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25 avril 2014

Lara Croft - Tomb Raider : Le Berceau de la vie

Il est rare qu'une affiche pose autant de problèmes. Au-delà de la laideur graphique à l’œuvre, le titre n'est tout simplement pas lisible. Le sous-titre encore moins. "Le blaireau de la vie ?", "Le bureau de la vie ?", "Le bahut de la vie ?", "Le barbu de la vie ?". Autant de questions sans réponse. Après les échecs successifs de Speed 2 puis de Hantise, Jan de Bont, d'ordinaire si affable et si heureux, n'est plus que l'ombre de lui-même. Pensant à une reconversion dans le fromage, la peinture, les putes ou la drogue, soit dans l'une des spécialités de son cher pays hollandais, De Bont n'y croit plus quand on lui tend le scénario du second opus de Tomb Raider, scénario aux tranches salies par toutes les mains (et quelques pieds) desquelles il est tombé avant d'arriver sur le bureau immaculé de notre maître du cinéma d'action en flagrante perte de vitesse.




Lara Croft, après avoir affronté Daniel Craig, le bad guy de Tomb Raider 1, et après lui avoir pété au nez en guise de conclusion à une première adaptation un peu olé-olé, se retrouve en tenue de plongée sur les bords de la mer Caspienne. Sur son lit de mort, son père à la vie comme à l'écran, Jon Voigt, lui a indiqué dans un dernier éclat de rire l'emplacement d'un trésor secret, en pointant son doigt vers l'un des murs de sa chambre d'hôpital. Un trésor ou plutôt une statue. Une statue d'Alexandre le Grand contenant dans son crâne la clé de la sulfureuse Boîte de Pandore. Cette boîte, Lara Croft veut mettre la main dessus pour mieux la foutre à l'abri de son ennemi juré, Chen Lo, le frère chinois de Daniel Craig. Ce dernier aimerait littéralement ouvrir la Boîte de Pandore afin de nettoyer la Terre de ses péchés et repartir, selon ses propres mots, "comme en 40". Aidée dans ses pérégrinations par Gerard Butler, acteur tout en bas de l'échelle sociale en 2003, Angelina Jolie s'apprête à nouveau à combattre les forces du mal en sautant de caillasse en caillasse et en arborant les différentes tenues vestimentaires dessinées par quelques malades dans le jeu éponyme, propres à mettre en avant une poitrine peut-être pas assez démesurée pour correspondre aux attentes du gamer et subvenir à ses besoins péniens.




Pourquoi Angelina Jolie ? Le casting, vrai serpent de mer, a duré des lustres. C'était d'abord Vanessa Demouy, qui a elle-même lancé la rumeur de son embauche en diffusant des photos où, certes, son corps faisait l'affaire, malgré une tronche de dix pieds de long. C'était ensuite Rhona Mitra, victime peu pudique d'un autre détraqué hollandais nommé Verhoeven dans Hollow Man. Puis Catherine Zeta-Jones, pote de De Bont depuis Hantise et déjà rodée aux tractions du train arrière sous le regard tout suant de Sean Connery depuis Haute Voltige. On ne vous cite que les trois plus connues mais à l'époque c'était à chaque jour un nom nouveau, une roue de la fortune qui a fini par tomber sur le blaze d'Angelina Jolie, au plus grand désarroi de nombreux haters (parmi lesquels nous nous comptons) qui reprochaient à l'actrice son visage. De Bont a fait durer le casting pour faire tourner, et pour multiplier les tentatives de conquêtes, lui qui avait instauré une règle selon laquelle chaque bout d'essai devait se terminer par la mesure des mensurations de ces dames ad hominem. Il se considérait alors comme l'homme le plus chanceux de Hollywood, lui qui se dirigeait pourtant droit contre un mur sous la forme d'un scénario fatal, sans doute les pires mots jamais assemblés sur du papier (à l'image du titre, non-sensique, qui se fait un plaisir de mêler des mots-clés au pifomètre).




