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13 novembre 2018

Outlaw King

Il y a des "grands films malades" et d'autres films, de taille plus modeste, atteints de la même maladie. Outlaw King, le nouveau long métrage de David Mackenzie, appartient à la deuxième catégorie. Il s'agit d'un projet que le réalisateur britannique, révélé par le sympatoche mais surestimé Comancheria, portait depuis longtemps dans son cœur. Il se place en quelque sorte dans la continuité chronologique du Braveheart de Mel Gibson puisqu'il nous narre la lutte de Robert Bruce contre les troupes du Roi d'Angleterre pour obtenir l'indépendance de l’Écosse, au début du XVème siècle. Un projet a priori ambitieux que l'on a envie d'accueillir avec espoir et bienveillance, mais deux indices de poids appellent immédiatement à la méfiance : le film est distribué par Netflix et l'acteur principal incarnant le leader écossais n'est autre que Chris Pine. Chris Pine.





Comment une telle production de 120 millions de dollars de budget peut-elle finir sur Netflix ? Mystère... De rapides recherches sur internet nous apprennent que suite aux réactions mitigées de spectateurs déconcertés par le rythme et la longueur du film lors de sa projection en avant-première au festival de Toronto, David Mackenzie a choisi d'en raboter pas moins de 20 minutes. Le cinéaste prétend avoir fait ça sans regret, le sourire aux lèvres, améliorant ainsi son film et arguant que celui-ci reste "épique" malgré sa plus modeste durée. Il faudrait cependant être bien peu regardant sur la marchandise pour ne pas remarquer que le produit fini souffre d'un montage à la serpe, pour des effets involontairement comiques lors de ces transitions soudaines qui coupent parfois brutalement des personnages secondaires pour mieux poursuivre l'action ailleurs. Bancal et brouillon, bienvenue dans le catalogue Netflix !





Dès les premières secondes, on sent toute l'ambition de David Mackenzie. Celui-ci choisit d'ouvrir son film par un long plan séquence de dix minutes qui produira peut-être son petit effet et qui a surtout le mérite de planter rapidement le décor. Cette scène, tout comme quelques autres, est toutefois gâchée par ce triste effet de vignettage très à la mode ces derniers temps. Cet assombrissement de la périphérie du cadre, rétrécissant l'image, va pourtant à contre-courant, selon moi, d'un film d'aventure historique qui revendique une certaine ampleur. En règle générale, cette rengaine des dirlos photos en manque d'inspiration ne donne pas un cachet particulier aux films, contrairement à ce qu'ils s'imaginent sans doute, mais plutôt une allure cheap malvenue. Ce n'est pourtant pas dans Outlaw King qu'on y a le plus souvent affaire, mais ce film prend pour les autres. C'est cruel !





Plus le temps passe, plus on jauge l'importance du fossé qui sépare les prétentions affichées par le cinéaste et le pauvre résultat à l'écran. Où sont passés les 120 millions de dollars ? Peut-être dans les chevaux, très nombreux et bien nourris ? Pas dans le casting, ça c'est sûr. Quand ton acteur fétiche se nomme Chris Pine, tu pars avec un lourd handicap. Mackenzie l'avait déjà dirigé pour Comancheria, il a dû juger que le bellâtre californien au regard bleu d'abruti serait crédible en grand héros national écossais. Faire du fade et lisse Chris Pine l'acteur vedette de sa grande épopée historique constitue en soi un pari très risqué. Pourtant, il faut bien avouer que la starlette américaine n'est guère à blâmer. Pine fait ici tout son possible et trouve sûrement son meilleur rôle (vous me direz, vu le reste de sa filmo...), on ne s'acharnera donc pas sur son cas. A ses côtés, on apprécie l'actrice choisie pour jouer la Reine, Florence Pugh, qui dégage charme et fraîcheur de vivre hollywood chewing gum. Sa présence délicate est l'un des atouts d'un film dont on pourra hélas regretter que les personnages manquent d'épaisseurs, notamment les ennemis anglais, malgré toutes leurs gesticulations.





