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15 juin 2021

L'un des nôtres

Costner, Lane. Deux des plus grands sex-symbols des années 80 et 90 de nouveau réunis dans un même film suite au camouflet qu'avait constitué le misérable Man of Steel du triste Zack Snyder, où ils incarnaient les parents adoptifs de Superbeman. Il y avait une revanche à prendre et les cinéphiles du monde entier n'en rêvaient même plus ! C'est pourtant ce que nous propose Let Him Go, aka L'Un des nôtres, le quatrième film du discret réalisateur américain Thomas Bezucha, adaptation du roman éponyme de Larry Watson, écrivain dont les récits, publiés en France chez Gallmeister (maison d'édition dont nous apprécions particulièrement le travail et que nous saluons dès que possible), sont toujours fermement ancrés dans le Middle West. L'histoire est à la fois très simple et plutôt originale, elle donne la part belle à un couple d'un âge avancé, campé par les deux stars. Une paire d'années après la mort accidentelle de leur fils unique, Lane et Costner voient leur ex-belle fille s'éloigner d'eux, emportant avec elle son gamin, leur petit-fils donc, pour grossir les rangs de la famille peu recommandable de son nouveau mari, dans un bled paumé du Dakota du Nord. Ni une, ni deux, ils décident de quitter leur ranch du Montana pour aller récupérer le gosse, qu'ils estiment entre de très mauvaises mains, et le ramener, par la force s'il le faut, chez eux.
 
 
 
 
Jamais désagréable à suivre, Let Him Go est une sorte de néo-western pour retraités, de thriller très pépère, qui doit beaucoup, si ce n'est presque tout, à son duo d'acteurs principaux. Diane Lane et Kevin Costner sont crédibles en grands-parents sur les dents, ils dégagent une complicité silencieuse, principalement faite de regards et de petits gestes qui en disent longs, une alchimie discrète et naturelle qui les rend assez attachants. On a aucun mal à les accompagner tout au long de leur mission dont le seul objectif est de retrouver leur petit-fils. Diane Lane est le personnage fort du couple, la véritable meneuse, son mari taiseux tient le volant, certes, mais c'est sous son impulsion qu'ils prennent la route à travers le Midwest, c'est elle qui est aux commandes. L'actrice propose une prestation nuancée, assez riche, tour à tour forte ou fragile, vulnérable et résolue. Elle se tire avec les honneurs de scènes parfois casse-gueule et elle parvient à conférer une profondeur appréciable à son rôle.




En bon aficionado de Kevin Costner, quel plaisir de le revoir enfin dans un film qui tient à peu près la route ! Malgré une coupe en brosse regrettable qui nuit à son charisme naturel et vient renforcer le caractère trop figé de son visage empreint d'une certaine lassitude, Kev nous livre sa meilleure performance depuis un sacré bail. Il a ses quelques moments de grâce où il éclabousse une scène a priori anodine de son talent hors norme. Je pense tout particulièrement à un plan précis qui fait suite à un dîner romantique au restaurant durant lequel son personnage, encore éperdument amoureux de sa femme, a sorti le grand jeu : Thomas Bezucha nous montre les deux tourtereaux rentrer à leur hôtel, marchant sur le trottoir et, pour faire tenir dans le cadre leurs mains fermement empoignées l'une à l'autre, le réalisateur opte pour un plan américain. Son choix s'avère malavisé. Il ignore (ou se voile peut-être la face !) que ce que nous remarquons alors est surtout le très imposant service trois pièces de celui qui jadis dansait avec les loups et dont le jean moulant ne laisse ici rien à l'imagination. Nous ne voyons que ça ! Quelques secondes plus tard, nouveau coup d'éclat : nous retrouvons un Kevin Costner pensif face au miroir de la salle de bains, il s'apprête à se mettre au lit quand sa femme vient lui faire des petits bisous dans le cou. Il n'en faut pas moins pour réveiller la bête. "Don't start what you can't finish..." lui dit-il alors avec sa voix de cowboy, nous rappelant que malgré son âge avancé, sa testostérone reste en ébullition. Mais la dame continue... Jusqu'à ce que Costner se retourne brutalement et gobe littéralement le visage de sa partenaire ! L'un des temps forts du film, à n'en pas douter. Il y a d'autres éclairs de Costner. Ils sont parfois furtifs, comme cet étonnant coup de pied latéral que notre homme, très diminué et alité, tente d'administrer à un shérif ripoux qui vient l'embêter dans sa chambre d'hôpital, un move très surprenant, peut-être improvisé. Ces moments précieux m'amènent à recommander chaudement ce film à tous les fans, encore si nombreux, du réalisateur d'Open Range, que l'on croyait perdu à jamais suite à son sacrifice ridicule dans Man of Steel, à tous ceux qui espèrent encore sa renaissance sur grand écran.




