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13 octobre 2020

La Route sauvage

Déjà excellent dans The Clovehitch Killer, le frêle Charlie Plummer confirme qu'il est bien l'un de ces jeunes acteurs américains sur lesquels il faut compter. Il est l'un des principaux atouts du troisième long métrage du britannique Andrew Haigh, La Route sauvage, un joli récit d'apprentissage adapté d'un bouquin signé William Vlautin et paru chez nous sous le titre Cheyenne en automne. Bien qu'il joue son petit-fils dans Tout l'argent du monde, Charlie Plummer n'a aucun lien de parenté avec Christopher Plummer. Il est une sorte de croisement savant entre Leonardo DiCaprio, pour son charme juvénile, Paul Dano, pour son visage lisse diffusant une étrange placidité, et le regretté River Phoenix, pour l'espèce de fragilité mélancolique, rebelle et lumineuse qu'il dégage aussi. Il incarne ici Charley, un garçon d'une quinzaine d'années qui vit seul avec son père, sans le sou. Désœuvré et livré à lui-même, il se découvre une passion pour le canasson en s'aventurant au gré de ses errances sur les champs de course situés non loin de chez lui. Un type qui bosse là-bas, un peu rugueux mais pas méchant, joué avec talent par le trop rare Steve Buscemi, le prendra rapidement sous son aile, trouvant surtout en lui une aide précieuse et efficace dans son travail quotidien auprès des bêtes et notamment de son cheval vedette, nommé Lean on Pete (il donne son titre original au livre et au film, effectivement intraduisible en français).




Inutile d'en dire davantage sur l'histoire d'un film immédiatement plaisant et qui déroule son petit fil sur un rythme très tranquille, presque reposant. Andrew Haigh, dont les deux longs métrages précédents (45 years et Weekend) valaient aussi le coup d’œil, se consacre pleinement ici à nous dépeindre le portrait d'un adolescent esseulé, abandonné par une mère qu'il n'a pratiquement pas connue et délaissé par un père, foufou mais sympathique, auquel il reste toutefois très attaché. Dans une quête désespérée de stabilité, de normalité, Charley va chercher une famille de substitution, qu'il croira trouver auprès de l'éleveur campé par Steve Buscemi, de sa cavalière jouée par une agréable Chloë Sevigny et du cheval vieillissant dont il s'occupe avec le plus grand soin. Le rôle maternel endossé par Sevigny, peu avare en conseils donnés à son cadet, va un temps infantiliser le récit avant qu'une ultime désillusion ne change la donne. Animé par un nouveau sentiment d'abandon et de trahison, le jeune protagoniste fuit sans prévenir, part seul avec son cheval, d'abord au volant d'un pick-up volé puis à pieds, engageant le film sur le champ du road movie existentiel, à la destination incertaine. Paradoxalement, c'est quand il prend la route que Lean on Pete se met à stagner et semble définitivement se contenter d'être la petite chose agréable qu'il est bel et bien. C'est dommage, car avec un peu plus de caractère, il aurait pu prendre une autre envergure.




S'appuyant donc sur l'interprétation irréprochable de son acteur principal, fort justement récompensé à Venise par le prix décerné aux meilleurs espoirs, le cinéaste porte un regard très juste et délicat sur l'adolescence. Autour de cette figure centrale que l'on ne quitte jamais d'une semelle, le cinéaste parvient à faire vivre des personnages qu'il ne juge jamais et qu'il sait tous nous rendre attachants malgré leurs gros travers (le côté rustre de l'éleveur, l'immaturité fatale du père). En dépit de sa modestie trop affichée, il y a quelque chose de vraiment envoûtant dans ce film sobre, humain et simple qui nous plonge dans l'Amérique rurale et au milieu des grands espaces ici filmés avec une application notable par une caméra inspirée qui rend contagieuse sa fascination manifeste pour ce pays. On pense un peu à du Gus Van Sant et à du Kelly Reichardt en mode mineur devant ce beau film patient qui, encore davantage dans sa deuxième partie, s'intéresse lui aussi aux laissés-pour-compte et finit par adopter un réalisme social assez dur. La dernière image nous quitte de la meilleure des manières, sur une note positive et pleine d'espoir, avec enfin une certitude : celle que l'avenir sera plus doux pour notre jeune héros, après toutes les épreuves traversées.


