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22 mai 2022

Rapport confidentiel

Une suite de flashbacks s'enchaînant à un rythme assez soutenu et épousant différents points de vue nous révèlent progressivement comment un policier débutant a pu tuer une jeune collègue infiltrée dans le milieu de la drogue. Nous sommes au début des années 70 et le film de Milton Katselas cristallise les tensions de cette époque en nous dépeignant un New York poisseux et bouillonnant où la police est plus occupée à couvrir un scandale qu'à faire régner la justice dans des rues où la drogue et la prostitution sont omniprésentes. C'est donc un rapport confidentiel (le titre français du film, qui lui va plutôt bien, étant donné sa si modeste et injuste notoriété) dont nous avons l'impression d'éplucher chacune des pages en détail, du début de l'affaire, qui correspond à l'entrée dans la police de ce flic frêle et sensible, à sa résolution, c'est-à-dire les choix faits, dans le secret de grands bureaux à la lumière tamisée, par le chef de la police pour limiter ses conséquences, pour couvrir les failles et les incompétences des uns et des autres.


 

 
On peut d'abord craindre que le personnage au centre de l'intrigue, ce rookie au charisme inexistant qui apparaît d'emblée si fragile, ne soit un peu trop léger et transparent pour nous intéresser. Mais nous découvrons petit à petit la belle personnalité de cet ancien hippie qui reconnaît, face à ses interrogateurs, s'être engagé dans les rangs des forces de l'ordre pour faire plaisir à son père suite à la mort de son frère au Vietnam. Ce jeune flic, campé avec sensibilité par un Michael Moriarty très crédible, n'a pas peur d'afficher ses convictions et ses valeurs au collègue plus expérimenté qui lui est assigné, incarné par le sympathique Yaphet Kotto, et ses idéaux vont se confronter à la rude réalité. Nous percevons, sans que cela ait besoin d'être trop appuyé, le léger trouble qu'il ressent lorsqu'il rencontre la flic infiltrée, là encore solidement jouée par une charmante et énigmatique Susan Blakely. Ce personnage singulier prend donc peu à peu une vraie épaisseur et finira même par nous émouvoir, victime d'un monde impitoyable, lors d'un ultime plan cruel qui reste durablement en tête et achève de faire de ce Report to the commissioner une charge virulente contre la police et ses dérives. Milton Katselas semble également prendre la photographie d'une période : il nous montre sans chichi le racisme et la violence sous-jacente de la société américaine d'alors, avec le traumatisme, si prégnant, de la guerre du Vietnam, régulièrement évoquée dans les dialogues, et l'évocation explicite de la lutte pour les droits civiques des noirs. 


 

 
Le scénario, que l'on doit à deux spécialistes du polar (Abby Mann et Ernest Tidyman), est tiré d'un bouquin de James Mills, un type qui devait bien connaître l'ambiance du New York d'alors puisqu'il est également l'auteur du roman Panique à Needle Park à l'origine du mémorable film de Jerry Schatzberg avec Al Pacino. Ce scénar, c'est du costaud : il est assez subtil et jamais manichéen, mais aurait peut-être mérité d'être plus clair, plus explicatif, sur certains points, pour éviter que l'on suspecte la moindre incohérence. Le cinéaste donne l'impression de compter à fond sur la vigilance du spectateur, qui n'a pas intérêt à rater la moindre réplique s'il tient vraiment à comprendre le pourquoi du comment et à saisir chaque détail. Trois moments forts sortent du lot : une poursuite très originale entre un cul-de-jatte équipé d'une planche à roulettes et un taxi dans les rues bondées de la ville ; une autre course poursuite, cette fois-ci à pieds, depuis les toits des buildings jusqu'au hall d'un grand magasin, en passant là encore par les trottoirs surchargés de la métropole ; puis ce climax étonnant, long et tendu, claustrophobe... Il se déroule en bonne partie dans un ascenseur bloqué entre deux niveaux où flic et dealer se retrouvent face à face dans un des plus longs mexican standoff de l'histoire avant de devoir faire preuve d'une certaine solidarité puis d'être tous deux pris pour cible lors d'un final glaçant qui nous rappelle que nous sommes loin d'être tous égaux face à une horde de flics prêts à appuyer sur la détente. Auparavant, nous aurons notamment eu l'occasion de reconnaître Richard Gere dans un second rôle de mac au look douteux, pour sa première apparition au cinéma, et de regretter parfois la musique un peu datée d'un Elmer Bernstein en mode pilote automatique. Certes, il manque au film un brin d'intensité et une mise en scène plus enlevée pour être du niveau des plus grands thrillers policiers américains des années 70, mais il n'en reste pas moins une œuvre sous-estimée, injustement méconnue, qui mérite clairement le coup d’œil.
 
 
Rapport confidentiel (Report to the commissioner) de Milton Katselas avec Michael Moriarty, Yaphet Kotto et Susan Blakely (1975)

19 décembre 2020

Hachiko

Remaké, américanisé et popularisé en 2009 par le yes-man en chef venu de Suède Lasse Hallström et sa star Richard Gere, Hachiko Monogatari est initialement un film japonais sorti en 1987, mis en scène par Seijirō Kōyama. Il nous dépeint la réelle histoire d'amitié, voire d'amour, entre un chien pure race Akita, à la loyauté sans limite, et son maître, un vieux prof aux abords austères mais, au fond, très chaleureux, incarné par Tatsuya Nakadai. Alors qu'il n'était au départ pas très enthousiaste à l'idée d'accueillir ce clébard, le prof va peu à peu se mettre à l'aimer follement, allant jusqu'à traiter un peu par dessus la jambe sa vraie famille, à commencer par sa femme. C'est quasiment une histoire d'amour zoophile, crédible et sans les scènes crados (quoique...) que filme avec une application évidente Seijirō Kōyama. C'est aussi une histoire très populaire au Japon, où Hachiko, devenu symbole de fidélité et d'amitié, a sa statue, chaque jour admirée et saluée par des milliers de touristes qui espèrent croiser la star de Pretty Woman.



Vers le milieu du film, c'est le drame : le maître du clebs meure soudainement. Et le iench se retrouve alors complètement esseulé, déboussolé, sans but, sans rien. Il se met alors à errer dans les quartiers de la ville à la recherche de son maître disparu. Il continue à se rendre tous les soirs à la gare pour attendre son retour du boulot, comme il le faisait habituellement. Puis rôde autour de sa maison, comme une âme en peine, malgré le départ de la famille. On croit pratiquement revivre la dernière partie terrible d'Allemagne Année Zéro mais avec un chien à la place du pauvre gosse. Et à travers cette histoire, le film nous dépeint les conséquences que peut avoir la disparition soudaine d'un être, ce qu'il reste de lui et ceux qu'il laisse derrière lui ; et c'est plutôt pas mal, ça donne matière à penser (food for thoughts). Cette dernière partie est assez culottée et poignante, on imagine aisément les torrents de larmes qui ont été versés face à ce si triste spectacle depuis la sortie de ce film devenu culte.




Le plus gros souci de l’œuvre de Kōyama vient de la particularité principale de cette race de clebs. Si vous avez eu la curiosité de cliquer sur mon premier lien, vous avez pu constater avec horreur que ces chiens-là on la queue totalement retournée, en permanence relevée contre leur dos dans un angle diabolique à 180°. Or, notre ami à quatre pattes est très souvent filmé de dos. Le film de Seijirō Kōyama devient ainsi un véritable témoignage sans faille de l'état de santé du trou de balle de ce chien pendant toute la période qu'a duré le tournage. Et c'est littéralement à nous glacer le sang, car dieu sait que cet animal gourmand n'a pas toujours eu une digestion idyllique, peut-être trop gavé par les techniciens et les autres acteurs en présence, ravis de lui faire plaisir et ignorant l'effroyable conséquence de leurs actes. Si la loyauté du chien est irréprochable, sa propreté l'est nettement moins.