Escarmouches, duels et combats en tout genre s'enchaînent après une grosse demi heure d'installation débouchant sur un constat, sans appel : David Mackenzie ne filme pas mieux qu'un autre ce genre de scènes, mais il se débrouille pas si mal. On focalise encore sur les mauvaises habitudes de ce type de productions, à commencer par l'illisibilité parfois gênante de l'action et, détail de moindre importance mais tout aussi énervant, ces gerbes de sang ridicules souvent ajoutées en postprod qui font de chaque être humain un ballon de baudruche gorgé de sang ne demandant qu'à éclater. C'est laid, inutile et bête, ça me rappelle une de mes collègues de travail. En plus, ça n'est pas spécialement réaliste. Je n'ai pas tenté l'expérience, mais je suis à peu près sûr de ne pas repeindre les murs de mon sang à la moindre égratignure. Quand arrêteront-ils aussi de faire ça ?! Outlaw King est le film du ras-le-bol. Manque de bol, c'est tombé sur lui. C'est cruel, encore une fois, rappelons donc par souci de justice que filmer les batailles médiévales, bordéliques par nature, est un défi particulièrement lourd à relever pour n'importe quel cinéaste...





Ce n'est donc pas l'action et l'aventure qui nous feront vraiment vibrer mais plutôt l'humour involontaire de certaines situations absurdes et de quelques dialogues qui n'ont pas grand chose de moyenâgeux et encore moins de lyrique. Il faut attendre la 93ème minute pour assister à ce qui est pour moi le point culminant de l’œuvre de Mackenzie. Chris Pine et sa bande parcourent à cheval les paysages humides de leur belle région quand le leader descend soudainement de sa monture, comme s'il avait été soudainement frappé d'une illumination géniale. Marchant lentement dans la tourbière, il lance alors sur un ton assez solennel "They want to take our land [longue pause] but they don't know our land". Les autres le regardent alors avec un air circonspect, un peu perdu, les mains sur les hanches, vraisemblablement pris de court par l'ingéniosité de leur leader. Fin stratège, Robert Bruce leur signifie là qu'il a trouvé de quoi piéger naturellement les troupes anglaises : la bataille décisive se déroulera en pleine tourbière, les cavaliers anglais, surpris, s'embourberont dans la gadoue et dans des piquets judicieusement placés ! La beauté de cette courte scène réside dans la façon qu'a Chris Pine de prononcer sa phrase et dans la réaction incrédule de ses collègues. Du grand art ! J'ai dû me la repasser cinq fois de suite...





Juste après ce passage génial, le montage de Mackenzie faisant toujours des merveilles, on enchaîne directement avec un autre moment plus fugace mais tout aussi amusant, pendant la préparation de la grande bataille. Un des fidèles de Robert Bruce se présente à ce dernier pour lui montrer fièrement un piquet qu'il vient de tailler, lui demandant d'en valider la taille et l'affûtage tandis que d'autres attendent à la file indienne derrière lui, munis de leurs piquets non encore appointés. Chris Pine jauge alors le piquet en le regardant rapidement de bas en haut, s'assurant de sa solidité, et donne aussitôt le feu vert pour en démarrer la production. C'est excellent ! On est pas loin de la parodie pure. Il faut voir le gars repartir avec son piquet, avec la satisfaction du travail bien fait, et les autres patienter derrière lui, têtes basses ! C'est du génie !





En dehors de ce genre d'éclats inattendus, il y aussi quelques beaux échanges à signaler. La Reine, fraîchement éprise du Roi, se lamente que celui-ci s'en aille déjà alors que les funérailles de son père viennent tout juste de s'achever. "Robert, tu viens d'enterrer ton père" lui dit-elle, visiblement inquiète que son nouveau mari fasse passer le boulot avant sa vie de famille et sa santé. "Je dois quand même payer mes impôts !" lui répond Chris Pine, droit dans ses bottes. Énorme ! On apprécie aussi le ridicule mais historiquement tout à fait crédible "Robert Bruce fils de Robert Bruce fils de Robert Bruce" prononcé avec le plus grand sérieux au moment de l'intronisation du Roi. Peu après, un zonard vient tapoter sur l'épaule de Robert Bruce pour le prévenir gentiment que les troupes anglaises sont déjà en marche. "Ça sera notre premier gros test" répond alors Chris Pine, en regardant au loin. Sérieusement, faites un effort dans les dialogues, essayez au moins un minimum de nous donner l'impression que tout ça se déroule dans le passé, il y a plus de 700 ans...





