31 janvier 2009

Le Premier jour du reste de ta vie

Tout grand réalisateur a commencé par un grand film. Dans un article intitulé "Voilà pourquoi je suis le plus heureux des hommes" (Esquire, 1969), François Truffaut écrivait : "Les progrès ? C'est de la blague. Il faut essayer d'en faire, mais il est bon de savoir qu'ils seront dérisoires par rapport à la richesse qui est en nous et qui s'est exprimée dans le premier rouleau de pellicule impressionnée : tout Bunuel est dans Un chien andalou, tout Welles dans Citizen Kane, tout Godard dans A bout de souffle, tout Hitchcock dans The Lodger". Eh bien de même, tout Bezançon est dans Ma vie en l'air. Et je parle pas seulement du talent de Rémi Bezançon, mais aussi de la ville de Besançon, filmée sous tous les angles par son plus fidèle citoyen. Et si vous avez eu le malheur de voir Ma vie en l'air, vous saurez que tout Rémi Bezançon ça pèse pas lourd, et si cette première œuvre était une baffe dans la gueule du spectateur, son second film, si bien-nommé Le premier jour du reste de ta vie, est un grand coup de machette sans anesthésie qui vous traversera de part en part en passant par nombre d'artères principales et d'organes vitaux.



Inutile de s'éterniser puisque des centaines de travaux universitaires verront bientôt le jour pour percer les mystères de l'œuvre abyssale de Rémi Bezançon, qui est en lice pour recevoir une poignée de Césars dans quelques jours, dont ceux du meilleur réalisateur ou du meilleur film. Là j'ai un ton assez ironique, un peu détaché, pince sans rire, tendance humour british, mais je vais essayer de vite m'en défaire, pour ne pas m'y emprisonner et faire l'honneur d'une ombre de subtilité au film de Rémi Bezançon. Nous sommes en présence d'un des pires films jamais réalisés dans l'histoire du monde. Je crois que je n'aurais pas de mal à le ranger parmi les 10 films les plus laids que j'ai jamais vus... Ou peut-être, parmi les 5 films les plus laids ? Parmi les 5 films les plus laids que j'ai jamais vus... Pour une fois je n'ai vraiment aucune sorte de scrupule à enterrer ce film sous des monceaux d'insultes, dont je m'épargne la lourde et pénible tâche d'en faire la liste par cette phrase même. D'ailleurs le seul fait d'affirmer que ce film fait partie des plus grosses saloperies jamais impressionnées sur pellicule est une facilité que je me permets enfin, alors qu'elle me tend souvent les bras, parce qu'il y a urgence, parce que ce film a reçu un beau succès aussi public que critique, et qu'il importe d'en parler sans ambages.



Par où commencer quand on a déjà hâte d'en finir... Ce film c'est en quelque sorte l'invasion du cinéma français par la série américaine moyenne. Cinq épisodes, cinq tranches de vie minables, faîtes de moment tantôt graves tantôt légers, cinq étapes charnières de la vie des membres d'une même famille, une suite de sketches rapides et faciles à avaler, ponctués de clips musicaux, une multitude de saynètes chorales toutes construites sur le même patron, le tout se voulant pontifiant et plein d'une vision de la vie aussi misérable que banale, tout à fait dépourvue d'intérêt. Le film est scandé par des scènes d'une vulgarité accablante, et l'on se sent presque coupable d'être choqué par ces instants de profonde bêtise et de grossièreté infinie où Déborah François (dans le rôle d'une fille de 16 ans...), passe cinq minutes face aux parents du garçon qu'elle vient de sucer, incapable de répondre à leurs questions la bouche encore toute pleine de sperme. Suis-je puritain ? Suis-je un catho confirmé ? Suis-je un quaker oats ? Ou bien suis-je tout simplement un être sensible et plus ou moins délicat, facilement attristé par le son que fait l'actrice, hors cadre, en train de cracher le fruit de sa première fellation dans un lavabo, la semence retenue semblant correspondre au contenu d'un bon cubi. Et n'allez pas croire que j'invente cette séquence. Il m'arrive de fabuler parfois ou d'exagérer les scènes les plus détestables des films tels que celui-ci, mais là tout est tristement exact. Je n'invente rien. Seul Rémi Bezançon en était capable. Sans parler de cette autre scène où la jeune fille perd sa virginité avec le même canfre, observée par le fantôme de son enfance, qu'elle semble abandonner pour de bon tandis qu'une flaque de sang digne du Shining se répand sous la porte de la salle de bain. Là aussi vous allez m'accuser de diffamation, de prendre Bezançon en grippe, de fantasmer au détriment de cet homme. Mais je vous jure sur ma vie qu'il n'en est rien. Je ne dis rien que d'honnête. Et je préfère ne pas m'étendre sur les autres séquences infamantes de ce pur produit américain étiqueté made in France par de multiples références aux grands vins du Brulhois, subrepticement placées entre deux grandes lampées de namedropping qui rallieront les zicos et autres connards finis à la cause Bezançonnaise.