Quand on est l'heureux propriétaire d'un animal domestique, que ça soit un clebs, un chat ou autre, on essaie toujours d'éviter ces moments où notre bestiole préférée nous tourne le dos, parfois tout près de nos mirettes, comme pour mieux nous montrer en maxi-format sa grande étoile noire pas toujours bien dessinée. Hachiko Monogatari est une compilation sordide de tous ces moments particulièrement dégueulasses de nos vies, de toutes ces trop longues secondes où l'on a été confrontés aux trous des culs immondes de nos animaux domestiques. C'est rude.




Malgré cela, Hachiko Monogatari est plutôt un joli film, à l'origine d'un vif regain d'intérêt pour la race Akita en dépit de son infâme signe particulier. Elle est désormais celle que l'on croise le plus souvent aux abords de nos aires d'autoroute. On devine aussi quelques aspects sans doute très spécifiques à la culture nippone à travers cette histoire de clebs, et c'est l'un des trucs qui rendent cette merde intéressante.


Hachiko (aka ハチ公物語, Hachikō Monogatari) de Seijirō Kōyama avec Tatsuya Nakadai (1987)

27 mai 2016

La Prophétie des ombres

Le film qui m’a fait réaliser que Richard Gere est le sosie chevelu de Zinedine Zidane ! Zinedine Zidane, dit "Zizou", oui, le célèbre footeux, le divin chauve, comme mon gland, triple Ballon d’Or, deux fois vainqueur de la Coupe du Monde et plus grand joueur de l’Histoire dans une dimension parallèle où le coup de boule n’existerait pas. Dans ce film, The Mothman Prophecies aka La Prophétie des ombres, Dick Gere arbore une chevelure de choix d’une couleur qui échappe aux mots, une couleur tombée du ciel, d’un gris roux doré, un peu comme une boule de pétanque que l’on aurait trempée dans l’huile d’olive. Des vagues de mèches folles, entre l’ombre et la lumière, survolent son crâne infernal. On dirait un vieux renard fatigué de tirer des coups à droite à gauche. A ce détail près (son cuir chevelu), il est bel et bien la copie conforme de Zizou, avec ses petits yeux plissés et son nez busqué. Deux beaux gosses, y’a pas à chipoter là-dessus, je comprends leur succès auprès des demoiselles... Mais aussi deux piètres comédiens…



Richard Jouir retrouve ici Laura Linney (prononcer Liné tout bêtement), sa partenaire fétiche, qu’il avait déjà côtoyée dans Peur Primale, le film définitif sur la peur des primates, à une lettre et un scénario près. Problème de titre, comme pour La Prophétie des ombres, qui aurait mieux fait de s’appeler La Prophétie des papillons pour ainsi être le cousin ailé de La Prophétie des grenouilles, le film d'animation préféré de mon petit neveu. Dick Gere incarne ici un pigiste du Washington Post DC en proie à des visions de papillons qui parasitent sa vie quotidienne. Ces visions le perturbent tout particulièrement lorsqu’il est au volant de sa Volvo. Ça l’amène à se prendre des arbres. Il découvre progressivement qu'il n'est pas le seul à souffrir de telles visions et comprend que celles-ci viennent annoncer un malheur prochain. Fin du pitch, début des emmerdes pour notre ami Gere, le bouddhiste aux cheveux d'ange.



Les symboles de lépidoptères sont légion dans La Prophétie des Ombres. Dès qu’apparaît à l’image une forme plus ou moins symétrique, des seins timides de Laura Linney au pare-brise étoilé de Gere en passant par les terribles néons de sa salle de bains, on peut donc déceler la présence néfaste du Mothman du titre original. Le réalisateur n'en loupe pas une. Il s'agit d'autant d’apparitions du papillon maléfique qui hante littéralement ce film. On recense 189 plans de papillons selon le site IMDb. Ça en fait le cas unique de long-métrage lépidoptériste dans l’histoire du cinéma.



Blague à part, ce film s’inspire d’une histoire vraie. Dans le Wyoming, plusieurs personnes auraient été sujettes à ces visions mystérieuses. Les témoignages s’accordent à dire qu’il s’agissait d’un connard géant doté de grandes ailes translucides et de yeux rouges. Cet être mystique à l'allure unique n’avait en réalité rien de méchant puisqu’il serait simplement venu annoncer des catastrophes. Hélas, il n’a pas été pris au sérieux par les autorités. A la fin du film, le pont de Brooklyn se casse en deux, causant une trentaine de morts, et l’homme-papillon mate tout ça les mains sur les hanches, l’air dépité. Il avait tout vu venir, et il avait essayé de nous prévenir via des coups de fil il est vrai pas toujours rassurants, en vain. Le film termine sur la phrase « Si c’est ça j'me casse », crachée par le Mothman (littéralement "homme motte") du titre original, dégouté. Ce Mothman a les yeux sur le torse, là où nous autres avons nos mamelons, et il n’a donc pas vraiment de tronche. Vraiment folklo ce film ! Les humains n’ont pas cru en ses mises en garde, et Dick Gere en premier, tout juste bon à sauver Laura Linney de la noyade au dernier moment. J'aurais fait pareil. 30 morts pour 1 rescapée blonde et garantie à vie, je signe tout de suite.


La Prophétie des ombres de Mark Pellington avec Richard Gere, Laura Linney et Will Patton (2002)

15 novembre 2014

Little Buddha

Little Buddha, film de Bernardo Bertolucci, raconte l'histoire du grand Bouddha et celle d'un little bouddha qui s'ignore. Le petit bouddha est un des dix petits enfants issus des quatre coins du monde que la Maison Bouddha invite à venir en Inde au moment où la réincarnation du grand Lama doit avoir lieu, et l'un d'eux sera l'élu. Ne demandez pas comment ils ont choisi les petits bouddhas potentiels, les voix du Buddha sont impénétrables. Moi par exemple, avec mon air con et ma vue basse, je ferais un beau buddha, mais manque de bol il ne doit pas être en période de réincarnation en ce moment. Si je me propose c'est que la ressemblance physique n'est pas un critère de sélection à en juger par le petit américain blond comme les blés et maigre comme un estoquefiche qui sera in fine le bouddha en herbe.


 Où est Charlie ?

Tout un tas d'enfants sont donc réunis dans la grande Maison Bouddha et vont suivre une initiation au bouddhisme, ce qui est bien évidemment l'occasion pour Bernardo Bouddhalucci de nous tenir tout un discours pompant sur les différences entre les cultures, à base de un gros vaut mieux que deux maigres, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, l'argent ne fait pas le boner, et compagnie. On a droit à mille poncifs sur les valeurs bouddhistes, servis dans une tambouille qu'on nous a déjà servie cent fois. Rappelons que le film a été réalisé dans une période un peu bouddha sur les bords, et surtout très grunge, où les occidentaux n'avaient que le mot "nirvana" à la bouche, d'où la tentation d'aller fricoter du côté des indiens et du bouddhisme pour choper le marbre à tout jamais.


La sexualité de Gros Bouddha expliquée aux enfants en travaux pratiques. Tout simplement dégueu.

