Comptant parmi les nombreuses variations sur les aventures de Sherlock Holmes,
Murder by Decree, réalisé par Bob Clark (l'auteur de Black Christmas) en
1978, est un film au scénario pour le moins accrocheur. L'idée de départ est séduisante puisque le scénariste John Hopkins et Bob Clark se proposent de faire plancher le célèbre
détective d'Arthur Conan Doyle sur les exactions répugnantes du non-moins célèbre Jack
l'éventreur. Le début du film est qui plus est très prometteur : les premiers plans, sur un Londres magnifiquement reconstitué,
tapissé d'un fog à couper au couteau émanant de la Tamise pour envahir
les ruelles sordides de Whitechapel, nous captivent tout de suite. Idem
de ces plans ralentis où un fiacre sort de la brume pour s'avancer
lentement mais sûrement vers la caméra, conduit par un cocher qui n'est
qu'une ombre et accompagné d'une bande originale glaçante.
Malheureusement, le film, dans sa seconde moitié, perd peu à peu
ses forces dans une intrigue politique (le titre annonçait la couleur me direz-vous) impliquant directement la famille royale, le gouvernement, et plus directement la
Franc-maçonnerie, ce qui a pour effet de diluer le bloc de terreur que persiste à constituer la violence
meurtrière incompréhensible de l'assassin mythique de Mary Ann Nichols, Annie
Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly. Les
figures des victimes comme celle du mystérieux tueur, pourtant bien amenée par les très gros plans sur son œil noir dilaté, écartelé, perdent les unes et l'autre
consistance, et toute une foule d'éléments qui ont contribué à rendre cette affaire
si mémorable (comme le caractère chirurgical des mutilations sur les cadavres
des prostituées, par exemple, qui aura fasciné jusqu'à Robert Desnos, auteur de textes remarquables sur la question) passent à la trappe, ou bien sont présentés
mais presque aussitôt évincés du récit (comme la tige de grappe de
raisin retrouvée sur l'un des lieux du crime).
En
revanche, si les seconds rôles sont inégalement traités (le médium
Robert Lees, interprété par Donald Sutherland, ne sert pratiquement à
rien ; alors que l'excellente Geneviève Bujold, dans le rôle d'Annie Crook, une
prostituée séparée de son enfant et enfermée sans procès, bénéficie de
quelques très belles scène dans un asile de folles particulièrement inquiétant), les deux personnages principaux sont
bien servis par Christopher Plummer, dans le rôle de Holmes, et surtout
le vieux James Mason dans celui de Watson. Ce dernier porte évidemment
la part comique du duo, qui lui sied à ravir. Plummer est plus
discret — il faut dire que son Sherlock a finalement guère le loisir de
bien s'illustrer, usant plus d'entregent et de connaissances en gestuelle
symbolique franc-maçonne que de véritable astuce et autre esprit de déduction —,
mais les scènes qui réunissent les deux personnages parviennent
facilement à faire sentir leur connivence et leur amitié. Le film, très plaisant au demeurant, et finalement assez original, aurait
sans doute gagné à leur opposer un véritable troisième rôle principal dans la peau de l'éventreur,
et à les laisser coudoyer plus souvent encore pour déjouer l'infâme et renouer coûte que coûte avec ce sourire que Holmes (et c'est une autre réussite du film), considérant avoir échoué (mais peut-être pas là où on s'y attendait), verra en partie effacé.
Meurtre par décret de Bob Clark avec Christopher Plummer, James Mason, Donald Sutherland et Geneviève Bujold (1979)
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