23 février 2012

Démineurs

Puisque du point de vue du scénario, du discours, du "message" (appelons ça comme on voudra), Kathryn Bigelow ne m'a pas dit grand chose, je vais commencer par parler de la mise en scène, de la forme, qui, et d'autant plus pour porter un sujet pareil, fait discours en soi. Et quand on regarde la forme (dont on sait absolument tout dès les premiers plans, et qui ne montrera jamais rien d'autre), on ne peut qu'être atterré devant une telle pauvreté esthétique. Ce film est horriblement mal filmé. Non pas parce que la caméra bouge sans arrêt au lieu d'être posée sur son pied. On peut faire ce qu'on veut d'une caméra du moment que ça fait sens et qu'on en tire quelque chose d'intéressant, quelque chose de beau, de pertinent. Mais l'esthétique série télé colportée au cinéma, avec ce que ça implique de nervosité sans but, d'énergie sans maîtrise, de mise en scène sans conscience, n'a rien d'une victoire.



24H Chrono aura fait beaucoup, beaucoup de mal. Donner l'Oscar de la meilleure réalisation à Démineurs, c'est une mauvaise blague. N'importe qui aurait pu réaliser à l'identique ce piètre film, n'importe quel yes man hollywoodien nourri aux séries TV les plus bêtes. Le pire c'est que cette réalisation se veut très réaliste, elle est censée donner une caution "reportage" au film. C'est raté. Les reportages sont faits pour la télévision, or c'est le dernier endroit, chantre de l'académisme et de la fadesse, où l'on connaisse encore tant soit peu l'existence du vieux cahier des charges qui dit ce qu'il ne faut pas faire : ne pas zoomer, ne pas faire de panoramique à contre-sens, ne pas laisser un mètre de vide au-dessus de la tête des gens, ne pas couper les corps aux articulations, ne pas trembler, etc. : toutes "erreurs" que Bigelow accumule à qui mieux mieux. Donc la mise en scène de série, et celle de Démineurs, ne font pas appel au reportage journalistique mais à l'amateurisme. Les images comme celles-là que l'on a pu voir aux informations télévisées étaient des images d'amateurs, filmées avec de petites caméras dv ou avec des téléphones portables. C'est les vidéos du 11 septembre, qui zooment à se faire péter l'objectif, c'est les vidéos d'événements violents prisent sur le vif par des anonymes à Bagdad ou Tel Aviv et partout ailleurs où ça sent le sapin. Un amateur qui filme sans savoir filmer réalise précisément ces plans-là : il tremble, il décadre, ou cadre tout simplement mal, il bouge dans tous les sens au point que l'on ne sache jamais précisément ce que l'on voit ni où l'on se trouve, il déconstruit l'espace en ne respectant pas les règles élémentaires consistant entre autres à ne pas pas "croiser" les points de vue, il va à droite puis à gauche et de nouveau à droite et nous fout la gerbe, et il zoome tant qu'il peut, en permanence. C'est grosso modo la liste des premiers interdits que se voit dresser quiconque apprend à filmer. Donc la série télé et désormais le cinéma (déjà depuis un petit moment, mais les films précédents qui adoptaient ce système n'avaient pas reçu une pluie d'oscars), tendent clairement vers l'amateurisme, vers un "non-savoir filmer". C'est quand même parlant dit comme ça. Évidemment c'est l'effet recherché : donner l'impression de voir des images d'amateurs prises sur le vif, sauf que d'une part nous n'irions pas au cinéma pour voir les vraies images d'amateurs prises sur le vif dans les coins chauds du globe, et sauf que d'autre part la place accordée dans le film aux résidents irakiens, ceux qui sont supposés filmer ce type d'images en témoins amateurs, est paradoxalement ridicule, ou puante.