Nous n'attendons certes jamais une grande finesse historique ou psychologique d'un tel spectacle, mais David Mackensie est ici proche du néant absolu. On comprend assez mal les petites tractations qui permettent à Robert Bruce de s'attirer rapidement les faveurs et l'adhésion d'un peuple qui sort pourtant de huit années de guerre et qui vient de voir la tête de William Wallace plantée sous leurs nez par ces salops d'anglais. On ne sent aucune espèce de souffle porter notre héros, on ne comprend pas comment il peut réussir à recruter du monde pour combattre à ses côtés. On a simplement de la peine pour tous ces malheureux. "Il nous manquait un chef !" dit l'un d'eux en tapant du poing sur la table avant d'avaler une grande lampée de bière pour fêter ça. On doit s'en contenter...





Reconnaissons tout de même que cet Outlaw King est nettement plus recommandable que la plupart des blockbusters actuels qui déboulent chaque semaine en grandes pompes dans nos salles de cinéma. Il apparaît facilement supérieur aux standards Netflix puisque l'on termine le film sans haine ni violence, presque avec le sourire, en n'ayant pas passé un si mauvais moment et en s'étant même marré quelques fois. S'imaginant qu'il suffit de mal filmer de longues batailles, de déverser des hectolitres d'hémoglobine et de multiplier les figurants pour insuffler un souffle épique à son film, David Mackenzie n'est pas à la hauteur de ces si grandes et nobles intentions. Son projet de cœur n'a certainement pas l'allure dont il rêvait. Mel Gibson peut dormir tranquille...


Outlaw King : le Roi hors-la-loi de David Mackenzie avec Chris Pine, Aaron Taylor-Johnson et Florence Pugh (2018)

26 juin 2017

Wonder Woman

Nous sommes en 2017 et nous nous réjouissons qu'un blockbuster américain soit un film de super-héros dont la vedette est une femme. Parce qu'en dehors de cette innovation révolutionnaire, Wonder Woman est tout ce qu'il y a de plus habituel et anodin. C'est un film débile de super-héros de plus, peut-être un peu moins nullissime que la moyenne, et donc à peine supportable, mais c'est strictement tout. Toutes les personnes qui se félicitent d'un tel film me font beaucoup de peine, à commencer par les stars américaines, complètement gaga. Wonder Woman a réussi à me fâcher avec mon idole Jessica Chastain qui, il y a quelques semaines, faisait ouvertement la pub de l'oeuvre de Patty Jenkins avec un enthousiasme sans réserve. Je suis très déçu, Jessica... Je me sens trahi !





Wonder Woman est simplement le premier film de super-héroïne qui ne soit pas réalisé par Pitof. Génial ! Une super-héroïne qui rêve tout de même, dès son plus jeune âge, de devenir une guerrière, d'apprendre à se battre, ce qui nous est montré lors des scènes les plus ridicules du début du film. Franchement, cette gamine au regard bovin, ne ressemblant pas une seconde à Gal Gadot, donnant des coups dans le vide en zieutant avec envie l'entraînement de ses aînés : a-t-on vu plus ridicule cette année au cinéma ?!




Puisque c'est réalisé par une femme et qu'une femme en est la star, on peut évidemment parler d'une grande oeuvre féministe... Je ne m'étendrai pas là-dessus. J'ai simplement relevé un dialogue plutôt réussi lors duquel Gal Gadot dit à un Chris Pine qui sort du bain et va récupérer sa montre bracelet : "Et vous laissez cette petite chose dicter tous vos faits et gestes ?", après lui avoir demandé de quoi il s'agissait. On pense tous qu'elle parle du zigouigoui de l'acteur et c'est donc une petite pique adressée aux hommes. Bien vu Patty. C'était osé.




Reconnaissons tout de même, en étant extrêmement indulgent, qu'il existe un semblant d'alchimie entre Gal Gadot et Chris Pine quand l'un débarque sur l'île des Amazones et l'autre découvre le monde des humains. Cela nous offre une ou deux scènes un peu plus agréables, plus légères, dans un registre où Patty Jenkins semble plus à l'aise et s'en tire légèrement mieux. Dommage toutefois que les acteurs soient si mauvais. Gal Gadot est peut-être une très belle femme, elle joue très mal. En fait, on se demande si c'est volontaire, si elle a choisi de jouer très bêtement la jeune femme qui fait ses premiers pas dans le Londres du début du siècle, à des fins comiques, ou si c'est simplement son jeu qui est ainsi, limité, dénué de la moindre nuance, pauvre et forcé. Quant à Chris Pine, il fait son possible, mais son personnage est inexistant, il n'a pas l'air d'avoir vécu avant qu'il déboule sur l'île des super meufs, il n'a aucune épaisseur, zéro charisme. 




