29 juillet 2013

Resolution

Drôle de film que ce Resolution. Présentée comme un film d'horreur, cette œuvre inclassable co-signée Justin Benson et Aaron Moorhead s'est faite remarquer à différents festivals de films indépendants avant de débouler sur la toile, accompagnée d'une réputation enviable et grandissante. A l'image de films de genre récents comme The House of the Devil et The Pact, Resolution ne connaîtra sans doute pas les honneurs d'une sortie en salles. Allez savoir pourquoi. Peut-être le film a-t-il été jugé trop exigeant, trop singulier et trop intéressant par rapport aux sorties horrifiques habituelles ? On se le demande. Heureusement, des chemins de traverse plus ou moins recommandés existent encore pour réussir à mettre la main sur de telles étrangetés. C'est avec un vrai plaisir et un certain sens du devoir que l'on se charge ensuite de participer à leurs belles petites renommées...




A la lecture du pitch et à la vue d'une de ses affiches, je redoutais pourtant le pire, ou en tout cas, un film pas du tout pour moi, louchant plutôt du côté du torture porn bien dégueu que vers celui de ce que l'on pourrait appeler l'horreur intello. J'imaginais en effet un nouveau film de séquestration comme il y en a eu tant ces dernières années. J'avais tout faux ! Vraiment tout faux ! Et heureusement... Resolution nous narre l'histoire d'un gars, prénommé Michael (Peter Cilella), qui décide d'employer une méthode radicale pour sauver son meilleur pote, Chris (Vinny Curran), de son addiction à la drogue. Michael se rend un beau matin dans la baraque abandonnée que squatte son ami, puis le menotte par surprise à un tuyau, bien éloigné de sa came, le condamnant, pour son bien, à la sobriété totale, tout en s'occupant de ses besoins primaires. Alors que l'on peut logiquement craindre que ce point de départ donne lieu à un huis clos sadique opposant les deux hommes, une bobine d'horreur tendue et éprouvante où la terreur mentale nous ferait patienter avant une confrontation physique violente, Resolution surprend complètement dans tous les choix qu'il décide de prendre à partir de sa base. C'est bien simple : rien n'est ici prévisible. On dirait que ses deux auteurs se sont donnés comme premier objectif de systématiquement nous amener là où on ne s'attend pas, avec une règle d'or, celle de toujours nous surprendre de la plus étrange, mais étonnamment cohérente, des manières.




Perdue dans les bois au milieu des collines, écrasée par un soleil de plomb permanent, la baraque insalubre et délabrée qui abrite nos deux hommes ne s'avérera ni hantée par un douloureux passé remontant à la surface ni encerclée par de dangereux dégénérés comme il est de coutume d'en croiser dans les films d'horreur dès qu'ils s'éloignent un peu trop des villes. Elle est par contre située en plein cœur d'une réserve indienne et rôdent aux alentours les membres d'une secte d'illuminés dans l'attente de la venue du Messie. Un hôpital psychiatrique, d'où fuguent régulièrement quelques patients mal lunés, est également implanté non loin, et il paraîtrait qu'une équipe de scientifiques français aurait récemment quitté les lieux dans l'urgence, abandonnant tout leur matériel sur place. Dans ce contexte, Michael découvre un à un des indices de plus en plus étranges et inquiétants, qui semblent lui être destinés... On ne peut pas vraiment en dévoiler davantage sur un scénario dont les contours restent longtemps très flous.




Une fois le film achevé, on repense très vaguement à La Cabane dans les bois, en se disant que Resolution est environ mille fois mieux et, surtout, plus intelligent. Puis on se dit que ce serait ne pas rendre hommage au travail de Justin Benson et Aaron Moorhead de comparer et rapprocher leur œuvre déroutante du bric-à-brac horrifique lourdingue produit par le vilain Joss Whedon. Mais, de la même façon que le film de... de ? Attendez une seconde que je retrouve le nom de cet empaffé sur Google... De la même façon que le film de Drew Goddard, donc, Resolution propose une métadiscursivité qui joue directement avec les connaissances des spectateurs. A la grande différence que, ici, tout cela est construit avec subtilité et finesse, sans facilité, sans effet tape-à-l'oeil, sans donner la désagréable impression qu'on flatte bassement le spectateur pour s'assurer mochement sa complicité. L'aspect "film dans le film" participe dans Resolution au malaise diffus créé par les deux réalisateurs, il amène une réflexion, un doute persistant, on se dit qu'il y a quelque chose à creuser là-dedans, et que le film gagne peut-être à être revu sous cet angle, car cet aspect-là, on ne le découvre que progressivement, comme la piste la plus sûre ouverte par les auteurs. Vous remarquerez aussi que je n'ai repensé au film de Drew Goddard qu'après, pas pendant. Devant Resolution, je n'avais pas vraiment de repère, puisque ses deux auteurs s'amusent à nous laisser deviner un tas de pistes qu'ils n'explorent pas, volontairement, préférant les abandonner à l'imagination du spectateur habitué, en pleine confusion.




