11 décembre 2011

Carnage

Je commence par les points positifs : John C. Reilly. A part lui, je dirais aussi que le film est plutôt plaisant à voir, qu'il est bien rythmé et passe donc en un éclair, en tout cas quand les hostilités commencent, parce que le début est un peu mou et ses ressorts assez mal fagotés, et enfin qu'il y a des moments drôles (et là je reviens au premier point positif : John C. Reilly, pour qui chaque réplique est une occasion de nous faire marrer). Bref il n'y a donc quand même pas grand chose de bon à sauver. Le film est oubliable en quelques heures et il sera vraisemblablement oublié par tout le monde en quelques jours. La raison principale à cela c'est qu'en termes de mise en scène, il n'y a rien. Mais alors rien du tout. A tel point que le film pourrait être réalisé par absolument n'importe qui d'autre. Il n'y a rien de Polanski là-dedans, il n'y a rien de cinématographique du tout à vrai dire, et à côté de cette platitude ô combien décevante un film moyen comme The Ghost Writer passe pour un chef-d’œuvre, car il contient au moins quelques tentatives et deux ou trois idées formelles.


Carnage est une pièce de théâtre typiquement adaptée sans le moindre effort, du pur théâtre filmé, avec rien qui dépasse et une suite de champs-contrechamps pour permettre aux acteurs de faire leur numéro, grandiose pour Reilly, très correct pour Kate Winslet et Christoph Waltz (qui nous refait un peu son show tarantinesque en mieux), pathétique pour Jodie Foster, qui est décidément une bien mauvaise actrice. Il est assez insupportable d'admirer sa gestuelle de rappeur quand elle s'énerve et sa crispation raide nous crispe deux fois plus qu'elle. Le problème c'est que si la mise en scène n'existe pas, le scénario, sur quoi tout repose, n'est pas géant non plus. Il est plutôt plaisant à suivre certes (les bastons conjugales et amicales sont toujours croustillantes, même si elles le sont terriblement moins ici que dans des films mille fois mieux écrits comme Un Air de famille ou Cuisine et dépendances), il y a des choses bien vues, des moments à peu près amusants, et c'est parfois bien balancé, mais c'est aussi finalement très creux, il n'y a pas de fin, les situations sont TOUTES très attendues et téléphonées (le dernier plan décroche le ponpon), la promesse du titre n'est pas tenue puisque le seul carnage du film, ironique certes mais néanmoins déceptif, concerne un bouquet de tulipes massacré, les personnages ne sont jamais que de savoureux clichés, l'intrigue boulevardière nous laisse sur notre fin, d'où aussi l'étonnement face à l'arrivée du générique de clôture, on frôle quelques fois l'ennui dans lequel on sombrerait probablement sans, toujours lui, John C. Reilly, et enfin tout cela ne nous raconte rien de réellement intéressant.



Au final c'est forcément décevant - d'autant qu'en matière de huis-clos pervers Polanski avait placé la barre légèrement plus haut - bien que ça ne soit pas désagréable du tout, au contraire. Je me demande ce qui a poussé Polanski a tourner ce film. Si c'est purement alimentaire, le résultat est plutôt heureux. Si c'est pour travailler coûte que coûte et faute de mieux (à cause de producteurs frileux ou que sais-je), soit, mais il pouvait quand même essayer d'en faire quelque chose de bien mieux sans trop se creuser. C'était peut-être pour tourner avec des acteurs qu'il aime sans se prendre la tête, mais c'est un peu triste. Bref je ne sais pas et je ne saurai sans doute jamais, mais ça ne peut pas être par passion, car il n'y en a aucune à l'écran, c'est de l'artisanat plan-plan. Le dernier plan, justement, qui est vraiment triste donc, commence par un gros plan de hamster, qui rappelle la marmotte du début d'Indiana Jones 4, œuvre récente d'un autre cinéaste en perte de vitesse et se reposant sur ses acquis. Mais Polanski n'en est pas au même stade de délabrement intellectuel, et pour ne pas finir sur une note trop dure à l'encontre du cinéaste que j'admire et qui aura toujours ma sympathie, je terminerai en disant que ce dernier film en date est sans intérêt mais sympathique à regarder sur sa télé, un soir, pour passer un moment, et que c'est un must-see pour les fans de Reilly !


Carnage de Roman Polanski avec John C. Reilly, Kate Winslet, Christoph Waltz et Jodie Foster (2011)