Entre-temps nous est racontée l'histoire du grand Bouddha, ou plutôt du prince Siddârtha, avant qu'il n'atteigne l'éveil et devienne ainsi Das Gros Bouddha pur et parfait. A l'époque Richard Gere était au top de sa forme, il pétait les flammes, ce rôle était fait pour lui, malheureusement il n'est pas dans le film. C'est Keanu Reeves qui incarne Siddârtha. Pourtant l'acteur eurasien le plus nul de sa génération ne ressemble pas franchement à un sumo, mais un Gros Bouddha souriant et obèse aux grandes oreilles qui traînent par terre n'ameute pas les foules, tandis qu'un playboy aux yeux légèrement bridés et au teint halé, oui. Donc Siddhârta est beau gosse, svelte, émacié, épilé et bronzé. C'est un surfer gay. On apprend dans ce film que si Bouddha avait souvent les jambes croisées, ce n'était pas pour prier mais pour se détendre les valises. Car Keanu Reeves tire tout ce qui bouge à l'écran, et il se fait littéralement liposucer dans ce film, d'où le nom de la position dite du "tailleur". La sexualité n'est pas que suggérée puisque le scénario nous apprend que la mère de Siddârtha a été fécondée par un grand éléphant blanc à six trompes. Malheureusement la scène n'apparaît pas dans ce softcore flick.

On peut quand même émettre quelques doutes sur un casting où Reeves est rejoint par le chanteur à minettes Chris Isaak dans le rôle du papa du futur petit bouddha. Le crooner à belle gueule joue cependant mieux la comédie que l'élu, qui après avoir déjà craché entre les pieds du mot "interprétation" dans le Dracula de Coppola l'année précédente, massacre le mot "comédie" dans chaque scène de ce film, et pourtant il y a des scènes extra dans Little Buddha : celle où Reeves est abrité de la pluie par un serpent cobra en latex qui élargit sa crête façon parapluie, celle où l'acteur galope sur des nénuphars, et tant d'autres. Quand on le découvre à 13 ans, le film a de quoi séduire en nous présentant une religion basée sur un mysticisme transcendantal loin de nos monothéismes répressifs et punitifs, mais Little Bouddha, comme la plupart des films de Bertolucci, consiste néanmoins en un clip indigeste pseudo-séduisant de touriste définitivement occidental aux inspirations esthétiques en berne. Little Bouddha, le supo qui fond dans le cul, pas dans les doigts, est un film Télé 7 Jours du dimanche soir encore inédit à la télévision.


Little buddha de Bernardo Bertolucci avec Keanu Reeves et Chris Isaak (1993)

13 septembre 2013

Sous surveillance

Quand tu t'appelles Bobby Redford, tu peux avoir un casting en or malgré un scénar' en contreplaqué, il suffit de claquer des doigts. C'est ce que prouve son dernier film en tant que réalisateur, acteur et producteur exécutif : Sous surveillance (The Company we keep en VO, soit "La société que nous gardons"). Visez un peu l'affiche. Treize noms qui ont bien du mal à tous y contenir. De vieilles gloires du passé y côtoient de jeunes acteurs qui montent qui montent. Si le film, qui paraît déjà bien long, avait duré deux heures de plus, on imagine que le défilé de vieilles gueules cassées et de jeunes loups aux dents qui rayent le parquet aurait duré encore plus longtemps. Heureusement, la mégalomanie de Bob Redford a des limites !


Moment de malaise sur le tournage quand Susan Sarandon décide de mimer la position sexuelle préférée qu'elle réalisait naguère avec Tim Robbins, surnommé The Black Donkey dans la profession.

On suit donc ici le pâle Shia LaBoeuf, jeune journaliste désireux de faire ses preuves, en pleine enquête sur un vieil avocat (Robert Redford) dont le trouble passé ressurgit suite à l'arrestation d'une membre du Weather Underground (joué par Susan Sarandon), groupe d'activistes de gauche radicale ayant marqué les années 70 et considéré comme une organisation terroriste par le FBI. En deux temps trois mouvements, Shia (prononcez comme ça vous chante, "Who really cares ?!" répète-t-il à longueurs d'interviews, blasé) parvient à dépasser plus de 30 années de recherches acharnées menées par le FBI et expose au grand jour la véritable identité de Bob Redford. Ce dernier prend alors la fuite, Shia et le FBI se lancent donc immédiatement sur ses traces ; mais attention, n'allez pas imaginer une course-poursuite haletante au sein d'un thriller parano comme on n'en fait plus, non, pensez plutôt à un escargot fatigué et tout ridé (Redford) inspecté à la loupe par un enfant laid à moitié aveugle (LaBoeuf) entouré d'une bande d'incapables qui regardent du mauvais côté, dirigée par le toujours désagréable Terrence Howard.


Malaise encore sur le tournage lorsque Shia LaBoeuf décide d'aller sur généalogie.net pour retrouver ses ancêtre aveyronnais alors qu'il a une ligne de dialogue de la plus haute importance à placer face à Bob Redford (qui regrette à ce moment là de ne pas avoir choisi Mouloud Achour pour le rôle).

Comme il a du temps à paumer et que les énergumènes à ses trousses sont tous des purs zonards, Bob Redford profite de cette petite virée pour renouer les liens avec de vieux amis qui ne l'accueillent pas toujours avec le sourire. Le film prend alors des allures d'anti-Expendables, ces réunions musclées d'anciens collabos toujours fachos organisées par Sly, puisqu'il nous propose une morne galerie de portraits de gauchos ancestraux mal dans leurs peaux ayant tiré un trait sur leur passé un brin trop engagé. Ce film-là, c'est donc un peu le Expendables des soixante-huitards grabataires, sauf qu'ici les acteurs sont tous en déambulateurs et, à la place de mitraillettes et autres kalachnikovs, ce sont leurs idéaux en berne qu'ils traînent partout avec eux. Bien sûr, le rapprochement avec le film de Stallone n'est pas à prendre comme un compliment.


Malaise toujours sur le tournage de ce film en bois entouré de moquette sans âge lorsque Bob Redford lâche un pet cinglant sur le coin de la veste en velours côtelé de Dick Jenkins qui ne peut retenir un rictus de dégoût et un regard furtif et interloqué en direction de son interlocuteur censé être un gentleman.

On croise donc avec plus ou moins de plaisir des vieux gars comme Nick Nolte, dans l'un de ses fort probables derniers rôles (cela me fait de la peine de l'écrire aussi), Brendan Gleeson, un pack de bière à la main, et le plus grand d'entre tous, toujours au top, toujours la même tronche depuis 20 ans, j'ai nommé Dick Jenkins, le seul de la bande à ne pas être sur le déclin, artistiquement parlant. J'aurais aimé y voir aussi le grand Robert Duvall, mais c'était oublier ses véritables opinions politiques... Côté vieillardes, on retrouve Susan Sarandon, fidèle à elle-même, et Julie Christie, que l'on pourra mettre un petit moment avant de reconnaître. Ce medical check-up platement filmé est souvent déprimant quand on découvre le gros coup de vieux pris par l'un ou la mauvaise mine affichée par l'autre, et parfois étonnant, comme lorsque l'on constate que Julie Christie et Robert Redford se ressemblent désormais étrangement. Ils doivent avoir le même chirurgien, un type qui fait du bon taff, ceci dit, bien que leur beauté de jadis ait bien du mal à percer derrière l'écran juvénile superficiel qu'il leur colle aux tronches.


