Netflix a cru nous faire une jolie surprise en sortant le nouveau film de la saga Cloverfield quelques heures seulement après avoir diffusé sa première bande-annonce lors du Super Bowl. Il y avait en effet de bonnes raisons de frétiller d'impatience et de regarder en vitesse ce nouvel épisode qui fait suite à deux films plutôt intéressants qui exploraient chacun de manière assez originale des genres différents, en s'inscrivant dans un même univers, dévoilé peu à peu. Cloverfield premier du nom est l'un des rares found footage à être réellement efficace, il constituait un film catastrophe assez bas du front mais, pour les amateurs, une expérience qui valait la peine d'être vécue. 10 Cloverfield Lane était quant à lui un thriller en huis clos magnifié par son actrice principale et une conclusion ma foi très réussie. Qu'allait donc nous réserver la suite ?
A y regarder de plus près, si nous étions dénués de tout a priori négatifs, on pouvait tout de même nourrir quelques doutes... A la réalisation de The Cloverfield Paradox, un inconnu nommé Julius Onah qui, après quelques recherches menées sur internet, s'avère être un jeune cinéaste au statut envié puisque régulièrement cité dans d'obscures listes recensant les metteurs en scène américains à suivre et sur le point d'exploser. A l'écriture, Oren Uziel, qui travaille sur une histoire initialement intitulée God Particles depuis des années mais dont on ne sait rien d'autre. Et à la production, fidèle au poste, JJ Abrams, dont on pourrait penser qu'il est le vrai cerveau de l'entreprise. Or, force est de constater, après quelques minutes de film seulement, que de cerveau, il n'y en a pas !
Le triste JJ Abrams a simplement dû signer le chèque permettant la mise en branle de cet abject projet et, par la même occasion, l'arrêt de mort de la saga. Dénué de la moindre imagination et nous proposant une mise en scène exécrable digne d'un très mauvais téléfilm, Julius Onah a effectivement explosé et perdu illico son statut de jeune réalisateur under the rader pour gagner les rangs trop bien garnis des purs zonards à éviter absolument. Quant au scénariste, dont la place est en détention provisoire ou en hôpital psychiatrique, il serait le premier à être poussé vers l'échafaud tant son script infâme dégage une odeur de pet dégueulasse.
Essayons de faire bref : nous sommes donc dans un futur indéterminé et la Terre, en proie à une crise énergétique sans précédent, est dans une merde noire, au bord d'un conflit mondial qui pourrait acter la fin de l'humanité. Pour sauver la situation, des scientifiques et des techniciens issus des pays les plus influents du moment (Russie, Allemagne, Grande-Bretagne, USA, Chine, Brésil et... Irlande) sont envoyés en mission sur une station spatiale en orbite autour de la planète bleue afin de créer une source d'énergie inépuisable à l'aide d'un accélérateur de particules géant. Malgré les mises en garde d'un illuminé assurant que l'utilisation de l'accélérateur pourrait engendrer des catastrophes spatio-temporelles inédites et irréversibles, tout ce petit monde s'active pour réussir enfin le lancement de la machine. C'est alors qu'une surcharge se produit suite à laquelle les scientifiques découvrent avec stupeur que la Terre a tout bonnement disparu des radars. D'autres événements étranges vont alors se produire au sein de la station, mettant en danger l'ensemble de l'équipage.
Ce n'est pas pour m'envoyer des fleurs, mais sachez que je raconte beaucoup mieux que Julius Onah et son scénariste dont l'horrible rejeton, d'une laideur et d'une bêtise étonnantes, est un supplice du début à la fin. D'emblée, on essaie de nous intéresser à des personnages qui n'existent à aucun moment, d'infects clichés ambulants. On s'amusera de la perfidie du Russe, forcément le plus infréquentable de la bande. On pleurera aux répliques supposées être humoristiques de l'irlandais incarné par le très pénible Chris O'Dowd, notamment quand toute la fine équipe se rend compte que la Terre a disparu (ce qui donne des dialogues épouvantables et grotesques comme "La Terre ne peut pas disparaître aussi facilement...", "Je t'assure, j'ai vérifié deux fois, je ne la retrouve plus", "T'as bien cherché partout, t'es sûr ?", "La Terre a juste putain de disparu !" ; il faut vraiment entendre tout ça pour y croire). On sera rapidement fatigué par les péripéties de plus en plus débiles auxquelles doivent faire face les membres de l'équipage. Devant ce vaste n'importe quoi, on se demande même s'il ne s'agit pas là d'un film ouvertement comique, d'une sorte de parodie, d'un délire entre potes, d'une blague qui a mal tourné ou que sais-je.