Pour le reste, le succès de ce film me laisse toujours aussi songeur... Qui prend encore son pied devant des personnages quasiment immortels qui passent des heures à s'affronter à coups de baffes alors qu'ils sont invincibles ? Ici, nous avons droit à Wonder Woman combattant Arès, le Dieu de la Guerre. Celui-ci, sous les traits d'un vieil anglais maniéré (indispensable pour que le twist fonctionne), essaie de la convaincre, lors de l'affrontement final, que les hommes sont mauvais, qu'ils ne valent pas le coup, qu'il est préférable de les laisser s'entre-tuer. Heureusement, Wonder Woman croit en l'amour, en ces bonnes choses dont est capable l'être humain, comme par exemple son nouveau petit-ami, qui vient d'exploser en plein vol dans un acte éminemment héroïque, et elle le lui explique entre deux coups de pied. C'est véritablement passionnant. Avant cette scène poignante, cela n'a pas trop gêné Wonder Woman d'anéantir des centaines et des centaines de soldats allemands, pourtant livrés au même sort que les Alliés dans leurs tranchées, parce que l'as de la synthèse Chris Pine lui avait expliqué, dès son arrivée sur l'île, qu'ils étaient les "gentils" et eux les "méchants" via des répliques d'une bêtise abyssale. Ça fait rêver...




Faut-il que les blockbusters et les films de super-héros hollywoodiens soient mauvais pour que celui-ci se fasse remarquer et parvienne à sortir du lot... Faut-il que le cinéma de divertissement se porte mal pour que l'on s'extasie devant ça... C'est ce genre de films qui amènent à croire à l'infantilisation du public, à l'abrutissement général des populations, en bref, à notre fin prochaine. Nous vivons bel et bien les heures les plus sombres du cinéma à grand spectacle américain et, avec le succès retentissant d'un tel film, ça n'est pas prêt de s'arranger.


Wonder Woman de Patty Jenkins avec Gal Gadot et Chris Pine (2017)

27 avril 2016

Z for Zachariah

Craig Zobel avait réussi à faire parler de lui avec son second long métrage, Compliance, remarqué au festival de Sundance en 2012. Ce huis clos était la très plate mise en image d'un fait divers mettant en scène une gérante de McDo qui appliquait à la lettre les consignes données au téléphone par un soi-disant flic pour interroger l'une de ses employées suspectées de vol. Le film parvenait facilement à captiver mais ne laissait aucune trace. S'estimant peut-être attendu au tournant, Craig Zobel avait envie de surprendre son monde et souhaitait se faire définitivement un nom en adaptant cette fois-ci un roman de science-fiction post-apocalyptique, Z for Zachariah*. Autant le dire tout de suite : l'anonymat tend désormais les bras à notre ami Craig Zobel car cet énième "post-nuke" n'a aucune sorte d'intérêt.




Rien ne nous est dévoilé sur l'origine du désastre qui a éliminé toute la population, Z for Zachariah faisant partie des mille films de ce genre qui croient original de ne rien dévoiler. En effet, il vaut toujours mieux ça qu'une explication bidon racontée par une voix off affreuse en introduction... L'action se situe dans un très joli petit coin de terre à l'abri des radiations et Margot Robbie est convaincue d'être la dernière survivante avant qu'elle ne rencontre Chiwetel Ejiofor. Ce dernier, agréablement surpris par le physique de la dame (on choisit rarement Yolande Moreau pour ce genre de rôle) et pas tout à fait remis des coups de fouets administrés par Steve McQueen, se laisse volontiers soigner et héberger. Progressivement, une petite vie de couple se met en place entre les deux personnages, ce qui nous vaut quelques dialogues passionnants sur les croyances de chacun et deux ou trois bonnes scènes de gueuleton en tête à tête. Malgré les avances assez claires de Margot Robbie, en recherche de contact humain rapproché après avoir passé l'hiver collée à son clebs pour se réchauffer, Chiwetel Ejiofor choisit, tel un véritable gentleman, de ne pas consommer cet amour naissant, de faire durer le plaisir. Il le regrettera amèrement lorsque Chris Pine, élément perturbateur de ce si triste scénario, débarquera de nulle part et honorera son nom de famille en se montrant bien moins timide envers la jeune femme, profitant d'une porte de salle de bains laissée entrouverte pour s'introduire. S'instaure alors un climat plutôt malsain entre les deux hommes, le premier reprochant au second d'être allé un peu vite en besogne avec celle qu'il avait choisie pour repeupler la planète et comptait féconder au moment le plus opportun. Il ne reste plus qu'un quart d'heure de film.




