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19 septembre 2020

Le Diable, tout le temps

Adapter avec succès le bouquin de Donald Ray Pollock requérait les talents d'un cinéaste particulièrement doué et subtil, doté d'une personnalité assez forte pour s'émanciper d'un matériel de base potentiellement écrasant. Encensé par la critique à sa sortie en librairie en 2011, Le Diable, tout le temps, plongée noire de chez noire dans l'Amérique profonde, white trash, abrutie par la religion, peuplée de tueurs, de violeurs et autres fous amenés à se croiser pour mieux s'entretuer, était une lecture âpre et difficile. La plume acérée de Pollock inspirait facilement son lot d'images et de scènes marquantes et on ne pouvait s'empêcher d'imaginer et d'anticiper le film qui finirait forcément par en découler un jour. L'attente ne fut pas bien longue et c'est curieusement à l'ancien avant-centre brésilien du RC Strasbourg, Antonio Campos, que le projet a échu. Il s'agit du quatrième long métrage du bonhomme et nous étions prêt à lui faire confiance malgré tout. Un casting plutôt bien garni (encore qu'il ne faille pas en faire trop autour de types comme Tom Holland, Jason Clarke et Bill Skarsgård, qui ont accompli à peu près que dalle en termes d'acting et en tant qu'être humain en général) venait compléter le tableau pour essayer de nous appâter, de nous faire croire en quelque chose de possible. C'est enfin sur Netflix que le film a terminé, ce qui n'est évidemment jamais bon signe mais, période de crise sanitaire oblige, on pouvait expliquer ainsi cette funeste destinée.




Quelques minutes suffisent à être convaincu que la place d'Antonio Campos n'est pas derrière une caméra mais plutôt à la pointe haute d'un système en 4-4-3 classique, avec deux ailiers rapides à ses côtés l'approvisionnant en centres aériens pour mieux tirer partie de son gabarit imposant et de son profil dit de "renard des surfaces". C'est ainsi que le gaillard a effectué sa meilleure saison sous les couleurs du SC Corinthias en 92-93, avec 3 buts dont autant de penaltys et 2 passes décisives en 18 matchs, tapant dans l’œil des recruteurs alsaciens, qui avouèrent un peu plus tard qu'ils recherchaient avant tout quelqu'un capable d'animer le vestiaire, alors bien morne, de la Meinau. Mais recausons cinéma, car ce truc-là est bien supposé en être. Parasité du début à la fin par la voix off sursignifiante et explicative de Donald Ray Pollock himself, Le Diable, tout le temps est d'une platitude terrible et ne parvient strictement jamais à décoller. On a l'impression de subir de nouveau les pires événements du bouquin en étant cette fois-ci soumis à la vision médiocre d'un type à l'imagination ultra limitée. La narration de l'écrivain, qui permet toutefois de suivre tout ça en restant actif sur les réseaux sociaux sans jamais être largué, appuie encore la désagréable sensation de mater un film totalement prisonnier du livre, qui n'arrive jamais à s'en détacher. Antonio Campos passe d'un personnage à l'autre sans jamais produire cet effet, ce léger vertige, que parviennent à atteindre les films choraux de ce genre quand ils sont vraiment réussis et qu'un maître est à la baguette (je n'ai pas de contre-exemples à vous proposer, mais rappelez-vous que je fais ça bénévolement). On a ici plutôt l'impression de regarder une succession d'épisodes de mauvaise série télé, mise en boîte avec l'application d'un élève sérieux, pas méchant, qui fait de son mieux, mais sans aucun génie ni idée. Y'a pas à dire, ce film-là a tout à fait sa place dans le répertoire de Netflix !