La Route sauvage (Lean on Pete) d'Andrew Haigh avec Charlie Plummer, Steve Buscemi et Chloë Sevigny (2018)

22 juillet 2019

Golden Exits

Alex Ross Perry se prend sans doute pour le digne héritier de John Cassavetes et Woody Allen, il n'en est pourtant que l'un des rejetons dégénérés. Le jeune cinéaste a beau être productif et enchaîner les petits films malodorants comme des pets fumeux, il n'est qu'au tout début de sa carrière et se répète déjà en boucle. On tient donc un nouveau film peuplé de personnages impiffrables qui se regardent le nombril et se livrent tour à tour à des séances de psychanalyses épuisantes. Tout se passe à Brooklyn, un quartier que le réalisateur filme comme s'il s'agissait de la septième merveille du monde, les américains étant décidément les meilleurs pour vendre les cloaques qui leur servent de mégapoles. Une jeune femme venue d'Australie, incarnée par Emily Browning, débarque à New York pour quelques mois afin d'aider dans son travail d'archivage un quarantenaire marié dont la particularité est d'avoir une énorme teub suintante et turgescente à la place du cerveau. Mais, à vrai dire, littéralement tous les personnages masculins deviennent obsédés par cette fille dès qu'ils la croisent et nous assistons à un enchaînement de scènes de basse-cour où l'on croirait observer des vieux chiens efflanqués renifler à tour de rôle le postérieur d'une femelle en chaleur sur les quais du vieux port. Un spectacle passionnant.




Pendant ce temps, les autres femmes s'interrogent sur la Vie, à travers des dialogues qui donnent envie de se pendre, de prendre immédiatement en grippe les personnages et leurs interprètes et, accessoirement, de détester l'humanité toute entière. Golden Exits est une horreur absolue qui pourrait faire haïr le cinéma à n'importe qui. Il faut tenir les enfants éloignés de ça. Alex Ross Perry nous livre une triste caricature de film d'auteur indépendant, avec des acteurs minables qui récitent leurs textes indigestes comme s'ils étaient menacés de mort, affalés sur leurs fauteuils dans le salon cosy de leur chic appartement, un énorme verre de Cabeurnet-Souvignone à la main. Chloë Sevigny fait particulièrement peine à voir là-dedans, avec ses airs de vieilles camées névrosées (ce qu’elle est in real life si sa page Wikipedia est exacte) que l'on a envie de voir disparaître à tout jamais. Si une civilisation extraterrestre tombe par hasard là-dessus, il est évident qu'ils débarqueront avec les intentions les plus belliqueuses à notre égard. A cause de ce con de film !


Golden Exits d'Alex Ross Perry avec Emily Browning et d'autres fumiers (2017)

19 juillet 2013

Frances Ha

Refroidis par les précédents films de Noah Baumbach (Les Berkman se séparent ; Greenberg) et pas encore suffisamment envoûtés par Greta Gerwig après Damsels in Distress, nous savons gré à notre collaborateur Simon d'être allé au charbon à notre place pour découvrir Frances Ha, dont la dernière onomatopée s'est semble-t-il transformée en véritable cri de plaisir :

Frances Ha pouvait inspirer la crainte. En premier lieu son étiquette de énième film indé-new-yorkais en noir et blanc sous influence Nouvelle vague-Cassavettes-Jarmusch-Allen. Son sujet aussi, en apparence typiquement mumblecore (l’incapacité d’une fille de 27 ans à devenir adulte, pour faire vite). Et puis les très diversement appréciés films précédents de Noah Baumbach, notamment Greenberg, que je n'ai pas vu mais dont j'avais encore en tête la critique assassine de Félix dans ces pages. Malgré tout ça le film est une réussite, qui tient avant tout en deux mots : Greta Gerwig. Là encore on était en droit de se méfier. Son statut d’icône du cinéma indépendant américain, au même titre que Winona Ryder il y a 20 ans ou Chloë Sevigny il y a 10 ans, et toute la hype qui entoure sa jeune personne dans la presse branchée,  sont autant de facteurs qui peuvent agacer et faire craindre le phénomène de mode. Mais si sa performance constituait déjà à mes yeux le principal intérêt du surestimé Damsels in Distress, ce qui se passe à chaque image de Frances Ha sur le visage et dans le corps de cette fille, pas très jolie et pas très gracieuse de prime abord, est simplement fascinant.