Si mon article ne vous a guère passionné, dites-vous que ce triangle amoureux soporifique vous fera le même effet puissance mille. Z for Zachariah est d'un ennui mortel, il m'a donné l'impression que je simulais un voyage vers Mars en solo ! Je dis tout ça en essayant d'être le plus objectif possible, statut de blogueur ciné oblige, parce qu'au fond, sachez que cela m'embête un peu de dire du mal de Craig Zobel. Ce réalisateur, qu'il m'arrive de fréquenter, est un type très sympa, chaleureux, simple et accessible. Un soir, il m'a gentiment invité à dîner chez son père Roger. Il m'a annoncé d'emblée "Tiens, je vais te faire goûter un truc sensass' que j'ai inventé pas plus tard qu'hier soir". J'étais très curieux, alors je lui ai demandé plus de précision. "C'est tout con, tu fais cuire un steak haché façon bouchère et tu le manges entre deux tranches de pain ! Un putain de pied mec, surtout si tu rajoutes du ketchup et de la moutarde !". C'était pas une vanne, j'étais sur le cul !




* Si le titre vous tape déjà sur le système, sachez qu'il s'agit d'une référence à un bouquin peu laïque que l'héroïne feuilletait quand elle était gamine pour apprendre à lire. "A pour Adam," premier mec sur Terre, "Z pour Zachariah", le dernier.


Z for Zachariah (Les Survivants) de Craig Zobel avec Margot Robbie, Chiwetel Ejiofor et Chris Pine (2015)

10 février 2011

Unstoppable

Je raffole des films où des véhicules hors de contrôle sont lancés à toute berzingue et sèment une pagaille sans nom sur leur passage, et parmi eux, j’aime tout particulièrement les films de trains. Quand j'étais petit en particulier, j'avais été fasciné par l'action, le suspense et le jeu des acteurs de Piège à Grande Vitesse. Faut dire que je suis fan de Steven Seagal. Et pas qu'un peu ! Hier soir, ici même, j'ai regardé en entier, seul et avec plaisir Born to Raise Hell, un film subtil dénué de tout manichéisme sur un flic charismatique qui lutte contre les cartels roumains de la drogue. Mais pour en revenir aux trains, ma première passion, c’est tout à fait logiquement, et avec un certain entrain, que je me suis récemment envoyé Unstoppable, le dernier rejeton de Tony « one thousand shots per second » Scott. En fait, cette passion des trains me vient de mon père. Quand j'étais pas plus haut que ça, il n'arrêtait pas de me dire qu'il devait aller « derrière la gare pour pousser des wagons ». Et je voulais toujours venir avec lui. Mais lui, il refusait systématiquement de manière catégorique.. Je l'imaginais fort comme un turc, capable de pousser à lui tout seul des wagons de train corail, ou même des wagons de fret, les plus lourds. Dans mes pensées, je le voyais les bras tendus, le souffle court et en sueur, les muscles saillant sous son marcel, réussir l'exploit de pousser des wagons et d'assembler des trains tout seul le soir à la seule lueur de la lune, pour ramener un petit pécule supplémentaire à notre nombreuse famille. C'est pour ça qu'a priori, Unstoppable me donnait envie. On y suit les mésaventures d’un duo de cheminots qui tentent d’arrêter un train sans conducteur et qui, suite à une série d’erreurs humaines, se retrouve lancé à toute allure sur les rails du nord ouest des États-Unis. En plus de griller quelques politesses aux passages à niveau qu’il traverse, ce train a également l’inconvénient de trimballer des wagons entiers de fret remplis de produits hautement toxiques à travers des zones à très forte densité de population. L'enjeu est simple : si le train finit par dérailler, il pourrait provoquer une terrible catastrophe.


Denzel, très crédible en mécano de la SNCF, contrairement à son acolyte.

