28 novembre 2011

Trust

En réalisant ce thriller sur un sujet grave (le viol d'une adolescente par un pédophile rencontré sur le net), David Schwimmer voulait rompre une bonne fois pour toutes avec son image de grand frère au grand cœur issue de la fameuse sitcom Friends. Une image qui lui collera à la peau toute sa vie et dont il se plaint au quotidien, du matin au soir, alors qu'elle lui a tout de même rapporté des milliards et qu'elle lui permet chaque jour de déguster de la Gelée Royale trempée dans son thé Tieguanyin au petit-déj’ et des omelettes au safran et à la truffe blanche à son souper ! Bref, passons sur l'ingratitude un brin déplacée de cet acteur fin gourmet et concentrons-nous sur son deuxième passage derrière la caméra : Trust (à ne pas confondre avec le film de Hal Hartley). Avec un traitement qui se veut au plus proche de la réalité, notamment dans la façon dont nous est dépeinte l’évolution psychologique de la jeune victime (on sent que Schwimmer s'est longuement documenté), ce long métrage nous propose donc d’assister à l’anéantissement d’une famille suite à un viol perpétré par un prédateur sexuel opérant par le biais d’internet (et, plus précisément, d'un tchat Yahoo!, le salon "easy teens"). Aussi étrange que cela puisse paraître, ce pitch sinistre donne l’occasion à David Schwimmer de nous torcher des scènes d’un humour irrésistible, solidement épaulé par un casting 4 étoiles. Petit tour d'horizon...


Que dire de ce film quand on sait que Schwimmer lui-même est en couple avec une jeune femme de 21 ans sa cadette ? Comme je m'aventure ici sur un terrain glissant, je préfère laisser cette question en suspens !

Si l'on parle beaucoup de ce film comme du second long-métrage de David Schwimmer et de sa première excursion en dehors de la comédie, je tenais pour ma part à souligner qu'il s'agit aussi du premier rôle sur grand écran de l'ex-tennisman helvète Martina Hingis. L'ex-championne poids semi-léger incarne ici le rôle de l'adolescente qui se fait alpaguer par un pervers roi du clavier. Si l'imprévisible tornade en jupette des terres battues et des gazons maudits vous avait manqué, regardez donc ce film, vous pourrez à nouveau admirer tout ce qui faisait jadis son charme singulier et qui n'a pas bougé d'un poil malgré le poids des saisons : son front bombé comme un ballon de basket, sa petite bouche en trou de balle de poule, son regard insolent de prépubère avide de victoires, tout est encore là, intact, comme lorsque la virevoltante joueuse de raquette trustait les premières places au classement ATP/WBA. Trust nous permet aussi de retrouver Clive Owen dans un rôle à sa (dé)mesure. Le natif de Coventry (UK) apporte une certaine intensité à son personnage et réussit à nous captiver par sa seule présence lors de quelques scènes, mais on est tout de même forcé de reconnaître qu'il abuse légèrement de cette technique bien répandue dans le métier qui consiste à se passer la main sur le visage et à se pincer l'entre-sourcils pour exprimer l'embarras, la déception, ou la confusion. L'acteur passe ainsi une paire de scènes la main collée à sa ganache flétrie, se ratiboisant littéralement la façade de bas en haut, puis de gauche à droite, dans un mouvement circulaire trop répété et travaillé pour être naturel. De plus, en utilisant cette technique sans âge, Clive Owen ne manque pas de faire chanter les poils de barbe naissant de son vieux crépis usagé, foutant ainsi en l'air la prise son dans un vrombissement terrible qui laisse songeur quant au taux de testostérone sécrétée par l'organisme de la star... A leurs côtés, on signalera la présence de la trop rare Catherine Keener, qui traverse le film comme un fantôme, se faisant simplement remarquer lorsqu'elle stationne sa voiture sur une place réservée aux handicapés. Maigre bilan...


Plus douée à la raquette que sur le net, la suissesse !