Les acteurs ne rehaussent guère le niveau, sans doute très mal dirigés par le natif de São Paulo, plus connu pour l'atmosphère agréable qu'il entretient sur le plateau. Leurs accents de rednecks forcés sont très durs à supporter, en particulier celui de Bill Skarsgård qui a l'air de chercher absolument à aboyer dans sa gorge plutôt qu'à déblatérer naturellement. Robert Pattinson ne fait guère rêver non plus, s'obstinant à avancer encore davantage sa mâchoire inférieure, peut-être dans l'espoir de se donner une crédibilité en révérend du Midwest obsédé par les jeunes rousses. Il fait pitié. Il est aussi déprimant de voir Riley Keough et Mia Wasikowska réduites à de telles rôles. Seul Jason Clarke ne déçoit pas puisqu'il est aussi détestable que d'habitude. Plus étonnant, si l'on frôlait constamment l'overdose de sordidité et d'horreurs à la lecture des pages si sombres de Pollock, qui n'y allait pas de main morte pour nous dresser les portraits d'une galerie de tarés et nous raconter leurs actes odieux, le film d'Antonio Campos paraît très sage, inoffensif et insignifiant. L'histoire et les faits sont inchangés, il y a bien quelques atrocités qui sont commises à l'écran, mais on s'en fiche, tout simplement. Aucune ambiance, aucun souffle, aussi nauséabond soit-il, ne s'échappe de la mise en scène insipide du réalisateur et des deux longues heures glauques qui nous attendent. Face à un si triste et pâle résultat, on en vient à se demander quel cinéaste encore en activité aurait pu s'en dépatouiller et proposer une œuvre à part entière, digne d'intérêt. Entre les mains des frères Coen, le deuxième livre plus réussi et respirable de Pollock, Une mort qui en vaut la peine, pourrait peut-être donner quelque chose. Mais nous revoilà plongés dans nos rêves de spectateurs, hélas bien éloignés de la réalité actuelle du cinéma américain. 


Le Diable, tout le temps d'Antonio Campos avec Tom Holland, Jason Clark, Riley Keough et Robert Pattinson (2020)

8 juillet 2020

The Lodge

Une petite fille et son ado de grand frère (Jaeden Martell et Lia McHugh) se retrouvent coincés dans un grand chalet isolé avec celle qu'ils estiment être la cause directe du suicide de leur maman : la nouvelle petite-amie de leur père. Celle-ci, incarnée par Riley Keough, est l'unique survivante du suicide collectif d'une secte millénariste et s'avère donc encore assez fragile et instable psychologiquement. Les deux gosses vont-ils échafauder un plan machiavélique pour se débarrasser de celle qui s'apprête à devenir leur belle-mère ? Cette dernière va-t-elle sombrer progressivement dans la folie et s'en prendre aux enfants ? Ou bien va-t-il s'agir d'autre chose : une menace extérieure, la maison est hantée, etc ? Le film joue longtemps sur les différents tableaux, trop longtemps sans doute, car, à force de cacher son jeu, il peine à nous intéresser complètement, même s'il ne nous perd jamais totalement. Toujours un brin masochiste sur les bords et très durs, Veronika Franz et Severin Fiala, déjà coupables du bien trop douloureux et hanekien Goodnight Mommy, n'ont pas beaucoup changé, mais ils sont tout de même en progrès et leur nouveau long métrage est moins austère et pénible que le précédent, qui avait eu le don de me foutre de mauvais poil.




La musique, à grands coups de violons stridents et de plages dissonantes, les thèmes, abordés de front, sous fond de deuil familial et de religion sectaire, et nombre de motifs visuels, comme notamment cette maquette, réplique exacte du chalet où sont enfermés les personnages : tous ces éléments font que l'on pense inévitablement, et dès la toute première image, à Hérédité, titre décidément marquant de l'horreur récente, malgré tous ses défauts, et que notre duo de cinéastes autrichiens a dû particulièrement apprécié, au point, chose étonnante, d'accepter d'évoluer dans son ombre du début à la fin alors qu'il paraît évident qu'aux yeux des amateurs conquis par Ari Aster, The Lodge souffrira de la comparaison. Soit dit en passant, ils adressent également un hommage sympathique à The Thing, qui est tout naturellement le film que notre trio, condamné à l'autarcie au milieu d'un paysage immaculé, choisit de regarder ensemble. S'inscrivant donc dans l'horreur sectaire, tellement en vogue depuis des années, et marchant sur les plates bandes de bien d'autres films d'isolation où la terreur est avant tout psychologique, The Lodge échoue à trouver son identité propre et à sortir du lot.