Son jeu est un mélange très étrange d'hyper-expressivité corporelle et de bouillonnement intérieur. Derrière ses grimaces, ses éclats de voix, ses gestes brusques qui semblent incontrôlés, il y a ses yeux et tout ce qu'ils renferment d'émotion et de folie. Elle danse, elle court, elle tombe, elle crie, elle se bat pour de faux… puis, dans un repas où elle n’a pas vraiment sa place, elle se lance sans vraiment y penser et avec une sincérité désarmante dans une tirade sur ce qu’elle attend d’une relation amoureuse. Greta Gerwig joue, elle joue la comédie mais elle joue aussi comme une enfant, et on sent sa joie à jouer, sans pour autant avoir l’impression d’assister à une performance. Elle parvient à donner une épaisseur et une complexité folles au personnage de Frances, qui pourrait n'être qu'une ado attardée un peu écervelée et inconséquente, mais à laquelle on reste éperdument attaché par la seule grâce de son jeu, tout en ruptures. Elle parvient à faire naître un véritable sentiment amoureux pour son personnage, pourtant qualifié à longueur de film de « undatable ». Frances n’est pas une fille mignonne et un peu cruche qui refuse de grandir, elle est au contraire intelligente et volontaire, tout au plus un peu naïve dans ses sentiments, et comme empêchée. 




Le film est aussi très bien écrit, et là encore le mérite lui en revient en bonne partie : elle a co-écrit le scénario avec Baumbach et on sent que ce personnage ils l’ont vraiment façonné à partir de sa propre matière, mais avec beaucoup de dérision, sans tomber donc dans l'auto-portrait nombriliste. Il serait cependant injuste pour Baumbach de résumer le film à un brillant numéro de sa comédienne et co-auteur. Il a le grand mérite d’avoir su lui donner le juste espace, d’avoir su la regarder et transmettre sa propre fascination. Sa mise en scène n'est relâchée qu'en apparence : beaucoup de scènes, le plus souvent filmées en plans larges, semblent chorégraphiées. Dans le film Frances est une danseuse moderne un peu ratée, et son rapport à la danse se retrouve dans ses déplacements et ses gestes du quotidien, dans lesquels elle entraîne (ou tente d’entraîner)  les autres personnages. Le film déborde d'énergie, très curieusement rythmé, la aussi sur le mode de la rupture, alternant longues scènes bavardes et saynètes très courtes.




Sa force tient aussi dans la qualité des nombreux personnages secondaires qui entourent Frances et des liens qu'elle entretient avec eux, en particulier l'histoire d'amitié contrariée avec Sophie, traitée comme une romance. Même bel équilibre de légèreté et d’amertume dans les relations entre Frances et les garçons, qui donne au film une réelle épaisseur affective et le fait planer très loin au-dessus de l’ordinaire sucré de la comédie indie américaine. On pardonnera aisément à Baumbach son usage régulier d'une musique "cool", notamment le Modern Love de Bowie à plusieurs reprises, qui s'intègre très bien au film, et les nombreux clins d'œil cinéphilo-francophiles. Il a su construire un film euphorisant, léger et grave à la fois, et contribuer à confirmer l'éclosion d'une très grande actrice.


