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1 octobre 2018

Aucun homme ni dieu

On se demande parfois pourquoi le nouveau film d'un réalisateur un peu en vogue finit sur Netflix. C'est tout simplement parce qu'il y a anguille sous roche, en général, et même les phénomènes de hype, aussi éphémères soient-ils, cachent de sacrées arnaques, à l'image du ridicule Annihilation. Aucun homme ni dieu (Hold the Dark) a quant à lui bénéficié d'un accueil assez frileux et c'est tout à fait compréhensible vu le résultat. Le dernier long métrage de Jeremy Saulnier est clairement ce que le cinéaste a fait de pire, lui qui avait auparavant connu les honneurs de projections spéciales dans les plus grands festivals pour des films que je ne porte guère dans mon cœur mais qui se tenaient tout de même bien mieux que ça.


Pas sûr que cette image soit issue du film, mais c'est l'Alaska...

Car on tient-là un thriller très brouillon et assez bête, où Jeremy Saulnier, qui tourne déjà en rond après trois petits films, nous dépeint encore une fois l'Amérique profonde, sa violence qui ne demande qu'à éclater, sa passion pour les armes à feu et ses terribles fractures... C'est souvent un bon prétexte à quelques grosses fusillades et autres affrontements sanglants. Jeremy Saulnier s'intéresse ce coup-ci à l'Alaska et aux tensions qui grandissent entre des populations autochtones remontées à bloc vivant dans des villages reculés et la flicaille incompétente des métropoles. Étant donné le contexte, les paysages enneigés, les journées écourtées et tout ce qui va avec, cela aurait pu déboucher sur un thriller solide à l'ambiance travaillée. Cet espoir est hélas bien vite anéanti.


Riley feint de chercher d'éventuels restes de son gosse pour les montrer à Jeff

Il s'agit de l'adaptation d'un bouquin du même nom signé Thierry Giraldi, un livre de nature writing qui doit sans doute valoir le coup mais que l'on a aucunement envie de lire une fois le film subi. Le scénario est signé Macon Blair, le collaborateur habituel de Saulnier, acteur principal de Blue Ruin, également présent dans des rôles de moindre importance dans Green Room et celui-ci. En voici le point de départ : suite à la disparition d'une paire de gamins moches, les loups, très nombreux dans le coin, sont pointés du doigt. Un spécialiste (Jeffrey Wright) est appelé à la rescousse par une mère éplorée (Riley Keough) pour mener l'enquête et revenir avec la fourrure du coupable (ou de n'importe quel loup, ça fera l'affaire). Une fois arrivé sur les lieux, le gars pige vite que les loups n'y sont pas pour grand chose ; le retour au pays du père du dernier gamin disparu, qui a tourné psychopathe en Irak, va encore compliquer la situation...


Jeff, parti pour une journée de rando inutile à -30°C à la recherche de loups qui n'ont rien demandé

Jeremy Saulnier veut plaire à son audience habituelle en mêlant les genres (polar, western) et en louchant de nouveau du côté du cinéma d'horreur et plus exactement du slasher, avec cet imbécile d'Alexander Skarsgård (quel mauvais acteur, sans déconner...) évidemment plus à l'aise sous un énorme masque en bois issu des traditions indiennes quand il s'agit de tuer à distance avec un arc et des flèches ou de poignarder violemment lors de scènes de mise à mort qui raviront peut-être les amateurs. En ce qui me concerne, j'ai dû passer l'âge et je ne fais qu'imaginer le champ de vision extrêmement réduit de notre boogeyman de pacotille. Mais Jerem' Saulnier veut ainsi nous montrer comment la guerre transforme les hommes. Nous n'avions jamais vu ça... Merci pour le message.


Avec ça sur la tronche, pas dit qu'il vise dans le mille, même à cette distance...

