Je suis très surpris par les avis tranchés que suscite le nouveau film du Dieu vivant Francis Ford Coppola. Il y a assez clairement d'un côté ceux qui adorent le film sans réserves et de l'autre ceux qui le détestent violemment. En ce qui me concerne je trouve ma place, pas si confortable que ça, pile poil entre les deux. Rarement le mot "partagé" n'aura à ce point scrupuleusement défini mon sentiment sur un film. Twixt me paraît en effet presque raté, plein d'erreurs, bourré de défauts et souvent frappé de laideur, mais il a aussi ses qualités, quelques lueurs de génie qui percent ça et là, et puis une légèreté, un humour et une liberté qui le rendent assez aimable. Commençons par ce qui fâche puisque le film commence lui-même par là… L'histoire est celle d'Hall Baltimore (Val Kilmer a certes pris des milliers de kilos mais on n'y pense pas une seconde devant le film tant il n'a rien perdu de sa prestance d'autrefois), un écrivain de seconde zone, un "Stephen King au rabais", spécialiste ès sorcellerie qui publie un énième roman fantastique dont il vient faire la promo dans un bled paumé des États-Unis. Recalé dans une quincaillerie du patelin faute de librairie, personne ne s'approche de l'écrivain, sauf le shérif haut en couleurs du village (Bruce Dern), qui lui avoue être lui-même sur le point d'écrire son premier roman de genre et qui l'invite à venir jeter un œil sur ce qu'il a dans sa morgue : une fillette retrouvée avec un pieu planté dans le cœur. Le bouquin que le shérif propose à Baltimore d'écrire à quatre mains s'inspirerait de ce crime pour raconter le massacre de masse qui eut lieu autrefois dans la bourgade et dont une jeune fille de 12 ans fut l'unique survivante, âme en peine damnée pour l'éternité puisque devenue vampire après son sauvetage in extremis, au contact de ceux qui vivent de l'autre côté de la rivière. Certains rapprochent l'introduction du film, où l'on suit donc Baltimore entre la quincaillerie et la morgue, du cinéma des frères Coen. L'ouverture de Coppola se veut pourtant moins léchée, moins organisée, moins maîtrisée et moins classieuse que l'art loufoque et décalé de ces derniers, et fait plutôt penser par son côté amateur, bancal, maladroit, improbable et quasiment bâclé, au Rubber de Quentin Dupieux, ce qui n'est absolument pas un compliment. Mais ça en devient presque un, de compliment, quand plus tard dans le film, et notamment au moment où le personnage de Flamingo prend ses aises - quand ce marginal efféminé aux cheveux laqués et au visage sur-maquillé vient sur sa grosse moto sauver la fillette et son appareil dentaire du tueur d'enfants -, on se met à penser au Kaboom de Gregg Araki, ce film vulgaire et nul qui mêlait le teen movie au drame familial, film de vampires kitschissime ne se prenant pas au sérieux et jouant à casser les codes pour surprendre à tout prix, quitte à se fourvoyer dans la série Z la plus pénible.
Le film de Coppola est un peu dans cette veine, du moins dans ses pires moments. Il a globalement un aspect très moderne, très "dans le coup", et se veut tout à fait susceptible de devenir "culte" dès la sortie de la salle pour des tonnes de spectateurs friands de petits films à double-fond "déjantés". Twixt a de fait une dimension composite très d'aujourd'hui, ne serait-ce que par son paradoxe fondamental : œuvre de sagesse ressemblant à un premier film fourre-tout d'étudiant, fait de bric et de broc mais en numérique haute-définition avec passages 3D, tourné sans argent mais avec astuce et talent, mêlant le négligé au raffiné, Edgar Allan Poe à Gregg Araki et ainsi de suite. Coppola s'inscrit aussi dans l'actualité cinématographique en ressuscitant un acteur cool sur le retour, comme Aronofsky a ramené Rourke à la vie, mais surtout comme l'exige la lubie très tendance de Tarantino consistant à faire tourner tous les macchabées charismatiques d'Hollywood. Très à la mode aussi le détournement du film de genre qui ne se prend pas au sérieux, jouant d'un sincère hommage aux maîtres en la matière mais pétri d'humour, quitte à placer au milieu du film un sketch complet et assez drôle où Val Kilmer, décidément excellent, essaie d'écrire la première ligne de son futur livre. Bien que le film ait l'air de ne pas y toucher, Coppola y enfile différents niveaux de lecture en plaçant ça et là quelques références distinguées, dont un personnage guest star inattendu et séduisant : la belle trouvaille d'Edgar Allan Poe (Ben Chaplin), qu'on croit admirer en chair et en os ! L'histoire est à la fois cousue de fil blanc et sauvée de sa profonde banalité par un sens aigu de l'absurde et du grand n'importe quoi. On notera aussi le fort penchant pour l'autofiction puisque l'histoire de Val Kilmer est celle de Coppola lui-même, qu'il s'agisse de la mise en abyme de l'écrivain soucieux de se renouveler ou du portrait du père désespéré d'avoir perdu son enfant dans un accident de bateau, sans oublier le côté familial du film puisque Elle Fanning, encore une fois sublime et exceptionnelle dans ce rôle (après son passage remarqué dans Super 8), passe de la fille Coppola (l'imbitable Somewhere) au papa de la sagrada familia, quant à l'épouse d'Hall Baltimore, elle est incarnée par la vraie (ex-)femme de Val Kilmer, Joanne Whalley, rencontrée sur le tournage de Willow où elle était la Sorsha de son MadMartigan. Et puis il y a donc, comme souvent dans le cinéma indépendant américain à la mode, ce mouvement de balancier entre le sérieux et la farce, l'élégance morbide (les traits rouges abstraits sur les gorges tranchées des enfants) et le gore outrancier (le bain de sang final), entre le trivial et le sérieux, le raffiné et le lourdingue, entre un travail sincère et un semblant de je-men-foutisme.