Revenons à présent sur les scènes les plus marquantes du film, que je traiterai dans l’ordre semi-chronologique, pour ne pas trop vous perdre (même si je pense vous avoir perdus depuis bien longtemps, depuis la deuxième phrase de mon billet pour être précis). On remarque d'abord la patte Schwimmer lors d'une séquence pourtant anodine où Clive Owen, errant chez lui sans but, se dirige tête basse vers la cuisine, ouvre machinalement son frigo, s'empare d'une bouteille de jus d'orange (ces bouteilles typiquement américaines, vous savez, ces énormes cubis en plastoc à moitié transparent) et se met à en boire quelques rasades, au goulot, à la dure, tout simplement pour remplir la scène et pour tuer le temps. Les amateurs de Friends ne s'y tromperont pas et auront forcément une grosse impression de déjà-vu : on sent bien ici la "Schwimmer's touch" (je viens de paumer mes deux dents de devant en me relisant à voix haute) ! On imagine tout à fait l'acteur-réalisateur, hyperactif sur le plateau, dire à sa ténébreuse vedette "Prends du jus et régale-toi le gosier, même si t'as pas soif. Franchement ça marche bien pour combler un peu. Occupe tes menottes avec une bouteille, ça donne de la contenance. Je faisais ça dans Friends et tout le monde s'est mis à m'imiter, Chandler le premier, ça marchait du tonnerre, et c'est devenu un gimmick de la série !" D'autres petites touches comiques viennent nous rappeler qui est derrière la caméra, je pense par exemple à ce dîner familial d'Halloween où l'aîné débarque tout sourire en portant un masque à l'effigie du président Barack Obama. Le grand-père, très naturellement déguisé en vieillard facho et réac', outré par l'accoutrement de son petit-fils, lui lance alors "Indigne fils de salops ! C'est un socialiste ! Au bûcher !". Une scène qui fait froid dans le dos et qui rappelle l’humour pince-sans-rire cher à David Schwimmer.


L'acteur qui joue le pédophile est fort bien choisi. Trop flippant et ultra crédible, on dirait mon frère Glue 3 (si tu lis ces lignes, je te salue) !

Une autre scène laisse sans voix : celle durant laquelle Clive Owen pète les plombs et, voyant le mal partout, s'en prend au malheureux spectateur d'un match de volleyball féminin qu'il soupçonne d'être un pervers pédophile. Dans un état second, l'acteur distribue des coups de poings dans tous les sens et s'acharne, la bave aux lèvres. Sachant que Clive Owen s'en donne à cœur joie et qu'il n'est pas ce qu'on pourrait appeler un gringalet, on s'imagine donc que ça ne doit pas faire du bien. Les deux hommes sont ensuite séparés par la force, et l'innocente victime se relève la gueule en sang en disant "Non non mais pas de souci, ça arrive, laissez pisser, ça va, circulez y'a rien à mater ! Je me suis fait détruire la tronche, j'aurais bien besoin de quelques sparadraps, de bandages et de points de suture, mais c'est pas grave, c'était un malentendu, passons à autre chose, reprenons le match !" puis il enchaîne "On en était où d'ailleurs ? Ah si 4 à 4 pour les rouges. Qui ne saute pas n'est pas teubé hé, qui ne saute pas n'est pas teubé hé !" en sautillant ridiculement sur sa seule jambe valide. Le type vient de se faire ma-ssa-crer mais n'a pas perdu sa bonne humeur. Une vraie crème !


Clive Owen, plus circonspect que son metteur en scène à la vue des rushs...