Veronika Franz et Severin Fiala pensent de nouveau nous impressionner en nous assommant d'entrée de jeu (le suicide de la mère des enfants est montré sans chichi, le plus simplement du monde), en nous étouffant par un rythme lent et une ambiance lourde, en accumulant les détails sordides et en évitant de peu de procéder à une sorte d'empilement de souffrances chez les protagonistes, encore soumis à de sacrées épreuves et autres traumatismes. Le résumé de leur histoire pourrait être le suivant : la religion, c'est de la merde et ça peut rendre complètement maboul, surtout quand elle est inculquée dès le plus jeune âge. Au bout du compte, tout cela est assez simple, mais racontée de manière particulièrement tordue. On peut regretter que le film peine à décoller et à convaincre pour de bon, malgré toute l'application, parfois un poil forcée, de Franz et Fiala, qui apportent un soin évident à leur mise en scène aux petits effets savamment calculés, leur style étant chiadé, presque maniéré.




Les acteurs font eux aussi tout ce qu'ils peuvent. Les deux ados sont pas mal du tout, en particulier le jeune Jaeden Martell, à la tronche lunaire désormais familière, lui qui avait commencé devant la caméra peu inspirée de Jeff Nichols dans Midnight Special et qui a tourné depuis dans les deux tristes chapitres de Ça et le sympathique Knives Out. Le visage particulier de Riley Keough est bien exploité par les réalisateurs, qui la filment sous toutes les coutures, dans ces angles parfois un peu caricaturales chers au cinéma de trouille. L'actrice s'en tire plutôt bien dans un rôle compliqué et démontre encore une fois son appétence pour le cinéma de genre indé, elle que nous avions déjà croisé dans le décevant It Comes at Night. On espère la voir un jour dans un film d'horreur réellement réussi, où sa présence et son charme ambivalents nous marqueront davantage.




Terminons sur une note anecdotique mais positive. Ce que j'ai préféré là-dedans, c'est une petite idée sonore toute bête mais brillante. Quand, à son arrivée sur les lieux, Riley Keough monte les escaliers du chalet pour apporter ses affaires dans sa chambre, elle fait traîner sa valise à roulettes sur les marches puis le plancher, produisant un vacarme particulièrement désagréable. Le chalet étant encore plongé dans l'obscurité et le cadrage choisi rendant la scène difficile à cerner, on en vient aussi à se demander si Riley Keough ne trimballe pas déjà un cadavre ou autre chose de glauque et morbide. C'est un détail, mais c'est bien vu. Et il est amusant de constater que, malgré tous les efforts bien visibles déployés par les auteurs de ce film, l'angoisse et le trouble naissent du simple bruit d'une valise à roulettes. Maudites valises à roulettes...


The Lodge de Veronika Franz et Severin Fiala avec Riley Keough, Jaeden Martell et Lia McHugh (2020)

1 octobre 2018

Aucun homme ni dieu

On se demande parfois pourquoi le nouveau film d'un réalisateur un peu en vogue finit sur Netflix. C'est tout simplement parce qu'il y a anguille sous roche, en général, et même les phénomènes de hype, aussi éphémères soient-ils, cachent de sacrées arnaques, à l'image du ridicule Annihilation. Aucun homme ni dieu (Hold the Dark) a quant à lui bénéficié d'un accueil assez frileux et c'est tout à fait compréhensible vu le résultat. Le dernier long métrage de Jeremy Saulnier est clairement ce que le cinéaste a fait de pire, lui qui avait auparavant connu les honneurs de projections spéciales dans les plus grands festivals pour des films que je ne porte guère dans mon cœur mais qui se tenaient tout de même bien mieux que ça.


Pas sûr que cette image soit issue du film, mais c'est l'Alaska...

Car on tient-là un thriller très brouillon et assez bête, où Jeremy Saulnier, qui tourne déjà en rond après trois petits films, nous dépeint encore une fois l'Amérique profonde, sa violence qui ne demande qu'à éclater, sa passion pour les armes à feu et ses terribles fractures... C'est souvent un bon prétexte à quelques grosses fusillades et autres affrontements sanglants. Jeremy Saulnier s'intéresse ce coup-ci à l'Alaska et aux tensions qui grandissent entre des populations autochtones remontées à bloc vivant dans des villages reculés et la flicaille incompétente des métropoles. Étant donné le contexte, les paysages enneigés, les journées écourtées et tout ce qui va avec, cela aurait pu déboucher sur un thriller solide à l'ambiance travaillée. Cet espoir est hélas bien vite anéanti.


