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15 février 2012

Millenium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Nom de code : Poulpard. Profession : pigiste freelance deluxe. Mission : aller voir Millenium. C'est en effet à moi que l'on a donné la mission d'aller voir ce film, les deux rédacteurs principaux, Félix et Rémi, m'ayant dit d'une seule voix "Dégage voir ce film et arrête de nous faire chier avec ta post-thèse à la con". Comme Avira Free Antivirus venait de m'apprendre que mon ordi était vérolé jusqu'à la moelle, j'ai tout perdu, toutes mes données de thèse, de post-thèse et tous mes précieux movies dont Millenium dans une version "cam" hongroise de toute beauté. Ça m'apprendra à cliquer sur des liens intitulés "Horny slut backdoor" ou "Anally assaulted by huge black jackhammer". J'ai donc été obligé d'aller payer pour voir ce film... (imaginez toute la rancœur du monde dans ces trois points de suspension, surtout pour aller voir un Fincher).
 
Le Tank voue un culte malsain à cet homme... Est-ce parce qu'il a la tronche d'un mec qui a l'habitude d'aller au carwash pour son hygiène corporelle ? Ou bien le coup des lunettes sur le bonnet ?
 
De Fincher donc, j'ai vu récemment The Social Network en compagnie de mon mentor dans tout ce qui a trait à la Vie, le Tank. J'ai donc décidé d'aller voir Millenium avec lui et cette fois-ci dans une véritable salle de cinéma, pas par le biais d'un divx frelaté sur la télé littéralement tombée du camion du Tank. Le Tank est la preuve vivante que l'adage de Nietzsche "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort" est faux. Il en est l'antithèse, la preuve que c'est une foutaise. C'était la première fois que le Tank allait au cinéma depuis Il était une fois dans l'Ouest, à l'époque où il avait encore ses deux jambes. Il a mis un point d'honneur à se "faire toute la filmographie de Fincher" comme il se plait à me le répéter, et c'est bien parce qu'il s'agissait de ce réalisateur qu'il a rassemblé tout son courage pour affronter la lumière du jour et la pénombre d'une salle de cinéma remplie de spectateurs hostiles à son égard. Le Tank, pour le jeune d'aujourd'hui, représente l'horreur de la guerre. Depuis Diên Biên Phù, il n'a pas réussi à se débarrasser de l'odeur de napalm et de celle, plus dérangeante encore, de chair viet grillée. Imaginez que même le clochard tellement ivre qu'il en est violet et semble avoir été harcelé par une meute de chiens toute une nuit, même ce clodo-là se traine vers le trottoir opposé pour éviter de croiser le Tank. Un jour un enfant a regardé le Tank dans les yeux. Cet enfant s'appelait Khaled Kelkal... 
 
Daniel Craig passe tout le film à lire la saga Millenium pour rattraper son retard. Du jamais vu !
 
La principale raison pour laquelle j'ai convié le Tank à aller voir Millenium au cinéma, en lieu et place de ma bonne et douce amie, c'est parce que grâce à lui, j'accédais aux places handicapées, ce qui me garantissait de ne pas me retrouver avec un joueur de la NBA devant moi. Grâce au Tank et à son odeur insoutenable pour le commun des mortels, j'ai pu jouir du film dans les meilleures conditions. Et je vous avoue qu'il ne m'a pas déplu. Malgré ses 2h40, qui m'ont obligé à procéder au remplacement de la vessie artificielle du Tank vers la moitié du métrage, Millenium semble être bien plus court grâce à un rythme soutenu qui permet de suivre ce thriller avec plaisir. Là où David Fincher se prenait les pieds dans le tapis avec Das Social Network et s'endormait avec Zodiac, il semblerait qu'avec Millenium, il ait compris que pour que ça marche dans la durée, il vaut mieux éviter d'être bavard et chiant. Je ne sais pas si le Tank est de mon avis. Les seules réactions que j'ai pu noter de sa part ont eu lieu lors des deux scènes les plus choquantes du film. 
 
Un homme, une vie, un rôle. Le rôle d'une vie pour Daniel Craig qui nous donne l'impression ici de lire un roman policier scandinave dans son salon au coin du feu, tout en écoutant John Coltrane sur ses baffles Elipson. Quel acteur.
 