Après avoir été violée, la gamine se met à consulter régulièrement une psy et ceci nous donne l'occasion d'assister à une nouvelle scène savoureuse. Lors d'une séance, la jeune fille lui raconte ce qu'elle a ressenti pendant l'acte sexuel non consenti dont elle a été victime. Elle lui dit alors "Pendant qu'il me défouraillait, j'avais comme l'impression de survoler mon propre corps, d'assister à la scène depuis l'extérieur, de ne pas être vraiment moi ni vraiment là... Tandis qu'il me défenestrait depuis l'intérieur, j'avais de mon côté l'impression de feuilleter l'ouvrage intitulé La Terre vue du ciel, vous savez, le best-seller de Yann Arthus Bertrand, je survolais littéralement cet instant, des images plein la tête, loin des faits. Alors qu'il me foutait en vrac et me dégommait la teu...". "Chhhhhhh". La psy l'interrompt à cet instant et lui déballe du tac o tac "Ok, je vois, très bien, arrête-toi là. Tu décris en détails et de façon assez originale quelque chose de très commun, une sensation bien connue, un véritable cas d'école. A l'ouest que dalle de nouveau, comme aurait dit Erich Maria Remarque. Je t'explique. Quand l'être humain subit un évènement horrible, qui va bien au-delà de son seuil de tolérance, il a très souvent le réflexe de s'évader de son enveloppe corporelle, comme pour trouver un refuge psychique, c'est la seule façon de supporter l'épreuve qu'il traverse." Devant ce dialogue à couteaux tirés, je me suis alors dit que le même phénomène pouvait très bien se produire pendant le visionnage du film de David Schwimmer chez des spectateurs aux seuils de tolérance plus bas que le mien...


Sur le point de casser la gueule à une infirmière qu'il est certain d'avoir vue dans neighbour-stalker.com !

Clive Owen passe également voir la psy pour vider son sac et lui raconter que sa seule envie est de faire la peau au salopard qui a violé sa fille. Il lui dit non sans gêne qu’il y pense sans arrêt, que ce soit en réunion, au bureau, au ciné, lors du goûter, à la récré, en plein coït, bref, tout le temps. Meurtri, Clive Owen lui avoue même qu’il en rêve la nuit et qu'il lui est déjà arrivé de se réveiller en sursaut, avec un goût de sang dans la bouche, du sang qu'il espérait être celui du violeur. Hélas ! Il s'était simplement mordu les joues pendant son sommeil, tant il serrait les dents rageusement. Ça a l'air de rien quand je vous la raconte, mais cette scène est un pur régal grâce au talent sans pareil de Clive Owen, tout simplement bluffant quand il ouvre grand la gueule pour montrer ses douloureuses cicatrices à une psy qui n'en demandait pas tant et qui est à deux doigts de dégobiller sur ses chaussures. Le talent de l'acteur fait aussi des ravages lors d'une scène très différente où l'on peut apprécier une autre facette de sa personne, un autre gadget de sa panoplie de comédien hors-norme. Je veux parler de la scène où Clive Owen rôde de nuit sur les tchats Yahoo! en se faisant passer pour une jeune fille histoire de débusquer du salopard et, accessoirement, de retrouver celui qui a abusé de sa fille. Catherine Keener le surprend, scrute l'écran et lui demande alors "Heu... Détrompe-moi si je me trompe... C'est bien toi "TinyLittlePussy" ?". A ce moment-là, il faut voir le regard piteux de l'acteur britannique, au top de sa forme. Ça échappe aux mots et ça mérite une nomination aux Oscars !


Sur le point de maraver sa psy, gratuitement !

Je parlais tout à l'heure de seuil de tolérance, hé bien mon seuil personnel doit en effet se situer assez haut quand je me trouve dans la configuration dans laquelle j'ai regardé Trust : mon gros chat sur les genoux, ronronnant à s'en faire exploser le larynx, ma compagne d'humeur joviale à mes côtés, et, dans ma main droite, un gros bol où un morceau de brownie bien craspec se noie dans de la crème anglaise Bridélice. Pour cela, et grâce aux quelques éclats de rire qu'il a provoqué chez moi, je garderai un très agréable souvenir du film Trust. Un film qui est donc à prendre au second degré pour être pleinement apprécié, et c'est un peu dommage, car franchement, il y a quelques trucs pas si mal vus et, par moments, ce thriller fonctionne plutôt bien. Mais, au bout du compte, on se marre assez souvent et je ne pense pas que ça soit l'objectif visé par notre apprenti cinéaste ! J'attends tout de même avec impatience le prochain Schwimmer !