La pire idée du film est peut-être d'avoir fait de Lara Croft un mec (Angelina Jolie a été nominée aux Oscars pour le meilleur rôle masculin), un garçon manqué avec de gros nibards, alors que tout le jeu consistait à manipuler une pure femme simplement douée pour l'acro-gym. Jan de Bont n'a jamais plus rien tourné après ça. Il considère que le projet lui a échappé au moment même où il a dit "moteur !" pour la première fois. Lui qui comme toujours partait plein de bonnes intentions, des idées plein la tronche, et le sourire collé aux nuages, on ne l'a plus jamais revu sourire depuis, et il nous manque fort, le hollandais imprévisible à la filmographie en forme de flèche sur-aiguisée tirée à pleine force dans son propre pied. Il nous manque fort.


Lara Croft - Tomb Raider : Le Berceau de la vie de Jan de Bont avec Angelina Jolie et Gerard Butler (2003)

23 avril 2014

Speed 2 : Cruise Control

Fausse bonne idée. Bourrée de vraies mauvaises idées. Comme souvent chez De Bont, les intentions sont là, mais pour la première fois de sa carrière le ratage est complet. Première déconvenue : c'est exactement la même histoire que dans Speed, sauf que l'autocar est remplacé par un paquebot. Jan de Bont, qui n'avait jamais foutu les pieds sur un bateau et qui voyait dans ce projet l'occasion de faire sa première croisière aux frais de la princesse, avouera avoir surestimé la vitesse d'un tel engin. A trente nœuds (soit 55 km/h), le suspense a du mal à décoller, et la ceinture de sécurité prônée par le titre québécois s'avère plus encombrante qu'autre chose. Moins d'efficacité donc et pas vraiment de nouveautés puisqu'on retrouve un dingue des explosifs bien décidé à prendre en otage le gratin de la jet set américaine pour ramasser un petit paquet de fric susceptible de lui assurer des vieux jours pépères à l'ombre d'un palmier sec avec pour spectacle quotidien, non loin de là, l'épave aux œufs d'or échouée sur la plage.




Que nous vaut le coup de sang de ce malade, ici campé par un Willem Dafoe qui était alors dans le creux de la vague ? Notre bonhomme s'est fait virer d'une compagnie maritime et a décidé de se venger en détériorant le plus beau navire de ses ex-patrons, exactement comme Dennis Hopper dans le premier film. Mais comme cette suite répond à la règle du "bigger, louder, quoique pas faster", le gros méchant devait être encore plus taré qu'à l'origine, en tout cas devant la caméra (parce que dans la vie, aussi problématique soit l'individu Willem Dafoe, ça reste un enfant de chœur à côté de feu la toupie humaine nommée Dennis Hopper), d'où ce chapelet de scènes où le "vilain" se recouvre le corps de sangsues pour se libérer de quelque problème d’acné. Solution démesurée là où un peu de biactol suffirait. Et que dire de ces scènes coupées au montage où on devait se rendre compte que le jobard campé par Willem Dafoe souffrait également de la même maladie que Michael Fassbender dans Shame, mais c'est un autre propos...




Petite surprise quand même : un salop d'usurpateur a chipé la place de Keanu Reeves après le refus catégorique de ce dernier, trop occupé à dédicacer des culs et des poitrines (pas seulement féminines) en tant qu'élu tout de noir vêtu suite à son explosion dans Matrix. C'est Jason Patric, que l'on confondra toujours avec Robert Patrick, qui le remplace au volant de Sandra Bullock. Boloss, sosie de Mathieu Valbuena, docile et moins regardant que la star bouddhiste désormais inatteignable tout droit venue d'Eurasie et nommée Reeves, le fameux Patrick, que Jan de Bont a appelé Patrick Jason durant tout le tournage, fait ni plus ni moins pitié dans ce film, il fait pleurer de pitié. C'était le début et la fin de sa carrière, une carrière "rapide", comme l'indique le titre de l'unique film qui la compose. Malléable et sûr des choix de son réalisateur, l'acteur débutant accepta d'apparaître à chaque scène dans une nouvelle tenue, plus ou moins marquée par la folie typiquement hollandaise du sieur De Bont, au mépris d'une continuité narrative mise à rude épreuve, et au mépris du bon goût accessoirement. Première scène : Patric apparaît arcbouté sur sa moto et laisse apparaître ce qui à l'époque n'avait pas encore de nom et qu'aujourd'hui on nomme communément un "string". Voilà qui donne le ton ! Il enchaîne ensuite les cascades en pantacourt, les dérapages en tongs et chaussettes allemandes, et les roulés-boulés en kilt, laissant admirer une broussaille indigne d'un homo-sapiens-sapiens. Bref, Jan de Bont n'avait pas l'air décidé à faire de lui le Keanu Reeves des temps modernes, préférant manifestement en faire le gros mariole d'un flop gaiment consenti par son auteur.




