
Réalisé en 1961 par Seth Holt, Scream of Fear est en réalité un thriller macabre au scénario très surprenant dont il vaut mieux par conséquent dévoiler le moins d’éléments possible. Nous y suivons une jeune femme anglaise, en fauteuil roulant, qui débarque en Provence pour y retrouver son père qu’elle n’a pas vu depuis dix ans. A son arrivée dans la grande demeure familiale, elle est accueillie par sa belle-mère (Ann Todd), qui la prévient que son papa est en voyage d'affaire. Décontenancée par cette nouvelle, la jeune femme le sera encore davantage quand elle se mettra à être témoin d'apparitions sinistres du cadavre de son père. D’autant plus inquiète et incrédule quant à la réelle raison de son absence, notre héroïne ne sera pas prise au sérieux par la belle-mère ni par le médecin (Christopher Lee), dont les marques d’attention sont bien loin de la rassurer. Elle décidera donc de mener sa propre investigation, trouvant une aide précieuse auprès du sympathique homme de maison (Ronald Lewis)…
Alors certes, dans sa première partie, Scream of Fear peut parfois faire penser à un bon vieux film de maison hantée, puisque l’on a droit à des scènes chocs très efficaces et propres au genre, qui correspondent aux apparitions morbides du père. Mais c’est finalement une intrigue qui n’a rien de fantastique qui va peu à peu se dévoiler sous nos yeux. On navigue même assez clairement du côté du film noir, doté d'une intrigue solide avec enquête, fausses pistes et coups de théâtre finaux astucieux et crédibles. On peut quasiment parler d’un double twist à Saint Tropez et c’est le cas de le dire vu que le film se déroule sur la Côte d’Azur. Sur ce, on se retrouve au paragraphe suivant...
Les scènes de tension précédemment évoquées sont rares mais toutes très réussies. Elles atteignent toujours leur but et ce notamment grâce à la prestation remarquable de l’actrice principale, Susan Strasberg, dont le petit minois et les immenses yeux noirs expriment la peur à la perfection. Le charme de cette actrice, fille de Lee Strasberg, est ici particulièrement éclatant, il peut aisément rappeler celui de la légendaire Audrey Hepburn. Même visage sans âge, même allure frêle et d’une rare élégance ; et surtout, les deux comédiennes sont portées par la même grâce et elles dégagent la même vulnérabilité. Le personnage qu’incarne Susan Strasberg est d'ailleurs très proche de celui campé par Audrey Hepburn dans Wait Until Dark (Seule dans la nuit) de Terence Young : deux femmes diminuées, tentant courageusement de surmonter leur handicap (la cécité chez Hepburn), autour desquelles gravitent des individus mauvais et sans scrupules, seulement guidés par leur cupidité.
Le réalisateur Seth Holt s’appuie également sur un excellent scénario signé Jimmy Sangster, des dialogues ciselés et un final ébouriffant. Le cinéaste britannique semble s’inspirer ouvertement des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot, à travers certains détails que je tairai volontairement et qui ne manquent pas de souligner la paternité des deux films sans jamais porter atteinte à la qualité et à l’originalité de Scream of Fear. Seth Holt parvient très joliment à mettre en place une ambiance lourde, menaçante, anxiogène, filmée dans un superbe noir et blanc sublimé par la photographie de Douglas Slocombe. Tout cela fait qu'on se laisse complètement prendre dans cette histoire si bien ficelée et, quand apparaît le mot « Fin », on s'étonne que ce si chouette film ne soit pas plus connu. Un film qui porte l'empreinte de deux personnes de talent, le cinéaste et son actrice, toutes deux disparues prématurément. Un film à redécouvrir, ne serait-ce que pour leur rendre justice. Une petite merveille oubliée.
Scream of Fear de Seth Holt avec Susan Strasberg, Ann Todd, Ronald Lewis et Christopher Lee (1961)