Ce procédé de filmage pourrait peut-être devenir intéressant si Hollywood allait jusqu'au bout de sa volonté. Car l'autre point commun à tout filmeur amateur, peut-être le plus important, c'est le plan-séquence. Godard l'a dit plusieurs fois et nous l'avons tous constaté maintes fois : l'amateur ne coupe pas. Il filme longtemps, il fait des plans très longs (qui n'a pas cru crever devant un film de famille, de mariage ou d'anniversaire réalisé par Tonton Scefo, dont on se demande en regardant la vidéo si lui-même n'est pas mort le front collé à l’œilleton de sa caméra pendant le tournage ?) L'amateur ne fait pas de montage, ou alors par le mouvement violent de la caméra : sans ne jamais couper il change de plan par un balayage brutal et indigeste. Le champ-contrechamp amateur c'est un panoramique nul et lourd passant d'un interlocuteur à l'autre, de Pépé Jésus à Mémé Cazès, en manquant de décapiter le petit Kevin, qui passait entre les deux à ce moment-là et auquel Tonton Scefo file un coup de pied au cul sans couper l'enregistrement de sa caméra, ce qui nous vaut un décrochage du plan vers le fameux cul de Tata Angèle, une seconde de grâce dans un film de famille morbide. S'il ne coupe jamais, c'est peut-être parce que l'amateur n'a qu'une caméra, c'est peut-être parce qu'il ne veut pas risquer de perdre une miette de ce qui se passe devant lui (rien du tout le plus souvent, sauf pour les vidéos qui finissent aux actualités, et là effectivement pas question de rater le second avion qui pourrait arriver vers la seconde tour, quitte à ce que le zoom gâche tout), ou peut-être est-ce parce qu'il ne sait pas filmer et ne sait pas qu'il faut couper et qu'on fera plutôt 20 plans qu'un seul qui dure 45 minutes et qui transforme la salle-à-manger de tata ou, désormais, la salle de cinoche, en immense sac à gerbe pour tous les spectateurs ? Ou peut-être, pour faire dans la poésie, est-ce parce qu'il est absorbé dans sa double-vision, hypnotisé et ne pouvant plus couper... Mon cul ! Cependant une certaine "vérité" du temps éprouvé peut parfois passer dans ce non-concept du plan séquence...



Bref, si Hollywood allait au bout de sa lubie, Démineurs serait tourné en longs plans séquences, presque sans coupures. Ce serait plus intéressant, et ce serait quand même gerbant, parce que ce serait lourd et mal fait, comme un film amateur (personne n'a jamais envie de regarder ces films-là, c'est toujours une plaie et on prie pour avoir une crise d'appendicite quand Tonton Scefo la ramène avec sa vidéo pourrie), mais une autre vérité se dégagerait peut-être du résultat. Ce n'est qu'une hypothèse. Plus vraisemblablement tout le monde se ferait chier, alors que là on regarde, embarqués de force par un montage frénétique, parce qu'on attend que le type explose, sensas ! spectaculaire ! On passe le film pris à la gorge par ce suspense-là : va-t-il arriver, le deuxième avion ? Vont-ils sauter du haut de la tour ? Va-t-il se faire déchiqueter par sa mine, ou pas ? Vont-ils réussir à exploser le visage des terroristes à 3km de distance avec leur énorme calibre oui ou non ? Les seuls films amateurs que l'on regarde avec intérêt sont ceux où on attend le truc bien affreux qui va inévitablement se produire (quid des films porno amateurs en POV). L'intérêt du film de Bigelow peut se résumer à ça. C'est donc très, très maigre, en plus d'être très, très lourd. Et même si c'était pas le cas, et même si on pourrait peut-être me contredire sur l'attente du spectateur, n'empêche qu'un cinéma qui tend vers l'amateurisme le plus incapable et qu'on sacre sur l'autel de la mise en scène, c'est déjà suffisamment triste comme ça pour s'en plaindre.