Malaise bis repetita lorsque Bob Redford décide de jouer toutes les scènes avec Julie Christie en lui tournant le dos comme pour se venger d'une relation amoureuse terminée sur un point d'exclamation, le sang et les larmes. Une balle dans son propre pied !

Au milieu de tout ça, les jeunes pousses ont bien du mal à s'affirmer, y compris la sympathique Brit Marling, que son amour pour les thrillers américains des 70's doit amener à faire des choix de carrière pas toujours judicieux (on l'avait également vue dans Arbitrage, aux côtés d'un Dick Gere aux abois, un film du même tonneau, mais plus sobre et réussi). Le tristounet Shia LaBoeuf démontre quant à lui qu'il n'a toujours pas les épaules pour porter un film tel que celui-ci. Notons que pour faire taire les critiques français qui pointent systématiquement du doigt sa ressemblance frappante avec Karim Benzema, la star porte ici une moumoute ridicule et des lunettes triple foyer qui ne suffisent pas à le rendre crédible en journaliste.


Malaise final très palpable et ressenti douloureusement par tout le cast & crew au moment où Shia LaBoeuf demande effrontément à Brit Marling de tirer sur son doigt afin de pouvoir lâcher un pet issu de l'ingestion et la digestion malheureuse d'une fricassée de Limoux avariée.

Beaucoup ont parlé de nostalgie ou de mélancolie pour qualifier ce thriller mou du genou réalisé par un Robert Redford vraisemblablement soucieux de redorer son mythe et celui de quelques collègues en évoquant un glorieux passé d'activisme de gauche. Pour ma part, j'y vois plutôt un narcissisme déplacé de la part du Sundance Kid. Même si cette scène douloureuse, où la vieille star se montre faisant son jogging, laborieusement, en nage, courant comme une vieille gonzesse, vient quelque peu contredire mon hypothèse. Force est de constater que l'on s'ennuie ferme devant ce film qui paraît déjà très daté. Le climax, c'est tout de même une course à deux à l'heure de Robert Redford et Julie Christie dans les bois, poursuivis par les bergers allemands obèses du FBI. Ils trainent la patte et sont filmés ridiculement, de dos, en tenue de jogging, et presque invisibles derrière les gros sacs Quechua qu'ils trimballent avec eux. Quand elle ne fait pas mal aux yeux, la mise en scène est en mode pilote automatique. Redford aurait sans doute mieux fait de confier la tâche à quelqu'un d'autre, même si je ne vois personne, dans le cinéma américain du moment, capable de torcher un thriller correct à partir d'un tel script. Au bout du compte, Sous surveillance pourrait aisément être rattaché à cette petite vague de films commémoratifs rances qui sont produits depuis quelques années et nous foutent à chaque fois un petit peu mal à l'aise...


Sous surveillance de Robert Redford avec Robert Redford, Shia LaBeouf, Richard Jenkins, Susan Sarandon, Chris Cooper, Brendan Gleeson, Stanley Tucci, Terrence Howard, Brit Marling, Anna Kendrick, Nick Nolte, et Julie Christie (2013)

12 avril 2011

Slice

Je ne suis pas près de revoir un thriller asiatique de si tôt. Ah ça non ! J’en ai ras-le-bol de ce genre de films. Dans ces pages, nous avons déjà pointé du doigt le pourtant acclamé Old Boy de Park Chan-Wook, dans une critique aussi absurde et bête que le film lui-même. Sans regret. Slice nous vient quant à lui tout droit de Thaïlande et je me le suis envoyé hier soir à la place de TopChef, il est donc encore tout frais dans mon crâne d’œuf. Plus frais que The Chaser ou J'ai rencontré le Diable, autres films un peu du même genre que j’ai vus récemment. Pour que vous compreniez là où je veux en venir, je vais me contenter de vous raconter l’histoire de Slice, en essayant d’être le plus clair possible et sans omettre le moindre détail, ce qui n’est pas du tout gagné étant donné à quel point le scénario est tordu… Alors tenez-vous bien !

Bangkok, nowadays. Le héros, prénommé Taï, est un tueur à gages emprisonné qui continue néanmoins à effectuer sa profession intra-muros en éliminant des taulards un peu trop gênants sous ordre de ses supérieurs, qui ne sont nuls autres que des policiers. Lorsqu’une psychiatre pénitentiaire lui demande comment ça va, notre héros tire la tronche et lui cause de ses rêves récurrents, qui semblent être autant de souvenirs désagréables mettant en scène un petit garçon, des valises rouges et des cadavres lacérés. Ceci nous est montré par des flash-back accompagnés d’effets de fort mauvais goût qui font très « série-télé » et agressent nos innocentes mirettes. Pendant ce temps, la ville est frappée par un svelte serial killer qui se balade dans une sorte d’immense anorak rouge. Ce psychopathe a la particularité de découper ses victimes en morceaux, de façon à ce qu’elles contiennent ensuite dans une valise rouge, qu’il dépose un peu n’importe où afin de laisser aux flics le loisir de les découvrir. Le tueur en série s’amuse aussi à arracher les parties génitales de ses victimes pour leur mettre dans le fion. Craspec. Heureusement, ceci nous est juste lourdement suggéré. En outre, ses victimes sont toutes des gros obsédés sexuels, faisant appel aux services des nombreuses prostituées de Bangkok, de préférence transsexuelles, shemales, ladyboys, trannies, ou très juvéniles. La Thaïlande, c’est des putes et des trans’ de partout, demandez à Freddy Mitterrand qui se fait appeler dans la région "two-headed dick, three cumshots", et c’est en tout cas ce que montre ce film, promis à un succès international grâce au scénario machiavélique que je vais continuer à vous dévoiler sans aucun embarras.


En Thaïlande, cet acteur est considéré comme le Richard Gere thaï, la quintessence de la classe.

Un enquêteur camé à la chevelure blanche hirsute et abonné aux chemises hawaïennes à la Ace Ventura dispose d’un délai de 15 jours pour coincer le tueur qui commence à s’en prendre à des personnalités haut placées. La psy pour taulard l’informe alors du lien qui pourrait exister entre Taï et l'individu à capuche tant recherché. Après moult hésitations, il est décidé de donner pour mission au héros de partir à la traque du serial killer et, pour qu’il accepte, on lui promet qu’il sera ensuite libéré de taule et qu’il pourra donc rejoindre sa copine, une thaïlandaise blonde à forte poitrine prénommée Nouille dont il est éperdument amoureux.


Désolé, j'ai cherché une caps où on voyait sa forte poitrine, sans succès.

