

Au début du film, qui se déroule donc dans le domaine d'Hélène, Assayas use de mouvements de caméra portée permanents qui rappellent ceux de la ballade dans les bois d'Adrien et Jenny (Jeanne Balibar) dans Fin août. Cette mise en scène mouvementée correspond à des moments de pleine vie pour Adrien comme pour Hélène. Et puis la caméra se pose après la mort de la mère pour passer d'un enfant à l'autre tandis qu'ils exposent leur vues sur la gestion de l'héritage dans une grande scène très "japonisante" (comme le dit Adrienne à propos d'un vase), très orientale en tout cas, qui rappelle Hou Hsiao-Hsien, le maître avoué d'Assayas avec qui Juliette Binoche vient d'ailleurs de tourner un film magnifique, Le Voyage du ballon rouge. Le film connaît plusieurs ralentissements mais renaît sans arrêt et part dans de nouvelles directions. C'est très troublant et très singulier de voir cette œuvre repartir encore et encore vers de nouvelles choses. Et puis les séquences deviennent comme des tableaux. Pour exemple la longue et minutieuse fouille de la maison par des experts qui énumèrent tristement les objets de valeur qui s'y trouvent, alors dénués de toute la poésie que savait leur conférer Hélène, la maîtresse illégitime de l'artiste. Puis les antiquaires déballent les vases et l'argenterie comme en les violant, séquence qui évoque la vente aux enchères de L'éducation sentimentale où les objets appartenant autrefois à Madame Arnoux étaient distribués, bradés sous les yeux impuissants d'un autre Frédéric, à qui ils évoquaient mille souvenirs et deux mille images. Séquence que complète celle où Frédéric (celui de L'heure d'été) et sa femme observent un bureau de leur mère exposé au musée d'Orsay sous les yeux de visiteurs impassibles qui répondent au téléphone en pleine visite.

Et puis le film s'achève sur un retour à la jeunesse. À part Frédéric, aucun des deux autres enfants n'avait connu ou se souvenait de leur grand-oncle, l'artiste Berthier, et ils n'ont de cesse de répéter que cette maison ou ces œuvres d'art ne leur évoquent plus grand chose. Il y a un défaut de communication évident entre les générations. Les deux enfants de Frédéric lui disent que les tableaux qu'il veut leur léguer après sa mort, comme cela se fait de génération en génération dans la famille, sont largement trop vieux pour leur plaire. Avant de mourir Hélène se plaignait que sa fille Adrienne n'eût pas de goût pour l'argenterie du passé. Durant l'anniversaire initial les petits-enfants d'Hélène ne sont à aucune moment dans le cadre avec elle, sauf pour lui dire au revoir. Et enfin, après que Frédéric est allé chercher sa fille au commissariat où elle est en garde-à-vue pour vol à l'étalage et possession de drogues, bien que père et fille soient tous les deux consommateurs de joints le courant ne passe pas et les portes claquent. Ainsi à la toute fin du film, les enfants de Frédéric et leurs amis investissent la maison familiale en passe d'être vendue pour y faire une grande fête avec l'aval de leurs parents qui après tout s'en foutent maintenant que tout est vendu. Et alors Assayas fait un joyeux retour vers L'eau froide (dont le présent film semble être un double adulte, prenant pour sujet les parents de l'héroïne de l’œuvre de 1994), avec une caméra très mobile qui passe d'un groupe de jeunes à l'autre et ne s'arrête jamais tandis que les jeunes filles dansent et que les garçons jouent au foot sur une musique assourdissante. Et puis la fille de Frédéric remplace Virgine Ledoyen qui amenait son amant par la main, par le bout du nez, dans les bois, où personne ne viendra les trouver.

Frédéric est le personnage principal de ce film, celui des trois frères et sœur qui n'est pas d'accord et qui subit ces ventes la mort dans l'âme. C'est le héros, un héros qui va contre deux personnages expatriés aux États-Unis et en Chine, les deux pays où Assayas s'en est allé dans ses trois derniers films. Si ça n'appelle pas au retour décidé d'Assayas en France et vers son plus grand cinéma ça...
L'Heure d'Été d'Olivier Assayas avec Charles Berling, Juliette Binoche et Jérémie Rénier (2008)