3 mars 2008

Jurassic Park III

Quand il a reçu le scénario de ce troisième volet des aventures du Parc Jurassique dans un colis Fedex, Steven Spielberg a décidé de ne pas donner sa réponse par voie postale comme il en avait l'habitude mais de plutôt se rendre directement au Studio Dreamworks à pied pour faire comprendre à voix haute qu'il était absolument hors de question qu'il colle une fois de plus, une fois de trop, la main à la patte pour s'enliser dans une trilogie qui aurait raison de sa longue carrière : "There is no way I'm gonna commit this film !" a-t-il hurlé à ses employés avant de se rendre compte que c'était bien lui le patron de cette boîte et que personne ne le forçait. Steven Spielberg a alors fait appel à Joe Johnston, un des yesmen les plus côtés d'Hollywood Boulevard, pour foutre en l'air sa trilogie. Et face au chèque indécent que Spielberg a fait miroiter sous ses yeux globuleux, Joe Johnston n'a pas tardé à récupérer son épreuve du script dans sa corbeille à papier.



Et quel script. Après un voyage de plaisance sur une des îles aperçues dans les épisodes 1 et 2, Téa Léoni est dans l'avion du retour aux côtés de son époux, elle sirote un cocktail avec un masque de nuit sur les yeux et les doigts de pieds en éventail sur le tableau de bord quand soudain c'est le flash, ils ont oublié leur fils Kevin, 1m32, 8 ans et demi, toutes ses dents, sur l'île infestée de dinosaures. Mais ça ils ne le savent pas encore puisque par un heureux hasard ils n'ont jamais fait la rencontre fortuite de la moindre trace de dinosaure sur cette minuscule péninsule durant la totalité de leurs 6 mois de vacances. Parfois le hasard fait bien les choses. Parfois pas, comme quand le hasard a voulu que cette jeune maman pense à foutre son clebs dans l'avion du retour et pas Kévin, son fils unique. Ou quand ce même hasard a voulu que l'actrice pense à foutre un short pour le tournage. Ni quand le hasard a fait que, par souci d'économie, le couple de vacanciers a décidé de ne pas engager de pilotes pour piloter l'avion, préférant le programmer à l'avance et le laisser les guider jusqu'à Seattle en pilotage automatique. C'est ce hasard-là qui empêchera le couple de faire demi-tour pour récupérer le gamin. Six ans plus tard jour pour jour, les deux amants ont réuni assez de fonds pour se payer un second voyage et enfin remettre la main sur leur cher et tendre. Mais pas question d'y aller seuls, ils doivent se munir d'un spécialiste en dinosaures au cas où il y en aurait sur l'île (ce qu'ils ne savent pas encore à ce moment du film, c'est une pure spéculation, une simple précaution). Ce spécialiste c'est Alan Grant (Sam Neill), le personnage principal du premier Jurassic Park.



S'ensuit une scène de 39 minutes dans un bar, un bouge du Bouroundi, belle région d'Afrique, dans laquelle Alan Grant refuse catégoriquement leur offre. Il réfute tous leurs arguments. Il affirme même "s'en battre l'œil" de leur enfant chéri. Plus jamais il ne remettra un pied sur une île possiblement peuplée de dinosaures, il en a trop chié dans le premier numéro de la série, il a failli y perdre ses guiboles plus d'une fois, ils peuvent insister à jamais il n'y a aucune sorte de chance pour qu'il accepte leur requête. Et puis, 39 longues minutes plus tard, il suffira que le père de Kévin aligne son chéquier sur la table et lui offre 100 dollars pour qu'Alan Grant se ravise et accepte de venir avec eux. D'après Steven Spielberg cette séquence d'envergure serait une allégorie du repas qu'il aurait fait avec Sam Neill quelques jours avant le tournage pour le convaincre de jouer dans le film. À la suite de cette séquence couperet on retrouve Alan Grant dans le jet privé qui conduit les trois protagonistes vers l'île de malheur. Alors, pour nous donner une idée de la terreur qui envahit le professeur Grant à l'approche de l'île des T-Rex, Joe Johnston a recours à un vieux truc, le cauchemar. Sauf que faute de moyen, ou pris de génie, Joe décide de ne pas nous montrer le cauchemar, il se contente d'un long plan fixe sur Sam Neill qui gigote en dormant dans son fauteuil avant de se réveiller en sursaut. L'effet est garanti, on est dans le feu de l'action.



