21 juin 2017

The Pleasure of Being Robbed / Lenny and the Kids

Les frères Joshua et Ben Safdie étaient en compétition au Festival de Cannes cette année pour le remarqué Good Time, un thriller policier qui marquait une belle évolution dans leur carrière puisqu'ils délaissaient quelque peu le style "mumblecore" pur de leurs débuts pour un film un peu plus posé et moins nerveux mettant pour la première fois en tête d'affiche une vraie vedette en la personne de Robert Pattinson, acteur aux choix décidément intéressants. Je n'ai pas encore vu Good Time mais ce que j'en ai lu m'a beaucoup attiré et amené à m'intéresser de plus près aux premiers films des cinéastes new-yorkais.

Leur premier long métrage, The Pleasure of Being Robbed, est une agréable petite divagation de 70 minutes, durant laquelle nous suivons les pas d'une jeune femme new-yorkaise, Eleonore, déambulant dans les rues et dérobant, un peu au hasard, ce qui lui tombe sous la main. Ses larcins entraînent aventures et rencontres, plus ou moins heureuses, et son chemin croisera notamment celui de Josh, interprété avec beaucoup de naturel par Joshua Safdie, pour une sympathique parenthèse de road movie.




Le premier essai des Safdie est très anecdotique et l'on aura facilement tendance à somnoler devant. Mais il s'agira d'un sommeil doux et rêveur, influencé, bercé par le rythme et le ton plutôt plaisant de leur film. On suit les pérégrinations de ce personnage paumé, campé avec fraîcheur par Eleonore Hendricks, une actrice fétiche du duo, en finissant par s'y attacher. Le film ne se contente pas d'être une courte escapade fantaisiste auprès d'une cleptomane un brin allumée, il se drape progressivement d'une certaine mélancolie, d'un spleen grisâtre qui semble envahir l'air des rues new-yorkaises et atteindre, par moments, le personnage principal, perdu. C'est donc un peu troublés que nous le laissons là, dans la rue, et que le film se termine, sur les notes de piano de Thelonious Monk, en symbiose avec l'atmosphère final.

Le second film des deux frères, Lenny and The Kids, parvient encore plus franchement à développer cette capacité étonnante à aller de la fantaisie vers le drame, de la légèreté vers la gravité, du rire insouciant à l'anxiété pesante. Les Safdie nous dressent cette fois-ci le portrait de Lenny, un père fantasque et imprévisible (Ronald Bronstein), qui doit s'occuper de ses deux fils, âgés de 7 et 9 ans (trivia : il s'agit de Sage et Frey Ranaldo, les enfants du guitariste de Sonic Youth, Lee Ranaldo, qui fait lui-même une brève apparition dans le film). Débordé par son quotidien, complètement désorganisé, Lenny a bien du mal à assurer son rôle de père mais se rattrape toujours auprès de ses gosses par des blagues et autres pirouettes.

Le film est constitué de séquences décousues et imprévisibles à l'image de Lenny, filmées caméra à l'épaule, au plus près des visages, dans un style qui ne varie quasiment jamais mais que les Safdie maîtrisent bien. Peu à peu, le ton s'assombrit, les difficultés de Lenny prennent une tournure réellement dramatique, anxiogène, que l'on aurait bien eu du mal à envisager au départ, malgré quelques indices disséminer ici ou là, comme par exemple la mauvaise rencontre avec un clodo brutal campé par Abel Ferrara. Un suspense assez morbide, où l'on s'interroge sur le devenir des enfants, s'installe dans le dernier tiers et porte les ultimes traits, cruels, au portrait, très troublant, de ce père dépassé.




Dans cette veine "mumblecore" qui caractérise un certain cinéma indé US actuel et malheureusement si propice aux œuvres totalement anodines, les frères Safdie sont donc parvenus à créer des films singuliers, où l'on sent un regard, un ton, bien à eux. Si The Pleasure of Being Robbed est une digression plutôt plaisante mais anecdotique, Lenny and the Kids réussit quant à lui à marquer assez durablement l'esprit. Je suis donc très curieux de découvrir ce qu'ils nous réservent pour la suite !


The Pleasure of Being Robbed de Joshua Safdie avec Eleonore Hendricks (2008)
Lenny and the Kids de Joshua et Ben Safdie avec Ronald Bronstein, Eleonore Hendricks, Sage et Frey Ranaldo (2009)

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