Je passerai sur les attentes déjouées par la réalisatrice, qui fait appel à Full Metal Jacket avec la séquence des soldats qui se défoulent en se frappant après avoir vécu une lente expérience de tir au pigeon sur leurs camarades, ou à Voyage au bout de l'enfer avec les trois tempéraments différents plongés dans la folie de la guerre (idée beaucoup plus riche chez Cimino, mais les deux films ne sont de toute façon même pas comparables). Je passerai aussi sur la triste idée de faire apparaître deux "stars" de cinéma pour aussitôt les faire tuer (laissant place à un acteur insupportable qui m'a rappelé les pires Port-de-Boucains avec sa grosse tête ronde d'idiot et ses muscles saillants), le programme étant de nous laisser entendre qu'il n'y a pas de star en Irak et que ce film-là, c'est pas du "cinéma", ça on l'avait compris en trois secondes en regardant les premiers plans hideux et presque insupportables, qui zooment et dézooment et décadrent presque davantage que dans les séries qui ont "inventé" le procédé. C'est peut-être du cinéma, mais pas du beau, et c'est pas les deux ou trois plans stylisés qui viennent faire une entorse au style caméra portée de Bigelow - notamment un plan affreux sur une cartouche qui tombe joliment au ralenti, imagerie également vue et revue dans des films vraiment pas glorieux du style Dominos ou Lord of War - qui vont nous faire croire que c'est du beau cinéma. Non c'est bel et bien de la série télé, d'ailleurs le film est comme scindé en épisodes (un par mine, en gros) et se répète sans arrêt. Comme dans toute bonne série bien manufacturée on a droit aux trois "tempéraments" bien figés et finement calibrés, trois personnages cliché faciles à cerner et dénués de toute complexité : le noir sage et gentil, le faiblard traumatisé et le héros tête-brulée insupportable qui se veut bien entendu un démineur de génie. Face à eux, comme toujours, une pincée de misérabilisme pathos incarné par le petit irakien surnommé "Beckham", étendard du bon irakien comme il en est du bon sauvage, en mode enfant innocent justifiant à lui tout seul la présence de l'armée américaine sur place et destiné à préserver le film de toute attaque idéologique... Rajoutez un zeste d'humour pas drôle et un poil de psychologique guerrière désuète et la recette est complète.



Quand on lit les critiques dire et répéter que la série télé Américaine est devenue plus cool que le cinéma, et que ce dernier devrait s'en inspirer, on pleure, et deux fois plus si ça doit donner Démineurs. Je passerai aussi sur la petite phrase placée en exergue qui trouve son écho dans le dernier plan et qui veut affirmer que la guerre serait une drogue, sujet qui n'est jamais réellement traité dans le gros du film, lequel apparaît du coup comme un long hors-sujet. Je passerai sur la lourdeur patriotique du scénario qui montre quand même les soldats Américains comme de doux anges (à part l'officier qui laisse mourir un Irakien blessé, 10 secondes dans le film), de braves martyrs qui ont la peur au ventre, qui n'ouvrent jamais le feu sur l'autochtone même quand il présente tous les dangers, et qui ne veulent que sauver les enfants de leurs ennemis... Je passerai sur le message politique douteux qui glisse quand le héros dit à sa femme (autre "star" banalisée, reléguée au statut de figurante, star toute relative puisqu'issue de la série télé Lost, j'ai nommé Evangeline Lilly) qu'il veut retourner sur le champ de bataille parce qu'ils manquent de bons et courageux soldats là-bas, le film résumant l'occupation Américaine du sol Irakien à de bons américains quasi-suicidaires partis risqués leur vie pour épargner la population civile... Je passerai sur les clichés et la pauvreté psychologique qui caractérisent tous les personnages. Je passerai sur la facilité des longues discussions de la fin (le sergent noir qui nous fait une leçon d'hédonisme dans la bagnole, le héros blanc qui entretient toute une causerie avec son fils âgé de trois semaines), et des ressorts dramatiques (le supermarché, la société de consommation, le confort des conquérants, et mon cul sur la commode). Je passerai sur toutes ces conneries et sur le reste. Bigelow ouvre son film sans générique, sans titre, sans musique, comme pour nous mettre immédiatement dans le bain, pour nous plonger dans la vérité d'une guerre sans stars et sans strass, mais dans le dernier plan son goût pour un cinéma de merde la rattrape in extremis quand elle filme son anti-héros traumatisé mais héros quand même, en costar trois pièces de sauveur d'arabes, de roi du monde, et qu'explose une musique de film d'action de seconde zone qui achève le film par une imagerie de clip, de bande-annonce, tout simplement désolante. Le plus triste reste donc bel et bien la mise en scène, qui mêle l'amateurisme indigent à l'imagerie hollywoodienne spectaculaire la plus crasse pour un résultat misérable, qui se voudrait énergique et réaliste et qui n'est que tristement chaotique, la tension narrative est complètement perdue au profit d'une simple mise sous tension de la rétine du spectateur prête à éclater, on ne peut même pas parler de faux-raccords, c'est simplement du n'importe quoi, un film aussi nul que mal fait, le meilleur film de 2010 selon l'illustre Académie des Oscars ©.