Face à lui, Bullock, dont la carrière, à l'époque, n'a pas encore décollé au même titre que celle de Reeves, et qui a tout mis en œuvre pour flinguer à bout portant le petit charisme offert à son personnage dans le premier film. Elle campe ici l'idiote sympathique, la grosse otarie délurée, l'hystérique bien foutue de service qu'on a juste envie d'étouffer. Chacune de ses répliques semble échappée du cerveau d'un misanthrope machiste et misogyne bien décidé à faire passer son petit message craspec sur la place des femmes dans le monde à travers la bouche de l'un de ses plus beaux spécimens. La magie Bullock n'opère plus et se transforme en haine. Le charme bestial du couple que l'actrice formait avec Keanu Reeves est ici remplacé par un bal des maudits déprimant, une succession de disputes pour le moindre prétexte ridicule entre deux port-de-boucains, Patrick accusant notamment sa compagne d'avoir oublié d'embarquer son chargeur de gamegear à bord du bateau des vacances et ainsi de suite.




Conscient du naufrage et toujours très respectueux des directives qu'on lui donnait (dépasser la barre des cent millions de dollars de recette par jour d'exploitation), Jan de Bont espérait sauver les meubles par une dernière pirouette en intitulant le film : "Cruise control". Drôle de sous-titre qui cache simplement la volonté du cinéaste de nous faire croire qu'il s'était payé la star née un 4 juillet auréolée de son succès dans le Mission Impossible de Brian de Palma. Le piège a fonctionné sur certains spectateurs, qui ont scruté le générique de fin à la recherche de l'acteur nommé "Control", en vain. Cette malice du facétieux De Bont fait sourire aujourd'hui, même si on avait tous envie de le tuer après avoir découvert la suite fétide de notre film fétiche. Après tout ce temps on se dit qu'il a peut-être eu raison de passer l'intégralité du tournage allongé dans sa chaise longue sur le pont du bateau, en train de pulvériser son score à Tétris en enchaînant les oinjs entre trois tranches de Gouda. Il donnait quand même ses directives, en balançant ses mains de chaque côté de sa chaise, tournant sciemment le dos à l'équipe de tournage. Quand on voit les deux films à la suite on ne peut pas croire que le même homme les a tous les deux mis en boîte. On sent que quelqu'un lui a dit "fais Speed 2, s'il te plaît" et que De Bont, avec sa légendaire bonhommie, n'a pas su dire non. Certains diront que c'est à cela qu'on reconnaît les plus gros cons, de notre côté nous dirons simplement que c'est un homme de cœur qui, dans tout ce qu'il entreprend, quand le cœur n'y est pas, n'arrive à rien.


Speed 2 : Cruise Control de Jan de Bont avec Jason Patric, Sandra Bullock et Willem Dafoe (1997)

21 avril 2014

Twister

C'est peu de dire que Jan de Bont était attendu au tournant après Speed, succès planétaire et classique instantané du film d'action des années 90. Prudent, consciencieux et malin, Jan de Bont, qui avait ouvert sa carrière par un chef-d’œuvre, tel Orson Welles, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Nicholas Ray ou Robert Rodriguez, voulut assurer ses arrières pour son second long en collaborant avec des valeurs sûres du box-office : Michael Crichton au scipt, Steven Spielberg à la production et tous les protégés de ce dernier derrière lui (Kathleen Kenedy au financement, Michael Kahn au montage, Jeremy Davies, l'éternel ami d'E.T., à l'arrière-plan dans une scène coupée, etc.). Petit topo sur Michael Crichton : rappelons que le bonhomme est un foutoir à idées de génie, c'est le roi du scénario qui tient en un mot et qui fout le monde entier sur le cul, à l'instar d'un Stephen King, d'un Philip K. Dick ou d'un Richard Matheson. C'est notamment lui qui a écrit Jurassic Park (on ne vous rappelle pas l'idée de base du film, consistant à ranimer Sam Neill à partir de l'ADN d'un moustique et des hormones d'une grenouille, jusqu'à ce qu'il finisse par péter un plomb, se libère de sa cage et bouffe tout le monde...). Quelques années plus tôt Crichton avait lui-même réalisé un film intitulé Westworld, basé sur le même genre d'idée, avec des cowboys animatronics à la place de Sam Neill. Moins connus mais tout aussi originaux, il a écrit La Proie, où des nanorobots en forme de moustiques destinés à l'armée échappent au contrôle de leurs créateurs et foutent le boxon, il a aussi écrit Congo, où un orang-outang natif du Congo dopé à l'ADN de crapaud pète les plombs et échappe au contrôle de ses maîtres pour foutre la merde, sans parler d'Urgences, la série télé qui a rendu célèbre l'acteur Noah Wyle, avant qu'il n'échappe au contrôle de son psychiatre et mette la ville de Plymouth à feu et à sang (la police le traque toujours).




