Où s'arrête la passion et où commence le professionnalisme ? A chacun de ses nouveaux films, Ridley Scott pose la question et nous pousse dans nos derniers retranchements de blogueur ciné animé par notre seule cinéphilie. Comment pouvait-on d'abord juger Prometheus vierge de toute idée préconçue, sans le considérer comme un prequel à Alien, sans le comparer aux glorieux films de la saga, en faisant fi de l'attente et de l'espoir suscités ? Impossible. Il aurait fallu venir d'une autre planète pour regarder Prometheus sans penser à tout ça, pour uniquement le voir comme un simple nouveau film de SF. Nous sommes pourtant persuadés que même en tant que tel, Prometheus schlingue à mort des pieds. Mais, il y a un mais, nous ne pourrons jamais savoir ce qu'on en aurait pensé avec l'esprit totalement nu, neutre et ignorant. On a notre petite idée, notre grosse conviction, mais en réalité, on ne saura jamais. C'est comme ça. En ce qui concerne Cartel, c'est une autre affaire. Ridley Scott nous teste encore une fois, mais tout à fait différemment.
Le vieillard ouvre son film sur une scène plutôt alléchante, littéralement, puisqu'elle nous propose un moment d'intimité entre Michael Fassbender et Penélope Cruz, sous les draps, s'adonnant à quelques pratiques peu catholiques, le bellâtre caressant la bombe espagnole et l'incitant à prononcer d'inoffensives vulgarités. Devant ça, on regarde, forcément, Cruz reste Cruz, on mord à l'hameçon. Nous sommes piégés... Le test à proprement parler survient quelques minutes après, avec cette scène interminable où Micha Fassbender se rend chez un bijoutier néerlandais en vue d'effectuer une onéreuse acquisition. Pendant une demi plombe, le vieux commerçant vend sa camelote à Fassbender, qui devrait décidément mieux choisir ses cinéastes fétiches. Nous avons ainsi droit à une description extrêmement détaillée et riche en termes techniques propres à la joaillerie de quelques diamants dont on se fout éperdument, chacun inspectés à la loupe. On est comme aspirés dans un gouffre temporel où plus rien ne compte en dehors de sauver sa peau et s'extirper de la situation de n'importe quelle façon. Ça paraît pensé et conçu pour flinguer des soirées, pour achever des journées, même les plus belles. C'est assommant, étouffant et filmé comme s'il s'agissait des transactions cruciales entre d'infréquentables mafieux usant de leur droit de vie ou de morts sur leurs sujets, ou d'éminents dirigeants sur le point de décider d'une prochaine guerre nucléaire.
Ce que j'ai vu de Cartel est vraisemblablement un hommage visuel appuyé au frère disparu de Ridley, Tony, puisque la photographie semble directement emprunté à Domino ou une saloperie du genre. C'est un défi, une vraie expérience de cinéma. J'ai fini par couper net. Pur réflexe d'autodéfense. C'est mon système immunitaire qui a pris le dessus. Je suis désolé. Ma passion s'arrête là, à la 18ème minute de Cartel, et je défie tout cinéphage de faire mieux que moi.
Ce que j'ai vu de Cartel est vraisemblablement un hommage visuel appuyé au frère disparu de Ridley, Tony, puisque la photographie semble directement emprunté à Domino ou une saloperie du genre. C'est un défi, une vraie expérience de cinéma. J'ai fini par couper net. Pur réflexe d'autodéfense. C'est mon système immunitaire qui a pris le dessus. Je suis désolé. Ma passion s'arrête là, à la 18ème minute de Cartel, et je défie tout cinéphage de faire mieux que moi.
Cartel de Ridley Scott avec Fassbender, Cruz, Diaz, Bardem et Pitt (2013)