A la différence de La Cabane dans les bois, l'aspect métadiscursif n'est donc pas ici un concept de base roublard agissant simplement comme de la poudre aux yeux et tenant en réalité le rôle d'un pur prétexte pour éliminer une bande de jeunes cons dont on se fout éperdument. A ce sujet, les deux personnages centraux de Resolution sont peut-être une des plus grandes réussites du film. On croit sans effort en l'amitié de ces deux types, de plus en plus attachants à mesure que le film avance. On s'amuse des anecdotes passées qu'ils échangent entre eux pendant les rares moments de sérénité. On rigole même parfois aux dialogues placés dans la bouche du gros camé, joué par un acteur barbu très en verve, Vinny Curran. Bref, ce sont deux vrais personnages qu'on tient-là, et que l'on suit avec un vif intérêt. Nous sommes donc d'autant plus inquiets quant à leur destinée très incertaine. A la fin du film, nous les quittons hébétés, bousculés, mais clairement sous le charme de l'habileté et de l'audace avec lesquelles le duo Benson et Moorhead les a menés au but, tout en nous menant par le bout du nez, avec trois fois rien mais plein d'idées, et via une mise en scène d'une étonnante fluidité. Plus qu'un film de petits malins malgré son scénario retors qui fera forcément des insatisfaits, Resolution apparaît à l'évidence comme une vraie bizarrerie qui gagne à se faire connaître.


Resolution de Justin Benson et Aaron Moorhead avec Peter Cilella, Vinny Curran et Bill Orbest Jr. (2013)

15 commentaires:

  1. Je m'y suis essayé et n'ai pas tenu très longtemps : non pas parce que c'était mauvais, mais parce que je n'avais pas très envie de voir ça. Il faut dire que j'ai de plus en plus de mal à trouver dans le cinéma d'horreur, tout malin et original soit-il, quelque plaisir, moi qui y ait pourtant largement investi pendant des années.

    Il m'y manque des éléménts. J'ai besoin de voir dans le cinéma d'horreur ce que j'y trouvais de génial chez Carpenter :
    - l'impression de voir de réels personnages forts, non pas des ersatz (si réussis qu'ils soient) de real-life people, car c'est lorsque l'on se sent proche de personnages singuliers et attachants que l'on a peur pour eux (alors que dans les Destination Finale et autres Scream d'un côté, et dans les Kill List et autres You're next de l'autre, on n'a aucune peur de voir mourir des tocards ou de gros gros connards). J'ai besoin de héros.
    - l'impression que la menace horrifique n'est pas une perversion (psychotique, psychopathe, sectaire, sexuelle...) mais bien une pure horreur : ce qui est inexplicablement impossible à abattre (Michael Myers, oui, mais aussi la Chose ou encore l'Alien).
    - l'impression d'une confrontation entre le héros et la menace horrifique (et non pas d'une attaque soudaine unilatérale de l'un par l'autre ou de l'autre par l'un).
    - l'impression d'une idée.

    Je n'ai pas trouvé la moindre impression de ce genre dans le cinéma d'horreur de ces 15 dernières années, je crois bien. A terme, on se lasse.

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    1. Tes remarques sont intéressantes et tu sais que je les comprends ô combien. Seulement, je trouve que ça ne convient pas tout à fait à un film comme Resolution ou bien qu'elles sont ici très injustes.
      Les deux personnages ne sont pas de vrais héros et sont bien loin des persos de Carpenter, certes, mais ils existent bel et bien, et on finit par s'attacher à eux, ce qui suffit à les situer à mille lieues de ceux qui hantent les films que tu cites en exemple.
      Quand on regarde le film en entier, on peut comprendre que la menace qui plane sur les personnages (elle finit seulement par se préciser à la toute fin) se rapproche plutôt d'une "pure horreur", comme tu dis, face à laquelle ils semblent bien impuissants (on peut considérer ici qu'il s'agit du spectateur, ou de la fiction).
      Enfin, j'ai eu l'impression d'une confrontation, ce qui est intimement lié au fait que les personnages réfléchissent et agissent convenablement, pas comme des pions idiots, malgré le final qui joue paradoxalement sur cette idée.
      Bref, j'ai donc déniché quelques idées dans ce film et c'est sans doute justement parce qu'il ne correspond pas vraiment à ce que tu décris que j'ai moi-même pu l'apprécier. Du coup je te trouve là un peu cruel, même si je partage souvent et comprends ton regard sur le ciné d'horreur actuel.

