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8 mai 2014

The East

Après le très malin Sound of my voice, petit film de science-fiction minimaliste dont j'avais vanté ici toutes les qualités avec un enthousiasme sans réserve que j'espérais communicatif, le duo constitué de Brit Marling et Zal Batmanglij est de retour ! Leur second long métrage, The East, est un projet qui s'affiche d'emblée comme étant plus ambitieux, au casting plus clinquant et doté de moyens un peu plus conséquents. Le duo reprend la même configuration : ils sont tous deux à l'écriture du scénario, Brit Marling endosse le rôle principal et Zal Batmanglij s'occupe de la mise en scène. Emballé par leur première création, j'attendais donc ce nouveau film au tournant, dans le sens où j'espérais ardemment une confirmation de leur talent.




Le jeune duo, que l'on imagine débordant de saines intentions, tente cette fois-ci de signer un thriller parano au doux parfum seventies, un peu dans le style d'Alan J. Pakula, prenant pour sujet l'éco-terrorisme et visant à délivrer au passage le petit message politique de rigueur. Pourquoi pas. Hélas, force est de constater que leur film n'est malheureusement pas à la hauteur de leurs ambitions et s'éloigne très tôt de la simplicité, ou plutôt du sens de l'épure, et de l'originalité qui faisaient tout le charme de Sound of my voice.




La belle Brit incarne cette fois-ci un agent spécial qui doit infiltrer un mystérieux groupe d'écoterroristes, The East, luttant contre les industriels pollueurs à coup d'actions chocs. La première partie du film, de loin la meilleure, nous propose une série de situations qui rappellent étrangement celles déjà vues dans Sound of my voice. Il y est souvent question de cercles dans lesquels Brit doit rentrer ou de capuches qu'elle doit porter et j'arrêterai ici mon analyse comparée pointue de ces deux œuvres qui dialoguent constamment entre elles. Brit doit donc gagner la confiance des membres particulièrement méfiants de The East et réussir une série d'épreuves délicates afin de s'introduire parmi eux sans éveiller le moindre soupçon. Ce sont là autant d'occasions d'étaler toute l'intelligence et la supériorité du personnage qu'elle incarne, capable de retourner à son avantage n'importe quelle situation. Si nous n'avions pas beaucoup de sympathie pour l'actrice, cela pourrait être un peu lassant. On se contentera d'avoir l'impression, peut-être plus supportable, de voir une grande fille s'amuser avec les jouets et les histoires qu'elle s'invente pour son propre plaisir avant tout.

Après cette première partie, les choses se gâtent. Le talent de metteur en scène du jeune Zal Batmanglij montre de sacrées limites dès qu'il s'agit de filmer des scènes un peu mouvementées. La tension peine ainsi à décoller pendant l'action choc menée par The East lors d'un dîner de gala organisé par les dirigeants d'un grand groupe pharmaceutique. La confrontation entre Ellen Page et son père, sur les rives d'un fleuve où l'entreprise paternel rejette des déchets toxiques, nous offre une scène aux frontières du ridicule, qui tombe complètement à plat. Il faut dire que le casting n'est pas à la hauteur et contribue hélas à donner un cachet très "série télé" à l’œuvre de Zal & Brit.

Alexander Skarsgård, vu dans True Blood, a une belle gueule, certes, mais il a bien du mal à donner de l'épaisseur et de la crédibilité à son personnage. Son charisme digne d'un modèle de catalogue La Redoute paraît très superficiel, lui qui incarne pourtant le leader de The East. Quant à Ellen Page, elle propose encore une fois un jeu très stéréotypé et on se fiche éperdument de la disparition soudaine de son personnage. Difficile, en outre, d'exister aux côtés de Brit Marling, qui s'est taillé un rôle sur mesure, sorte de fille adoptive de Jack Bauer et MacGyver. On se dit même que, tant qu'à y être, Brit Marling aurait dû s'attribuer les deux rôles principaux en campant également la chef de la bande, quitte à vivre une romance avec elle-même...




Malgré tous les efforts déployés pour ne pas tomber dans un discours moralisateur plombant, la position du film s'avère assez maladroite dans sa volonté de n'épargner personne et sa fin ambiguë ne suffit pas à le sauver sur ce point-là. The East est donc une vraie déception, pas suffisamment grande, ceci dit, pour me faire perdre tout espoir en l'avenir du duo ni pour entamer ma sympathie envers Brit Marling et mon faible pour sa ravissante chevelure blonde. On espère qu'elle fera mieux au prochain coup et qu'elle saura revenir à quelque chose de plus original et plus humble...


