On ne va pas se mentir : que ce film-là ait pu figurer dans la plupart des tops annuels était une preuve supplémentaire que l'année 2020 fut frappée du sceau de l'infamie. Mais il était tout de même plutôt cool, cet Apatow, pour un Apatow ! Le gars a encore de nombreux travers et pourrait, avec un peu d'efforts, largement s'améliorer sur certains points. Comme Crazy Amy, The King of Staten Island est trop long, parfois très platement filmé, avec par exemple ces tunnels de champ-contrechamps lors des discussions à deux, et la trajectoire du personnage principal est des plus attendues, bouclée par toute une dernière partie plus laborieuse, consacrée à son rachat complet. Cependant, ce personnage de jeune homme paumé, qui vit encore chez sa mère et fuit toutes responsabilités d'adulte, encore meurtri par la disparition très prématurée de son père,
devient progressivement plutôt attachant, et l'on suit tout ça sans déplaisir.
Cette histoire est largement inspirée par la propre expérience de l'acteur et comique de stand-up Pete Davidson qui, à l'âge de sept ans, a perdu son père, l'un des nombreux pompiers décédés lors des attentats du 11 septembre 2001. Le film, dont l'humoriste a co-écrit le scénario, lui est d'ailleurs dédié.
Pete Davidson, que l'on craint d'abord de prendre en grippe du fait de son espèce d'insolente nonchalance (ou l'inverse), est en réalité d'un naturel désarmant. Il porte le film avec
une conviction évidente, super à l'aise dans ce rôle taillé sur mesure, il fait régulièrement étalage d'un bel abattage comique. Gravitent également autour de lui des personnages secondaires réussis, amusants, à commencer par les énergumènes impayables qui constituent sa bande de potes. Leurs interactions fleuries, lors de ces scènes assez poilantes où nous les voyons tuer le temps ensemble autour d'un gros pétard ou d'une console de jeux, occasionnent les meilleurs moments du film. Et puis il y a aussi Marisa Tomei, rayonnante et incisive dans le rôle de la mère de Davidson : elle illumine une paire de scènes et sort quelques répliques extras quand, à bout de nerfs, elle finit par recadrer son fils et son nouveau compagnon. Si le dernier acte est globalement en deçà et paraît plus forcé, ce King of Staten Island est tout de même bien rythmé et maintient une bonne cadence jusqu'au bout. Bref, une bonne surprise pour moi, qui le lançais avec pas mal de méfiance, et sans doute le meilleur film d'Apatow à mes yeux.
The King of Staten Island de Judd Apatow avec Pete Davidson, Marisa Tomei et Bel Powley (2020)
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