On confond trop souvent Barry Levinson avec l'acteur porno quasi homonyme Harry Levinson, dont la célébrité est due à l'étrange raideur de ses poils pubiens qui donne à son sexe des allures dérangeantes de brouillon de visage humain, au nez anormalement long et aux joues pendantes, recouvertes de grains de Fordyce. Sortons donc de l'ombre de l'imposant Harry, pour mieux nous concentrer sur le brave Barry. Aujourd'hui réalisateur confirmé, Barry Levinson a passé la plus grande partie de sa carrière devant la caméra, en tant que goéland. C'est à dire qu'il jouait des rôles de piafs, mais celui qui lui allait le mieux, ça restait tout de même celui du goéland, étant donné qu'il est lui-même un goéland. Être un goéland, de dimensions modestes et d'aspect agréable à la rétine, lui a permis d'interpréter une trentaine d'espèces d'oiseaux marins de la famille des laridés, appartenant au genre Larus. Ça lui offrait un choix de rôles possibles très élargi car toutes les scènes de films côtières, portuaires ou insulaires étaient ainsi à sa portée.
Barry Levinson a d'abord trouvé plusieurs rôles dans des films de bateaux et, plus généralement, dans de nombreux films dont l'action se situait dans des villes littorales ou autres stations balnéaires. Le rôle qu'il a le plus souvent incarné est celui de la mouette de type portuaire et de caractère quasi domestique, dans des œuvres où il était seulement un bref figurant. Une petite tranche de pain suffisait à Barry Levinson pour le faire accepter un rôle, il n'avait jamais craint l'homme et il appréciait plutôt sa compagnie. Son obéissance et sa fidélité, maintes fois témoignées et remarquées, sont deux qualités qui ont tout de suite tapé dans l’œil des grands studios hollywoodiens. Ces derniers ont donc choisi de lui offrir, en 1973, le premier rôle d'un film taillé sur mesures, je veux bien sûr parler de l'adaptation filmée du célèbre livre Jonathan Livingston le Goéland (en vo : Jonathan Livingston Seagull, littéralement "Jonathan la pierre-vivante goéland", titre riche en paradoxes dont l'analyse s'avèrerait sans doute passionnante). Le rôle de sa vie. Celui qui fit taire à jamais tous ceux qui avaient déjà pu dire du mal de Barry et le traiter par différents noms d'oiseaux, lorsqu'il lui arrivait par simple maladresse de déféquer sur les plateaux. Contrairement à l'homme, un oiseau ne contrôle pas la rétention de ses fientes, tenez-vous le pour dit, et ayez à présent un brin d'indulgence pour nos amis ailés.
Grande oeuvre littéraire métaphorique véhiculant un message de paix qu'il serait bon de nous remémorer aujourd'hui, Jonathan Livingston le Goéland est devenu, transposé sur grand écran, un film à part dans la courte Histoire du Cinéma. Jonny le goéland y apparaît comme un individu à contre-courant, désireux de se battre pour sa liberté et devant faire face à l'intolérance de ses congénères à becs. Prouesses techniques et beauté scénaristique ne font qu'un, dans un film dont la forme si chiadée et majestueuse n'est que l'évident reflet d'un fond qui fera toujours sens. Jonathan Livingstone le Goéland est un miroir placé devant le spectateur. Il faut s'aimer soi pour aimer le film ; mais dans tous les cas, il ne vous laissera pas indifférent. Il faut également saluer le travail formidable de l'ambitieux cinéaste Hall Bartlett, qui a littéralement vécu au milieu d'un poulailler dégueulasse pendant 1 an à des seules fins artistiques. Jusque là symbole de bêtise du fait de la petitesse de son cerveau, le Goéland devient, grâce à Jonathan Livingston et l'interprétation parfaite de Levinson, le symbole de la liberté. On étudie l’œuvre littéraire et son adaptation cinématographique à l'école, et plus particulièrement en cours d'anglais (le film étant muet).
Grand succès critique mais véritable flop dans les salles, où le film n'était tout simplement pas diffusé du fait de l'absence d'acteurs humains (qui gênait à l'époque, mais qui n'étonne plus aujourd'hui, depuis les ras-de-marée de films comme Microcosmos ou Ice Age), Jonathan Livingston le Goéland a tout de même apporté un statut inédit et un crédit sans précédent à l'oiseau marin le plus connu d'Hollywood, j'ai nommé Barry Levinson. Ce film a été le véritable déclic pour le lancement d'une nouvelle carrière. Barry décide dans un premier temps d'enchaîner les rôles, pour asseoir sa réputation. On l'a ainsi retrouvé, en vrac, dans Get Carter, Get Shorty et Get Drunk (pour ne citer que les films commençant par le mot "Get" où il effectue des courtes apparitions non-créditées), qu'il a tourné coup sur coup, volant d'un plateau à l'autre, sans pause café. Son rêve de gosse se réalise quand il interprète le rôle d'un vautour dans un sombre western pour les besoins duquel chacune de ses plumes du être recolorée en brun, un film qui resta cependant un mauvais souvenir puisqu'il souffrit beaucoup sur le tournage d'une adversité conflictuelle avec un corbeau de mauvais augure.
Malgré toute sa réussite, Barry Levinson n'était pas entièrement satisfait. Silencieusement et sereinement, il pensait à la réalisation, lui qui avait pris des notes et retenues les leçons sur tous les nombreux films auxquels il avait passivement participé. Sa carrière de réalisateur pris son envol avec Good Morning Vietnam, un film dans lequel il traite avec humour et cynisme de la guerre du Vietnam, un sujet qu'il connait bien, pour l'avoir lui-même vécu, étant donné qu'il couvait sur les côtes vietnamiennes lors des premiers assauts menés par les troupes américaines. C'est seulement un an plus tard, quand il réalise Rain Man, dont le sujet ne l'intéressait pas mais dont il avait très vite perçu le fort potentiel commercial à travers cette histoire d'amitié touchante entre un trisomique et un pédéraste, que Barry Levinson confirme aux yeux des professionnels de la profession qu'il est bel et bien un réalisateur d'envergure, malgré son autonomie réduite du fait de son physique de piaf ordinaire.
Levinson est ainsi devenu un réalisateur reconnu, mais toujours en marge du système, ne serait-ce que par sa seule situation de cinéaste à bec. Il s'est récemment fait remarquer en signant le scénario et en participant au tournage du Peuple Migrateur, qui était en réalité un simple récit de voyage, dans lequel il pointait du doigt les conditions précaires de la vie des grues, canards, cigognes, oies et autres oiseaux migrateurs. C'est Barry qui a rendu le film possible en mettant d'accord ses potes à plumes pour qu'ils acceptent de se remettre à migrer seulement lorsque les caméras fonctionnaient. Depuis ce film, sa carrière bat de l'aile. Évidemment.
Jonathan Livingston le Goéland de Hall Bartlett avec Barry Levinson et d'autres goélands (1973)
C'est très drôle, c'est génial, c'est insensé, c'est plein d'anecdotes à ressortir pour briller en soirées.
RépondreSupprimerC'est différent, c'est un portrait à béqueter en petit déj'.
RépondreSupprimerGénial, j'adore!
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