The East de Zal Batmanglij avec Brit Marling, Alexander Skarsgård, Ellen Page et Patricia Clarkson (2013)

30 mai 2013

Sound of my voice

Tout mon respect à Brit Marling ! Cette jeune femme est en train de se bâtir une filmographie très intéressante, constituée de petits films de genre toujours singuliers et ambitieux. Fait peu commun de nos jours, la jolie dame co-écrit les scénarios de ces films, et ceux-ci sont généralement mâtinés de science-fiction. A l'écran, cette blonde ravissante dégage naturellement quelque chose d'assez rare, un magnétisme évident, qui fait d'elle une actrice remarquable. Sans doute bien consciente de cela, elle incarne avec brio et sans effort apparent la gourou d'une étrange petite secte qui fascine et enrôle ses adeptes en affirmant venir du futur, de l'an 2054 pour être exact. Elle se garantit la fidélité de ses sujets en déclarant pouvoir les préparer à une très prochaine apocalypse. S'infiltre dans cette secte un couple bien décidé à percer son mystère et qui, par là même, compte réaliser un documentaire mémorable, voué à leur faire gagner une belle reconnaissance. Vous tenez-là l'appétissant synopsis de Sound of my voice, un étonnant film de SF indépendant au budget minuscule mais à la tête bien pleine, qui, je vous le promets, saura vous captiver du début à la fin et, je risquerais même : pourra vous scotcher complètement ! Il pourra aussi faire de vous un adepte de Brit Marling, ou au moins un sympathisant...




Brit Marling s'était déjà faite remarquer il y a deux ans avec Another Earth, co-écrit et réalisé par Mike Cahill, sorti dans nos salles de façon assez confidentielle. Il s'agissait déjà d'un simili film de science-fiction réalisé avec trois fois rien et adoubé par Sundance qui, pour une fois, avait vu juste. Une brillante idée de départ, la découverte et la rencontre attendue avec une terre jumelle soudainement apparue tel le reflet d'un miroir, y servait finalement de simple prétexte à la peinture d'un drame humain un brin maladroite et peu originale. Malgré la légère déception suscitée par de belles promesses initiales, nous avions toutefois senti des personnalités rafraîchissantes derrière tout ça et apprécié l'ambiance brumeuse et planante qui parvenait à poindre ici ou là. La présence salutaire de la révélation Brit Marling permettait aussi d'éponger nos regrets, pour mieux garder le souvenir d'une première œuvre encourageante.




Dans Sound of my voice, la science-fiction apparaît également d'abord comme une sorte de toile de fond qui serait cette fois-ci propice à un thriller psychologique. Mais, en fin de compte, le film joue à fond sur la croyance du spectateur en ces rares éléments irrationnels autour desquels tout se construit et s’emmêle. La question de l'authenticité du personnage superbement joué par Brit Marling est au centre de l'intrigue. Ce doute avec lequel joue sans cesse l'actrice et son acolyte Zal Batmanglij, jeune réalisateur dont il s'agit du premier long-métrage, représente le cœur même du film, sa raison d'être. En ce sens, la fin du film, qui pourra peut-être en décevoir quelques-uns, m'a personnellement semblé tout à fait logique. Elle m'apparaît comme la seule fin possible à ce film qui questionne tout du long notre capacité à croire et ce plus que jamais lors de sa brutale conclusion.




On pourrait reprocher au film de Zal Batmanglij son découpage en chapitres de durées apparemment égales, car cela a le menu défaut de lui donner une forme proche des plus efficaces séries télé américaines, chaque chapitre se terminant par une sorte de cliffhanger (même si le mot n'est ici pas tout à fait bien choisi). Il faut cependant reconnaître que ce dispositif est très habile et l'effet est pleinement réussi, puisque nous sommes tenus en haleine comme rarement devant ce film au rythme sans faille, qui parvient à nous faire oublier la notion du temps en même temps qu'il l'interroge. Les parties se succèdent avec délice, et la toute première, pratiquement muette, fait office d'introduction idéale puisqu'elle suscite immédiatement la curiosité. Elles apportent toutes leur mystère, au grè de ces séances rituelles qui constituent les meilleures scènes du film, notamment car elles sont orchestrées par une gourou fascinante dont chacun des mots captive et dont le charisme raffiné intrigue constamment.




Ce second essai signé Brit Marling, de nouveau accompagnée par un ami réalisateur, et tourné dans la foulée d'Another Earth, me paraît donc beaucoup plus abouti et cohérent que le premier. Sound of my voice atteint clairement son but et nous laisse avec la conviction d'avoir vu un film fichtrement ingénieux, dont l'ambition et l'intelligence rappellent un peu le sympathique Man from Earth, et dont la découverte si agréable appelle à être partagée. De nos jours, on appelle ça une perle rare. On a à présent très hâte de découvrir The East, la nouvelle création de ce même duo, qui, grâce à son casting plus clinquant pourra bientôt, je l'espère, bénéficier quant à lui d'une sortie en salles en bonne et due forme. Sound of my voice l'aurait mille fois méritée.


Sound of my voice de Zal Batmanglij avec Brit Marling, Christopher Denham et Nicole Vicius (2012)