Trust de David Schwimmer avec Clive Owen, Catherine Keener et Martina Hingis (2011)

18 commentaires:

  1. Tu m'as tué sur Martina Hingis et le match de volley.

    Et bizarrement ça file envie de voir ce film...

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  2. Idem mais en même temps je l'ai déjà vu grâce à la critique, qui dit tout, et qui parfois n'en dit pas assez (comme sur la nature du regard de Clive Owen quand sa femme lui demande si c'est bien lui qui vient de l'ajouter sur son MSN avec le pseudo "Tinylittlepussy"), afin de nous permettre de nous faire le film et de le trouver plus agréable qu'il ne doit l'être en vrai.

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  3. Ca a l'air chaud (j'ai lu la fin sur wiki) mais l'article est drôle :D

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  4. Ah oui la toute fin est terrible. J'aurais pu en dire deux mots, mais je ne pouvais pas parler de tout !

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  5. Elle s'appelle comment la meuf de Schwimmer ? (premiere tof) On dirait l'actrice française qui est dans "RTT" (Mél Doutey ?) :D

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  6. Martina Hingis joue très bien une gamine teubé de 13 ans, ça c'est vrai !
    Article très sympa qui résume complètement le film.

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  7. @Joe : Elle lui ressemble un peu sur la photo oui. En fait il s'agit de Zoe Buckman, une photographe.

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  8. Je n'ai rien compris. C'est Owen Wilson qui joue le tueur ?

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  9. Merci pour le(s) fou rire !

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  10. Je connais ton frère et il est bien + canon que ce boulet

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  11. David Schwimmer s'en tire très bien avec ce thriller sur un sujet sensible, vous avez tout faux.

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  12. Tara Red Dead Redemption12 novembre, 2013 14:04

    Cool que le film t'aie plu et que tu le défendes :)
    Par contre ne prête pas aux autres des intentions déplacées, parce qu'avec toi je suis ûr qu'on peut atteindre le point Godwin en 2 ou 3 messages supplémentaires, et ça c'est pas joli joli :(

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  13. Hercule Tirailleur12 novembre, 2013 14:10

    Clive Owen est en train de fusiller sa carrière, avec ce film notamment. Mais aussi et surtout avec le film de Canet. Que c'est triste pour un gars aussi classe !

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  14. Ce qu'on voit surtout, c'est la descente aux enfers des parents causés par l'acte sexuel sur leur fille, et leur descente aux enfers va les amener - involontairement - à faire descendre aux enfers leur fille. Au fond, la fille ne le prend pas mal. Cela ne signifie pas que ce n'est pas grave. Mais la réaction des parents est ce qui va détruire la fille, comme c'est malheureusement souvent le cas. Je m'explique: s'ils vous arrivent un événement pas cool, de quoi avez-vous besoin? De personnes qui vous harcèlent avec ça, qui dans leurs actes et leurs comportements vous font comprendre que c'est monstrueux, ignoble, atroce. Evidemment que non, ça va vous ronger, vous détruire, vous culpabiliser mortellement. Si un événement pas cool vous arrive, vous aimeriez qqn qui vous encourage, qui RELATIVISE, et non pas qu'on le dramatise. Bien souvent, c'est la perception d'un acte qui l'emporte sur l'acte en lui-même. La réaction optimale est de faire comprendre à la fille que cette relation est inadéquate, que ce n'est pas de son âge, que ce n'est pas si grave et que dans quelques années elle le regrettera sans doute un peu. PUNKT SCHLUSS. Evidemment que la réalité est un peu plus noire que ça, mais ce n'est pas la réalité qui compte, c'est d'aider la victime à appréhender le mieux ce drame.

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  15. Terrible dilemme...

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