Et pas des moindres puisque dès le débarquement sur l'île, c'est l'arrivée du fameux tyrannosaure Rex. On a déjà vu ça dans le 1 et dans le 2 me direz-vous. Eh bien Josh Johnston a pensé comme vous. Alors arrive un autre dinosaure, bien plus laid et un poil plus grand, et qui après un sauvage combat terrasse le Tyrannosaurus, celui qui autrefois nous fit tant rêver (comme s'il fallait décidément briser tout ce que le premier film de Spielberg avait bâti, avec pour ligne de mire la loi du "bigger, stronger, uglier"). Et, encore une fois par manque de financements, Dennis Muren, le chef des effets spéciaux attitré de Spielberg, a décidé de reprendre de vieilles maquettes technétroniques pour créer cette bête. C'est ce qu'avait fait Jean-Pierre Jeunet dans Alien 4 où il avait récupéré la reine Alien en plastique grandeur nature qui avait servi dans l'épisode 2 par esprit d'économie. Sauf qu'ici il ne s'agit pas de réutiliser une bête déjà filmée mais bien d'en créer une nouvelle. Qui s'étonnera donc que Dennis Muren ait assemblé des morceaux du T-Rex de Jurassic Park 1 avec des bouts de "Bruce", le gros requin animatronique des Dents de la mer, ce grand requin hideux que Spielberg, contrairement aux gens d'Amblin, surnommait "La grande merde blanche". Les plus aguerris sauront aussi distinguer dans ce grand merdier qu'est ce nouveau dinosaure de pacotille le crochet du capitaine Crochet dans Hook, l'arche perdue d'Indiana Jones à la recherche de l'arche perdue, retrouvée au dernier moment dans le cagibi de Vilmos Zsigmond, le directeur de la photo de la trilogie Indiana Jones, mais aussi le fauteuil à bascule de Woopy Goldberg dans La Couleur pourpre ou encore la voiture rouge en panne de Duel.




C'est pas la dernière des déceptions dans ce film. Très vite les sauveurs retrouvent leur enfant, qui depuis six ans n'a pas grandi d'un centimètre et vit terré sous une racine de peuplier, se nourrissant exclusivement de terre et sortant régulièrement vainqueur des assauts répétés des dinosaures les plus carnassiers et les plus féroces qui s'acharnent de génération en génération à l'extirper de son abri de fortune à coups de bec. L'ayant enfin retrouvé, ses parents, toujours accompagnés du Professeur Grant, s'invitent dans son trou à rat. Le gosse, serein, s'extasie de rencontrer Alan Grant dont il a lu tous les bouquins sur les dinosaures, qui l'ont passionné. Parce que la passion de ce gosse c'est les dinosaures et ces six années de merde passées sous une grosse branche d'arbre à repousser les gueules pleines de crocs de ses nouveaux potes carnivores du bout de ses tennis Adidas n'ont pas suffi à le détourner de son goût pour le Jurassique. Alors pour coller au budget draconien imposé par Spielberg, Joe Johnston décide de copier coller des scènes de Jurassic Park 1 où le petit Timmy faisait chier Grant avec ses bouquins sur les dinos, et on n'est pas dupes. On aimerait être dupe, on aimerait fermer les yeux là-dessus, mais ça n'est pas possible parce que ça fusille les paupières avant de fumer la rétine. C'est gros comme le nez au milieu de la façade.