Et puis sur ces cinq tranchasses de vie, deux sont consacrées aux femmes de la famille. D'abord la jeune fille dont nous venons d'évoquer le sordide cas, puis la mère, interprétée par Zabou Breitman. Dans les deux cas, le jour le plus important du reste de leurs vies de merde est intrinsèquement lié à leur sexualité. Tandis que la première devient femme en perdant sa virginité dans ce qui ressemble à un nécessaire viol étrangement consenti (le passage d'une femme à l'âge adulte ne peut advenir autrement d'après Besancenot), l'autre, en pleine ménopause et mal baisée par son époux, a besoin de perdre la moitié de son visage dans un accident de voiture pour que ce dernier daigne la regarder à nouveau avec envie, ce qui redonne à sa vie la pleine mesure de son utilité. Je ne suis pas une chienne de garde, mais je pourrais facilement niaquer Bezançon jusqu'au sang si l'occasion se présentait au détour d'une rue.



La mise en scène de ce film est celle d'une publicité EDF mal fagotée. Chaque plan, chaque cadre, chaque lumière, chaque cut, est empreint d'un maniérisme éculé et pitoyable. Bezançon sort probablement d'une grande écoles de gros cons. Il est plein de tics, cet homme là est un ticard, un tocard, il a des tics, des troubles. Et il peaufine sa bande originale comme une petite reine, comme la dernière des Coppola, fier de faire copiner David Bowie et Etienne Daho, auquel le film est certainement dédié. Bezançon filme une scène de repas familial vouée à imager la réconciliation générale en faisant tourner sa caméra tout autour de la table, dans un sens puis dans l'autre, passant derrière les nuques rasées de près des acteurs en présence, tournant et retournant, encore et encore. C'est pesant à regarder, ça pèse, c'est lourd, n'est-ce pas. Tout ce film, tout ce cinéma-là est d'une lourdeur... ça pèse horriblement, c'est lourdingue à s'en foutre par la fenêtre de désespoir, il y a tant de poids là-dedans que c'est pas possible de le dire. Et au milieu de ce fourbis : le triste Jacques Gamblin, qui ferait bien de retourner moudre du café sous son vrai nom Jacques Vabre. Ce type-là a le nez qui s'allonge quand il ment, ce qui lui vaut, je ne vous apprends rien, d'être surnommé Pinocchio. Or quand il joue la comédie, par définition, il ment. Alors il traîne un blair pas possible de film en film. Et tout autour de cet immense naseau rocheux, sa gueule fond comme neige au soleil sous la puissance des spots des studios, sous le soleil de Satan. Ce pseudo séducteur de merde est une horreur vivante, et je dis ça en ayant plutôt de la sympathie pour lui, à cause de mes parents qui l'aiment bien. C'est un tableau de Jérôme Bosch, ou de Munch, ou de Schiele, qui a pris la pluie et qui a fondu pour mieux dégouliner sur la planche. Il faut le voir se prendre pour Jimmy Hendrix...



J'ignore si ce petit texte est réellement digne d'intérêt. Mais c'était vraiment pour faire la paix avec moi-même, pour faire un point route, pour dissiper les nuages et pour pouvoir vivre le reste de ma vie comme s'entend, l'âme en paix. Le titre de ce film m'a tutoyé et moi je l'ai insulté en retour. Je l'ai "fait passer à travers". On m'a dit ça une fois dans un bar où je perdais une soirée de ma pourtant courte vie. J'avais bu un ou deux verres de trop et j'ai accosté une fille au hasard. Son maquereau est venu me menacer de "me faire passer à travers". J'ai tourné mes béquilles et je suis retourné baiser la poutre centrale du bâtiment, la poutre porteuse, ronde et douce, qui m'a contenté ce soir là, ce soir où j'ai bien failli "passer à travers".