Les personnages sont monocordes et creux, la progression du scénario n'est d'ailleurs surprenante que par la bêtise des protagonistes en présence qui lui donnent des directions complètement débiles et incohérentes. On se demande d'ailleurs bien pourquoi le perso campé par Jeffrey Wright vient s'enfoncer dans cette galère. Les dialogues sont aussi une souffrance de chaque instant. "Oh, vous êtes vieux" sont les premiers mots que prononcent Riley Keough à l'arrivée du pauvre Jeffrey Wright. Le mec vient de se taper des heures d'avion et de bagnole pour honorer la lettre désespérée de madame. Il débarque dans le froid, la nuit tombée, le ventre vide, les valises pleines, et l'autre conne lui sort ça d'emblée, sans bonjour ni bienvenue. "Mais ta gueule pouffiasse tu t'attendais à quoi ? Tu espérais The Rock ? Bah non, c'est que moi. Et t'as vu ta tronche de déterrée ? Soigne ta mauvaise mine avant de critiquer les autres..." devrait lui répondre Jeffrey, en foutant le camp aussi sec.


Beaucoup ont cru qu'il s'agissait de Laurence Fishburne, mais c'est bien Jeff Wright

Après ça, ce sont des tirades de personnages qui dialoguent entre eux sous forme de questions sans réponse. Peut-être qu'elles passent à peu près dans le bouquin, mais devant la caméra de Saulnier et dans la bouche de tels acteurs, ça pose problème. "Vous êtes venu pour le tuer ? Celui qui me l'a pris ?", "Savez-vous seulement comment c'est, là-dehors ? Comment l'obscurité vous saisit ? Comment elle s'insinue en vous ?"... C'est encore la pauvre Riley Keough qui doit sortir tout ça, l'air traumatisé sous son gros pull à col roulé, mais que les fans de la petite-fille d'Elvis se rassurent, elle finit bel et bien à poil. Elle vient se coller, au beau milieu de la nuit, sans raison, à un Jeffrey Wright qui pionçait tranquille sur le canap' et n'a finalement pas fait ce long voyage pour rien... Tant mieux pour lui.


Skarsgård avait en réalité déjà l'air louche avant son départ en Irak...

Bref, j'en passe et des meilleurs. On espère que le film va gagner en dynamisme en prenant la forme d'une chasse à l'homme toute simple, mais ce n'est pas le cas. La grosse fusillade de 15 minutes, où un indien costaud et vénère décide d'envoyer ad patres une vingtaine de flics à lui tout seul, n'y fait rien, ce thriller est chiant comme la mort. Le film dure beaucoup trop longtemps (mais rassurez-vous, le running time de 125 minutes annoncé est trompeur puisqu'il y a près d'un quart d'heure de générique final — c'est qu'il en fallait du monde pour accoucher de ça !). Non, vraiment, c'est de pire en pire, Jeremy Saulnier... Il devrait se contenter d'être dirlo photo pour son plus doué poto Matthew Porterfield. Son dernier film est simplement l'occasion de constater qu'après Blue Ruin et Green Room, Saulnier a abandonné l'idée d'une trilogie colorée à la Kieślowski. Il aurait pourtant pu honorer le drapeau du Lesotho puisque le blanc alaskien lui tendait les bras. Une belle opportunité manquée...


Aucun homme ni dieu (Hold the Dark) de Jeremy Saulnier avec Jeffrey Wright, Riley Keough et Alexander Skarsgård (2018)

8 mai 2014

The East

Après le très malin Sound of my voice, petit film de science-fiction minimaliste dont j'avais vanté ici toutes les qualités avec un enthousiasme sans réserve que j'espérais communicatif, le duo constitué de Brit Marling et Zal Batmanglij est de retour ! Leur second long métrage, The East, est un projet qui s'affiche d'emblée comme étant plus ambitieux, au casting plus clinquant et doté de moyens un peu plus conséquents. Le duo reprend la même configuration : ils sont tous deux à l'écriture du scénario, Brit Marling endosse le rôle principal et Zal Batmanglij s'occupe de la mise en scène. Emballé par leur première création, j'attendais donc ce nouveau film au tournant, dans le sens où j'espérais ardemment une confirmation de leur talent.




