18 mars 2013

Course contre l'enfer

Deux amis, Frank (Warren Oates) et Roger (Peter Fonda) partent en vacances avec leurs épouses à bord d'un camping-car flambant neuf. Lors d'une halte, ils sont témoins bien malgré eux d'un rituel satanique impliquant le sacrifice d'une femme. Repérés par les membres de cette étrange secte, ils prennent la fuite et alertent immédiatement les autorités locales. Personne ne les prend hélas véritablement au sérieux, alors qu'ils se sentent de plus en plus menacés... Réalisé par Jack Starrett en 1975, Course contre l'enfer (en version originale, Race with the Devil) est un road-movie satanique et paranoïaque porté par deux symboles du cinéma américain de cette période, j'ai nommé Peter Fonda et Warren Oates, l'un pour son rôle aux côtés de Dennis Hopper dans l'incontournable Easy Rider, l'autre pour ses apparitions inoubliables chez les grands Monte Hellman et Sam Peckinpah. Il s'agit du deuxième des trois films (parmi lesquels L'Homme sans frontière) que les deux acteurs ont tourné ensemble, et une vraie complicité se dégage de la présence des deux hommes, servant de socle décisif à l'ensemble. On a aucun mal à croire à leur vieille amitié malgré les rares scènes qui lui sont réellement consacrées, l'action ne tardant pas à dicter le rythme du film et à emporter l'adhésion du spectateur avec elle. Leur entente palpable et leur jeu très décontracté participent à l'authenticité de ce film, fait avec trois francs six sous, mais non sans ambition, et avec à l'évidence beaucoup d'amour et de conviction.




Par sa mise en scène à l'inspiration inégale mais traversée de quelques fulgurances étonnantes, Jack Starrett parvient à nous dépeindre très simplement une Amérique profonde à la dérive et littéralement hantée par des rednecks faisant froid dans le dos. Le trait n'est toutefois jamais suffisamment grossier pour que cela puisse être tourné en dérision au détriment de la tension que Starrett parvient à développer crescendo. En outre, le réalisateur fait preuve d'un savoir-faire indéniable lorsqu'il met en boîte des scènes de course-poursuite très tendues qui ne manquent jamais de nous scotcher au fauteuil. Son film apparaît comme une influence certaine de Quentin Tarantino (Death Proof), mais aussi du Red State de Kevin Smith pour les thèmes abordés. La liste des cinéastes et spectateurs qui ont hissé Course contre l'enfer au rang de petit film culte doit cependant être bien plus longue.




Quand il insiste sur la paranoïa croissante ressentie par l'une des épouses, en filmant ces personnages inquiétants et envahissants qui s'invitent tout sourire dans le camping-car de nos quatre victimes désemparées, ou observent avec insistance la plus vulnérable d'entre elles, son film rappelle curieusement le Rosemary's Baby de Roman Polanski. On pourrait parler d'une sorte de Rosemary's Baby à l'horizontale, sillonnant les routes américaines dans une caravane de plus en plus détériorée, dont on finit par se dire qu'il n'en restera que le châssis cramoisi, le tout mêlé à un Délivrance aride, au doux parfum de macadam et d'essence. Ou bien, plus simplement, de la rencontre inattendue entre Easy Rider et The Wicker Man. On ressort de ce mélange explosif, situé quelque part entre le western moderne et l'horreur sectaire, avec le plaisir trop rare et revigorant d'avoir vu un film aussi humble et sincère qu'énergique et haletant. Surtout, on laisse le glaçant générique final défiler sous nos yeux avec la très vive envie de réussir à mettre la main le plus rapidement possible sur d'autres petites pépites de ce calibre.


Course contre l'enfer de Jack Starrett avec Peter Fonda, Warren Oates, Loretta Swit et Lara Parker (1975)

9 commentaires:

  1. Je demande à voir le Rosemary's Baby à la verticale, sillonnant l'organe sexuel féminin de plus en plus détérioré, dont on finit par se dire qu'il n'en restera que le châssis cramoisi, le tout mêlé à une substance aride au doux parfum de foutre !

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  2. Sebastian Vettel18 mars, 2013 18:24

    Cet article me donne très envie de le voir !

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  3. Fulgence Bienvenüe18 mars, 2013 18:31

    J'ai une question à vous poser, en espérant qu'elle sera bienvenue et que vous ne la prendrez pas personnellement : Est-ce qu'on ressent la "patte" Peter Fonda dans ce film, sachant qu'il est l'un des acteurs principaux et qu'il semble fort impliqué dans ce film, film qui donne l'impression d'être dans les thématiques qu'il défend depuis le début de sa carrière ?

    J'ai une autre question, sachant que je n'ai pas vu encore ce film, je m'en remets à vous : Vous dites que Tarantino a été influencé par ce film. En bien ce me semble vu la qualité que vous accordez à ce film malgré la manière dont vous "descendez" Tarantino régulièrement dans ce blog. Donc ma question est la suivante : Tarantino s'est-il bien mal inspiré de ce film pour que son Death Proof tutoie autant le minable, ou bien ce film a déjà quelques achoppements, tolérables vu la qualité de l'ensemble mais rédhibitoires à partir du moment où un manchot comme Tarantino décide de s'emparer de la caméra ?
    Cordialement

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  4. Thierry Hughes18 mars, 2013 21:05

    Course contre l'enfer est un petit bijou que tous les jeunes devraient voir, surtout ceux qui ont l'intention de faire du cinéma. Le processus de création y est poussé à un très haut niveau dans une décennie constellée de chefs d’œuvres et les idées originales sont légion. La qualité de la mise en scène est vraiment à souligner, et je ne recommande qu'une chose, que j'ai eu la chance de réaliser grâce à une programmation courageuse et éclectique dans le cinéma d'art et essai de Pertuis, essayez d'aller voir ce film au cinéma ou exigez cela auprès des distributeurs indépendants si vous en connaissez !

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  5. Votre enthousiasme fait plaisir.


    Originale votre rapprochement avec le film de Polanski, je n'y aurais pas pensé!

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  6. Mon sexe est dur comme un (stavr)os pour Warren Oates20 mars, 2013 16:10

    Faut que je mate ça !

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  7. Je l'ai sur mon divxbox, c'est comme ça que j'appelle mon disque dur comme de la pierre, là où je planque les moviez à VOIR un de ces quatre.

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  8. Peter Fonda est bien ridicule dans cette chemise rose.

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