La collaboration entre celui qui était alors le nouveau pape du film d'action, De Bont, et Crichton, la boîte à idées la plus fructifiante d'Hollywood, avait tout pour casser la baraque (comme on le voit sur l'affiche). L'argument du film est encore une fois tout simple, et ses auteurs en ont conscience, misant tout sur une efficacité sans froufrous : un ancien couple de climatologues se retrouve dans l'Oklahoma avec pour mission d'étudier une phénomène météorologique aussi dévastateur que méconnu, les tornades, et pour ce faire ils devront rien moins que placer au cœur de l'une d'elles une webcam en titane. Hélas, nos spécialistes des tornades seront eux-mêmes surpris par l'amplitude de celle qui s'abat sur leur tête, la plus puissante jamais observée dans le midwest américain depuis 30 ans, de catégorie F5, le genre de bourrasque qui vous rafraîchit votre page firefox en un clin d’œil si elle s'abat près de chez vous. Les effets spéciaux, primordiaux dans un film catastrophe supposé vous clouer le bec, sont diablement réussis. Jan de Bont n'avait pas froid aux yeux et voulait tourner au plus près de vraies tornades pour limiter les ajouts numériques forcément déceptifs en 1996, et si quelques perchmans y ont laissé leur peau (il y en a encore deux dont les cadavres n'ont pas été retrouvés, c'est à peine si on a pu mettre la main sur quelque tas de peaux susceptible de leur avoir appartenu) le résultat est bluffant à l'écran, encore aujourd'hui. Mais cela ne pouvait pas suffire, et la plus grande malice de De Bont et de sa clique, malice héritée de Spielberg à n'en pas douter, tient dans l'art du casting.




Soyons galants, commençons par Bill Paxton. Abonné aux seconds rôles (notamment chez Cameron, celui qu'il nomme son BFF, en concurrence avec Schwarzy, qui de toute façon ne comprend pas l'acronyme BFF), seconds rôles qu'il rend merveilleux par des punch-lines inventées sur le vif, Paxton est ici le premier rôle masculin. Ce statut lui rendit le tournage bien douloureux : il ne se sentait pas à sa place et appelait sa mère entre chaque prise pour lui signifier son mal-être et pour comprendre ce qui lui arrivait. Grand directeur d'acteurs devant l'éternel, Jan de Bont a su le mettre à l'aise en lui rappelant que pour lui l'Alien d'Aliens n'était nul autre que Paxton lui-même, phrase qui par miracle toucha l'acteur droit au cœur et lui rendit confiance. Au point que dans une scène phare du film, où le couple vedette se retrouve dans l’œil du cyclone de façon totalement imprévue par l'équipe technique, l'acteur a eu ce réflexe ô combien salvateur de sortir son ceinturon en cuir de bison futé et de s'accrocher d'une main à une canalisation à l'aide de cette lanière de cuir tout en retenant sa partenaire de son autre autre main, agrippée aux nibards d'Helen Hunt.