Sauf que Coppola n'est ni Dupieux ni Araki, dieu merci, et qu'il est capable de très belles choses. Pour preuve l'esthétique assez unique des scènes de rêve, avec la matité de ce quasi noir et blanc dans la forêt, où l'image semble se mouvoir d'elle-même imperceptiblement. L'effet lorgne moins du côté de Sin City que de celui des origines du cinéma, intelligemment baignées dans une pure modernité plastique. Dès l'entrée dans le premier rêve, où Baltimore croise le beffroi aux sept horloges mal accordées puis rencontre le fantôme opalescent d'Elle Fanning, on ressent un vif soulagement, on oublie notre peur éprouvée devant une inquiétante introduction moderne dans son ringardisme efforcé, et on se laisse aller à aimer franchement le film. Mais Coppola reviendra à son ton introductif, voire à pire, et gâchera régulièrement les beaux moments de son film. Toute l’œuvre tangue entre le beau et le laid, le sublime et le foiré, le gracieux et le grossier, à l'image de la très belle entrée de Baltimore dans son premier rêve, où Coppola marque une pause entre un beau plan subjectif vers le beffroi et un autre sur Elle Fanning pour montrer son personnage en train de pisser… Cette scène est assez exemplaire du sabotage qu'effectue sciemment le cinéaste sur son propre travail, non pas qu'admirer Val Kilmer prendre cinq secondes pour pisser soit forcément détestable ou méprisable, mais c'est une belle métaphore du grand écart beaucoup trop grand qu'opère Coppola entre de belles choses et d'autres complètement inutiles, surfaites et laides, qui coupent l'herbe sous le pied des premières.
Par exemple quand Baltimore se rend en rêve dans l'hôtel du massacre et rencontre ses deux tenanciers, une grosse dame qui met la table et un moustachu qui répare son horloge : la bonne femme se met soudain à jouer de la guitare et son mari danse sans bouger, la tête en avant, balançant ses bras à droite puis à gauche comme un pendule (on aura compris que le temps obsède Francis), et on est presque mal à l'aise face au ridicule absolu de la scène. Puis tout d'un coup Elle Fanning apparaît à la fenêtre, ferme les yeux et balance doucement, joliment la tête, tout en dessinant un V pour Virginia sur la buée du carreau, et cette belle image suffit à légitimer le morceau de guitare et même à le rendre beau. Mais cet instant de grâce est rompu aussitôt par de nouveaux plans sur l'autre abruti qui balance ses bras comme un épouvantail désarticulé puis par un rapide déferlement de violence digne de Buffy, pour être méchant. Tout le film est parcouru de choses profondément laides et risibles dans lesquelles pointent presque systématiquement une image sublime, une grande idée, un plan parfait, aussitôt effacés par une nouvelle manifestation de pure laideur ou à tout le moins de navrante incongruité, au point que cette juxtaposition de médiocrité et de génie se fait presque superposition, le beau et le laid ayant cours en quasi simultanéité, d'où le sentiment de partage éprouvé face au film, aussi ridicule et ingrat que riche et fascinant, tout ça ensemble.