Et on n'est pas arrivé au bout de ses surprises. Vient une scène d'action interminable quoique haletante dans laquelle les 4 personnages sont repérés au bord d'une falaise par des ptérodactyles à cause de la sonnerie du mobile de Téa Léoni. Attention, pas le téléphone portable du personnage, qui n'est pas censé en avoir un à ce moment là du film, on parle bien ici du téléphone cellulaire de Téa Léoni l'actrice. Certains parleront de goof, je resterai mesuré. Bref, encore une fois Dennis Muren n'a pas eu les fonds nécessaires alloués habituellement aux effets numériques de post-production et l'on est consterné d'admirer ces ptérodactyles, certes nouveaux dans la série Jurassic Park, mais désespérément inachevés. On a sous les yeux l'armature informatique des ptérodactyles, leur ossature numérique vert fluo, des barres vertes supposées reliant les contours des animaux pour coordonner leurs mouvements informatiquement. Mais l'habillage n'a pas été finalisé et il part en guenilles. Point de texture, point de peau pour donner corps à ces bestiaux sur nos écrans, point de vraisemblance. C'est un fiasco.




Je vous épargnerai la suite des évènements. Dîtes-vous simplement que pour marquer une évolution dans la trilogie Joe Johnston a décidé de doter ses raptors d'un don qu'ils n'ont jamais eu et ça tous les livres d'histoire s'accordent à le dire : la parole. Ainsi vous faudra-t-il accepter de voir ces vélocipédiques entamer des discussions durables dans un français irréprochable. De même seuls les plus coriaces d'entre vous tiendront jusqu'au bout pour voir plusieurs divisions de l'armée des États-Unis débarquer sur l'île pour sauver nos quatre daredevils. Seuls les plus naïfs d'entre vous ne reconnaîtront pas la séquence d'ouverture de 39 minutes d'Il faut sauver le soldat Ryan et son débarquement sur la plage Omaha le 6 juin 44 collée là discretos. Seuls les plus cons ne s'étonneront pas de voir Tom Hanks et Vin Diesel tuer des soldats de la Wehrmacht avec leurs mitraillettes Tompson en guise de conclusion à ce sombre épisode d'une trilogie qui aura décliné d'épisode en épisode pour partir du sommet et arriver à des frasques sans pareilles dans l'histoire du tout hollywood.

Je viens d'apprendre que Joe Johnston prépare le 4ème film de ce qui sera donc tragiquement une tétralogie.


Jurassic Park III de Joe Johnston avec Sam Neil et Téa Léoni (2001)

11 commentaires:

  1. J'ai dû utiliser un tissu doux pour essuyer le coin de mes yeux en pleurs à la suite de la lecture de cette critique si juste et si détaillée. Si je devais faire un smiley, ce serait <@;-)

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  2. Si vous pouviez en faire une par jour de cet acabit j'aurais mon quota de rire garanti !

    (:D)

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  3. Article de civilisation. Le téléphone de Téa Léoni m'a tuer.

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  4. J'espère que ta dernière phrase est un gros goof, putain...

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  5. Non pas du tout, il est en chantier, et cette fois-ci c'est Laura Dern qui replonge.

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  6. lol...
    Sinon, t'as oublié le passage ou ils fouillent dans la merde du dino à crete, qui fait directement écho à deux choses :
    1) la scène du premier volet ou elie satler fouillait déjà dans une fiente de dinosaure.
    2) Joe Johnston lui même, alias "fouille merde" comme on l'appelle dans les couloirs chez Dreamworks...

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  7. Mec j'oubliais la fameuse scène ou le raptor se sert d'un gars qu'il blesse pour attirer les autres gars dans un piège. Jusque là ça va. mais quand les autres se font pas laisser prendre, le raptor tue le mec blessé en lui brisant le cou avec ses machoires.
    Des raptors ultra stratégiques, qui connaissent parfaitement l'anatomie humaine, et qui ne mangent plus leurs proies, c'est bon, quoi....

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  8. En voyant ce film au ciné (j'ai vu les 3 films au ciné ! et pas en 3D !) j'étais très en colère après la défaite du T-Rex face au Spinosaurus Egypticus. Le "Spino" (pour les intimes) était certes théoriquement plus outillés que le T-Rex, mais ce dernier avait sa réputation pour lui. On ne tue pas le T-Rex. C'est pour ça aussi que le King Kong de Peter Jackson il va se faire foutre.

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    1. Je te comprends. Beaucoup de ceux que le T-Rex avait fait rêver se sont sentis trahis, moi le premier.

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