C'est quand il se consacre à ce couple vieillissant, encore marqué par la disparition tragique de leur unique fiston, que Thomas Bezucha se montre le plus habile, bien aidé par des stars sur le retour qui ont peut-être à cœur de montrer qu'elles en ont encore sous le capot et comptent bien profiter des beaux rôles qui leurs sont ici offerts (à propos de capots, ça me fait penser que la reconstitution des années 60 pêche ici à cause de toutes ces bagnoles rutilantes qui ont toutes l'air de sortir de chez le collectionneur et du car wash). Le réalisateur a la main beaucoup plus lourde quand il s'épanche un peu trop sur les sentiments, une musique venant souvent souligner ce qui se passe à l'image, et aussi quand il nous dépeint le clan de salopards des griffes desquels Lane et Costner aimeraient extirper leur dernier descendant. C'est également une femme qui tient les rênes de ce clan, une Ma Dalton un brin caricaturale incarnée par Lesley Manville, celle que nous avions jadis confondue avec Jean-Michel Aulas (my bad !) dans Phantom Thread et qui déçoit un peu dans le rôle de cette matriarche douée pour donner des ordre mais si maladroite à la gâchette. Plus il avance, plus Let Him Go se met à flirter avec la série b. Cela donne une scène cocasse où Kevin Costner perd quelques morceaux... Et cela aboutit hélas à un dernier acte complètement raté, un climax beaucoup trop expédié, où la tension échoue à grimper et où l'on se dit que le réalisateur aurait peut-être dû laisser sa caméra à son acteur, que l'on sait capable de torcher de bien meilleures scènes d'action. Thomas Bezucha nous laisse donc sur une dernière note en demi-teinte qui ne gâche pas néanmoins le bon moment passé aux côtés de Kevin Costner et Diane Lane.


L'Un des nôtres (Let him go) de Thomas Bezucha avec Kevin Costner, Diane Lane et Lesley Manville (2020)

15 mai 2008

Peur Primale

« En France, je suis un metteur en scène, en Grande Bretagne, je suis un réalisateur, aux États-Unis, je suis un yes man, à la maison, je suis un sale con ! » C’est souvent par cette phrase explosive que Gregory Hoblit se présente lors des interviews, s’amusant ainsi de la relation tendue qu’il semble entretenir avec sa femme. Cette citation, pleine d’humour et d’aigreur, résume fidèlement l’individu qu’est Gregory Hoblit. Car Hoblit n’est pas ce genre de businessman que vous verrez bientôt monter les marches au Festival de Cannes. Vous ne le trouverez jamais sur un tapis rouge habillé en costard et portant des ray ban, en train de frimer devant une meute de photographes excités. Hoblit ne fait pas partie de ceux-là. Gregory Hoblit se décrit lui-même comme un épicurien et un simple artisan. Pour lui, une journée de travail commence à 8 heures du matin et finit à 8 heures du soir, et si tout a déjà été tourné avant le temps imparti, Hoblit en profitera pour avancer dans son prochain projet. C’est grâce à cette méthode qu’Hoblit parvient à mettre en boîte souvent plus de trois films par an.


Gregory Hoblit est un personnage qui a rapidement été apprécié dans le métier, mais il a paradoxalement bien mis du temps à gagner une certaine reconnaissance. On l’a d’abord aimé pour sa bonhomie, pour la joie de vivre qu’il dégage même lors des moments les plus difficiles. Il s’est très tôt fait remarquer sur les plateaux où il officiait en tant que simple assistant car il avait la particularité de nettoyer les gros carreaux de ses énormes lunettes à l’aide de son slibard, il prétextait que c’était là le seul tissu adéquat (sans doute le seul contenant assez d’acidité pour parvenir à dégraisser les verres embués du gaillard). Ensuite, on a apprécié sa polyvalence, du fait qu’il est capable de tout filmer de la même façon, sans jamais y mettre sa touche personnelle. Greg Hoblit représentait par conséquent une sacrée roue de secours en cas de pépin, sa mise en scène sans aucune personnalité a fait de lui la cinquième roue du carrosse la plus utilisée à Hollywood. Il était connu comme étant le seul et unique director croque-mort, puisqu’à chaque fois qu’un réalisateur crevait en plein tournage, on faisait appel à Hoblit pour non seulement se débarrasser du macchabée et organiser les funérailles en accord avec la famille du défunt, mais aussi pour reprendre en main le film et achever le tournage en bonne et due forme. Hoblit est donc un véritable guide du routard hollywoodien doublé d'un vieux briscard qui a longtemps été habitué à exécuter ses tâches sans rechigner et qui connaît par cœur tous les rouages du système. Gregory Hoblit a vu sa carrière prendre enfin son envol grâce au succès surprise de Peur Primale, un film dont il préfère le titre dans sa version française, « pour sa sonorité ».