Démineurs de Kathryn Bigelow avec Jeremy Renner, Anthony Mackie, Guy Pearce, Ralph Fiennes, David Morse et Evangeline Lilly (2009)

25 commentaires:

  1. Je suis emmerdé car je me souviens que j'avais bien aimé ce film mais je me rappelle pas pourquoi. Et ton plaidoyer contre lui fait froid dans le dos et semble sans appel. Il faut donc que je le revoie...

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  2. Le démontage de cette saloperie de mine anti-cinéma que tu réalises ici, voilà le vrai héroïsme. Ce film est insupportable à regarder tant il est médiocre, tant il fout la gerbe et tant il est empreint d'une morale et d'une idéologie plus que douteuses.

    Deux remarques cependant :

    - Tu écris "nous n'irions pas au cinéma pour voir les vraies images d'amateurs prises sur le vif dans les coins chauds du globe". Je te pose alors la question : irais-tu ou n'irais-tu pas voir "Tahrir", au cinéma ?

    - Tu écris "si Hollywood allait au bout de sa lubie, Démineurs serait tourné en longs plans séquences, presque sans coupures". Penses-tu alors que des films tels "Blairwitch" ou "Cloverfield" sont moins critiquables vis à vis de la mise en scène (bien qu'affreux, j'en conviens) de par leur "courage" de faire de véritables plans séquences et donc de "justifier" leur démarche pas un peu plus de réalisme ?



    PS: Oh tonton SCE FO ! (ça se dit "skèhfo", je le dis pour tes lecteurs qui ne connaissent pas ce mot étrange)

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    1. Tes remarques sont intéressantes.

      1) Je ne sais pas de quoi est fait le documentaire "Place Tahrir", s'il est réalisé par un documentariste, s'il contient des images de journalistes ou s'il est basé sur des images d'amateurs. Mais quand bien même il serait réalisé à partir et seulement à partir d'images d'amateurs, il y a forcément un montage, et donc quelqu'un qui a fait des coupes, des choix d'assemblages, etc. Du coup c'est déjà un film. Je n'irais pas voir un bout-à-bout d'images d'archives amateurs collées les unes aux autres sans logique ni intention sur un écran de cinéma, personne n'irait, et d'ailleurs ça n'existera jamais. Mais avec un cinéaste derrière, faut voir. Du coup je n'aurais peut-être pas dû avoir un ton si péremptoire sur ce point, j'aurais dû le poser sous forme de question. Après, en dehors de toutes ces considérations, je ne pense pas que j'irai voir "Place Tahrir" au cinéma, de même qu'il y a tout un tas de films que je ne vais pas voir au cinéma, souvent faute d'argent, réservant mes quelques pesos pour les films qui m'intéressent le plus.