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    2. Ce que je dis ci-dessus ne concerne bien évidemment pas ce film, ce n'étaient que commentaires de mon propre désamour du cinéma d'horreur contemporain. Ce film, je n'en ai vu que le tout début, et il ne m'a pas donné envie d'aller plus loin, peut-être à tort, mais peu importe. Je ne doute pas que les éléments que tu décris soient présents dans le film, j'ai simplement un intérêt extrêmement limité par les ans face à ce cinéma-là, et je doute d'un regain de cet intérêt avant longtemps :/

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    3. Un film comme Resolution, deux à trois fois par an, permet de maintenir mon intérêt à flot et de croire en l'émergence future de quelques auteurs talentueux.

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  2. Faudra que tu me prêtes ton "dvd".

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  3. Merci pour le visionnement réfléchie de notre film!

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  4. Philippe Baptiste31 juillet, 2013 00:39

    De jeunes réalisateurs avec un tant soit peu d'intégrité, ça en est presque touchant de nos jours, surtout pour un film d'horreur (enfin si on peut appeler ça horreur).

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  5. Vu hier soir et je rejoins l'article. Vraiment bien aimé ce film déjà très maîtrisé, prometteur, captivant, original et plein d'idées. Le plus fort étant sans doute la façon dont les deux réalisateurs parviennent à créer de puissants et palpables malaises avec trois fois rien, d'un point de vue économique, mais surtout d'un point de vue scénaristique. Le minimalisme est total et les situations presque constamment désamorcées à la base, pourtant c'est inquiétant et fascinant à la fois. En prime, si la caméra portée donne par moments dans l'aspect found footage amateur, on sent un vrai travail sur la lumière et le montage qui élève le film au-dessus de ses (lointains) semblables. Je pourrais ajouter que les acteurs sont excellents mais je ne vais pas redire ce que dit déjà l'article. Hâte de le revoir dans quelques temps et à l'aune de sa belle révélation finale.

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  6. Le personnage de Chris est trop drôle, il m'a vraiment fait marrer.
    Et pour une fois, je me souviens même de la fin du film!
    C'est dire à quel point il est bien !

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  7. C'est toujours appréciable de découvrir des films d'horreur méconnus qui s'éloignent un peu des grosses ficelles du genre ; apparemment c'est le cas de "Resolution" et ton article m'a bien donné envie de le voir ! Tu cites "The House of the Devil" qui effectivement est très bon (même si la fin m'a déçu, comme celle d'"Innkeepers" d'ailleurs).

    Sinon par rapport à tes échanges avec Joe G. je suis plutôt de ton avis, en cherchant bien on trouve toujours des productions intéressantes dans le genre, et des auteurs comme Ben Wheatley (j'ai hâte de voir "A Field in England"), Nacho Vigalondo (la comédie SF "Extraterrestre" est vraiment réussie), Ti West, John Fawcett, James Watkins (pour "Eden Lake"), Bruce McDonald ("Pontypool", un sacré film !) et bien d'autres ont signé de bons voire d'excellents films d'horreur / fantastique ces dernières années ! Après c'est sûr qu'ils ne répondent pas tous à des critères précis, chacun livre une approche différente du genre et c'est ça qui est intéressant. L'année dernière j'ai vu un film brésilien dans la veine "social fantastique" qui pourrait t'intéresser si tu ne l'as pas vu, il s'agit de "Trabalhar Cansa" ("Travailler fatigue").

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    1. J'espère que Resolution te plaira ! Tu m'en diras des nouvelles !

      Je n'ai pas vu le film brésilien dont tu parles, mais j'en ai déjà entendu un peu parler. Très envie de le voir !

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  8. Merci de m'avoir fait découvrir ce film génial, véritable OVNI cinématographique, intelligent et drôle, intéressant et très très bien construit.

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  9. Justin est -il de la famille d'Ashley? Si oui, serait-ce possible d'avoir son n° de téléphone? Merci!

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  10. Plutôt cool ça :
    http://twitchfilm.com/2014/04/the-album-leafs-jimmy-lavalle-scoring-moorhead-and-bensons-spring.html

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  11. Leur nouveau film s'annonce un peu plus sanglant...
    http://twitchfilm.com/2013/12/bloody-new-still-from-resolution-directors-spring.html

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