Le Premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon avec Zabou Breitman, Jacques Gamblin et Déborah François (2008)

28 janvier 2009

Donnie Darko

Je voudrais m'attarder sur une scène de ce film dont vous trouverez par ailleurs d'autres critiques sur google, si vous êtes du genre à aimer entendre parler de l'intégralité des films. Dans ce film, Jake Gyllenhaal (qu'on a décidé de laisser tranquille avec son nom, pour la première fois, lui qui ouvre toujours plusieurs boîtes à lettres dans le hall de son immeuble pour qu'au final tous les noms de ses voisins réunis puissent ressembler vaguement à son patronyme d'outre-tombe), acteur dont c'était la première apparition importante au cinéma (il avait déjà joué le fils de Billy Crystal dans La Vie, l'amour, les vaches), incarne un jeune étudiant qui rédige un exposé de chimie sur les particules élémentaires si chères à Michel Houellebecq. Dans son petit mémoire il tend à prouver que l'Homme se nourrit partiellement de l'air qui l'entoure et qu'il respire, et par extension du domaine de la lutte, de tout ce qui est précisément contenu dans cet air. Il démontre par A+B que l'Humain ingère, comme il fait des aliments, les molécules contenues dans l'air et leurs spécificités. En somme il nous explique que l'on avale, dans une quantité infinitésimale, un peu de ce que l'on sent. Ce à quoi son professeur et directeur de recherche Patrick Swayze (c'est la première fois que cet acteur joue un rôle de vivant, et non plus des fantômes de danseurs morts) ne trouve rien à redire.

Depuis ce film, une expression courante s'est fait jour et court le monde. Quand quelqu'un est assis à côté de vous, et qu'il expulse un cube fait de méthane et d'ammoniac, en d'autres termes quand votre voisin de métro chie tous ses morts en se tenant à un bras de distance de vous, et que vous sentez cette odeur de merde grimper comme un rongeur le long de votre flanc pour foncer vous hanter les narines et imprégner vos habits autant que votre gorge, quand vous sentez ce parfum de grande mort se répandre sur votre langue telle la grande faucheuse, et que vous sauriez presque dire ce que le horla à vos côtés a dîné avant de sauter dans le subway pour parcourir la ville et y partager son mal, alors, à cet instant précis, où vous cherchez la possibilité d'une île, et où vous tâchez de rester vivant, contre le monde, contre la vie, alors vous venez de subir une "Donnie Darko". Vous venez littéralement de manger de la merde, en quantité minuscule certes, mais suffisante pour pouvoir dire et affirmer que vous venez de manger un peu de merde. Sachez que si un jour les rôles s'inversent, et ne détournez pas le regard, on sait tous très bien que les rôles se sont déjà inversés pour chacun d'entre nous, on sait tous très bien qu'on n'est pas toujours au parfum de ce qu'on a dans le slip, alors vous pourrez dire que vous aurez, vous aussi, fait une "Donnie Darko".


Donnie Darko de Richard Kelly avec Jake Gyllenhaal et Maggie Gyllenhaal (2002)

22 janvier 2009

Assassins

Super film de Dick Donner. C'est l'histoire d'une amitié entre deux assassins. C'est la rencontre entre celui qui à l'époque était l'homme fort du cinéma Américain : Stallone, qui s'est toujours présenté en disant "Deux L pour voler, deux N pour niquer, deux poings pour taper" ; et celui qui à la même époque était l'homme fort du cinéma ibérique : Antonio Bandera, qui venait de s'illustrer dans Desperado, film qui m'a rendu totalement desesperado. Le côté assassin des deux héros de ce buddy-movie est largement laissé dans l'ombre pour nous conter une belle histoire d'amitié façon Jerry Schatzberg. Rien ne nous est épargné des plus infimes épisodes de la vie que peuvent partager deux colocataires en bons termes. Ainsi le film s'ouvre sur la séquence dite de la "lettre".