A la recherche du tueur, Taï revient sur les traces de son passé et se rend compte que ses rêves sont de simples bribes de souvenirs à peine déformés. La jeunesse du héros nous est alors contée à grand renfort de retours en arrière parfois assez inutiles mais qui permettent au film d’avoir le statut de « long-métrage ». On apprend donc que lorsqu'il avait une dizaine d’années, Taï était tiraillé entre une bande de copains brutaux, cruels, méchants, bref, en plein âge bête, et un petit garçon plus solitaire, plus tendre, plus doux, prénommé Nat. Tandis que les premiers lui proposaient d’aller mater discretos la trainée de leur village, le second l’invitait à faire du cerf-volant, à toucher son petit kiki ou à contempler le paysage perchés sur le toit d’une cabane en jouant aux playmobils. Surtout, quand la petite bande de salopards le surprenait en train de traîner avec Nat, c’était la cata : Nat se faisait rouer de coups et traiter de pédé, tandis que le jeune Taï n’esquissait pas le moindre signe de révolte, voire se défendait d’être le pote de Nat, et participait même activement à le bastonner. Nat n’étant pas du genre rancunier, il continuait malgré cela à tenter de copiner avec Taï qui, après 56 bastonnades et humiliations en règle de plus, décida tout de même de prendre le parti de son petit compagnon et de se faire rouer de coups à son tour. Mais leur amitié ne pouvait s’épanouir normalement, puisque Nat continuait d’être la risée de tout le village, et ce notamment parce qu’il était le grouillot de l’épicière (peut-être sa mère, mais j’en suis pas sûr), une femme souffrant d’une terrible maladie de peau faisant de son corps un innommable amas de pustules hideux. Un détail du film assez surprenant et je serais d’ailleurs curieux de savoir si une telle maladie existe. En outre, le petit Nat n’avait vraiment pas de chance puisqu’il avait pour papa un taré profond qui, pour le punir, lui faisait littéralement bouffer ses tongs et, quand il jugeait que la bêtise commise méritait un châtiment plus sévère, choisissait tout bonnement de l’enculer. Pour compléter le tableau, Nat avait été violé par l’un de ses professeurs dont il avait dû sucer la teub de force après qu’il ait été surpris dans son bureau alors qu’il tentait d’honorer un pari idiot avec Taï. Tu parles d'une enfance à la con ! Dans le présent, l’enquête piétine et les cadavres s’accumulent, avec toujours des meurtres que l’on devine d’une cruauté sans nom. L’une des victimes, retrouvée dans une valise rouge, finit par exemple le corps asséché par l’ingestion d’alcool fort et, pour couronner le tout, avec des playmobils profondément enfoncés dans le colon. Le tueur réalise aussi un véritable carnage dans une boîte de nuit érotique lors d'une scène horriblement filmée, incluant ralentis et effets visuels douteux.


Taï, Nat et leur cerf-volant, deux minutes avant de recevoir la baston du siècle.

Au bout d’une heure de film, le héros fait le lien entre ces victimes et toutes les personnes qui, jadis, humiliaient son pote Nat. Ce sont bien elles qui ont toutes finies dans une valise, condamnées à s’auto-administrer un terrible head-fuck ! Nat est donc le tueur , scoop ! Maintenant que l’on sait qui c’est, y a plus qu’à mettre la main dessus. C’est là que le héros se souvient que Nat et lui avaient quasiment terminé dans le petit monde de la prostitution de mineurs, macrocosme très actif en Thaïlande, d'après Fred Mitterrand. Il se remémore également de ce qui les avait définitivement brouillés : l’homosexualité manifeste du jeune Nat, qui se faisait de plus en plus collant, et qu’il avait fini par repousser en s’écriant « Oh je suis pas à voile et à vapeur ! ». Abandonné par son seul ami, le petit Nat termina dans une petite valise rouge, prêt à satisfaire des touristes en échange d'une poignée de bahts dans des chambres d’hôtel miteuses.


LA scène du film, celle qui vous fera le détester et le quitter.

Par un ressort narratif dont je ne me souviens plus exactement, notre héros, qui est au parfum que les changements de sexe vont bon train dans son pays, décide dans un éclair de lucidité de montrer une photo actuelle de Nat au chirurgien esthétique du coin (une photo préalablement empruntée à l’épicière, toujours aussi dégueue et désormais aux portes de la mort). Survient alors le twist final de ce film démoniaque. Lors d’un morphing de tous les diables à partir de la photo du visage de Nat, entrecoupé d’extraits rapides des opérations chirurgicales qu’il a subies, nous découvrons que Nat, le serial killer, n’est autre que Nouille, la bien-aimée du héros ! ma chaise s'était littéralement envolée ! J’étais sur le cul et ultra blasé ! Et je viens donc de vous spoiler le film. Mais je me disais que c’était un accord tacite entre vous et moi, acté dès le début de ce texte affreux. De toute façon, si vous m’avez lu, je ne vous ai pas seulement gâché le film, je vous ai aussi flingué la journée. Et j’en suis pas peu fier…


Heureusement que la caméra ne va pas plus près...

Mais ça n'est pas fini et quitte à raconter le film, autant aller jusqu’au bout du bout et faire ça complètement. Taï est donc un peu dégoûté d’apprendre que son amoureuse est un transsexuel homo et qu’il s’agit donc de Nat, qui l’aimait déjà alors qu’il n’était qu’un petit garçon. Éprouvant néanmoins des sentiments pour lui (ou elle ?), il choisit de le retrouver à leur ancienne cabane, suite à une ellipse bien pratique pour masquer les failles du scénario. Il découvre alors Nat les cheveux de nouveau bruns et dépourvu(e) de sa poitrine mystérieusement disparue. Après une petite causerie courtoise, et alors que les flics rappliquent, Nat demande à Taï de le flinguer, chose qu'il exécute non sans essuyer quelques larmes. Rideau.


Taï et Nat se retrouvent dans les larmes et le sang, avec toujours le sacro-saint pistolet qui règle tout.

Alors je ne sais pas si j’ai tout compris et si je n’ai pas oublié certains détails, mais une chose est sûre : je n’ai rien inventé ! Dans quel état doit-on avoir le ciboulot pour être capable d’inventer une telle histoire ? Je me le demande ! Le pire, c’est que ce genre de film captive de façon très vilaine : on veut connaître le fin mot de l’histoire, justement, pour découvrir à quel point elle est malsaine et tordue. C’est moche, c’est très moche. Et plein de films sont comme ça. On pense donc bien entendu à Old Boy, où, je le rappelle, un type est séquestré des années pour être amené à baiser sa propre fille à la sortie, sans qu’il s’en rende compte, afin d’assouvir la vengeance d’un type qui devrait plutôt jouer aux Sim's. Dans J'ai rencontré le Diable de Kim Jee-Woon, c’est aussi une histoire où la vengeance est un plat qui se bouffe congelé, puisque le héros, dont la fiancée a été victime d’un terrible serial killer, choisit, une fois qu’il a coincé ce dernier, de lui enfiler un capteur GPS dans le bide, pour mieux le relâcher, et ensuite le suivre à la trace et lui coller une raclée dès que ça le démange. Véridique.

Tous ces films sont particulièrement glauques et violents. Les personnages s’envoient des baffes pour s’adresser la parole quand une simple tape amicale sur l’épaule aurait suffit. Je viens, d’une certaine manière, de les imiter. Et je m’en veux. En effet, plutôt que de vous raconter toute l’histoire de Slice, j’aurais peut-être mieux fait de la fermer, et de simplement vous dire que c’est ultra naze. Désolé.


Slice de Kongkiat Khomsiri avec Arak Amornsupasiri, Jessica Pasaphan et Artthapan Poolsawad (2010)

16 mai 2009

Bug

Je repensais à Terrence Malick et son inquiétant Nouveau monde en mangeant la moitié d'un gros éclair au chocolat que mon père n'a pas pu terminer après le chili sin carne (que des fayots) format familial de ma mère qu'on vient de s'envoyer intégralement à deux... Et après de brèves digressions j'en suis arrivé à penser à William Friedkin. J'ai longtemps confondu les blazes de ces deux réalisateurs. Je ne sais pas très bien pourquoi mais à chaque fois que je cherchais le nom de l'un je trouvais celui de l'autre et vice et versa. Ce qui m'a posé bien des problèmes parce que, croyez-le ou non, bien des discussions vous amèneront un jour ou l'autre à évoquer l'un ou l'autre de ces deux croutons de la réalisation. Et alors peut-être que comme moi vous lancerez à gorge déployée, très fiers de vous, le blaze du premier pour accompagner un film du second, ou l'inverse : "Ah ouais Les Moissons du ciel de William Friedkin ! Fameux film avec Gene Hackman... Pas aussi bon que le French Connection de Terrence Malick dans le même genre, avec Richard Gere, mais pas mal quand même !" C'est un peu comme confondre Barthez et Dugarry, Virginia Woolf et Françoise Sagan ou Bob Dylan et Shaggy, je veux dire par là que si Malick et Friedkin font bel et bien le même taff ils ne le font pas tout à fait de la même manière, et surtout que leurs blazes n'ont putain de pas grand chose en commun.