Le Tank est mon ami. Mais je sais qu'une bête sommeille en lui. Diên Biên Phù, Saigon, Bab el Oued, Brazzaville, Léopoldville... Autant de batailles perdues, autant d'organes et de membres laissés sur le champ de bataille. Ici un bras, là-bas un testicule, ailleurs la rate, ci-contre le rein... On peut dire que le Tank a donné de sa personne, même si la plupart du temps, ce sont les vautours et autres coyotes qui en ont profité. Et pour tout cela, le Tank mérite le respect et la plus grande indulgence. Mais bon, il m'a quand même mis mal à l'aise lors de la scène-choc de Millenium, lorsque le personnage incarné par Rooney Marapace subit les coups de butoir de son tuteur "dans le mauvais garage". Le Tank m'a alors demandé précipitamment de filmer la séquence pour qu'il puisse "se la refaire en solo". Il m'a contraint à le faire avec mon téléphone portable dernier cri malgré le côté illégal de la chose et la pression due à la vigilance extrême des vigiles torves et sournois du Pathé. 
 
Une capture d'écran toute en pudeur de la fameuse scène qui a scandaleusement émoustillé le Tank. Je ne le suis pas dans cette pente glissante. Il n'est pas guéri.
 
Ma plus grosse crainte vis-à-vis du Tank était que la durée du film, 2h40, pose un problème de logistique puisque ses capacités d'abstinence à toutes formes de drogues dures restent très limitées malgré ses cures de désintox à répétition. J'avais donc apporté au cas où sa cargaison de remontants, dissimulés dans des bouteilles de Freeway-Cola pour éviter que les vigiles nous empêchent l'accès à la salle (chez Pathé, le vigile est particulièrement fourbe et vicieux). Cela s'est avéré très utile pour "tenir la bête en respect" mais je pense que ça a fortement altéré ses capacités de concentration et d'abstraction. Alors que je sortais du film et que je poussais le fauteuil du Tank, celui-ci s'est mis à fredonner "Peux-tuuuuuuuuu ressentir l'amour ce soir ? Todoudou doudou toutou". Il avait passé une bonne soirée mais je ne sais pas s'il aurait pu me résumer même sommairement l'intrigue de Millenium. Puis il a ajouté "C'est quand même un triste gars Francis Huster". C'est là que je me suis demandé autour de quelle planète il avait pu graviter durant toute la séance. Pensait-il au cul de Cristiana Réali ?


Millenium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes de David Fincher avec Daniel Craig et Rooney Mara (2011)

10 avril 2008

Deux jours à tuer

Le nouveau cru de Jean Becker est un Jean Becker pur jus. Au début du film Antoine (Albert Dupontel), publicitaire pour yaourts, envoie copieusement se faire foutre son patron et ses collègues lors d'une réunion marketing, quittant par la même occasion son job et revendant ses parts à un de ses collaborateurs, qu'il traite de connard. Sur le chemin du retour il envoie chier tout le monde, dit ses quatre vérités à qui ne veut surtout pas les entendre. Arrivé chez lui, sa femme (Marie-Josée Croze) lui fait une scène : sa meilleure amie l'a vu en compagnie galante. Il admet l'évidence et, après l'avoir envoyée caguer, explique à sa femme qu'il n'en peut plus de cette vie bourgeoise bien rangée, impeccable, pleine de fric et d'ennui. Le climax de ce ras-le-bol arrive avec une grande scène de repas d'anniversaire (celui d'Antoine), où notre Dupontel de rêve crame tous les amis de la famille les uns après les autres, survolté, à tel point que le repas se finit dans le sang. Enfin, on n'est pas non plus dans Bernie, mais disons que les convives en viennent largement aux mains. Après ça Antoine décide de quitter les siens, qui le font chier, pour toujours. Il part en Irlande, retrouver son père qui l'a abandonné quand il avait 13 ans et qu'il n'a pour ainsi dire jamais revu depuis, sans doute pour aller lui dire qu'il l'emmerde et qu'il peut aller chier.




Alors je vais vous raconter la fin, donc ceux qui n'aiment pas ça peuvent cesser de lire ces lignes. Rien de bien surprenant non plus. À la fin du film on découvre (pour les plus naïfs, parce que des indices flagrants jalonnent quand même le film, personnellement je me suis fait cueillir comme une fleur), qu'Antoine est mourant, il est atteint d'un cancer en phase terminale, il ne lui reste que quelques jours à vivre (et à tuer). Il a fait tout ça certes un peu pour vider son sac (à ses collègues et faux amis pleins de pognon), avant de crever, mais surtout pour préserver ceux qu'il aime (sa femme et ses enfants) en le dégoûtant de lui, pour ne pas qu'ils le pleurent et pour éviter qu'ils le voient dépérir (à ce titre, sa supposée maîtresse n'était que son docteur et une bonne amie, interprétée par Alessandra Martines).