Antonio Banderas est accoudé à une table, tâchant de rédiger une lettre à la femme qu'il aime dans un sinueux mélange d'espagnol et d'anglais qu'il baragouine en voix off. Tandis qu'il nous baratine avec son salmigondis informe, un autre son nous parvient du hors-champ et vient se mêler aux mots d'amour en esperanto malmené de Banderas. C'est le bruit que fait l'immense jet de pisse de Stallone projeté avec force passion au beau milieu de la cuvette des chiottes. Faut dire que Stallone pisse du coude droit et chie du gauche depuis son opération ratée du cul vouée au départ à augmenter la musculature de sa nuque. "Pourquoi t'as toujours besoin de pisser au milieu du chiotte ?" s'exclame Banderas, agacé, en renouant le bandeau qui tient ses cheveux. "Comme ça je me sens exister" répond Stallone, avec sa voix habituelle de castrat. Et ça n'est que le début. Il est capital de parler de cette scène où Stallone lit un magazine de motos, affalé à la table de la salle à manger, observé par un Banderas pantois et oisif qui essaie tant bien que mal de faire prendre conscience à son nouveau meilleur pote qu'il est en train de lire des descriptifs de cylindres et qu'il est vraiment trop con.




En fait Banderas a réclamé un rôle d'intellectuel pour briser son image, et c'est ça que Donner lui a offert sur un plateau. Pour avoir l'air brillant, il fallait forcément un partenaire diablement con à Banderas pour s'illustrer un peu par son jeu de mimes. Après mille et une nuits d'auditions pour dénicher le plus con des acteurs possibles, c'est Stallone qui a monopolisé la parole, enregistré sur des bandes de casting qui resteront à jamais scellées sous clef dans un coffre en marbre. L'intéressé déblatérait longuement "on tape" sur ses opinions politiques et ses ambitions concernant la Maison Blanche. Il paraîtrait que dans cette vidéo, filmée par un directeur de casting HS et insomniaque, Stallone faisait des déclarations prémonitoires quant aux événements du 11 septembre. Il aurait aussi annoncé le krach boursier de cette année. Mais il faut pas oublier qu'il parlait aussi d'une invasion extra-terrestre pour janvier 2007, de la naissance d'un crotale géant au cœur du Pentagone, d'une déferlante de criquets dans l'État du Michigan et de l'émergence de l'Atlantide, entre deux pronostics Superbowl foireux. On l'interrompt pas l'homme aux trois mètres de barbaque, mais on ne l'écoute pas toujours non plus. Il a bien deux ou trois éclairs de génie par ci par là (les plus sceptiques parleront d'heureux hasards), mais il est quand même vraiment à la masse. Il a un bon moteur mais y'a personne au volant. D'ailleurs quand il a été invité au Grand Journal de Denisot, Stallone a passé deux journées dans la "boîte à questions", s'alimentant en bouffant son propre bras hypertrophié pour continuer à répondre à toutes les questions. C'était la première fois qu'on lui en posait. Il n'a pas appuyé une fois sur le buzer permettant de zapper la question. Ils ne l'ont jamais sorti de là, ils ont retiré la boîte à questions de son emplacement d'origine et il est resté assis au milieu à attendre de nouvelles questions. Il s'est bien assoupi à un moment, mais pour redémarrer le lendemain, au taquet.




Alors ce rôle lui va comme un gant dans cette scène où il jette des dés pipés pour noter ses résultats et s'enorgueillir dès qu'il tire un 6, sous le regard implorant de Banderas. Quand il tire un 5 il est tout de même content, mais il ne manque jamais de rappeler que c'est tout de même moins bien qu'un 6. Et Banderas quitte lentement la pièce pour mettre un terme à cette séquence de haute volée. La scène la plus marquante reste celle où Stallone s'en va faire sa déclaration à sa bienaimée, interprétée par Julianne Moore. Il la retient par le bras (celui qu'elle a dans le plâtre depuis ce jour) tandis qu'elle s'apprête à grimper dans le bus. Et il lui dit, avec sa voix d'enfant, qu'il aimerait être avec elle, que même quand elle est là il lui semble qu'elle est un peu absente. Elle lui répond qu'elle a déjà quelqu'un mais qu'elle voudrait bien baiser avec Stallone si son copain peut mater. Alors on voit Stallone, dépité, choqué, terrassé, qui encaisse la vérité sur celle qu'il idéalisait, sur la fille de Roger Moore, et derrière lui la vitrine d'un magasin explose, sans doute happée par l'aspiration du courant d'air provoqué par le mouvement de Stallone, qui d'un geste un peu brusque essaye d'attraper une mouche qui lui tournait autour depuis le début de la séquence.