Helen Hunt avait eu la bonne idée de venir sur le plateau avec ses plus beaux atouts. A cette époque l'actrice menait un régime réservé aux femmes souffrant de problèmes de dos inquiétants dus au poids supporté par une colonne vertébrale pas faite pour ça. Privée de produits laitiers et de tout aliment à base de farine de blé, Helen Hunt devait chaque matin faire des dons importants de lactose à Bernard Kouchner pour Médecins sans frontières. Un débardeur blanc pour tout vêtement, c'est aussi la tenue pensée par Jan de Bont lors d'un de ces matins où il se levait en sursaut après avoir eu une illumination nocturne. Très souvent, le blanc est la couleur qui, mouillée, laisse apparaître le divin, et ce film le prouve dans maints extraits triés sur le volet par un De Bont humaniste et tourné vers son prochain testiculeux. Mais ce qu'on écrit là est incomplet, parce que non contente d'être trempée, Helen Hunt tape quelques sprints à faire rougir Marie-Jo Pérec, auteur de Les Choses et de La Vie Mode d'Emploi, qui à l'époque était pourtant plutôt perchée dans le domaine de la littérature potentielle et de la course à pied. Et sur ce fait, suivez mon regard, même s'il se balade de haut en bas et de droite à gauche à chaque foulée de l'actrice Hunt dans un mouvement de balancier qui ferait oublier la faim, la soif, le sommeil, toutes ces choses primaires et vitales...




Bref, Twister, ça décoiffe ! Tout le monde se souvient et s'émeut encore de ce plan où l'on voit une vache s'envoler et tournoyer à une vitesse folle dans un "Mmmmeüüûûhhhh" glaçant, pour être finalement embarquée par la tempête et finir empalée sur la pale d'un moulin à vent (car il y a toujours un moulin dans un film de De Bont, natif d'Eindhoven). Mais il faut savoir, il serait temps, que c'était une vraie vache, pas du tout un prodige d'effet spécial. C'était un véritable animal vivant, catapulté par un trébuchet moyen-âgeux tel un boomerang. C'est en tout cas ce que De Bont avait promis à son dresseur de bœufs attitré : "Tu verras, elle va nous revenir !". Mais la bête est bel et bien morte et Jan de Bont en rit encore. Il a peut-être perdu un ami mais il a gagné l'admiration de toute une profession et d'un public innombrable. De Bont, qui a quand même le rire facile, s'esclaffe de plus belle et pour un rien quand un spectateur lui demande sous quel logiciel ses ingénieurs ont été capables de faire ça, en 1996, à l'époque de Windows 3.1 et de la sortie en fanfare de la révolution vidéoludique "Lemmings". Il se marre comme une baleine lui qui sait qu'une authentique vache à lait de race Milka a été projetée dans les airs en meuglant pour la dernière fois et pour sa survie, avec un regard d'incompréhension qu'aucune machine ne pourra jamais reproduire mais que le caméraman hors-pair de De Bont sut capter, sut choper (pour ne pas dire "immortaliser") en plein vol...





Finissons par un bilan chiffré : sans revenir sur les deux perchmen morts/disparus et la vache sacrifiée pour le show, le film a rapporté 300 000 000 dollars alors qu'il n'en a coûté que le tiers. Trois fois la mise c'était la règle pour De Bont à l'époque. D'ailleurs c'était son surnom : "trois fois la mise". Il répétait ça sans arrêt à tous ceux qu'il croisait. Quand il a tourné Speed 2 : Cruise Control l'année suivante, il errait sur le plateau, ou plutôt sur le bateau, tel un fantôme, en murmurant "Trois fois la mouise...". Twister fut donc son second film et son dernier chef-d’œuvre. Après ça De Bont a remis le couvert trois fois et a mangé de la merde à tous les coups.


Twister de Jan de Bont avec Bill Paxton et Helen Hunt (1996)

18 avril 2014

Speed

Speed, de Jan de Bont, a longtemps été notre film préféré. En 1994 c'est le film qu'on a vu au ciné. Mais qui est Jan de Bont ? Il fut directeur de la photographie de John McTiernan à son zénith, chef opérateur des premiers films néerlandais de Paul Verhoeven, caméraman de Joel Schumacher pour sa période "unplugged", responsable des prises de vues chez Ridley Scott le temps d'une collaboration sans lendemain mais marquante pour l'histoire de la science-fiction, cadreur de Richard Donner pour le plus explosif et le plus controversé des Armes Fatales, et chef électricien chez lui dans sa période un peu creuse. Quand, à l'automne 93, on lui permet de mettre un film en images sans supérieur hiérarchique, son choix se porte naturellement sur le genre qu'il connait le mieux, le film d'action, et faute de pouvoir tourner un Die Hard, il en tourne un quand même, avec Keanu Reeves dans le rôle de Bruce Willis. C'est d'ailleurs Will Smith qui devait tenir l'affiche au départ, mais au dernier moment l'acteur préféra être Prince de Bel-Air pour l'ultime saison de la série, celle de la mort de Tonton Scefo. L'histoire se répétera encore plus cruellement pour Will Smith, puisqu'il refusera ensuite le rôle de Néo ET celui de Moebius (l'élu et le prophète devaient initialement être joués par le même bonhomme) dans Matrix, au profit, une fois de plus, de Keanu Reeves.