      - Je ne pense pas du tout que des films comme "Blairwitch" ou "Cloverfield" ou "Rec" soient moins critiquables parce que je ne pense pas du tout qu'ils soient plus "courageux". Ce sont de piètres films à mes yeux, qui profitent d'une soi-disant caméra d'amateur portée par un personnage pour filmer absolument n'importe comment, pour éviter de se poser toute question de mise en scène et de point de vue, et pour favoriser une immersion du spectateur vouée en tout et pour tout à lui foutre plus ou moinsles foies... C'est une utilisation très réduite et assez minable du "filmage amateur". Démineurs emprunte beaucoup de traits du film amateur mais ne va pas au bout du projet, et aller au bout du projet de filmer amateur, avec des plans séquences interminables, serait une idée peut-être plus riche dans les mains de quelqu'un de sérieux, pas dans les mains de Bigelow. Si elle l'avait fait ce ne serait que plus affreux et plus factice encore. Le "style" amateur peut éventuellement donner de bonnes choses dans les mains de quelqu'un d'intelligent (je pense peut-être à "Donoma", sorti l'an passé, mais je ne l'ai pas vu et ne sais si cela peut seulement s'appliquer à ce film), pas mis au service d'Hollywood et d'une faiseuse comme Bigelow qui ne s'en sert que pour capturer le spectateur à des fins douteuses. D'ailleurs c'est marrant que tu parles de "courage" parce que je pense que Bigelow se croit extrêmement courageuse, et elle aimerait l'être toujours davantage, d'où son nouveau projet sur la mort de Ben Laden, elle a compris qu'un cinéaste américain qui traite à chaud les sujets graves de son pays c'est un cinéaste adulé par définition, en tout cas ultra respecté, quel que soit son talent réel et quelles que soient ses intentions, et si en plus c'est une femme qui ose, alors là, c'est l'Oscar assuré.

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  3. Fameux passage en famille aux côtés de Tonton Scefo !

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  4. A mon avis ce film doit son Oscar à son titre original, "The Hurt Locker", qui a unanimement plu à l'Académie des Oscars.

    Trivia : Kathryn Bigelow, première femme à remporter l'Oscar de la meilleure réal', prépare maintenant un film sur la mort de Ben Laden !

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  5. Un film qui m'a péniblement rappelé les horreurs de la guerre. Mais les mecs dedans, c'est pas les même soldats que j'ai connus. En plus, c'est filmé par une gonzesse, on aura tout vu foi de KO'T !

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  6. Quel déchaînement ! Quelle passion ! La haine que tu portes à ce film et à l'académie des Oscars sortent de mon écran d'ordinateur tellement elle est percutante et longuement développée !

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  7. Peter Dinklage06 avril, 2012 12:35

    Ma réaction lors de la remise du prix à ce film, en image :
    http://hfr-rehost.net/http://bookofjesus.org/images/2fuoeg906r1glc07l8x5.jpg

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  8. Le genre « guerre » divise toujours beaucoup, c'est-à-dire passionne. Je me souviens avoir rompu avec un ami qui aimait The Big Red One de Fuller, que je n'aimais pas, ou plutôt que je haïssais. Je me souviens d'un critique virulent d'Apocalypse Now pour qui le film « n'était que luxe, calme et volupté" », c’est-à-dire « caca, caca et caca » ! Etc. Votre critique négative de Démineurs est terriblement passionnée, comme l'était la mienne avec TBRO. C’est trop, par définition. Ça dépasse l’objet. « Quelle connerie la guerre » = « Quelle connerie Démineurs ». Le filmage amateur, qui, ici, est une option stylistique ni bonne ni mauvaise, vous en faites un procès des séries télés. Je souhaiterais partager votre opinion parce que Bidgelow n’a pratiquement fait que des merdes mais je ne peux pas. A peu près tout ce que vous dites contre Démineurs, je le mets au crédit du film.
    Typique de la mauvaise foi dont fait souvent preuve le spectateur de film de guerre : Quand le héros, vers la fin, dit à sa femme qu’il veut retourner là-bas parce qu’ils « manquent de bons et courageux soldats », vous prenez ça au pied de la lettre et ne considérez pas que c’est une parole de drogué, de malade et ne tenez aucun compte de la citation du début : « The rush of battle is often a potent and lethal addiction, for war is a drug ».