Un peu plus loin dans le film, Stallone finira par accepter la proposition de Julianne Moore, et il ira la baiser sous les yeux alanguis de son mari. Ce dernier va alors assister à la mort de son épouse avant d'appeler la police, pour demander à un commissaire s'il doit porter plainte contre Stallone et déclarer que sa femme est morte "sous les coups" de ce dernier. Il dira: "C'était des coups de bite, mais quand même, elle en est morte !" Dans la discussion téléphonique avec les autorités, le mari éploré évoquera plusieurs fois ces coups de bites rythmés par le chant d'un colibris enroué. C'est à voir. Cette scène est à voir. Le film se clôt sur une partie de foot dans laquelle des gamins innocents se font marraver par Stallone et Banderas, venus leur chiper leur ballon rond pour le martyriser tant et plus. Stallone est vêtu d'un maillot du PSG floqué au nom du célèbre Raï, qui une fois élargi par les épaules démesurées de l'acteur, dignes de l'envergure d'un goéland en plein vol, s'étire atrocement et devient "Radio Audiophonie Italienne".


Assassins de Richard Donner avec Antonio Banderas, Sylverster Stallone et Julianne Moore (1995)

27 décembre 2008

Ghost Town

Si vous avez récemment vu David Koepp s'afficher un sourire jusqu'aux oreilles aux côtés du comédien Greg Kinnear, c'est tout simplement parce qu'ils viennent de collaborer pour le film Ghost Town. David Koepp, originaire du Mexique, accepte de n'être payé qu'avec une poignée de pesos et du riz complet. Main d’œuvre malléable et docile, ne demandant uniquement la mise à disposition d'un burro pour ses déplacements personnels, il est actuellement le véritable chouchou des producteurs hollywoodiens. C'est pour cela qu'on a croisé son nom au générique de la plupart des films américains sortis récemment. Il officie le plus souvent en tant que scénariste, comme par exemple dans le piètre Indiana Jones 4. De la bouche de notre oncle Steven Spielberg, David Koepp se sert de son stylo de scénariste comme d'une baguette magique, il le surnomme même "David Koepperfield", visiblement très fier de sa trouvaille. Nous, nous le sommes beaucoup moins.




Sachant parfois avec talent et efficacité adapter à l'écran des œuvres littéraires complexes (par exemple Jurassic Perk), le bât blesse inévitablement lorsqu'il décide d'écrire une histoire originale tout droit issue de son cerveau malade et limité. Quand, en plus, il se positionne derrière la caméra, c'est la cata et ça s'appelle Ghost Town. Ce film nous raconte l'histoire d'un type irascible (Ricky Gervais) dont on ne veut pas être l'ami et qui, suite à une opération de l'anus qui tourne mal, développe le don d'interagir avec les morts de la ville de New York. Malgré ce don, il reste toujours aussi peu aimable. Durant tout le film, justement, le type ne fait pas un geste pour que le spectateur ait le moindre élan de sympathie envers lui. Greg Kinnear, décrit par le tout-hollywood comme le "fantôme des plateaux", un acteur dont on ne se rend jamais compte de sa présence mais qui est bel et bien là et assure son rôle, qui n'en fait jamais plus ni moins que ce qu'on lui demande, joue ici l'un des fantômes. Rappelez-vous, Greg Kinnear c'est Gladiator. Il s'acoquine du personnage principal et le pousse dans les bras de sa veuve (incarnée de pied en cap par Téa Léoni, seul intérêt de ce film) sise à l'appartement jouxtant le sien et prête à se remarier avec un sociopathe. David Koepp décide de ne pas nous faire aimer son film. Il le ponctue d'effets spéciaux que l'on croirait sortis d'une quelconque saloperie du début des années 90. C'est réalisé avec la même fascination puérile et l'envie obsolète de nous en mettre plein la vue. L'histoire piétine et n'a ni queue ni tête. Dans le rôle principal, Ricky Gervais, censé être un mec drôle (il est le créateur de The Office et peut se montrer très inspiré en stand up), est d'une tristesse qui plonge le spectateur à un niveau d'affliction nous rappelant le Viêt-Nam. Le film hésite entre le comique de situation et la situation comique du spectateur, le cul entre deux chaises.




Quand il rentre chez lui, David Koepp salit sa moquette avec ses chaussures toutes crottées. Quand il sort son chien, celui-ci s'applique à faire sa crotte sur le perron de son immeuble. Au retour de balade, c'est sur cette même crotte que David Koepp marche du pied droit. A Noël, David Koepp offre à ses amis des "Mon chéri". C'est ce genre de type qui fait pleurer les enfants et n'a pas un bon feeling avec les animaux domestiques, voire un très mauvais contact avec les bêtes sauvages. Il oublie l'anniversaire de ses parents. Si Léon Tolstoï a écrit Guerre et Paix, David Koepp n'a guère écrit que des pets.