Par exemple quand Baltimore se rend en rêve dans l'hôtel du massacre et rencontre ses deux tenanciers, une grosse dame qui met la table et un moustachu qui répare son horloge : la bonne femme se met soudain à jouer de la guitare et son mari danse sans bouger, la tête en avant, balançant ses bras à droite puis à gauche comme un pendule (on aura compris que le temps obsède Francis), et on est presque mal à l'aise face au ridicule absolu de la scène. Puis tout d'un coup Elle Fanning apparaît à la fenêtre, ferme les yeux et balance doucement, joliment la tête, tout en dessinant un V pour Virginia sur la buée du carreau, et cette belle image suffit à légitimer le morceau de guitare et même à le rendre beau. Mais cet instant de grâce est rompu aussitôt par de nouveaux plans sur l'autre abruti qui balance ses bras comme un épouvantail désarticulé puis par un rapide déferlement de violence digne de Buffy, pour être méchant. Tout le film est parcouru de choses profondément laides et risibles dans lesquelles pointent presque systématiquement une image sublime, une grande idée, un plan parfait, aussitôt effacés par une nouvelle manifestation de pure laideur ou à tout le moins de navrante incongruité, au point que cette juxtaposition de médiocrité et de génie se fait presque superposition, le beau et le laid ayant cours en quasi simultanéité, d'où le sentiment de partage éprouvé face au film, aussi ridicule et ingrat que riche et fascinant, tout ça ensemble.
On peut faire le même constat pour la scène où Baltimore et Poe sont perchés sur une corniche au-dessus d'un fleuve entre deux montagnes. Coppola filme le canyon en plongée surplombante, avec les deux personnages dans la partie inférieure du cadre regardant vers en bas, vers le fleuve, et il fait apparaître sur l'écran du cours d'eau l'image de la ravissante Elle Fanning, dormant debout tandis que le hors-bord dans lequel la fille de Baltimore a perdu la vie passe sur l'image de la fillette, traverse sa gorge par un effet de superposition et en laisse jaillir l'impression d'un flux de sang grâce aux vagues laissées dans son sillage. L'idée est belle, le tableau divinement composé, la métaphore, assez touchante, a tout dit, même si Coppola croit devoir faire un gros plan sur Baltimore qui explique lourdement son sentiment de culpabilité vaguement surjoué. Mais dans le plan suivant, après le contre-champ sur Poe et Baltimore donc, l'écran du fleuve diffuse désormais la scène de l'accident mochement mis en scène de la fille de l'écrivain, ou comment passer d'un plan à la Manoel de Oliveira (et je fais là un petit cadeau à Coppola, relatif quand on sait que d'autres ont mis le film au niveau de Murnau) à un effet - le même pourtant ! mais utilisé si tristement cette fois-ci - digne du téléfilm sentimental de l'après-midi sur M6. Puis Coppola revient à nouveau aux deux personnages et fait dire de bonnes paroles à Edgar Poe sur la nécessité pour lui comme pour son compagnon d'écrire afin de ménager de belles régions à habiter pour leurs enfants disparus. Voila un exemple typique du mouvement de yoyo qu'inflige Coppola à son film, entre poésie et niaiserie anodine. Les deux personnages d'écrivains, l'un illustre et l'autre raté, n'ont de cesse de rejouer dans leurs débats la dialectique du beau et de la mort, en un mot du sublime, or dans la scène que je viens de décrire, qui est symptomatique de l'ensemble du film, le beau entre en concurrence avec la mort dans l'âme du spectateur mis face à une soudaine et regrettable irruption de laideur à l'état brut qui s'ingénie à rompre systématiquement avec la beauté qui l'a précédée.
Cet étrange équilibre fait aussi la particularité du film de Coppola et participe certainement de l'expression entière et sans frein de sa personnalité cinématographique (qui est peut-être, de fait, inégale). Le film fait preuve en effet d'une immense liberté, beaucoup moins factice que chez un Dupieux ou un Araki quêtant à tout prix l'originalité là où Coppola ne semble se laisser porter que par sa propre singularité. Le cinéaste jouit d'une latitude absolue, non pas revendiquée mais réelle et consommée. Il a 73 ans, il fait ce qu'il veut et ça se sent à chaque instant de son film, ce qui ne laisse pas de provoquer chez moi une joie au moins aussi enthousiaste que la sienne. Mais que Coppola ait eu le courage ou la grandeur d'âme de réaliser un film presque pour soi, dans son jardin, avec quatre sous et sans l'espoir d'en ramasser le triple, ne l'exempte pas de reproches et n'excuse pas les ratés. De même la caution "film personnel" ne justifie pas tout (Sofia Coppola a réalisé avec Somewhere son film le plus personnel et ce fut comme un pieu planté dans le cœur du cinéma), surtout quand le sujet du père alcoolique détruit par la perte de son enfant, thème rebattu auquel le cinéaste n'apporte rien, est traité aussi faiblement qu'il l'est ici, à grands renforts de pauvres dialogues explicatifs et sans que la moindre émotion n'affleure. Malheureusement le film a beau être une œuvre intime profitant au maximum de la liberté de son auteur, il n'en est pas moins terriblement inégal, presque saccagé, ou du moins gâché, par un excès de légèreté et de mauvais goût, conscient ou non, qui fait sans cesse retomber l'émotion esthétique par ailleurs installée. Twixt n'est pas vraiment bon, il est loin d'être mauvais, en somme il porte bien son nom ("Twixt" étant l'ancien mot pour "between", soit "entre-deux"), et dégage quelque chose d'assez plaisant tout en lassant sévèrement sur la fin, qu'on attend de pied ferme à force de se foutre à peu près totalement des personnages ou de leur histoire, traités par-dessus la jambe au profit de quelques belles images et de scènes plus ou moins marquantes qui resteront peut-être en mémoire, même si le film, lui, dans son ensemble, risque de vite s'avérer oubliable.