On perd énormément avec cette fin. On perd l'idée que ce personnage ouvre soudain les yeux sur la connerie générale qui caractérise ses amis et décide de les envoyer paître et de vivre vraiment. Il ne fait tout ça que parce qu'il va mourir, sans quoi il aurait donc continué à subir des dîners minables entouré de raclures finies. Et puis on parle du grand courage du personnage principal, mais ça se discute. Et si j'étais sa femme je ne le détesterais que davantage de ne pas avoir passé ses derniers jours avec ses enfants et de ne pas avoir laissé la femme qui l'aimait lutter avec lui jusqu'au bout. D'ailleurs à un moment Antoine traite ses gosses comme deux merdes afin de passer pour un salop auprès de sa femme, et s'il va s'excuser auprès de sa grande fille avant de partir, le pauvre gamin quant à lui aura toujours le dernier souvenir de son papa se foutant de sa gueule en mémoire. Sans compter que c'est complètement surréaliste comme réaction : le type se sait au bord de la mort et au lieu de profiter des siens et de leur dire combien il les aime, il se fait passer pour le dernier des enculés. Becker donne dans la science-fiction pure et dure, mais pourquoi pas. Le dvd de ce film est à ranger entre Rencontre du 3ème type et Zardoz dans votre dvdéothèque.




Jean Becker a ce travers qu'il se sent forcé de conclure tous ses films par un coup sec et rapide de faux dans la gueule du spectateur, signant le triomphe de la mort. Dans Les Enfants du marais Michel Serrault passe l'arme à gauche avant le générique de fin. Et si c'était un peu plus légitime dans Effroyables jardins, on avait à nouveau droit à une mort soudaine et rageante dans Dialogue avec mon jardinier. Les deux films sont particulièrement à rapprocher de ce point de vue. Tout du long, on se marre sans arrêt, le ton est gai et les acteurs en roues libres (Auteuil et Darroussin dans le premier, un Dupontel les doigts dans la prise ici), et puis à la fin, comme si on avait trop ri, le personnage principal se trouve frappé d'un cancer incurable et clamse en deux jours. Voilà qui devient plus que lassant. Becker dit mettre tout ce qu'il aime dans ses films : la nature, la pêche à la mouche (on y aura toujours droit), les bons amis, le bon vin, la bonne chaire, les clebs (y'a un nombre pas croyable de clébards à l'image), la rigolade, mais il oublie de dire qu'apparemment il adore aussi les macchabées.




J'imagine le vieux Becker quand il passe des soirées entre amis : tout se déroule dans la bonne ambiance, on se marre comme des baleines, on boit du vin rouge à flots, on bouffe comme des chiens, on se tape dans le dos en se racontant des histoires de cul dégueulasses, et à la fin de chaque repas, dès après le digestif, le vieux Jean se lève et dit "Au fait, vous vous souvenez d'un tel ? Eh ben il est mort", avant de se tirer comme un prince, d'aller se coucher. Ma grand-mère fait ça aussi. Elle adore ruiner l'ambiance en annonçant soudain une ou plusieurs morts récentes parmi les gens du quartier, sans raison. Pas un repas familial qui ne se conclue pas sur un coup de tocsin. C'est leur came, à ma mémé comme au Jeannot Becker. Tout est beau, tout est ensoleillé, et rask ! À la fin le héros meurt en dix minutes. C'est pas marrant marrant pour les potes à Becker qui n'ont jamais fini un repas en paix. Ceci dit, à part cette fin à tiroir couperet habituelle et épuisante, et hormis un scénario de SF donc, le film se laisse apprécier. Très principalement grâce à Albert Dupontel, que je rapprocherais volontiers d'un Yvan Attal ou d'un Clovis Cornillac, ces acteurs surdoués ou sous-doués, on l'ignore, toujours un peu à côté du ton, toujours en pentes raides, toujours délicieusement drôles quand il ne faut pas. Dupontel est de tous les plans et ce film offre un florilège de son grand (manque de ?) talent.




Nous sommes allés le voir à une avant-première, en présence de Jean Becker, Albert Dupontel et Marie-Josée Croze. Je n'ai pas posé de questions pendant le débat, mais si j'avais dû m'exprimer, j'aurais demandé à Jean Becker d'arrêter de faire crever ses héros à la fin de chacun de ses films, et de continuer à faire des séquences entières dédiées aux chiens. J'aurais dit à Albert Dupontel (qui a été drôle plus d'une fois durant le débat, plus souvent que dans tous ses spectacles réunis) que c'est mon idole ET ma nemesis, et je l'aurais supplié d'arrêter de faire des films pour continuer à nous régaler de son génie comique dans ceux des autres. Et j'aurais juste dit à Marie-Josée Croze, avec toute la courtoisie qui me caractérise, qu'elle est sous-exploitée par le cinéma français et que Jean Becker (comme tous les autres réalisateurs avec qui elle a tourné) a beaucoup de mérite d'avoir réussi à l'enlaidir vu qu'elle est toujours terne dans les films, celui-ci compris, alors qu'en vrai mazel tov.


Deux jours à tuer de Jean Becker avec Albert Dupontel et Marie-Josée Croze (2008)