16 décembre 2014

Sous les jupes des filles

La fin d’année approche et, en bon blagueur ciné, je pense à mon top annuel H24. Mais qui dit top dit aussi flop. Et du coup j’ai repensé à cette horreur de film, Sous les jupes des filles, qui date de cette année et qui mérite l’opprobre comme peu d’autres. Je ne pouvais pas avoir vu cette ignominie et rester muet. Et puis c’est bientôt Noël et ce massacre fait partie de ces soi-disant feel good movies parfaits pour les périodes des fêtes, garnis d’acteurs (ou, ici, d’actrices), comme autant de cadeaux empoisonnés, ou de boules puantes accumulées sur un arbre mort (rappelez-vous de Happy New Year). Je dis soi-disant feel good movie parce que cette comédie française, comme la plupart de ses semblables ces dernières années, donne seulement envie de se pendre au lustre, ou au sommet du sapin si vous avez opté pour un séquoia, en slibard blanc, façon little tiny Jesus. C’est une infâme succession de moments horribles mettant en scène des personnages tous plus haïssables les uns que les autres.


Un vagin ? Trivago.

Prétendant dire la vérité sur les femmes (comme l'indique un titre qui salit à tout jamais le classique d’Alain Suçon), le film d’Audrey Dana, pour qui j’avais quelque vague sympathie comme actrice avant de la voir à l’œuvre derrière une caméra, dresse un bien triste portrait d’elle-même et de ses amies, à travers lesquelles elle croit dessiner la silhouette de la femme du 21ème siècle. Le résumé Allociné du film est très clair : « Toutes représentent une facette de la femme d'aujourd'hui : Complexes, joyeuses, complexées, explosives, insolentes, surprenantes... Bref, un être paradoxal, totalement déboussolé, définitivement vivant, FEMMES tout simplement ! » Beau programme… On prend onze femmes qui vont incarner une des facettes (belle la complexité) de la soi-disant femme moderne, pour aboutir à ça : la femme contemporaine est paradoxale, contradictoire, c'est un beau bordel sur pattes. On est en plein dans la comédie française chorale générationnelle façon Klapisch, qui nous déballait la même conclusion passionnante dans son grand chef-d’œuvre sur la jeunesse erasmus composée de têtes à bouffes il y a déjà presque quinze ans.


Encore une de ces scènes, passage obligé de la comédie française putride du 21ème siècle, où les comédien(nes) s'éclatent et se tordent de rire en espérant que ce soit communicatif, faute de pouvoir pondre une situation comique, ou rien qu'une vanne, sans faire gaffe.

De quoi s’agit-il plus précisément ici ? J’avoue avoir vu ce film il y a un certain temps, je me limiterai donc aux cas les plus marquants. Par exemple Vanessa Paradis, qui incarne la working girl accomplie, la femme d’affaires impeccable, la patronne infaillible, la connasse imbuvable, hautaine et vide de tout, en tailleur chic 24 heures sur 24, et pleine aux as, qui se rend compte par hasard à 40 ans qu’elle n’a strictement aucune vie affective ni aucune amie, et qui engage sa secrétaire personnelle (Alice Belaïdi, jadis hôtesse d’accueil horripilante sur Canal+, je ne me lasse pas de le dire) pour faire semblant d'être sa meilleure copine... C’est aussi Laetitia Casta, qui joue la fille coincée dépourvue de confiance en elle, qui fond littéralement en jouissance en croisant Pascal Elbé (elle part en courant parce qu’elle est en train de perdre les eaux, juste parce qu’elle a vu Pascal Elbé, passons). Elle finit par vivre une histoire d’amour avec lui, poussée par sa meilleure amie, Audrey Dana elle-même, mais elle cumule les gaffes, comme par exemple quand elle largue une grosse caisse devant Elbé le jour de leur première étreinte. C’est aussi ça les femmes, nous dit Audrey Dana, c’est aussi ça qu’il y a sous les jupes des filles, de gros pets.


J'éprouve une profonde et inépuisable animadversion pour tout ce que contient cette seule image.

Et puis il y a Géraldine Nakache dans le rôle de bobonne, qui passe sa vie à s’occuper de tenir sa baraque, de gérer des marmots intenables et de laver les slibards de son connard de mari, un blaireau qui ne pense qu’à son boulot et que la seule idée de passer cinq minutes avec ses propres gamins rend malade. Elle finit par en avoir ras-le-bol de cette situation et tombe amoureuse d’une grande blonde pulpeuse, Alice Taglioni, qui, parce qu’elle est homosexuelle, donc « masculine », est l’archétype du séducteur qui baise à droite à gauche sans vouloir s’attacher. Déçue par cette histoire d’amour, notre femme au foyer désespérée finit, à la fin du film, par retomber dans les bras de son enflure de mari. Pourquoi ? Parce que ce dernier, pour son anniversaire, demande à toutes les copines de Géraldine Nakache, tout le casting du film (rejointes par quelques potiches sorties de nulle part), de lui faire une surprise : elles se réunissent sur une place, dans Paris, et se mettent à danser, atrocement mal (mais elles sont atrocement mal filmées donc tout cela est assez cohérent), sur une chanson à la con, tout ça pour faire la surprise à Nakache, qui trouve ce flash mob si génial qu’elle vire sa cuti pour la deuxième fois en quinze jours et retombe aussi sec dans les bras de son mari, ce pauvre type qui n’a jamais eu une attention pour elle, qui lui parlait comme à une merde pas plus tard qu'hier et qui chopait la colique à l’idée de croiser le regard de ses enfants une demi-seconde. Organiser vite fait un petit show public à la con pour en foutre plein la vue à sa femme suffit à rattraper tout ça apparemment, à bon entendeur salut !


Sous les jupes des filles d'Audrey Dana, avec Audrey Dana, Laetitia Casta, Isabelle Adjani, Vanessa Paradis, Alice Belaïdi, Julie Ferrier, Audrey Fleurot, Marina Hands, Géraldine Nakache, Alice Taglioni, Sylvie Testud et Pascal Elbé (2014)