Cet étrange équilibre fait aussi la particularité du film de Coppola et participe certainement de l'expression entière et sans frein de sa personnalité cinématographique (qui est peut-être, de fait, inégale). Le film fait preuve en effet d'une immense liberté, beaucoup moins factice que chez un Dupieux ou un Araki quêtant à tout prix l'originalité là où Coppola ne semble se laisser porter que par sa propre singularité. Le cinéaste jouit d'une latitude absolue, non pas revendiquée mais réelle et consommée. Il a 73 ans, il fait ce qu'il veut et ça se sent à chaque instant de son film, ce qui ne laisse pas de provoquer chez moi une joie au moins aussi enthousiaste que la sienne. Mais que Coppola ait eu le courage ou la grandeur d'âme de réaliser un film presque pour soi, dans son jardin, avec quatre sous et sans l'espoir d'en ramasser le triple, ne l'exempte pas de reproches et n'excuse pas les ratés. De même la caution "film personnel" ne justifie pas tout (Sofia Coppola a réalisé avec Somewhere son film le plus personnel et ce fut comme un pieu planté dans le cœur du cinéma), surtout quand le sujet du père alcoolique détruit par la perte de son enfant, thème rebattu auquel le cinéaste n'apporte rien, est traité aussi faiblement qu'il l'est ici, à grands renforts de pauvres dialogues explicatifs et sans que la moindre émotion n'affleure. Malheureusement le film a beau être une œuvre intime profitant au maximum de la liberté de son auteur, il n'en est pas moins terriblement inégal, presque saccagé, ou du moins gâché, par un excès de légèreté et de mauvais goût, conscient ou non, qui fait sans cesse retomber l'émotion esthétique par ailleurs installée. Twixt n'est pas vraiment bon, il est loin d'être mauvais, en somme il porte bien son nom ("Twixt" étant l'ancien mot pour "between", soit "entre-deux"), et dégage quelque chose d'assez plaisant tout en lassant sévèrement sur la fin, qu'on attend de pied ferme à force de se foutre à peu près totalement des personnages ou de leur histoire, traités par-dessus la jambe au profit de quelques belles images et de scènes plus ou moins marquantes qui resteront peut-être en mémoire, même si le film, lui, dans son ensemble, risque de vite s'avérer oubliable.
Twixt de Francis Ford Coppola avec Val Kilmer, Elle Fanning, Bruce Dern, Joanne Whalley et Ben Chaplin (2012)
Comme dirait Malette, le temps est déjanté, il est hors de ses jantes...
RépondreSupprimerMadmartigan aime-t-il toujours autant les "peck" ? Peck peck peck peck peck !
RépondreSupprimerIl est pas un peu raciste ton commentaire là ?
SupprimerUn "poil" raciste !
SupprimerPlus sérieusement j'ai lu ta chronique et ça me suffit, j'ai déjà assez eu envie de vomir en voyant "Youth without youth", qui était du même acabit : gros thèmes traités comme un bourrin.
RépondreSupprimerJ'avais pas du tout aimé ce film non plus. J'aimerais quand même lui redonner une chance un jour !
SupprimerC'est parce que dans un paquet de Twixt y'en a toujours deux, le premier on se dit "putain c'est bon", et le deuxième "rah mais ca reste de la merde".
RépondreSupprimerJe l'attendais ! Merci :)
SupprimerEt, franchement, le twixt final il est pas terrib terrib ?
RépondreSupprimerY'en a plus ou moins un en plus :) Mais le dénouement de l'histoire n'est pas aussi lourd que dans beaucoup de films du genre, c'est juste qu'on a hâte qu'il arrive au bout d'un moment, alors que le film ne dure qu'1h30.
SupprimerVous en parlez sur twixtter ?
RépondreSupprimerJoooooli :) J'en parle, sûr !
SupprimerEst-ce un reboot du film sur les tornades?
RépondreSupprimerBelle !
SupprimerEnchaîne !