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    1. Sauf que l'aspect "addictif" de la guerre n'est jamais un sujet dans le film. C'est énoncé dans l'épigraphe que tu cites puis on n'en parle plus jusqu'à, éventuellement, la dernière réplique. Du coup le film s'ouvre et se clôt sur une thématique qu'il n'a jamais abordée et encore moins traitée, ni dans le récit, ni dans les dialogues, ni par la mise en scène. Un peu facile non ? Du coup il paraît assez difficile de tout ramener à la citation initiale quand le héros à la fin du film se retrouve face à une société de consommation aseptisée et chiante et dit à sa femme qu'il faut retourner là-bas parce qu'ils manquent de héros comme lui sur le terrain, et quand il le dit après avoir été filmé pendant deux plombes comme ledit héros indispensable, comme un bon samaritain bienveillant prêt à tous les sacrifices.

      Et The Big Red One est un bon film :)

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    2. The Big Red One est un haïssable film d'ancien combattant, lequel découvre que la guerre est une horreur seulement quand il découvre aussi l’extermination des juifs. Malaise.
      Je suis également d'accord avec Daytona pour dire que Bigelow n'avait fait jusque-là que des merdes (elle en a pondu une autre depuis).
      Mais voici ce qui m'amène réellement, Monsieur Rémi Ilaosé : aveuglé par votre haine de Démineurs, vous ne voulez pas voir que la guerre en tant que drogue mortelle ET désirable est LE sujet du film en tant que forme, du début à la fin. Y compris quand le démineur dit à sa femme qu'il veut retourner sur le terrain parce qu'on y manque de héros. Jusque-là pure forme quasi abstraite (on est donc très très loin, pratiquement aux antipodes des séries télé), dommage que le film n'intègre pas ce discours, contrairement à ce qu'avait réussi Coppola avec le pensum de Kurtz à la fin d'Apocalypse Now.
      Par ailleurs, votre site m’ouvre souvent les yeux : ainsi, je n’avais pas remarqué que les mains de Kathryn étaient monstrueuses. Merci !

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  9. Matez les mains de Kathryn Bigelow sur la première photo de l'article. Visez ses doigts de malade. Tu m'étonnes qu'elle ait fait du ciné, elle avait déjà des Oscars dans les mains, mais littéralement : elle a dix statuettes dorées à la place des crayons, c'est un freak !

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    1. Ptain ouais o_O

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    2. Elle aurait pu jouer dans Even Cowgirls get the blues. Pas besoin de prothèses pour avoir des verges flippantes à la place des doigts.

      Je pense que c'est un mec en fait (d'où sa passion pour le surf et la guerre), et c'est sans doute pour ça que Cameron a fini par la larguer. Cqfd.

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    3. Et elle passe pour une boloss...

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    4. T'es sûr de toi ?

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    5. Elle passe pour une de ces rares réalisatrices boloss, oui. Je te le confirme !

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    6. Tu viens de me fumer ma journée.

      Je me demande où commence le sexisme dans nos propos. Je ne sais pas juger de ce qui en relève ou pas et ça fait de moi un vraisemblable malade mental.

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  10. Critique intéressante, même si je ne suis pas d'accord sur pas mal de point. Je n'ai pas particulièrement apprécié le film, mais je pense qu'il y a des points à revoir dans ta critique.

