. C'est pas plutôt Eric d'Eric et Ramzy qui fait la voix?

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    5. Attal a joué dans Rush Hour 3 ... il parle donc l'américano-français qui se chie dessus face à un afro-amerloque qui braque un flingue sur lui ^^

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  7. Une chronique qui froidit l'échine. Il y a du rififi dans le 48, je ne foutrais plus jamais les pieds chez ces losers.

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  8. Lol ! Vous avec le don pour rendre vos chroniques intéressant de par les mots que vous employez. Pour revenir au film La Californie, il ne m’inspire pas vraiment confiance et je ne pense pas que je le verrai de sitôt. En tout cas, il n’est pas sur ma liste de film à voir pour le moment. La seule motivation que je pourrais avoir serait de voir la belle Nathalie Baye de nouveau à l’écran.

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