RépondreSupprimerMon impression sur le film n'est finalement pas fondamentalement différente, j'y ai aussi vu des trucs moches et ratés, mais beaucoup moins que toi, ce qui fait que mon impression générale est extrêmement positive. Ton problème est assez bien résumé par la première moitié de ton article en fait : Coppola va se balader sur un terrain proche de celui des frères Coen ou de Greg Araki, des réalisateurs médiocres à l'univers "cool", du coup on a vite fait de rapprocher le film des leurs. Sauf que Coppola a en lui infiniment plus de talent et de sincérité, ce qui a vite fait d'éloigner le film d'un maniérisme cool et vain. Coppola n'est pas dans l'ironie, le second degré visant à créer une complicité factice avec le spectateur, il est dans l'autodérision, la volonté de désamorcer un peu la lourdeur des sujets abordés, tout en les abordant vraiment, et ça me semble infiniment respectable.
RépondreSupprimerSinon je te plussoie largement sur Elle Fanning, qui y est pour beaucoup dans l'émotion qu'a sucité le film chez moi.
Je comprends complètement ton point de vue, et tu as raison de faire ce distinguo essentiel entre le film de Coppola et ceux auxquels je le compare. Twixt n'a rien de poseur ou de prétentieux, c'est d'ailleurs peut-être sur ce deuxième point qu'il rate la marche, à trop vouloir désamorcer son sujet il fait un pet dans l'eau, si tu me permets cette expression triviale qui me semble assez proche, dans le fond comme dans la forme, de l'effet de certaines scènes du film. Coppola a du talent, certes, mais il le gâche à mon avis. Quant à sa sincérité, elle est bien réelle mais elle ne fait pas tout malheureusement, et le film est aussi ce gros n'importe quoi kitsch et parfois ultra laid qui fane rapidement et donne l'impression d'un gâchis terrible. Parce qu'il y a effectivement de très belles choses là-dedans, malheureusement rares, et si le geste de Coppola te paraît infiniment respectable, ce que je veux bien admettre, je regrette quant à moi infiniment que Coppola lui-même ne respecte pas davantage son film et son sujet.
SupprimerSimon, l'as-tu vu avec les scènes en 3D ? Le multiplexe à côté de chez moi le diffusait sans et je serais curieux de savoir quelles séquences ça concerne et si ça ajoute une éventuelle plus-value.
SupprimerJe peux comprendre ton point de vue aussi (roulons-nous des pelles), mais je te trouve très sévère quand tu parles de "n'importe quoi kitch et parfois ultra laid" qui viendrait parasiter le film. Je trouve par exemple la chanson et la "danse pendule" du vieux couple dans l'hôtel assez forte, et pas que symboliquement, aussi dans ce mélange de mélancolie et "d'étrange légèreté" qui fait pour moi le prix du film.
SupprimerIdem pour l'enlèvement de V. par Flamingo : cette outrance gothique, cet effet spécial surrané qui se téléscope avec l'archi-définition de ce beau noir et blanc, j'ai trouvé ça sublime et révélateur de la foi de Coppola en ses moyens et dans le pouvoir du cinéma (à ce titre ta comparaison avec Oliveira n'est absolument pas "une fleur", j'y ai moi-même pensé plusieurs fois pendant le film et je la trouve très justifiée).
Quant à la scène de l'accident de bateau, je vois mal comment Coppola aurait pu supporter de la faire autrement que de cette façon un peu détachée, distancée et donc un peu aseptisée. Un peu le contraire de ce que peuvent proposer, au hasard, Donzelli avec la maladie de son gosse, ou Maïwenn avec le suicide de Foïs (au hasard).
Val Kilmer qui pisse, je m'en souviens même pas, chelou, j'ai dû le refouler ! :o
Non je l'ai vu en 2D aussi. Il paraît que c'est une belle arnaque les scènes en 3D, une bonne farce pour le coup !
SupprimerConcernant la mise en scène de l'accident de bateau, tu dis qu'il n'aurait pas pu le faire autrement, sauf qu'il venait de le faire, entendre "suggérer", très joliment avec le premier plan du bateau passant "sur" le visage d'Elle Fanning et qu'il n'avait pas besoin d'en faire davantage, le truc suivant étant vraiment inutile et pour le coup vraiment laid...
SupprimerTotalement de ton avis sur ce passage-là (l'accident de bateau), Rémi.
SupprimerEt, globalement, je rejoins pas mal ton avis sur ce film, même si je n'ai pas tout à fait été gêné par les mêmes choses que toi (la scène de la "danse pendule" ne m'a pas gêné, au contraire, je l'ai entièrement aimée ; et l'introduction m'a plutôt emballé) et que j'ai donc moins ressenti la "schizophrénie" du film.
Au bout d'environ 45mn de film, sans qu'il y ait quoi que ce soit de précis qui ait déclenché ça, j'ai simplement été de moins en moins intéressé par ce film, et il m'a finalement laissé assez froid. Il y a de belles choses, et tu fais bien de saluer la liberté et la sincérité de Coppola, mais au bout du compte, ça m'a paru un peu vain et mineur, ni raté ni génial, ni haïssable ni admirable, et je ne me sens même pas partagé ou quoi.