Peur Primale est un thriller où Richard Gere campe le rôle d’un avocat têtu chargé de défendre un retard, un déficient intellectuel, joué par Edward Norton, accusé d’un crime affreux. Lors de la première scène du film, on assiste à l’arrestation virile d’Edward Norton, encore présent sur les lieux du drame, les mains toutes ensanglantées. Les analyses médicales ne font aucun doute : le sang qu’il a sur les mains est bel et bien celui du pasteur dont on a retrouvé la tête au bout d’une pique et le reste du corps trempant dans l’eau bénite de l’église. Alors qu’on prépare déjà la chaise électrique pour un détenu qui ne comprendra de toute façon pas ce qui lui arrive, un avocat décide de prendre l’affaire en main et de défendre l’indéfendable. Cet avocat a les cheveux blancs, le regard rieur, la démarche chaloupée et appelle au boycott des Jeux Olympiques de Pékin : il s’agit bien évidemment de Richard Gere, le "Silver Fox", on l’aura reconnu au premier coup d’oeil. Le reste du film s’apparente à un documentaire sur le système juridique américain, dont Hoblit pointe du doigt les nombreuses failles. Ces mêmes failles qui permettront à Edward Norton d’éviter l’incarcération à perpétuité et qu’Hoblit explorera à nouveau avec le film Fracture (intelligemment nommé La Faille en VF), où Anthony Hopkins s’en tire avec un casier judiciaire vierge après avoir pourtant donné la mort à 12 innocents. Mais même si cette critique au vitriol est brillamment menée par Hoblit, qui dans le civil est un père meurtri par la disparition de sa fille dont l’assassin court toujours, et quand bien même cette critique tombe à point nommé, là n’est pas l’intérêt de Peur Primale et là n’est pas la raison de son succès retentissant en vidéo-club. Pour comprendre pourquoi Peur Primale est devenu un classique du petit écran, régulièrement diffusé par TF1 les dimanches en première puis en deuxième partie de soirée, il faut voir vu la toute dernière scène du film, celle où on assiste tétanisé au terrible retournement de situation final.




A la toute fin du film, le spectateur a l'estomac sens dessus dessous quand il voit Edward Norton avouer à Richard Gere en lui riant littéralement au nez qu’il n’est pas du tout attardé mais qu’il est seulement très bon acteur ; il en profite aussi pour le remercier d’avoir réussi à lui faire éviter la peine capitale. Ce twist est d’une efficacité redoutable, mais ce que peu de personnes savent c’est qu’il n’était pas du tout prévu dans le scénario initial et qu’il est simplement dû à une improvisation d’Edward Norton jugée « géniale, ahurissante » par Hoblit malgré les réticences de Richard Gere qui voyait-là l’héroïsme de son personnage en prendre un sérieux coup. A la vue du résultat, on applaudit des deux mains le flair du cinéaste, mais on ne peut s’empêcher de regretter qu’Hoblit n’ait pas gardé les autres improvisations d’Edward Norton, seulement visibles sur l’édition DVD collector. On peut y voir un Ed Norton, décidément en grande forme, profitant de son rôle d’attardé mental pour rendre la vie impossible à un Richard Gere qui faillit plus d’une fois en oublier sa philosophie bouddhiste. Tour à tour roué de coups, traîné dans la boue, insulté et menacé à l’aide d’une queue de billard lors d’une scène coupée mythique dans un bar… le Dr T en voit littéralement de toutes les couleurs et c’est pendant le tournage, a-t-il reconnu plus tard en conférence de presse, qu’il déclara avoir réellement enculé toutes les étapes menant au nirvana et qu’il se félicita d’avoir su rester fidèle aux 15 préceptes de l’éthique bouddhiste.




Malgré ces scènes manquantes qui auraient fait de Peur Primale un chef d’œuvre intemporel, on a tout de même droit à un thriller bien ficelé, où j’ai oublié de préciser qu’on a aussi l’occasion d'admirer une Laura Linney alors au zénith de sa carrière, dans le rôle de l'avocate opposée à Richard Gere, le rôle de la gentille donc.




Depuis le succès de Peur Primale, Gregory Hoblit est désormais capable de choisir ses scénarios, un privilège qu’il ne pouvait pas s’accorder dans le passé, quand il était plus soucieux de remplir son frigidaire. Hoblit a ainsi décidé de se bâtir une filmographie uniquement constituée de thrillers. On l’appelle le nouveau Hitchcock. Modeste, Hoblit rectifie, et dit qu’il est simplement « le nouveau Hoblit ». Il enchaîne les thrillers, raffole des faits divers. Il a récemment réalisé Intraçable, où l’on voit Diane Lane prise au piège par un tueur qui filme ses meurtres pour les mettre ensuite sur Youtube. Une histoire sordide. Une histoire qui a immédiatement plu à Hoblit, qui trouvait là l’occasion de critiquer les dérives d’internet. Et finalement un film de plus à ajouter à la filmographie d’Hoblit. C’est à voir si on aime ce non-genre, si on apprécie la patte de ce cul-de-jatte. C’est du Hoblit.


Peur Primale de Gregory Hoblit avec Richard Gere, Edward Norton et Laura Linney (1996)