7 septembre 2012

Moi, député

C'est avec un peu d'appréhension, comme toujours quand on va voir un film de notre idole, celui dont on attend monts et merveilles, que nous sommes allés découvrir Moi, député en salles. On craignait un film trop balisé, sous cloche, un film à la Ben Stiller, où rien ne dépasse et rien ne se passe, où l'humour passe après le script à cause des impératifs d'un budget trop conséquent. On craignait un film où notre star aurait à jouer avec le frein à main et nous apparaîtrait malheureuse, comme Jim Carrey dans certains films récents qui ne laissaient pas suffisamment de place à son génie, ou comme un Zizou menotté et obligé de faire la passe à Stéphane Guivarc'h. Cette crainte n'était pas tellement justifiée tant il est vrai que Ferrell est habitué à brûler les planches y compris dans des films à priori plus sages que les siens et où il se contente d'un rapide caméo (rappelez-vous sa brève mais divine apparition dans le par ailleurs assez fade Wedding Crashers). Mais crainte il y avait, et principalement à cause des récents opus du grand comique américain (Land of the lost (2009) The Other Guys (2010)) qui, sans être totalement ratés, ne nous avaient pas autant fait rêver que ses principaux chefs-d’œuvre : Anchorman (2004), Ricky Bobby (2006), Semi-Pro (2008), et Step Brothers (2008). On peut être fan au dernier degré et rester critique envers les films mineurs, ainsi de Old School en 2003 (où Ferrell n'a pas assez d'importance malgré de grandes scènes), Blades of Glory en 2007 (film trop écrit, même si encore une fois il y a une paire de scènes à retenir), et puis surtout Casa de mi padre cette année, pour lequel on peut vraiment parler de ratage complet et de souvenir douloureux. Heureusement Moi, député est venu juste après et l'a vite fait oublier, nous rassurant immédiatement sur la santé de celui avec lequel on rêverait de passer ne serait-ce qu'un petit quart d'heure, notre quart d'heure de gloire warholien, pour le serrer dans nos bras et lui assurer qu'en France aussi, et malgré un mépris généralisé de la critique et d'une grande partie du public, il a au moins un putain de pied-à-terre.



Comme tous les Ferrell, et c'est une leçon que beaucoup d'auteurs de comédies devraient retenir, le film démarre tout de suite et très fort quand Cam Brady (notre cher Ferrell) répète les mots "America, Jesus and Freedom" avant un speech, en avouant qu'il n'a aucune idée de ce que cela signifie mais que ça marche à tous les coups. Puis l'histoire part immédiatement sur des chapeaux de roue quand le même candidat se trompe de numéro et laisse un message des plus craspecs destiné à sa maîtresse à une famille de catholiques bigots pour ensuite s'en justifier ridiculement auprès des médias. Le rythme du film ne baisse pas d'un iota et l'humour ne se fait pas attendre quand on passe à la présentation du personnage de Zach Galifianakis, acteur en grande forme ici et qu'on espère revoir aux côtés du Dieu de la comédie. Il parvient à camper un personnage évidemment grotesque, comme celui de son binôme en or, qui prend vie et corps dans le récit et qui crève l'écran. L'un et l'autre acteur se mettent idéalement au service de leurs protagonistes (pourtant pas faciles à tenir), si bien que l'on n'a jamais le sentiment de regarder des comédiens faisant leur petit numéro : ce sont bien des personnages qui s'inventent sous nos yeux et que l'on suit avec intérêt et en riant presque sans discontinuer, d'un rire franc et entier.



La satire politique est aussi franche et massive que notre rire et ne fait pas dans la dentelle, mais jamais au détriment de l'humour du film et de son ton léger (contrairement à The Other Guys qui se voulait une comédie sur la crise et s'en voyait pénalisé lourdement par un scénario inutilement chargé). Seul le dernier quart d'heure retombe un peu, et l'humour s'y voit davantage forcé, résolution d'intrigue et conclusion moraliste obligent vis-à-vis d'un sujet forcément un peu contraignant. Mais jusque là on a ri sans cesse devant un film sans retenue et on a retrouvé avec délectation la marque de fabrique des comédies de Will Ferrell dans de nombreuses scènes mémorables qu'on brûle déjà de se repasser en boucle. Nous sommes aujourd'hui des fans comblés regardant sereinement droit devant, vers l'avenir de notre step bro Will Ferrell, dont la longévité fait figure d'exception et dont la carrière compte déjà un nombre conséquent de pépites, avec la certitude qu'il y aura longtemps quelqu'un au volant et qu'on n'a pas fini de se marrer devant les prouesses de ce sacré bonhomme.


Moi, député (The Campaign) de Jay Roach avec Will Ferrell et Zach Galifianakis (2012)