Mid 90s, il fallait en avoir de grosses pour miser sur le seul acteur asiat' de la période. Keanu Reeves est le fruit d'un métissage impliquant les cinq continents. Ca peut aussi donner Booder, le comique troupier français à tronche de pachiderme malingre, mais pour le coup ça a donné Keanu Reeves. Avec la jolie Sandra Bullock, notre eurasien formait un duo sexy qui n'a pas qu'à moitié contribué à propulser le film au rang des succès surprises passés à la postérité. Speed est si célèbre qu'il a eu droit à ses petites questions au Trivial Pursuit mouture septembre 1995 : "Sous combien de miles à l'heure le bus de Speed ne doit-il pas rouler sous peine d'imploser ?", ou encore "Combien de fois Sandra Bullock a-t-elle raté son permis de conduire ?". Pour le jeune d'aujourd'hui ça doit paraître dingue d'imaginer que Sandra Bullock a pu rendre des gens incandescents grâce à son rôle dans ce film, mais c'est aussi l'alchimie d'un look dans l'air du temps, avec ce gilet bon marché et trop lâche qu'elle porte nonchalamment, ce jean bleu usé et ces godios de chantier, tous ces trucs pas faits pour être portés et pourtant si bien achalandés sur un corps 100% naturel et ne dévoilant rien de ses atouts pourtant apparents et bien connus depuis la fameuse scène de Traque sur internet où Bullock découvrait les joies d'une batterie longue autonomie sur une chaise longue tandis que certains d'entre nous découvraient les joies d'une jolie gaule impréparée. Keanu Reeves ne s'y était pas trompé qui passe tout le film une main sur le dossier du fauteuil, l'autre sur le tableau de bord, le périscope sur le volant pour aider Bullock à conduire et les yeux emmitouflés dans le décollebac de l'actrice.




L'actrice passe tout le film aux premières loges des aisselles trempées du bellâtre natif de Rangoon, seul rescapé du fameux séisme de Taipei. Cette position virile, un bras tendu au-dessus de la tête de la demoiselle, est quitte ou double, c'est le test ultime pour voir si on a une chance, ça passe ou ça casse. Quand c'est Jan de Bont qui, tout sourire, donnait ses instructions scéniques à son actrice ("N'oublie pas que t'as une bombe sous le cul ! Et n'oublie pas que j'en ai une dans le slip !"), remplaçant temporairement Keanu Reeves, sa star aux yeux d'oriental, Sandra Bullock avait envie de "mourir sur place", c'est en tout cas ce qu'elle déclare dans le commentaire audio qui accompagne le dvd japonais du film. Au Japon, Speed a une horde de fans hardcore qui se déguisent régulièrement en bus et qui attendent encore Speed 2, après ce qu'ils ont à juste titre considéré comme le poisson d'avril le plus coûteux de l'histoire du cinéma. Quand ils ont découvert la suite tant attendue de leur film favori, réalisée par le même Jan de Bont, les japonais ont menacé de déclarer une nouvelle fois la guerre aux USA et d'aller une fois de plus chier tout leur saoul sur le paillasson de Pearl Harbor, puis ils ont appris que De Bont était hollandais...

Retour sur Speed, qui fait partie de ces films où il était plus que primordial de réussir le casting du méchant. Jan de Bont, grand fan devant l'éternel de The Last Movie, le deuxième long métrage de Dennis Hopper, tourné en état de grâce et monté en mode schizo entre deux gang bang enfumés, a tôt fait de contacter le génie à l'origine d'Easy Rider, lequel, dirigé par le hollandais volant, en fait des caisses à l'image ! Dirigé, dirigé... C'est vite dit. Parce que Dennis Hopper faisait ce qu'il voulait sur un plateau, c'était le diable de tasmanie dans un studio comme dans la vie. Quand on demandait à Hopper ce qui l'avait poussé à accepter ce rôle, il frottait son pouce contre son index et se passait les deux doigts sous le nez, signifiant sans doute par là qu'il voulait "sentir le fric" ou quelque chose comme ça. Il confiait aussi, quand il voyait dans le regard de ses interviewers que ce geste ne suffisait pas et qu'il était en outre difficilement restituable sur papier, qu'il adorait la musique du film, composée par Mark Mancina, et on le comprend.




