30 octobre 2020

You Should Have Left

Vingt ans après Hypnose, son plus haut fait d'armes en tant que réalisateur, David Koepp retrouve Kevin Bacon pour un nouveau thriller horrifique où l'acteur est sujet au doute, au stress et à des hallucinations. Au vu du résultat, on se dit que les deux individus auraient pu fêter leurs retrouvailles entre eux, en privé, voire plus prudemment sur Zoom, et en tout cas nous laisser à l'écart, ne pas nous inviter, n'en conserver aucune data, dans un geste à la fois écolo et altruiste. S'il n'est pas complètement nul et qu'il est humainement possible de tenir d'un bout à l'autre sans trop souffrir (la preuve, j'y suis arrivé lors d'un voyage en train que ce film ne m'a pas donné l'impression de rendre beaucoup plus court...), You Should Have Left est, vous l'aurez compris, tout ce qu'il y a de plus dispensable et anodin.




Kevin Bacon incarne donc un écrivain richissime au passé trouble, désormais en couple avec Amanda Seyfried. Pour se "retrouver" et "passer du bon temps" avec leur gamine, ils choisissent de louer une maison à l'architecture douteuse, isolée quelque part au Pays de Galles (en réalité, et à des fins économiques, dans le New Jersey). Une fois sur les lieux, rien ne se passera comme prévu, et la petite parenthèse galloise de la famille Bacon n'aura rien du séjour reposant escompté... David Koepp parvient très laborieusement à nous accrocher à son scénario de malheur, basé sur un bouquin signé Daniel Kehlmann que l'on imagine forcément un peu plus touffu... On est toujours à deux doigts de couper court, mais on tient bon, vaguement curieux de connaître la suite des événements et, dans mon cas, peu désireux de sauter du train en marche, malgré un enchaînement de situations bien connues, vues et revues.




You Should Have Left fait partie de ces trop nombreux films américains dans lesquels une petite famille méprisable se met à pousser des cris de joie insupportables et éructe à tour de rôle les pires banalités lors de la découverte pleine d'enthousiasme de leur lieu de villégiature, pourtant proprement hideux. Ces gens-là doivent être tellement habitués au bitume... Ici c'est donc cet effroyable chalet rectangulaire sans aucun cachet, triste superposition moderne de baies vitrées, renfermant de longs couloirs glauques donnant sur de vastes pièces carrées aux murs gris, piètrement décorées. Et c'est donc ce lieu en apparence sans âme ni histoire, flambant neuf et ultra clean, que David Koepp veut nous rendre maléfique... Il est bon de parfois tordre le cou aux clichés, de ne pas nous proposer encore une vieille demeure au style gothique avec portail menaçant en fer forgé et toiles d'araignée dans tous les coins, mais encore faut-il que l'alternative choisie ne soit pas aussi merdique...




Malgré tout, admettons qu'il y a quelques semblants d'idées de mise en scène, dont un enfant de 12 ans pourrait être fier, lorsque Koepp joue justement de l'architecture mystérieuse de cette ignoble baraque. Ce passage où Kevin Bacon essaie de piger comment les pièces sont agencées, mesure la longueur d'un mur à l'intérieur puis à l'extérieur constatant une différence inexplicable, puis observe sa fille ouvrir une porte qui devrait la mener dehors et la fait simplement disparaître du cadre pour on ne sait où, est strictement le seul moment que je sauve là-dedans. Le seul. Pour le reste, circulez, il n'y a vraiment rien à voir. L'un de ces films qui nous ont amené à dire que le cinéma était bel et bien perdu pour cette année.


You Should Have Left de David Koepp avec Kevin Bacon et Amanda Seyfried (2020)

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