Ce qui est sûr, c'est que je ne pense pas que j'aurai envie de le revoir un jour et que je suis loin d'en faire l'un des champions de l'année.
En fait, je suis assez déçu. J'espérais l'aimer pleinement, j'y ai cru quelques temps, mais... en fait non. :(
SupprimerBeau texte, ça m'a donné très très très envie de le voir. Cette idée de cul cinématographique en permanence entre deux chaises, ça me fait rêver !
RépondreSupprimerVa le voir, je suis curieux d'avoir ton avis.
SupprimerIdem. Ça rend très curieux de voir ce drôle de film.
SupprimerAllez le voir !
SupprimerAlors selon vous, le fameux velo B'Twixt de décathlon c'est pas un bon achat? Les suspensions le problème je suppose?
RépondreSupprimerJ'allais souvent visiter les Twixt Tower quand j'habitais Maxthattaxt.
RépondreSupprimerTOUH-HIX !
RépondreSupprimerDEUX DOIGTS COUPEU FAIM !
Dans la cha-leur
RépondreSupprimerDeu la nuit !
Le MAL EST TOUJOURS PUNI
wo ou wo
BAGUEULOU, TOUH-HIX
DEU DOU AH COU PEU FIN !!!!!
Françis Ford Fiesta qui nous fait la soirée diapos de l'accident de son fils, qui du coup n'aura pas eu le temps de nous faire chier lui aussi avec ses putain de films, merci bien !
RépondreSupprimerElle Fanning je la suis de près. De trrrrès trrrès près...
RépondreSupprimerJ'aimerais être son oncle... Tonton Jaspert...
Quand on aura publié nos critiques de Nouveau Départ, Reservation Road et Somewhere, on aura quasi traité TOUS les films dans lesquels elle a joué, du haut de son jeune âge (sachant qu'on a déjà Babel, Déjà-vu, Benji Button, Super 8 et Twixt).
RépondreSupprimerOn est sur le feu !
SupprimerI believe into the Babeulé,
SupprimerComme des milliè de maux :)
Mon chef a vu TWIXT, il m'a dit que c'était de la merde, en serrant les dent.
RépondreSupprimerVu en 1D. Je l'ai trouvé hyper plat. Le scénario complétement linéaire. J'étais à deux doigts de couper fin.
RépondreSupprimerJuste pour savoir, est-ce que les cinéma passent "Twixt" à Saint-Tropez ?
RépondreSupprimerJe préférais Raidert.
RépondreSupprimerLe film est absolument raté alors qu'il n'était pas loin d'être génial, c'est bien triste.
RépondreSupprimerPas loin, pas loin... Ouais, bon, on est d'accord.
SupprimerJ'ai anticipé le remake de ce film il y a vingt ans, ce film est le préquel de mon film.
RépondreSupprimerAbsolument d'accord avec absolument toutes les idées développées dans cet article!
RépondreSupprimer:)
SupprimerUn texte d'une très grande richesse. Plutôt d'accord avec toi, même si je suis dans une tendance plus enthousiaste. Mais surtout pour les scènes oniriques, que j'ai beaucoup aimées. D'accord avec toi avec le dernier film de Sofia, que j'ai détesté... sauf Elle Fanning, parfaite, comme dans Super 8 et Twixt. Je suis assez admiratif sur l’extrême précision de ton texte... Bon, tu m'embêtes bien, parce que maintenant, il faut que j'oublie ton texte pour écrire le mien...
RépondreSupprimerMerci :) Je lirai ta critique avec grand intérêt ! On est d'accord sur les scènes oniriques et sur Elle Fanning, seule pépite dans l'insupportable purge de Sofia Coppola.
SupprimerArf, y'en a marre de ces articles pompeux... un peu de simplicité !
RépondreSupprimer>>> allociné.
SupprimerMême sentiment que Simon, qui a presque tout dit de qu'est-ce que je voulais dire.
RépondreSupprimerCeux qui font réf aux frères Coen (ou à Lynch, ou à Burton, ou à je-ne-sais-qui-encore) me semblent un peu à côté de la plaque ! Finalement, aussi improbables soient-elles, celles d'Araki et de Dupieux me semblent plus justes. De votre part, c'est une vacherie ; de la mienne, ce serait un petit compliment : comme Coppola, ces deux cinéastes inégaux (mais que j'apprécie) puisent la matière de leurs films dans la série Z, le nanar ringard... Après, je suis plutôt d'accord avec vous : ils n'ont pas la majesté tranquille, la liberté ou la maturité de Coppola, leur créneau reste la "tyrannie du cool", cette obligation d'être branchés et post-modernes à tout prix, parce que c'est l'époque qui veut ça (un peu comme Tarantino). A l'inverse, Coppola m'a l'air tout à fait à contre-temps, à contre-courant (pour de vrai), n'en ayant visiblement rien à cirer d'être à la mode ou non. Et là je contesterais votre deuxième paragraphe, même s'il est bien pensé : TWIXT est vraiment une oeuvre hors mode, absolument pas adapté à un public contemporain, ou alors à un public très très pointu de cinémathèque et d'apéros en ville. Parce que, justement, il y a un quelque chose en plus par rapport à Araki ou Dupieux, une vraie dinguerie et une profonde noirceur auxquelles on peut difficilement assigner une "étiquette".