En fait si, je sais pourquoi j'ai eu cette triste tendance à confondre ces deux cinéastes. J'ai trouvé pourquoi en avalant mon gros éclair au chocolat noir. Je les confonds peut-être parce que dans mon inconscient personnel ils évoquent plus ou moins le même genre d'individus. A savoir deux vieux types dont les noms ont fait le tour du monde grâce en grande partie à leurs blazes marquants. Il faut bien dire la vérité, ces types-là ont des millions de fans un peu partout autour du globe, et même ceux qui ne les connaissent pas vraiment ont déjà entendu et à jamais retenu leurs noms. Vous me direz que ces deux noms-là sont particulièrement mémorables dans leur musicalité intrinsèque, mais à ce point ?... Ces deux mecs n'ont qu'à dire leur blaze pour remplir des stades, et si dire son nom n'est pas bien compliqué ça reste absolument nécessaire pour eux vu que personne n'a jamais croisé leur tête. Personne au monde ne saurait foutre un visage sur leurs noms en or. Mais je me refuse à croire qu'un nom qui sonne puisse suffire à de tels mouvements de foule. Il faut plus que ça. Et c'est là que je pose ma question. Qu'ont bien pu faire ces deux réalisateurs récemment pour susciter un tel engouement international ?



Le voilà leur point commun. Voilà deux types qui ont rameuté des populations à leurs causes, qui ont marqué les mémoires de génération en génération, et qui ont encore "la carte" à Hollywood sans rien faire ou presque. Avec 66 piges au compteur Malick n'a jamais réalisé que quatre films sur un seul et même sujet, et pas le plus attachant qui soit, à savoir le gazon sous toutes ses formes. Et Friedkin a réalisé fut un temps et coup sur coup deux films intéressants : French Connection et L'Exorciste, en 1972 et 1974. Depuis rien, n'est une suite de films plus ou moins immondes que tout spectateur doté du premier des sens qu'est la vue et du second qu'est l'ouïe s'accordera à juger caduques, inaptes à la diffusion, ni faits ni à faire. Alors je veux bien admettre que French Connection soit un chouette film sur Gene Hackman courant pendant une heure et demi sous le métro aérien à la poursuite d'un type probablement coupable de quelque chose d'assez grave pour qu'un autre le traque si longtemps sur un si petit périmètre. Je veux bien concevoir que L'Exorciste soit un des plus grands films d'horreur de l'histoire du cinéma et bien plus que ça, probablement un film d'auteur passionnant et très profondément mis en scène. Personnellement ces films-là me laissent un peu en porte-à-faux mais je reste lucide et je sais pertinemment qu'il y a dans ces deux œuvres des choses intéressantes et même importantes, même s'il s'avère que je considère chacun de ces films comme un de mes reins et que les reins, comme les couilles, on en a deux mais si on en perd un on fera pareil qu'avant avec l'autre. Tout ça pour dire qu'à 74 ans et du haut d'une liste de 18 longs métrages, William Friedkin monopolise encore toutes les attentions et génère encore bien des passions pour deux films intéressants réalisés dans la foulée il y a 37 longues années. De quoi, perso, me bluffer. Friedkin n'est sur aucun projet depuis 2007 et vient de sortir de sa tombe avec la sortie du Bug dont il est question, ou dont il est censé être question sur cette page. Black-out complet du côté de Willy Friedrich... gros "broken arrow" pour William Frisby. Il a laissé lettre totalement morte depuis son dernier film. Il doit probablement défragmenter son cerveau gangréné suite à son dernier gros Bug.



Parlons-en quand même de ce Bug. Ce film est une veulerie sur pellicule. Il y a ces films où l'on a le sentiment de voir le scénariste taper son script en transparence dans chaque plan. Et il y a ces autres films où l'on a le sentiment de voir le réalisateur sur ses chiottes, frappé d'inspiration, trouvant l'idée géniale sur laquelle il misera les deux prochaines années de sa vie, sa carrière toute entière et l'adolescence de ses enfants, allant même jusqu'à supprimer l'étape usuellement consacrée au défraiement d'un scénariste engagé précisément pour faire de cette idée un film. Bug fait partie de cette dernière catégorie. Friedkin a voulu faire un film noir, un film sale et répugnant, un film moderne sur la société moderne. Un film angoissant et surexcitant à propos de la folie ordinaire, du viol de l'intimité, de la manipulation, des mass médias, des faux semblants et de l'électronisation du monde. Alors il a pensé au mot "Bug", qui en anglais signifie "bestiole" ou "insecte" comme chacun sait, mais qui désigne aussi un problème informatique, un virus. Et puis au verbe "to bug", qui veut dire "embêter" ou encore, quand il est suivi de "quelqu'un", devient "to bug somebody" et se traduit alors par "mettre sur écoute". Et alors la grosse couille qui se balade dans son crane cabossé et qui lui sert de cerveau n'a fait qu'un tour. Il a enfermé une salope (la très vivante Ahsley Judd) et un crétin (l'excellent Michael Shannon) dans une chambre et à grands renforts d'effets spéciaux il les a entourés d'étranges petits insectes purulents et toujours plus nombreux qui ne tarderont pas à les rendre fous à lier. Sa grande question est alors la suivante : hallucinations ou clairvoyance ? Les deux protagonistes sont-ils complètement jetés ou bien les seuls à voir la vérité d'un complot d’État dont le secret reste bien gardé en dehors des murs de ce motel du fin fond des États-Unis ?



Une fois j'ai bu un pack de vodka redbull et je me suis vautré sur la tommette de ma cuisine, ce vieux dallage en terre cuite, pendant tout un après-midi passé devant trois fourmis qui cherchaient à faire passer une grosse miette de bouffe par un trou trop petit en bas de la porte-fenêtre qui donne sur mon jardin, mot fort élégant pour ce qui me sert en vérité de débarras. C'était pile poil le film de Friedkin. A la fin de l'après-midi j'ai marrave les fourmis avec mes doc marteens et j'ai colmaté la brèche en bas de ma porte-fenêtre avec une brique. Le film je l'ai maté y'a presque un an et pourtant j'ai toujours le sentiment de voir Friedkin le cul collé à son chiotte, tout sourire et conquérant à l'idée d'avoir songé à l'histoire la plus conne qu'il pouvait tirer des différentes définitions d'un triste mot. J'arrive pas à retirer cette image de mes pensées. Sans doute ma persistance rétinienne qui fout le camp. Je me casse prendre rendez-vous chez l’orthoptiste du coin !