Le jeune duo, que l'on imagine débordant de saines intentions, tente cette fois-ci de signer un thriller parano au doux parfum seventies, un peu dans le style d'Alan J. Pakula, prenant pour sujet l'éco-terrorisme et visant à délivrer au passage le petit message politique de rigueur. Pourquoi pas. Hélas, force est de constater que leur film n'est malheureusement pas à la hauteur de leurs ambitions et s'éloigne très tôt de la simplicité, ou plutôt du sens de l'épure, et de l'originalité qui faisaient tout le charme de Sound of my voice.




La belle Brit incarne cette fois-ci un agent spécial qui doit infiltrer un mystérieux groupe d'écoterroristes, The East, luttant contre les industriels pollueurs à coup d'actions chocs. La première partie du film, de loin la meilleure, nous propose une série de situations qui rappellent étrangement celles déjà vues dans Sound of my voice. Il y est souvent question de cercles dans lesquels Brit doit rentrer ou de capuches qu'elle doit porter et j'arrêterai ici mon analyse comparée pointue de ces deux œuvres qui dialoguent constamment entre elles. Brit doit donc gagner la confiance des membres particulièrement méfiants de The East et réussir une série d'épreuves délicates afin de s'introduire parmi eux sans éveiller le moindre soupçon. Ce sont là autant d'occasions d'étaler toute l'intelligence et la supériorité du personnage qu'elle incarne, capable de retourner à son avantage n'importe quelle situation. Si nous n'avions pas beaucoup de sympathie pour l'actrice, cela pourrait être un peu lassant. On se contentera d'avoir l'impression, peut-être plus supportable, de voir une grande fille s'amuser avec les jouets et les histoires qu'elle s'invente pour son propre plaisir avant tout.

Après cette première partie, les choses se gâtent. Le talent de metteur en scène du jeune Zal Batmanglij montre de sacrées limites dès qu'il s'agit de filmer des scènes un peu mouvementées. La tension peine ainsi à décoller pendant l'action choc menée par The East lors d'un dîner de gala organisé par les dirigeants d'un grand groupe pharmaceutique. La confrontation entre Ellen Page et son père, sur les rives d'un fleuve où l'entreprise paternel rejette des déchets toxiques, nous offre une scène aux frontières du ridicule, qui tombe complètement à plat. Il faut dire que le casting n'est pas à la hauteur et contribue hélas à donner un cachet très "série télé" à l’œuvre de Zal & Brit.

Alexander Skarsgård, vu dans True Blood, a une belle gueule, certes, mais il a bien du mal à donner de l'épaisseur et de la crédibilité à son personnage. Son charisme digne d'un modèle de catalogue La Redoute paraît très superficiel, lui qui incarne pourtant le leader de The East. Quant à Ellen Page, elle propose encore une fois un jeu très stéréotypé et on se fiche éperdument de la disparition soudaine de son personnage. Difficile, en outre, d'exister aux côtés de Brit Marling, qui s'est taillé un rôle sur mesure, sorte de fille adoptive de Jack Bauer et MacGyver. On se dit même que, tant qu'à y être, Brit Marling aurait dû s'attribuer les deux rôles principaux en campant également la chef de la bande, quitte à vivre une romance avec elle-même...




Malgré tous les efforts déployés pour ne pas tomber dans un discours moralisateur plombant, la position du film s'avère assez maladroite dans sa volonté de n'épargner personne et sa fin ambiguë ne suffit pas à le sauver sur ce point-là. The East est donc une vraie déception, pas suffisamment grande, ceci dit, pour me faire perdre tout espoir en l'avenir du duo ni pour entamer ma sympathie envers Brit Marling et mon faible pour sa ravissante chevelure blonde. On espère qu'elle fera mieux au prochain coup et qu'elle saura revenir à quelque chose de plus original et plus humble...


The East de Zal Batmanglij avec Brit Marling, Alexander Skarsgård, Ellen Page et Patricia Clarkson (2013)