Tout ça pour répondre à votre texte, mais en bref j'ai absolument kiffé TWIXT (Coppola ou pas Coppola), c'est une belle oeuvre bizarre, traversée par des moments magnifiques et une Elle Fanning effectivement gracieuse. C'est loin d'être "parfait", et c'est tant mieux. Il est pas un peu long ce commentaire, non ?
Il n'est pas du tout long non, et valait d'être posté. Car j'avoue que l’œuvre de Coppola, même si elle est très balisée et contient nombre d'artifices exemplaires d'un certain cinéma contemporain, ce que je maintiens, échappe au phénomène de mode et de "cool", et ne plaira vraisemblablement pas tant que ça aux jeunes fans des si "cool" Rubber et compagnie. Il n'y a, comme disait Simon, rien de poseur chez Coppola, mais une forme de profondeur oui, de noirceur peut-être, noirceur et profondeur d'image en tout cas, disons une poétique singulière dans les scènes sublimées par la présence du poète Edgar Poe.
SupprimerIl faudra que je revoie le film dans quelques temps, mais à l'heure actuelle, mon sentiment partagé sur le film penche un peu sur le versant négatif, je m'en suis rendu compte en écoutant la bande-annonce à la radio dans une émission quelconque, qui reprend principalement la voix-off inaugurale volontairement sur-jouée de Tom Waits puis la première rencontre entre Baltimore et Elle Fanning dans le bois sur une musique presque agaçante (du moins sans l'image) de berceuse pour enfants. En entendant ces passages je me suis dit que le film était quand même majoritairement raté, trop affecté et lourdingue dans ses parties "réelles" et peinant à faire surgir l'émotion dans ses scènes "révées" à force de second degré ou de grossièreté visuelle, et que je n'avais aucune envie de le revoir. Mais ce n'était qu'une bande-annonce, qu'un bande sonore de bande-annonce, et surtout il me semble qu'il faudra que du temps passe entre la découverte du film et sa re-découverte pour en juger peut-être plus sûrement.
Et moi aussi, le revoir une 2de fois pour revenir (peut-être) sur cette première impression très positive ! La vérité est que le film m'a envoûté alors que j'avais parfaitement conscience de ses baisses de régime, de ses coups de moins bien, de ses quelques cafouillages esthétiques. Il ne faut pas non plus se voiler la face : comme tu l'as très bien dit dans ton texte, le film aborde vaguement des thématiques (le deuil, le temps disjoncté...) qu'il ne creuse pas véritablement en profondeur, un peu comme son intrigue.
SupprimerReste que TWIXT fera sans doute partie de ces oeuvres qui plaisent malgré ses défauts, voire même (un peu) grâce à eux, parce qu'on aura fini par les adopter et les aimer au même titre que ses points forts. Un chouette petit film "malade" et attachant :)
Il est tout à fait possible que je me rallie à ce point de vue dans quelques temps après l'avoir revu oui.
Supprimerj'ai bien failli perdre deux amis en les faisant aller voir ça au ciné...
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé le film. Je suis entré dedans tout de suite et n'en suis jamais sorti. Il m'a même filé l'envie de sourire à plusieurs reprises. Je comprends tout à fait le très grand nombre de spectateurs déçus par la laideur d'une partie du film. Quant à moi, je considère qu'un film dont le personnage est un écrivain populaire, de genre, au rabais et que le sujet du film est l'écriture d'un roman populaire, de genre, au rabais, lesdits effets (dont, pour n'en garder qu'un seul exemple, sans doute le plus fameux, celui de Flamingo débarquant à moto et enlevant la petite fille pour la mordre) me paraissent tout à fait nécessaires, puisque relevant entièrement du sujet. De même, la scène de l'accident de bateau. Rien de plus naturel quand on filme une telle oeuvre et un tel auteur que d'en montrer tous les contours, et donc les plus laids, les plus consensuels, les plus terre-à-terre, les plus caducs (la chute dans le beffroi, sans aucune suite...).