Ghost Town de David Koepp avec Greg Kinnear, Téa Leoni et Ricky Gervais (2008)

21 décembre 2008

The Mosquito Coast

Alors, c'est l'histoire d'un type brillamment interprété par Harrison Ford qui cherchait là à se démarquer de ces rôles-étiquettes dans lesquels il s'engonçait, à savoir celui d'un aventurier muni d'un chapeau et d'un fouet et celui d'un mercenaire de l'espace au grand cœur. C'est l'histoire d'un type, curieusement interprété par Harrison Ford, qui cherchait là à rajouter une corde supplémentaire à sa harpe de comédien après avoir réussi à faire croire au monde qu'il était un célèbre archéologue et qu'il savait conduire des faucons milléniums. C'est l'histoire d'un mec, interprété avec classe par un Harrison Ford en roues libres, muni des lunettes de myope de son père (Sean Connery), et qui décide d'emmener toute sa famille vers le Grand South. Horrifié par la menace d'un conflit multi-nucléaire, il choisit de se réfugier au Honduras, avec sa femme (la Reine d'Angleterre) et ses quatre enfants. Là-bas, il est accueilli par une poignée de chicanos qui voient en lui un guide. Harrison Ford, inventeur de génie, se consacre à la construction d'un énorme frigo tout en déclarant, le doigt pointé vers son fils ainé (River Phoenix) : "Je veux faire de la glace avec du feu !". Guide spirituel d'une petite société tribale idéale, le rêve se transforme en cauchemar pour ce papa gâteau suite à l'arrivée de trois bandits de grand chemin provoquant la fuite d'une grande partie des chicanos puis l'explosion du frigo géant. Car des fois, la glace et le feu ne font pas bon ménage.




River Phoenix, spectateur aux bras ballants tout au long de cette histoire, nous conte avec verve les aventures absurdes de son père. Son père malheureux qui prendra une balle perdue après avoir mis le feu à une église. Après un tournage éprouvant, Harrison Ford, méconnaissable et amaigri, revint par ses propres moyens du Honduras, fort d'une connaissance de la jungle rare. Il a appris à sauter d'arbres en arbres tels les écureuils volants, il a appris à dépecer un gibier sans les mains tout en luttant contre les autres charognards : vautours, tapirs, singes hurleurs, Peter Weir lui-même, paresseux à trois doigts, tatous extravertis... De nombreuses propositions affluèrent chez son agent et Harrison accepta probablement le rôle de sa vie : celui du Predator. Lorsque Schwarzenegger lui avoua qu'il n'avait pas une gueule de porte-bonheur, l'ambiance sur le tournage tourna au vinaigre.



Lors de la promo de Mosquito Coast, Harrison Ford déclara à un Roger Ebert médusé : "Je pense que le film Mosquito Coast est très profond. Je crois qu'il est très profond dans le sens où il est très lumineux. La lumière doit provenir d'une place très profonde si c'est de la vraie lumière" (sic et sick !). Petite anedcote à propos de ce film : Mosquito Coast marqua la rencontre entre River Phoenix, le frère du défunt Joaquin, et Harrison Ford, allant jusqu'à créer une "father-and-son relationship" (propos d'Harrison Ford que vous pouvez retrouver dans le dvd collector de Jeux de Guerre), c'est le vieil acteur qui l'a choisi lui-même pour interpréter son propre rôle rajeuni dans les 3ièmes aventures du professeur Jones. Si vous voulez connaître le vrai sens du mot "excéder", parlez donc d'Harrison Ford à Peter Weir. Un Peter Weir qui se fait désormais surnommer "Tupperware" par toute la profession.


The Mosquito Coast de Peter Weir avec Harisson Ford, River Phoenix et Helen Mirren (1986)

16 décembre 2008

Babylon A.D.