Bug de William Friedkin avec Ashley Judd, Michael Shannon et Harry Connick Jr. (2007)

14 mai 2009

Le Nouveau Monde

Celui-là je l'avais loupé au ciné parce que j'avais un imprévu et que je voulais pas du tout le voir. J'avais pas tort. Terrence Malick a une idée fixe : filmer l'herbe. Je sais pas s'il est toxico dans le privé, ou s'il devient à moitié con quand on le fout dans un pré, toujours est-il que c'est ça son crédo. Petit retour en arrière. En 1974, dans son premier film, La Balade Sauvage, Malick avait plus ou moins décidé de refaire le Bonnie and Clyde d'Arthur Penn sept ans après, sans en avoir l'air, en choisissant Martin Sheen et Sissy Spacek pour incarner la jeunesse éperdument libérée des années 70 prête à tuer pour s'aimer. Si Godard avait su voir Belmondo pour A bout de souffle et si Vadim avait su voir Bardot pour Et Dieu créa la femme..., on peut dire que Malick avait une paille dans l'œil le jour du casting de son premier film, une grosse botte de paille coincée dans son œil gauche et une poutre amarrée dans l'autre. Quand on veut filmer des icônes faut quand même se rappeler que leur profil compte un minimum pour entrer dans le cœur des gens, et là causons de charisme... Pour emballer les foules un homme-tronc coiffé des cheveux les plus secs du Michigan (Martin Sheen), et une anorexique qui peut se servir de son propre blair comme d'un économe dès qu'il y a des patates à éplucher (Sissy Spacek), ça ne peut guère suffire. Toujours est-il que ces deux-là batifolaient tout le long du film dans les herbes sauvages séchées par l'impitoyable soleil d'Alabama. Dans Les Moissons du ciel, en 1979, c'était au tour de Richard Gere de se rouler dans la paille Texane pendant 3 plombes avec les roustons coincés dans la braguette de son jean Levis. Puis en 1999, dans La Ligne rouge, Malick prenait pour prétexte un film sur la guerre dans le Pacifique pour aller fumer les herbes hautes de Guadalcanal avec toute son équipe pendant vingt ans pour ce qui devait rester comme le tournage le plus long et le plus "camé" de l'histoire du cinéma.


Pocahontas sent ses doigts après s'être gratté la raie. John Smith découvre toute une culture.

Et puis en 2006 notre soixante-huitard attardé remet le couvert avec Le Nouveau Monde, adaptation de la célèbre histoire de Pocahontas, la légende fondatrice de la civilisation Américaine et jalon de sa tradition littéraire. Mais ça on s'en fout puisque ce qui intéresse Terrence Malick, c'est l'herbe. Et quoi de mieux pour filmer des herbes que ce "Nouveau monde", terre vierge, tantôt hostile tantôt si hospitalière ? Au fond Malick il s'en balance pas mal de Pocahontas. Et on va pas lui en vouloir. Qui en a quoi que ce soit à secouer de cette légende parfaitement chiante ? Non, tout le monde s'en fout. C'est super con comme histoire de toute façon... Y'en a eu deux mille comme ça, des récits de captives tantôt blanches tantôt natives, de chevaliers preux et conquérants, de sceptres en or et de calumet de mes pets, et c'est celle de Pocahontas qui est restée dans les mémoires sans doute parce que le nom de l'héroïne sonne bien... Une chance que l'histoire n'aie pas porté le nom du héros d'ailleurs, parce qu'avec un bouquin intitulé "Smith" personne n'aurait levé son cul de sa chaise. Non pour Malick c'était surtout une aubaine pour filmer des herbes, des brindilles, de la paille, des prairies, de la végétation, des prés, de la pelouse en un mot. Et Terrence Maniac s'en est donné à cœur joie. De long en large, de loin en loin, on voit la jeune Péruvienne qui interprète Pocahontas déambuler dans un sens puis dans l'autre à travers champs, à contrechamp, elle colchique dans les prés sans fin, béate, toujours plus esbaudie par le contact avec le moindre bourgeon, toujours plus excitée à chaque fleur qu'elle écrase de ses pieds plats, toujours plus bouffée par les guêpes et les moustiques, heureuse, candide, niaise, conne, faut bien le dire, elle est con comme un ballon.


Un des 3500 plans du film où Pocahontas cavale dans l'herbe.

On se demande si pour Malick le "mythe du bon sauvage" n'équivaudrait pas à un genre de "mythe du bon con". Faut voir cette native se fendre d'un sourire éternellement plus grand et plus bête à chaque fois qu'elle va courir dans les herbes folles en écartant les bras pour que ses mains frôlent les têtes fleuries des pousses sauvages de son "nouveau" monde pourtant si ancien que la farouche nature s'en est emparée - mais pour combien de temps ? Bref c'est pas ça que je disais, ce que je disais c'est qu'elle a vraiment l'air con la gosse à force de gambader toutes les trois scènes dans sa robe à ras les couilles au milieu des plantes. Malick a vraiment un gros souci. Sans parler de ses indiens qui hurlent "ouhouhouh !" à tout bout de champ. Je veux bien croire que les indiens avaient ce cri de guerre. Après tout on nous le raconte depuis des lustres, doit bien y avoir un fond de vérité. Mais de là à nous faire croire qu'ils hurlaient ça du soir au matin et du matin au soir, pour un rien, c'est vraiment les prendre pour des autistes et nous prendre pour des cons. Aimer les herbes c'est une chose mais Malick pourrait faire l'effort de respecter la mémoire et la dignité des abrutis qui les ont regardé pousser. Seulement voila, donnez du feuillage à Malick et c'est un coq en pattes, alors foutez-lui une idiote du village en culotte courte qui ne parle pas sa langue au milieu du tableau, pendue à une liane avec un sourire long comme le bras collé à la gueule, et notre homme ne se sent plus pisser.


Que filme Malick ? Colin Farrell ou des herbacées ? Impossible à dire.

Parsemé de scènes narratives probablement tournées par un assistant à la manque, un exécutant sans figure, un "yes man" très patient, le film de Malick n'est qu'une suite de plans sur une bourrique indienne en extase permanente qui danse dans les hautes herbes Américaines, filmée par un vieillard plein de tocs et sans doute plein de tiques après des mois passés dans la jungle Colombienne caméra au poing. Aussi le montage est-il totalement décousu et audacieux. Mais encore faut-il considérer comme "audacieux" un monteur d'Hollywood qui a dû suer toutes les eaux de son corps et se ronger les ongles jusqu'à se dénuder les os des doigts pour raccorder bon an mal an des milliards de kilomètres de rushes sur des herbes grimpantes au milieu desquelles, tête basse, Colin Farrell grimpait quant à lui la moitié des petites actrices locales, naïves autochtones, sans que personne ne s'en aperçoive. En tchancles ou en armure de conquistador, Colin Farrell finit chacun de ses tournages, pour ne pas dire chacune de ses journées, assis en chien de fusil sur une autre personne.

Après la sortie de ce film les journaux spécialisés annonçaient Malick sur le tournage d'un long métrage sur le golf intitulé "Green". On entendait aussi courir la rumeur de l'écriture d'un film sur le football, dont le working-title était "Grass". Mais c'est bel et bien The Tree of Life qui devrait arriver sur nos écrans un jour ou l'autre.