Nos deux héros sont incarnés par l’inévitable Denzel Washington, qui doit donc entretenir la même relation avec Tony que Russell Crowe avec son frère Ridley, et Chris Pine de Kellog's. Le premier, le beau Denzel, se retrouve à nouveau dans la peau du type tout à fait ordinaire, s’étant levé du mauvais pied, mais condamné à se comporter comme un héros. Il nous livre sa performance habituelle, en totale roue libre, à l’image du train, pâle vedette métallique de ce long-métrage. Denzel est donc épaulé par Chris Pine, un blondinet, minet insipide au nom d'acteur porno et que l’on pourrait aisément confondre avec Paul Walker (le bellâtre sans relief notamment aperçu au volant d’un twingo en compagnie de Vin Diesel dans Fast & Furious) et peut-être aussi avec des milliers d’autres comédiens américains à la tronche carrée recouverte d’une barbe de trois jours, et au regard bleu clair, qui plaisent inévitablement aux minettes sans le sous ni de sens commun. Parce qu'il est quand même sacrément moisi avec son unique expression faciale de beau gosse de supermarché hard discount :


Chris Pine dans toute sa splendeur.

Ces deux acteurs ne forment pas un duo très attachant ni original, même s’il faut avouer qu’une ou deux fois, Denzel Washington parvient tout de même à nous faire décrocher un petit sourire. Surtout quand il dit à Chris Pine "Je sais pas connard, j'étais au lycée !" au moment où celui-ci lui demande s'il sait comment arrêter ce train lancé à toute allure sur de pauvre innocents et s'il se rappelle comment c'était le Viet-Nam. Comme dans tous ces films, au départ, les deux hommes se méprisent gentiment, le jeune ne montrant au mieux que de la condescendance envers le vieux cheminot fatigué, le vieux se rendant compte qu'il a de nouveau face à lui un psychopathe fan de vitesse voulant profiter de la renommée du métier de cheminot pour "se faire des meufs". Puis ces deux personnages antagonistes sont amenés à mieux se connaître et finissent par s’apprécier. Bref, là encore, Tony Scott fait dans le Déjà-vu. Unstoppable s'enfonce dans la médiocrité quand il essaie de nous dépeindre les vies de ces deux personnages principaux. L’un est fâché avec sa femme, l’autre l’a déjà perdue et est en froid avec ses deux filles… Malheureusement, c'est tellement mauvais qu'on s'en fout royal ! De plus, Unstoppable se targue de s’inspirer de faits réels. En effet, il semblerait qu’une compagnie ferroviaire américaine soit au moins aussi douée que notre chère SNCF et qu’elle ait réellement été capable de perdre le contrôle d’un train ultra dangereux, un accident dont vous trouverez tous les détails sur wikipédia. Mais étant donné le traitement qu’en fait Tony Scott, ça semble complètement surréaliste et idiot de voir apparaître ce petit encart au début du film, et on y croit pas une seconde quand, à la fin, quelques lignes viennent nous informer de ce que sont devenus les différents protagonistes ("Franck a diverti sa solitude en recueillant un chien sur un quai de gare, Will a quitté sa femme et s'est découvert une attirance suspecte pour les hommes bien membrés, nos deux héros sont restés amis et vont parfois partager une bière en se remémorant leurs diverses péripéties"). Entre temps, il y a eu tant d’explosions, et deux hommes qui se sont comportés d’une telle façon, comme des héros si malins et astucieux, que l’on y croit pas du tout…


Un effet spécial digne d'Arthur et les minimois.

Avec son gros pitch en bois mort massif, Unstoppable est donc un assez mauvais film d’action, anéanti par un réalisateur sans aucune autre inspiration que ses tics de mise en scène de parkinsonien, nous fatiguant drôlement à tourner sans arrêt sa caméra autour de ses acteurs pour tenter d’insuffler en vain un semblant d’intensité. Il se permet en plus de répéter à l’identique certains plans de son train traversant les paysages, agrémenté d’effets visuels forts laids. En matant tout ça d’un seul œil, je me disais que Tony Scott devait de cette façon essayer sans talent de masquer sous un voile pudique la minceur étonnante de son budget. Mais j’avais tout faux. Le film a coûté 100 millions de dollars !


Vous pensez que c'est un dessin conceptuel de pré-production ? Non, c'est un plan du film.

A vrai dire, regarder Unstoppable m’a seulement donné envie de vous en dire du mal, ce que je viens donc de faire, et surtout de rappeler à quel point ce film n’arrive pas à la cheville de Runaway Train, autre long-métrage dont la vedette est un train sans conducteur lancé à toute vitesse, et dont je pensais vous avoir déjà parlé…


Unstoppable de Tony Scott avec Denzel Washington, Chris Pine et Rosario Dawson (2010)