    " C'est grosso modo la liste des premiers interdits que se voit dresser quiconque apprend à filmer. " Faire du cinéma, c'est aussi savoir transgresser toutes ces soi disant règles établies. Et heureusement que certains l'ont fait. La plupart des grands réalisateurs ne seront pas considérés comme grands s'ils ne l'avaient pas fait.
    De plus, tu oublies que le documentaire est une forme de cinéma.
    Quant au montage, je pense que ce qui te dérange, c'est que des plans séquences dans un film d'action. Habitué au jump cut, et à ses plans qui durent deux secondes dans les films de guerre, je pense que ça peut surprendre de voir des plans séquences. Pourtant, ça marche plutôt bien. Certes, ils sont trop nombreux à mon goût, mais ils remettent en question le temps au cinéma. Une bombe ne se désamorce pas en deux secondes comme on peut nous le montrer au cinéma ; ces plans séquences allongent le temps et permettent de faire passer plus d'émotions. Ce n'est pas de l’amateurisme, mais plus un choix artistique.

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    1. Alors pour répondre à ton premier point, je n'ai jamais écrit qu'un bon cinéaste doit respecter les règles de bases du petit débutant qui apprend à filmer en option audiovisuel au collège, mais alors vraiment jamais. J'ai simplement résumé rapidement ce cahier des charges pour dire que la "transgression" des règles selon Bigelow se limite à ne pas les respecter pour tendre vers une esthétique amateur censée nous donner le grand frisson du truc "vécu" (les journalistes qui nous présentent les images prises par des particuliers n'ont de cesse de répéter fièrement : "Nous allons vous faire vivre l'événement", et à l'heure où la télé a plus que jamais les moyens de filmer le monde, on ne l'a jamais aussi peu vu, et encore moins "vécu" (quelle connerie...)).

      Sur ton deuxième point, je n'ai jamais exclu le documentaire du cinéma, j'ai parlé de reportages télévisés.

      Sur ton troisième point, je ne suis pas très client du montage rapide et saccadé ou des effets de saute à tout va (le jump cut vient d'ailleurs du reportage télé au départ, et si Godard entre autres a su en tirer de belles choses dans A bout de souffle, je pense qu'il y en a pas mal de moches dans Démineurs, en tout cas dans mon souvenir du film), et si comme tu le dis Bigelow essaie de prendre le contrepied de ce style nerveux avec des plans séquences (j'émets de gros doutes là-dessus mais tu as peut-être raison, je n'ai vu le film qu'une fois et malheureusement ne compte pas reconduire l'expérience), ces plans séquences (autre procédé sublimé par bien des cinéastes que Bigelow, si elle en use, ramène au bête cut interdit des vidéastes anonymes eux-mêmes interdits devant l'événement et désireux de le voir se reproduire - cf. les deux tours - Bigelow semblant se régaler davantage à attendre les explosions qu'à filmer l'Irak) ici conjugués à un filmage amateur digne des pires "found foutage" dont les séries télés et pas mal de films imitent le "style" faute de mieux, donnent précisément le sentiment d'une mise en scène hystérique et crétine qui, avant de donner le sentiment du temps (celui d'un vrai déminage, qui doit en prendre, du temps, certes), tâche d'abord par tous les moyens de tétaniser son spectateur et de ne jamais le lâcher (façon 24h Chrono et consorts, rois de l'abrutissement captivant).

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  11. Entièrement daccord avec ton article, il n'empêche que jai aimé le film quand même, la tension est palpable et on a l'impression de bouffer du sable, je l'ai vu a sa sortie, avant que tout le monde en parle et que big willow reçoive une récompense, je m'attendais a voir une énième merde de série b a la gloire de l'us army, ceci explique peut être cela.

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  12. Avez-vous vu le nouveau film de Catherine Bigleuse ? Moi pas, mais j'ai entendu la bande-annonce à la radio et la VF de Ben Laden m'a fait marrer ("vous ne m'attlapelez jamais !"). Quand j'ai appris qu'elle allait faire un film sur la mort de Ben Laden, j'ai cru à une blague, une folle rumeur.

    Faudra que je le mate un jour, celui-là (pas tout de suite, j'ai Le choc des Titans et Cosmopolis dans la playlist.)

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    1. Pas encore vu non, mais on finira sans doute devant...

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