Riley feint de chercher d'éventuels restes de son gosse pour les montrer à Jeff

Il s'agit de l'adaptation d'un bouquin du même nom signé Thierry Giraldi, un livre de nature writing qui doit sans doute valoir le coup mais que l'on a aucunement envie de lire une fois le film subi. Le scénario est signé Macon Blair, le collaborateur habituel de Saulnier, acteur principal de Blue Ruin, également présent dans des rôles de moindre importance dans Green Room et celui-ci. En voici le point de départ : suite à la disparition d'une paire de gamins moches, les loups, très nombreux dans le coin, sont pointés du doigt. Un spécialiste (Jeffrey Wright) est appelé à la rescousse par une mère éplorée (Riley Keough) pour mener l'enquête et revenir avec la fourrure du coupable (ou de n'importe quel loup, ça fera l'affaire). Une fois arrivé sur les lieux, le gars pige vite que les loups n'y sont pas pour grand chose ; le retour au pays du père du dernier gamin disparu, qui a tourné psychopathe en Irak, va encore compliquer la situation...


Jeff, parti pour une journée de rando inutile à -30°C à la recherche de loups qui n'ont rien demandé

Jeremy Saulnier veut plaire à son audience habituelle en mêlant les genres (polar, western) et en louchant de nouveau du côté du cinéma d'horreur et plus exactement du slasher, avec cet imbécile d'Alexander Skarsgård (quel mauvais acteur, sans déconner...) évidemment plus à l'aise sous un énorme masque en bois issu des traditions indiennes quand il s'agit de tuer à distance avec un arc et des flèches ou de poignarder violemment lors de scènes de mise à mort qui raviront peut-être les amateurs. En ce qui me concerne, j'ai dû passer l'âge et je ne fais qu'imaginer le champ de vision extrêmement réduit de notre boogeyman de pacotille. Mais Jerem' Saulnier veut ainsi nous montrer comment la guerre transforme les hommes. Nous n'avions jamais vu ça... Merci pour le message.


Avec ça sur la tronche, pas dit qu'il vise dans le mille, même à cette distance...

Les personnages sont monocordes et creux, la progression du scénario n'est d'ailleurs surprenante que par la bêtise des protagonistes en présence qui lui donnent des directions complètement débiles et incohérentes. On se demande d'ailleurs bien pourquoi le perso campé par Jeffrey Wright vient s'enfoncer dans cette galère. Les dialogues sont aussi une souffrance de chaque instant. "Oh, vous êtes vieux" sont les premiers mots que prononcent Riley Keough à l'arrivée du pauvre Jeffrey Wright. Le mec vient de se taper des heures d'avion et de bagnole pour honorer la lettre désespérée de madame. Il débarque dans le froid, la nuit tombée, le ventre vide, les valises pleines, et l'autre conne lui sort ça d'emblée, sans bonjour ni bienvenue. "Mais ta gueule pouffiasse tu t'attendais à quoi ? Tu espérais The Rock ? Bah non, c'est que moi. Et t'as vu ta tronche de déterrée ? Soigne ta mauvaise mine avant de critiquer les autres..." devrait lui répondre Jeffrey, en foutant le camp aussi sec.


Beaucoup ont cru qu'il s'agissait de Laurence Fishburne, mais c'est bien Jeff Wright

Après ça, ce sont des tirades de personnages qui dialoguent entre eux sous forme de questions sans réponse. Peut-être qu'elles passent à peu près dans le bouquin, mais devant la caméra de Saulnier et dans la bouche de tels acteurs, ça pose problème. "Vous êtes venu pour le tuer ? Celui qui me l'a pris ?", "Savez-vous seulement comment c'est, là-dehors ? Comment l'obscurité vous saisit ? Comment elle s'insinue en vous ?"... C'est encore la pauvre Riley Keough qui doit sortir tout ça, l'air traumatisé sous son gros pull à col roulé, mais que les fans de la petite-fille d'Elvis se rassurent, elle finit bel et bien à poil. Elle vient se coller, au beau milieu de la nuit, sans raison, à un Jeffrey Wright qui pionçait tranquille sur le canap' et n'a finalement pas fait ce long voyage pour rien... Tant mieux pour lui.


Skarsgård avait en réalité déjà l'air louche avant son départ en Irak...