Ce film c'est aussi la mort la plus tragique de l'histoire du cinéma, celle du personnage de Jeff Daniels, l'associé du flic joué par Keanu Reeves, qui passe tout le film au téléphone, à se montrer poli, serviable, aimable, disponible, à l'écoute, attentif, aidant et altruiste, condamné à la vie de bureau, et qui, la première fois qu'il sort de chez lui, se fait exploser la tronche par le sociopathe Dennis Hopper. Faut dire que notre spécialiste des explosifs et des mines anti-personnelles se rend dans le domicile fixe d'un maniaque de la nitroglycérine qui a logiquement prévu qu'on allait s'intéresser à sa piaule, et il s'y rend la fleur au fusil, le gilet pare-balle sous un bras et le casque sous l'autre. Il n'a que le temps de tirer une tronche de six pieds de long quand il entend un vulgaire "bip, bip, bip" annonçant un grand "boom" final. La bêtise de cette mort la rend d'autant plus cruelle et déchirante. Et puis c'est Jeff Daniels qui saute sous nos yeux. La tronche du bon pote par excellence. La gueule du plombier qu'on invite à boire le café, qui reste à bouffer pour le repas du soir et qu'on retrouve le lendemain matin, sans pouvoir s'empêcher de sourire de joie, affalé sur notre canapé avec un exemplaire signé du bail de l'appart sous le coude. Rappelons aussi (remettons-nous dans le contexte) que c'était l'année Jeff Daniels. En 1994, l'acteur a "JUSTE" joué dans Dumb & Dumber et dans Speed, soit les deux plus grands films de tous les temps. Dans les deux films il s'appelle "Harry" et affiche le même sourire aussi zarb qu'irrésistible.




Pour finir sur une petite anecdote méconnue, savez-vous qu'il existe officieusement deux versions du final de Speed ? Dans la version grand public (hélas), celle que M6 devrait rediffuser chaque semaine, celle que CinéCinémaClassic devrait disséquer à la lanterne des lumières d'Eddy Mitchell, on se souvient que Keanu Reeves et Sandra Bullock, après avoir décapité Dennis Hopper sur le toit d'une rame de métro, sont propulsés au sein de cette même rame en plein milieu d'une rue new-yorkaise. Petit suspense de mes deux avant que des passants ne s'émerveillent de découvrir un couple d'amoureux partageant un baiser qui n'a rien de cinéma tant il n'a rien de simulé. Dans l'autre version, celle que seul Jan de Bont a conservée dans un moulin en Hollande, les mêmes passants s'émerveillent tout autant de découvrir la simplicité de la nature, à savoir le même couple d'amoureux en train de terminer un acte sexuel sans complexe, bref mais intense pour les deux partis en présence, et qui se conclut par une soudaine accélération des mouvements de bassin frénétiques de Keanu Reeves. Quand on l'interroge sur cet over happy end, De Bont explique qu'il rêvait que les bruits de tapotement des testicules rasés net et bien dessinés de son acteur amérindien sur les cuisses glabres et cuivrées de Sandra Bullock s'accordent parfaitement aux applaudissements de la foule de spectateurs en délire amassés autour de la scène, et les encourage même. Une pure idée de cinéma en somme, née dans l'esprit fertile et forcément européen d'un Jan de Bont en pleine épiphanie personnelle.


Speed de Jan de Bont avec Keanu Reeves, Sandra Bullock, Jeff Daniels et Dennis Hopper (1994)

22 août 2011

Hantise

Y'a pas d'affiche de ce film sur Allociné. J'ai dû aller en commander une sur Allposters.com, la scanner à la COREP sur leur matos dernier cri pour ensuite la réduire avec Adobe Photoshop et la mettre en vignette ci-contre à gauche. Quand y'a pas l'affiche d'un film sur Allociné, c'est parlant, c'est un signe. Quand y'a pas un seul type d'Allociné (troisième PME de France derrière le PMU), qui s'est dit : "Aaaaaallez, je m'y colle ! Je vais commander l'affiche de cette merde sur Allposters.com, la scanner chez COPYRAMA, sur le T1000, pour ensuite la réduire avec TuxPaint for Mac et la mettre en vignette ci-contre à gauche de mon site en jaune et blanc qui fait ramer même les pires bêtes de foire de chez Intel i7", quand y'a pas un seul type d'Allociné qui s'est dit ça, c'est mauvais signe.