RépondreSupprimerBravo Coppola, superbe film maitrisé de bout en bout, moderne qui plus est et très critique d'une certaine littérature, d'une certaine affaire de création, sans manquer pour elle d'une tendresse réelle. L'un des meilleurs films à ma connaissance sur le processus d'écriture depuis longtemps (je pense comme exemple parallèle au Naked Lunch de Cronenberg).
Je nomine cet article dans la catégorie "meilleur combo de commz 2012" avec comme lauréat Vincent !
RépondreSupprimerJe suis désolée de revenir sur ce sujet si tardivement, je parcourais par hasard cette rubrique. Oh, comme je respecte votre article si bien travaillé. J’ai pris un coup à chaque arguments ad hominem, sans doute parce que j’adore incontestablement Coppola.
RépondreSupprimerJ’suis encore qu’une gamine, une ado mais je ne suis pas d’accord avec tout ce que vous dites. Dans un sens, tout est vrai, et vous le démontrez très bien.
Mais je me permets de souligner la performance de Coppola d’avoir débuté sa carrière en tant que grand cinéaste et de la continuer maintenant en faisant exactement ce qu’il veut sans se soucier des problèmes d’argents.
L’art et essai, c’est difficile à assumer et Coppola fait preuve d’une maitrise des genres. On pourrait s’arrêter à l’effet noir et blanc tâché de subtiles tâches rouges et se dire que, merde, on a déjà vu ça quelque part chez Rodriguez. Mais tandis que Rodriguez et Miller imitaient le film noir, la BD noir, et tout l’univers dessiné de Miller, Coppola s’inspire (d’où Murnau) de l’expressionisme allemand et lui donne même une certaine fraicheur. Cet univers quadrillé, ces plans d’ensembles, tout permet de rappeler avec nostalgie ces grands cinéastes du XXe siècle.
En outre, on a tout au long du film un doute quant à la matière qui le fait. C’est une mise en abime simple mais qui se confond. En fait, j’ai été personnellement perdue, Coppola a réussi à confondre le thème du film et celui du livre : La beauté, la culpabilité, la mélancolie. Poe dit à l’auteur (Chaplin à Kilmer) que le livre devient intéressant lorsque le thème se confond à sa contradiction. Or comme vous le faites si subtilement remarqué dans votre article, Coppola confond tout au long du film beauté et grosseur. Cette laideur, si elle n'est pas volontaire, n'est pas digne de Coppola. On en a vu d'autres, on le sait! Même en matière de vampires! Coppola n'aurait pas pris le temps de faire des erreurs grossières. Certes il y a des maladresses mais l'idée de la beauté tranchée est tellement présente, c'est l'illustration même du thème!
Quant à la première scène du film, elle annonce la couleur ! Elle nous informe que l’histoire va se confondre avec la mise en abime. D’où la voix off. Cela démarre presque comme un conte, comme le début d’une histoire. Et la réalité se mêle sans cesse au rêve, à l’histoire qu’a écrit Kilmer. Au final, à la fin du film, qui peut dire ce qu’il y a dans ce livre ? Son histoire, celle de sa fille ? L’histoire de l’auteur plongé dans cet univers ? Seulement ce que Chaplin racontait ? Tout le monde pourrait avoir sa propre opinion finalement…
Le mystérieux Flamingo est le point-virgule qui nous fait comprendre que, non, il n’y a pas de logique. Flamingo est partout, à la fois dans l’histoire vraie (les vampires qui sont la cause du massacre), dans la réalité (il se fait arrêter) et dans l’histoire (il vient sauver Fanning).
On a l'habitude de cet univers absurde avec Coppola, on ne peut pas dire que ce film est mauvais pour autant! C'est semblable à de Lynch, ici, ce rapport rêve/réalité/culpabilité/ est frappant autant dans twixt que dans Mulholland drive!
De plus, pour les amateurs de Poe et de Baudelaire, ce film est une ode (ou presque)! Un clin d’œil agréable aux thèmes principaux de ces deux poètes. On pourrait se dire que ce n’est pas subtil mais c’est une prosopopée qui souligne seulement les références fréquentes (exemples : Le beffroi; le phare.)
Je ne m’attarderais pas sur la façon qu’a Coppola de traiter le temps, j’ajouterais seulement que c’est la fin que j’ai trouvé un peu bancale. Je l’ai trouvée coupée, comme si Coppola avait voulu s’autocensurer. Pour un film qui est obsédé par la fin, je m’attendais à mieux… ce qui a d'autant plus plombé mon entrain sont les sous-titres explicatifs avant le générique.
Je trouve ce film loin d'être parfait, je défends seulement les points de vues que je trouve injustement discrédités!
Enfin voilà... Je suis désolée du pavé (en retard) En tout cas très belle critique que j’ai lu avec plaisir,
merci !
Il n'y a pas de mal à revenir sur ce film ou sur d'autres "en retard", merci à vous pour ce point de vue détaillé qui se défend et que vous défendez bien.
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