Frances Ha de Noah Baumbach avec Greta Gerwig, Mickey Sumner, Michael Esper et Adam Driver (2013)

4 août 2008

Six jours sept nuits

Un jeune couple absolument amoureux, Robin Monroe (Anne Heche) et Frank Martin (David Schwimmer), décide de partir six jours et sept nuits en voyage sur une île paradisiaque afin d'oublier le travail. À peine arrivée, Robin est appelée par son patron pour aller reprendre son taff sur une île assez proche d'où elle se trouve : Tahiti. Elle hésite longuement puisque Frank vient juste de la demander en mariage et qu'elle a légitimement peur de sa réaction à l'annonce d'un départ en solo pour le boulot signifiant la mort prématurée de leurs vacances. Mais elle finit par accepter sous la pression de son patron. Elle va donc chez Quinn Harris (Harrison Ford), le pilote qui les a amenés sur l'île dans son vieux carlingue pourri, afin de lui demander un petit service : la conduire par les airs à Tahiti. Le vieil homme plus séduisant que jamais accepte de l'amener en échange de 700 dollars. Il dit à Robin : "Je veux 700 dols". Robin accepte donc de se délester de la totalité de son compte en banque et les voilà partis.



Quelques temps après le départ, et tandis qu'un orage se prépare, Quinn et Robin sont contraints et forcés de faire demi-tour, mais, pris de court par la tempête, ils doivent atterrir d'urgence sur une île déserte minuscule et sauvage. C'est là que commence le film. Cette aventure naissante ne fera qu'accumuler des péripéties plus folles les unes que les autres et ne sera au bout du compte qu'un prétexte pour montrer les deux protagonistes se prendre le bec sans fin. Jusqu'à ce que, sans crier gare, Harisson Ford se propulse en avant vers Anne Heche, la plaque au sol, et la baise à sec contre un tronc d'arbre tombé là fort à propos durant l'ouragan. Point d'adultère ici puisque Frank, le futur époux de Robin, qui aura passé une grosse heure à se morfondre en imaginant sa femme qu'il aime dans les bras du vieux pilote (ce qui se déroule effectivement en montage alterné dans des plans salaces qui défient tout bon sens), finit, pris de désespoir au bout d'une heure et quart, par troncher la petite-amie occasionnelle de Quinn, originaire des Maldives et restée près de lui sur l'île paradisiaque des vacances.



L'histoire se résume donc à deux couples créés par la tempête. Une sorte de rectangle amoureux sur deux îles désertes. Le couple du début du film, qui s'aimait follement, s'effiloche sous nos yeux tandis qu'Anne Heche prodigue à Harrison Ford la première fellation sans filets, plein écran, de l'histoire d'Hollywood, dans un avion dépourvu de train d'atterrissage, tandis que le montage alterné, procédé cinématographique si cher à Ivan Reitman, nous montre David Schwimmer sirotant un martini sec, allongé sur un transat en bord de piscine, les panards en éventail devant une lapdance bien rythmée qu'effectue devant lui et contre rémunération une thaïlandaise probablement mineure. Oubliez l'austère blowjob que Chloë Sevigny prodiguait à Vincent Gallo dans The Brown Bunny, on est ici dans devant une débauche de passion et d'envie ! Bref, c'est l'histoire d'amours naissantes entre un touriste et une prostituée infantile d'une part, et entre deux naufragés coincés sur une île déserte qu'un paysage hostile et des trafiquants de drogue armés jusqu'aux dents amèneront tout naturellement à se rapprocher pour un final amoureux tout en apothéose, d'autre part. À noter pour les fans que l'émission de télé-réalité intitulée "L'île de la tentation" est l'adaptation télévisée de ce long métrage d'Ivan Reitman. Ce film m'a fatigué, et le critiquer m'a fatigué aussi. J'ai comme une mauvaise habitude, un vice, une manie un peu encombrante, qui consiste à voir des films de cul là où y'en a pas, mais quand Hollywood se met à faire du porno grand public, j'ai plus le choix, et je peux que choper la perche au vol. C'est ce que j'ai fait, mais ça m'a fatigué.

Déjà que perso il me faut entre six jours et sept nuits pour arriver au bout d'une simple seigue...


Six jours sept nuits de Ivan Reitman avec Harrison Ford, David Schwimmer et Anne Heche (1998)