Le Nouveau Monde de Terrence Malick avec Colin Farrell et Christian Bale (2006)

15 mai 2008

Peur Primale

« En France, je suis un metteur en scène, en Grande Bretagne, je suis un réalisateur, aux États-Unis, je suis un yes man, à la maison, je suis un sale con ! » C’est souvent par cette phrase explosive que Gregory Hoblit se présente lors des interviews, s’amusant ainsi de la relation tendue qu’il semble entretenir avec sa femme. Cette citation, pleine d’humour et d’aigreur, résume fidèlement l’individu qu’est Gregory Hoblit. Car Hoblit n’est pas ce genre de businessman que vous verrez bientôt monter les marches au Festival de Cannes. Vous ne le trouverez jamais sur un tapis rouge habillé en costard et portant des ray ban, en train de frimer devant une meute de photographes excités. Hoblit ne fait pas partie de ceux-là. Gregory Hoblit se décrit lui-même comme un épicurien et un simple artisan. Pour lui, une journée de travail commence à 8 heures du matin et finit à 8 heures du soir, et si tout a déjà été tourné avant le temps imparti, Hoblit en profitera pour avancer dans son prochain projet. C’est grâce à cette méthode qu’Hoblit parvient à mettre en boîte souvent plus de trois films par an.


Gregory Hoblit est un personnage qui a rapidement été apprécié dans le métier, mais il a paradoxalement bien mis du temps à gagner une certaine reconnaissance. On l’a d’abord aimé pour sa bonhomie, pour la joie de vivre qu’il dégage même lors des moments les plus difficiles. Il s’est très tôt fait remarquer sur les plateaux où il officiait en tant que simple assistant car il avait la particularité de nettoyer les gros carreaux de ses énormes lunettes à l’aide de son slibard, il prétextait que c’était là le seul tissu adéquat (sans doute le seul contenant assez d’acidité pour parvenir à dégraisser les verres embués du gaillard). Ensuite, on a apprécié sa polyvalence, du fait qu’il est capable de tout filmer de la même façon, sans jamais y mettre sa touche personnelle. Greg Hoblit représentait par conséquent une sacrée roue de secours en cas de pépin, sa mise en scène sans aucune personnalité a fait de lui la cinquième roue du carrosse la plus utilisée à Hollywood. Il était connu comme étant le seul et unique director croque-mort, puisqu’à chaque fois qu’un réalisateur crevait en plein tournage, on faisait appel à Hoblit pour non seulement se débarrasser du macchabée et organiser les funérailles en accord avec la famille du défunt, mais aussi pour reprendre en main le film et achever le tournage en bonne et due forme. Hoblit est donc un véritable guide du routard hollywoodien doublé d'un vieux briscard qui a longtemps été habitué à exécuter ses tâches sans rechigner et qui connaît par cœur tous les rouages du système. Gregory Hoblit a vu sa carrière prendre enfin son envol grâce au succès surprise de Peur Primale, un film dont il préfère le titre dans sa version française, « pour sa sonorité ».




Peur Primale est un thriller où Richard Gere campe le rôle d’un avocat têtu chargé de défendre un retard, un déficient intellectuel, joué par Edward Norton, accusé d’un crime affreux. Lors de la première scène du film, on assiste à l’arrestation virile d’Edward Norton, encore présent sur les lieux du drame, les mains toutes ensanglantées. Les analyses médicales ne font aucun doute : le sang qu’il a sur les mains est bel et bien celui du pasteur dont on a retrouvé la tête au bout d’une pique et le reste du corps trempant dans l’eau bénite de l’église. Alors qu’on prépare déjà la chaise électrique pour un détenu qui ne comprendra de toute façon pas ce qui lui arrive, un avocat décide de prendre l’affaire en main et de défendre l’indéfendable. Cet avocat a les cheveux blancs, le regard rieur, la démarche chaloupée et appelle au boycott des Jeux Olympiques de Pékin : il s’agit bien évidemment de Richard Gere, le "Silver Fox", on l’aura reconnu au premier coup d’oeil. Le reste du film s’apparente à un documentaire sur le système juridique américain, dont Hoblit pointe du doigt les nombreuses failles. Ces mêmes failles qui permettront à Edward Norton d’éviter l’incarcération à perpétuité et qu’Hoblit explorera à nouveau avec le film Fracture (intelligemment nommé La Faille en VF), où Anthony Hopkins s’en tire avec un casier judiciaire vierge après avoir pourtant donné la mort à 12 innocents. Mais même si cette critique au vitriol est brillamment menée par Hoblit, qui dans le civil est un père meurtri par la disparition de sa fille dont l’assassin court toujours, et quand bien même cette critique tombe à point nommé, là n’est pas l’intérêt de Peur Primale et là n’est pas la raison de son succès retentissant en vidéo-club. Pour comprendre pourquoi Peur Primale est devenu un classique du petit écran, régulièrement diffusé par TF1 les dimanches en première puis en deuxième partie de soirée, il faut voir vu la toute dernière scène du film, celle où on assiste tétanisé au terrible retournement de situation final.




A la toute fin du film, le spectateur a l'estomac sens dessus dessous quand il voit Edward Norton avouer à Richard Gere en lui riant littéralement au nez qu’il n’est pas du tout attardé mais qu’il est seulement très bon acteur ; il en profite aussi pour le remercier d’avoir réussi à lui faire éviter la peine capitale. Ce twist est d’une efficacité redoutable, mais ce que peu de personnes savent c’est qu’il n’était pas du tout prévu dans le scénario initial et qu’il est simplement dû à une improvisation d’Edward Norton jugée « géniale, ahurissante » par Hoblit malgré les réticences de Richard Gere qui voyait-là l’héroïsme de son personnage en prendre un sérieux coup. A la vue du résultat, on applaudit des deux mains le flair du cinéaste, mais on ne peut s’empêcher de regretter qu’Hoblit n’ait pas gardé les autres improvisations d’Edward Norton, seulement visibles sur l’édition DVD collector. On peut y voir un Ed Norton, décidément en grande forme, profitant de son rôle d’attardé mental pour rendre la vie impossible à un Richard Gere qui faillit plus d’une fois en oublier sa philosophie bouddhiste. Tour à tour roué de coups, traîné dans la boue, insulté et menacé à l’aide d’une queue de billard lors d’une scène coupée mythique dans un bar… le Dr T en voit littéralement de toutes les couleurs et c’est pendant le tournage, a-t-il reconnu plus tard en conférence de presse, qu’il déclara avoir réellement enculé toutes les étapes menant au nirvana et qu’il se félicita d’avoir su rester fidèle aux 15 préceptes de l’éthique bouddhiste.




Malgré ces scènes manquantes qui auraient fait de Peur Primale un chef d’œuvre intemporel, on a tout de même droit à un thriller bien ficelé, où j’ai oublié de préciser qu’on a aussi l’occasion d'admirer une Laura Linney alors au zénith de sa carrière, dans le rôle de l'avocate opposée à Richard Gere, le rôle de la gentille donc.




Depuis le succès de Peur Primale, Gregory Hoblit est désormais capable de choisir ses scénarios, un privilège qu’il ne pouvait pas s’accorder dans le passé, quand il était plus soucieux de remplir son frigidaire. Hoblit a ainsi décidé de se bâtir une filmographie uniquement constituée de thrillers. On l’appelle le nouveau Hitchcock. Modeste, Hoblit rectifie, et dit qu’il est simplement « le nouveau Hoblit ». Il enchaîne les thrillers, raffole des faits divers. Il a récemment réalisé Intraçable, où l’on voit Diane Lane prise au piège par un tueur qui filme ses meurtres pour les mettre ensuite sur Youtube. Une histoire sordide. Une histoire qui a immédiatement plu à Hoblit, qui trouvait là l’occasion de critiquer les dérives d’internet. Et finalement un film de plus à ajouter à la filmographie d’Hoblit. C’est à voir si on aime ce non-genre, si on apprécie la patte de ce cul-de-jatte. C’est du Hoblit.


Peur Primale de Gregory Hoblit avec Richard Gere, Edward Norton et Laura Linney (1996)