J'ai lu la moitié du roman de Maurice Gibert-Joseph Dantec, et la moitié de ce roman c'est 500 pages feuillets doubles, petits carreaux non perforés. Et je viens de voir la moitié du film qu'en a tiré Mathieu Kossovare, le problème c'est que c'est la même moitié, alors je connais toujours pas la fin. Ne me demandez pas ce que veut dire le "A.D" du titre. Mieux, si vous savez ce que ça veut dire, abstenez vous de me mettre au jus, parce que j'en ai vraiment rien à secouer. Avec ce film, tourné en langue anglaise, filmé au Texas, produit par la Twentieth Century Fox, et dont le rôle principal est incarné par un acteur Américain de seconde zone qui réunit à lui tout seul tous les plus accablants clichés de l'actorat Hollywoodien riche en testostérone, Kassovitz avait l'intention de prouver qu'en Europe il était possible de rivaliser avec les Américains, et de réaliser un grand blockbuster à effets spéciaux de qualité, dans la veine de Cécil Blount DeMille. Au final tout ce qu'il y a d'Européen dans ce film, c'est la nationalité du gros taulard qui a écrit le best-seller de mes deux dont le film est tiré, et celle du niais qui a réalisé cette adaptation dont il a fait l'œuvre de sa vie, pour mieux la renier, prétextant qu'il n'avait pas eu le final cut, quand il s'est rendu compte qu'il avait filmé une merde.



Kassovitz a aussi parlé d'une certaine querelle entre lui et Vincent Diesel. En réalité, le frenchy comptait sur son acteur fétiche Vin Cassel pour tenir le premier rôle du film, mais ce dernier l'a poussé dans les orties en l'appelant "mémé", car même s'il lui sait gré de l'avoir lancé pour de bon avec La Haine, Cassel n'en peut plus d'être roulé dans la boue par son ami d'enfance qui est devenu son ennemi juré depuis Les Rivières Pourpres. Alors Kassovitz s'est pris le bec avec son second choix, Vince Diesel: 62 versus 112 kilos, inutile de vous dire qui a eu le dernier mot... 32 centimètres de tour de cou chez Mathieu, 96 centimètres de tour de collier pour Vince Diesel... 1m75 bras levés du côté de Kassovitz, 2m02 au garrot pour Vince SansPlomb95. Enfin bref tandis que Kassovitz chausse du 42, l'autre va nus pieds depuis son adolescence car rien dans le commerce ne correspond à sa pointure inchiffrable, même en dehors du commerce, aucun contenant ne peut accueillir ses pattes. Lors des rares soirées des Oscars auxquelles il assiste en tant que boddyguard de l'acteur The Rock, on l'a vu déambuler avec des planches de surf aux pieds, simplement reliées à ses orteils par des cordages, pour vous donner une idée des pieds de ce mec. Si Vin Diesel devait un jour porter du cuir autour de ses pieds, il aurait plus vite fait d'enfoncer directement ses pieds dans le cul de deux vaches adultes, pour éviter à un jeune apprenti cordonnier de voir sa vie défiler, sa vieillesse l'atteindre et sa mort le frapper en ayant jamais travaillé qu'à une seule paire de pompes. Si vous cherchez quelques anecdotes croustillantes sur le cas Diesel, vous aurez tôt fait de découvrir que c'est bel et bien Spielberg qui l'a lancé dans Il Faut Sauver Le Soldat Ryan. Mais en réalité, si c'est bien dans ce film qu'il est apparu pour la première fois sur un écran, c'est néanmoins bien plus tôt qu'il a donné un premier coup de main à Spielberg, ou plutôt un coup de patte, puisque c'est sa seule démarche nonchalante qui a permis cet effet spécial désormais culte des ondulations à la surface de l'eau dans Jurassic Park, à l'approche du T-Rex.



J'ai maté ce film avec Félix, qui m'a très tôt demandé en pointant Vin Diesel du doigt: "C'est lui Gong Lui ?". Parce que dans cette scène, Vin Diesel donnait la réplique à Gong Li dans une inépuisable série de champ-contrechamp. Il m'a avoué qu'il confondait toujours ces deux acteurs. Au final je me suis endormi, j'étais bien... Je digérais difficilement (peut-être à cause de la façade mal crépie de Mélanie Thierry) un kilo-litre de soupe de légumes noyée de crème fraîche et de fromage rapé qui avant de fondre dans mon estomac comme un pavé dans la marre, venait de fondre dans ma bouche comme un pavé sur la gueule d'un flic. Félix était vexé d'endurer cette horreur seul, et il m'a rapidement remis dans le rang avec un coup de pied latéral idéalement placé entre mes deux yeux.

Je me demande toujours comment il fait, Kassovitz, pour revenir en France toutes les quinzaines donner des leçons de cinéma et de vie, alors que c'est quand même peut-être le pire homme, en tout cas en tant que tel.