Bref, j'en passe et des meilleurs. On espère que le film va gagner en dynamisme en prenant la forme d'une chasse à l'homme toute simple, mais ce n'est pas le cas. La grosse fusillade de 15 minutes, où un indien costaud et vénère décide d'envoyer ad patres une vingtaine de flics à lui tout seul, n'y fait rien, ce thriller est chiant comme la mort. Le film dure beaucoup trop longtemps (mais rassurez-vous, le running time de 125 minutes annoncé est trompeur puisqu'il y a près d'un quart d'heure de générique final — c'est qu'il en fallait du monde pour accoucher de ça !). Non, vraiment, c'est de pire en pire, Jeremy Saulnier... Il devrait se contenter d'être dirlo photo pour son plus doué poto Matthew Porterfield. Son dernier film est simplement l'occasion de constater qu'après Blue Ruin et Green Room, Saulnier a abandonné l'idée d'une trilogie colorée à la Kieślowski. Il aurait pourtant pu honorer le drapeau du Lesotho puisque le blanc alaskien lui tendait les bras. Une belle opportunité manquée...


Aucun homme ni dieu (Hold the Dark) de Jeremy Saulnier avec Jeffrey Wright, Riley Keough et Alexander Skarsgård (2018)

15 juin 2018

It Comes at Night

Très remarqué à sa sortie suite à une campagne promotionnelle bien menée et même présenté par la presse comme un "chef-d'oeuvre de l'horreur", c'est avec une certaine impatience que je me lançais dans It Comes at Night, le second long métrage du jeune cinéaste américain, Trey Edward Shults, dont le premier film, Krisha, avait déjà fait parler de lui outre-Atlantique mais demeure malheureusement invisible par chez nous. Le réalisateur s'aventure ici sur le terrain archi rebattu du genre post-apocalyptique, nous y suivons une petite famille cloîtrée dans une grande maison perdue dans la forêt, alors qu'une mystérieuse épidémie a ravagé le monde extérieur. L'arrivée d'une nouvelle famille va dérégler leur mécanique bien huilée. Dès les premières minutes, le film de Trey Edward Shults est un régal pour les yeux. La photographie est superbe. L'éclairage est toujours parfaitement géré, malgré la difficulté de suivre les personnages dans leurs déplacements, torche à la main, dans une maison constamment plongée dans le noir. La réalisation est elle aussi très soignée, la caméra, légère, flotte, navigue joliment et n'a aucune difficulté à nous plonger dans ce qui apparaît progressivement comme un huis clos des plus minimalistes. Les acteurs prennent également leurs rôles très au sérieux, à commencer par Joel Edgerton, avec ici des faux airs de Kurt Russell dans The Thing et très convaincant dans la peau du père dictant avec autorité la vie de toute la petite troupe.




Bref, tous les ingrédients semblent réunis pour prendre son pied et avoir effectivement affaire à une pépite du cinéma d'horreur indépendant américain, comme celui-ci nous en réserve quelques-unes chaque année, à condition d'être aux aguets. Et j'aurais adoré aller dans le sens des commentateurs les plus enthousiastes. Hélas, force est de reconnaître qu'au bout d'un moment, l'ennui dépasse très largement notre intérêt pour cette oeuvre trop aride qui ne réussit pas à nous chambouler en traitant d'une peur fondamentale, celle de l'étranger, et dont l'ambiance n'est guère assez singulière pour suffire à nous captiver. Trop de films du même acabit sont sortis sur nos écrans ces dernières années, à tel point qu'il serait même laborieux de chercher à les citer, et It Comes at Night échoue à s'en distinguer clairement. Au bout d'une heure de film, on se dit qu'il ne se passe vraiment rien. On en a marre d'assister aux cauchemars répétitifs de cet adolescent travaillé par la venue d'une femme plutôt charmante (Riley Keough), inquiet de tomber malade à son tour et soucieux du devenir de son chien qui a fui dans les bois. On s'en bat tout simplement les glaouis. Et, quand survient le générique final, on ne peut s'empêcher de se dire "Tout ça pour ça ?!". Si It Comes at Night est très joliment empaqueté, il ne renferme rien de particulièrement intéressant et nous fait un peu le même effet que le récent The Witch. Dommage. Trey Edward Shults a peut-être du talent, mais on espère qu'il aura aussi quelque chose à nous raconter la prochaine fois.


It Comes at Night de Trey Edward Shults avec Joel Edgerton, Christopher Abbott, Carmen Ejogo et Riley Keough (2017)