Le scénario est si idiot et prévisible dans sa bêtise qu'il annihile tout espèce d'intérêt que l'on pouvait avoir pour la franchise Cloverfield, et celle-ci aura bien du mal à s'en relever. Des univers parallèles sont ainsi sordidement mêlés par l'arrogance humaine, l'humanité faisant appel à une technologie qu'elle ne maîtrise pas pour sortir d'une impasse vers laquelle elle a foncé tête baissée, pour se dépêtrer d'une situation qu'elle a elle-même provoquée. Mais, là encore, je vais bien trop loin, le film ne développe aucun discours, aussi basique soit-il, ressemblant à ça, il ne propose aucune de ces critiques et mises en garde traditionnellement véhiculées par les récits de science fiction. C'est cette faille créée entre des univers parallèles qui aura donc notamment entraîné l'apparition d'une bestiole immense défonçant tout sur son passage. Avant de déclencher l'ultime essai de l’accélérateur de particules, l'un des tocards de la station prévient pourtant tout le monde dans un éclair de lucidité, il lève le doigt poliment et déclare "Au fait, vous savez que si l'accélérateur de particules dysfonctionne, on peut peut-être ouvrir une faille entre des dimensions parallèles, et faire venir des créatures, des monstres venus d'ailleurs ? Ouf non ? J'dis ça j'dis rien !".
En réalité, on tient là une sorte de croisement bâtard entre des films qui étaient déjà eux-mêmes de sacrées merdes. On pense ainsi aux derniers immondices impardonnables de Ridley Scott, Prometheus et Alien Covenant, pour cette façon de dynamiter un univers, qui jusque là se tenait bien et cultivait intelligemment un certain mystère, par des révélations misérables dont tout le monde se serait bien passé. On pense également à des trucs médiocres mais beaucoup moins offensants tels que le récent Life : Origine, qui avait pour lui le mérite de se prendre pour ce qu'il était, à savoir un simple et bête film de monstre à l'ancienne, et guère autre chose. Tout est à jeter dans The Cloverfield Paradox. En plus d'être con, c'est désagréable à la vue, avec entre autres ses plans obliques ignobles, incapables de générer la moindre tension, et cette station dont on n'arrive même pas à comprendre la géographie. 10 Cloverfield Lane était un huis clos et parvenait grosso modo à nous le faire ressentir, à nous transmettre une impression d'enfermement, une certaine tension. Cette suite n'y parvient pas une seconde et n'est qu'un enchaînement de conneries terribles.
Nous suivons, en parallèle, les mésaventures du petit-ami de la britannique, resté sur Terre et confronté aux conséquences du dérèglement global. Une partie dont on a appris de la bouche d'un JJ Abrams honteux qu'elle avait été tournée après coup, pour sauver l'ensemble. C'est effectivement moins abominable à suivre que ce qui se déroule dans la station spatiale, mais c'est tout de même inintéressant au possible. Tout est à jeter je vous dis. Ils auraient bien mieux fait de réaliser un prolongement direct à 10 Cloverfield Lane, en nous proposant tout simplement de voir Mary Elizabeth Winstead, dans sa combinaison de fortune, affronter les aliens et essayer de survivre dans un monde apocalyptique. Il n'en faut pas plus pour faire un bon film de genre ! On aurait maté ça avec bien plus de plaisir...
Comme trop souvent hélas, les plus malins dans cette histoire étaient sans doute ceux qui ont orchestré la campagne marketing, tout simplement basée sur l'entretien du mystère par le silence et l'effet de surprise final avec l'arrivée soudaine du film. Cela a en effet permis à cette gigantesque daube de bénéficier d'un buzz retentissant sur les réseaux sociaux et d'être certainement vue par bien des curieux. Une fois que les premiers l'avaient subie, ce buzz s'est aussitôt transformé en "bad buzz" puisque le film s'est fait descendre de toutes parts. Ce lynchage en bonne et due forme était tout à fait mérité. Les quelques défenseurs du produit, parmi lesquels des maniaques passionnés et des fous dangereux, échafaudant des théories reliant les trois films sur des forums à éviter, existent bel et bien mais ils doivent se sentir très seuls. Pour eux aussi, la Terre a disparu. The Cloverfield Paradox anéantit tout ce que la triste bande menée par JJ Abrams a essayé de faire et envisageait de faire. Pire encore, cela fait même relativiser les très minces qualités des deux premiers épisodes qui étaient déjà bien peu de chose. Une sacrée arnaque.
The Cloverfield Paradox de Julius Onah avec une bande de tocards terrible (2018)
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