P.S. Si y'en a un parmi vous qui sait ce que veut dire A.D., je veux tout de même savoir à quelle sauce j'ai été mangé.


Babylon A.D. de Mathieu Kassovitz avec Vin Diesel, Gong Li et Mélanie Thierry (2008)

L'Emprise

J'étais parti pour télécharger Fenêtre sur cour, le fameux film d'Alfred Hitchcock, et au final j'ai downloadé Smash Court Tennis, un jeu de tennis, alors j'ai passé mon après-midi à y jouer, c'était fun. Le jeu était à ce point fun que j'ai invité un pote pour y jouer avec moi, en doublettes. Ce mec-là est un taré que j'ai rencontré au centre aéré y'a quelques années, c'est le seul qui jouait dehors mais enfermé dans une cage étroite, il m'avait tout de suite tapé dans l'œil, avec une caillasse de bonne taille, j'avais eu un œil au beurre noir pendant plusieurs semaines à cause de lui. Une fois, pour une sortie à la neige, à Camurac, c'était le seul gamin à avoir ramené un sac plein de paille au lieu d'une luge. Il glissait là-dessus, et il nous battait tous, mais il avait fini la journée avec le cul en sang. Le soir on l'a vu manger la moitié du contenu de son sac puis se fourrer dedans pour y passer la nuit. Ce baluchon de paille c'était sa nouvelle maison, sa masure, sa cambuse, c'était son kit de survie. Ce mec là on l'appelait "L'entité" entre nous, moi je croyais que c'était son vrai prénom, que c'était le masculin de Maïté. Et puis hier en jouant à Smash Court Tennis, j'ai repensé à ce sobriquet et en le regardant jouer au jeu, un peu gêné par son bracelet électronique pour tenir la manette, je me suis dit que "L'entité" avait vraiment l'air sous l'emprise de ce jeu vidéo pourri. C'en était trop, trop de coïncidences, il me fallait à tout prix mater The Entity ("L'Emprise" en Français).



The Entity est un film d'horreur de bonne facture, qui commence sur des charbons ardents. C'est l'histoire d'une femme, Carla Moran (Barbara Hershey), qui vit avec ses trois enfants, et qui est soudainement attaquée par une sorte de fantôme qui d'entrée de jeu la viole dans sa chambre. Après quoi les attaques se répètent et se font de plus en plus violentes. Ses enfants en sont témoins et ne peuvent plus ignorer la vérité. Alors Carla Moran décide d'aller voir un médecin pour lui raconter ses mésaventures et lui montrer les traces de coups qu'elle porte. Moi, cartésien jusqu'au bout des ongles, et étant donné qu'elle décrit son agresseur en parlant d'odeur fétide et de sperme froid, j'ai immédiatement pensé que David Pujadas était dans le coup et qu'on allait avoir droit à un caméo mémorable du plus grand animateur Français. Mais en fait pas du tout, déception de ce côté-là, il s'agit bien de ce qu'on nomme un Poltergeist ("esprit frappeur hétérosexuel" en Allemand, à ne pas confondre avec "poltergay", où là on parle d'un esprit frappeur homosexuel comme nous l'apprend le film d'Eric Lavaine sorti en 2006). Le docteur Spiderman (c'est son nom, j'y peux rien) a beau refaire le trajet du violeur fantomatique de Carla pour essayer de trouver des traces, aucune explication rationnelle ne se fait jour, et malgré tout, il ne peut se résoudre à la croire. Le film se clôt donc sur un mystère qui reste entier, avec une descente aux enfers sans escale pour Carla Moran, qui voit les assauts à son encontre se répéter et s'intensifier, impuissante. Ces séquences sont d'autant plus terribles qu'une musique infernale fait de ces moments une suite d'instants plus angoissants les uns que les autres.



Juste avant le générique de fin un petit texte vient nous apprendre que ce film est l'adaptation romancée d'une histoire vraie. Carla Moran a vécu (et vivait encore quand le film est sorti), et tous ces événements sont censés avoir eu lieu, tout ça est vrai. Donc j'ai appris en matant ce film non seulement que les fantômes existent mais que les poltergeist aussi, et qu'il y a des esprits qui violent des femmes. Je ne ferme plus l'œil et j'écris cet article dans un sarcophage.


L'Emprise de Sidney J. Furie avec Barbara Hershey (1981)