Ce film est signé Jan de Bont, prononcez Yann de Bont. Ce réal a été au top, mais pas longtemps. C'est une étoile filante. La plus filante d'Hollywood. Il a réalisé Speed, succès surprise au box office qui a fait de Sandra Bullock et de Keanu Reeves les deux stars que l'on connaît : l'une a fini avec l'Oscar, s'il vous plaît, l'autre c'est juste l'élu, y'a pas d'autre mot. Après ce phénomène sur quatre roues (j'ai parlé du film pendant un an non-stop après l'avoir vu au ciné), De Bont a continué sur sa voie en faisant preuve une nouvelle fois d'une science infuse du "couple qui tâche" quand il a casté Bill Paxton et Helen Hunt pour Twister. L'idée du film c'était de faire courir la sublime Helen Hunt en t-shirt mouillé au devant des tornades, et de montrer Bill Paxton en contrechamp, au volant de son 4x4, filmant la scène avec la banane en grand amateur de tempêtes devant l'éternel. C'était peut-être pas l'idée de script du siècle, mais les effets spéciaux étaient du tonnerre ! Après ce deuxième succès d'estime, De Bont, qui rappelons-le était au départ le dirlo photo des plus grands (Verhoeven pour Basic Instinct, McTiernan pour Piège de cristal, Richard Donner pour L'Arme fatale 3, etc.), a eu l'idée folle, boosté par un chèque en bois, de réaliser Speed 2 Cruise Control, dont le principe était de remplacer le bus par un bateau... Keanu Reeves, qui a toujours eu un flair d'enfer (c'est lui qui a chipé le rôle de Néo à Will Smith dans Matrix), a intelligemment dit "Stop", remplacé au pied levé par un Robert Patrick moins clairvoyant et moins bandant. C'était remplacer Guivarc'h (meilleur buteur du championnat de France 1997/1998) par Diomède : on courait à la catastrophe. S'étant donc enterré vivant avec Speed 2, l'un des plus gros flops de l'Histoire du Cinéma (parlez-en à Bob Weinstein pour lui plomber sa journée), De Bont cherchait le contrat juteux et le film à pétrole pour se relancer, ne sachant pas qu'il allait au lieu de ça jeter la dernière pelletée de béton sur son propre cercueil, s'enlisant dans un bunker fatal dont il ne ressortirait jamais.




Deux ans après ce fiasco, on a dit à De Bont : "On te donne un dernier gros billet, en échange, fais revivre le cinéma de genre !". Il lui a tiré une balle entre les deux yeux avec Hantise, ce remake d'un classique de Bob Wise, tiré d'une histoire fausse, et qui a coûté une centaine de millions de dollars pour un tournage en studio entre quatre murs (ça revient cher le mur). Le casting coûtait un bâton : Catherine Zeta-Jones (c'était la tuerie de l'époque, elle en a fait suer des fronts dans les années 90), Liam Neeson (alors auréolé de son rôle de Juste dans La Liste de Schindler), Lili Taylor (abonnée aux rôles de camées dans tous ses films et qui n'a jamais vraiment percé) et le débutant Owen Wilson (dans le rôle de la femme de chambre), qui tournait gratos à ce moment-là et qui n'a jamais été payé depuis, pour aucun de ses rôles. De Bont a tué le sous-genre "Film de Maison Hantée" dans ce nanar qui tire sur la corde et dont les effets spéciaux étaient déjà datés à l'époque. C'est le seul film que j'ai vu en pionçant comme une souche au cinéma. En signant son nom au générique de ce taudis cinématographique, De Bont gravait son blaze sur sa propre pierre tombale dans le cimetière des plus gros cons d'Hollywood.


Hantise de Jan De Bont avec Liam Neeson, Catherine Zeta-Jones, Lili Taylor et Owen Wilson (1999)