1 décembre 2020

Calm with horses

Calm with horses est la confirmation des débuts très encourageants de Nick Rowland derrière la caméra, lui qui avait déjà signé auparavant des courts métrages assez remarquables (visibles sur sa page Vimeo). Ce film de gangsters irlandais nous empoigne dès ses premières images par son ambiance forte et son style soigné, plein d'assurance, bien nourri par les nappes sonores électroniques de Blanck Mass. Pour son premier long, Nick Rowland a choisi d'adapter une nouvelle signée Colin Barrett et, à la vue de son film et sans en avoir lu une seule ligne, on est convaincu qu'il a dû savoir en capturer l'essence ou en tout cas en exploiter parfaitement le potentiel. Calm with horses s'ouvre par quelques mots prononcés en off par son personnage principal, Douglas, alias Arm, un ex-boxeur devenu homme de main pour la famille de truands qui tient la région. C'est lui que l'on envoie foutre des roustes pour régler quelques problèmes et faire le sale boulot. Il est un peu simple et c'est là une façon comme une autre de se servir de ses muscles, alors il s'exécute, machinalement. Jusqu'au jour où on lui demande carrément d'évincer un pauvre type... Ça, il ne peut pas, il n'y arrive pas, car, au fond, Douglas n'est pas un mauvais bougre, loin de là, il préfèrerait se remettre dans le droit chemin, se rabibocher avec son ex et pouvoir s'occuper de leur gamin.





Calm with horses nous plonge en douceur dans l'Irlande profonde et rurale, avec ces reliefs verts et boisés, ces villages un peu crados, ces quelques maisons isolées et ces barres d'immeubles curieusement paumées là, vétustes, giflées par une petite bruine permanente et écrasées par des nuages gris massifs, omniprésents. Malgré ce décor a priori plombant, Nick Rowland ne tombe pas dans la grisaille facile et n'en fait pas des caisses sur la misère qui frapperait les lieux et ses habitants, on sent plutôt qu'il doit aimer la région : les paysages sont magnifiques et les bâtisses joliment filmées. Également habile quand il s'agit de filmer la tension et l'action, avec notamment une courte poursuite en voiture aussi simple qu'efficace, Rowland réussit aussi à dresser une petite galerie de gangsters très crédibles, aux tronches plus ou moins ravagées par l'alcool ou autres drogues. Sans en faire trop, en quelques coups de pinceaux, il nous fait croire en ces types-là et peut s'appuyer sur des acteurs au diapason. Déjà croisé dans Dunkerque et La Mise à mort du cerf sacré, Barry Keoghan propose de nouveau une prestation intéressante, très nuancée. Il campe ici le petit frère du personnage principal, plus mauvais et retors, c'est lui qui le mène par le bout du nez et lui fait commettre des saloperies.





Surtout, le réalisateur britannique parvient très vite à nous rendre intéressant son personnage principal, dès ses premiers mots, que l'on imagine directement empruntés à l'auteur de la nouvelle, où notre homme s'interroge sur l'origine de sa violence. "I can hurt people but there's no hate in any of it now. Don't go thinking all violence is the work of hateful men. Sometimes... it's just the way a fella makes sense of his world." Par sa trajectoire narrative et sa façon de nous lier si fermement au destin d'un pauv' type que l'on aimerait malgré tout voir s'en sortir, s'affranchir pour de bon de son milieu dominé par des gangsters camés, Calm with horses peut rappeler le deuxième volet, le plus réussi, de la trilogie Pusher de Nicolas Winding Refn. Et si ce film acte la naissance d'un réalisateur doué, il est aussi la révélation d'un acteur étonnant, comme Pusher II révélait Mads Mikkelsen, un acteur à la tronche fascinante déjà entraperçue dans Lady Macbeth, le dénommé Cosmo Jarvis. Il impressionne par son allure totalement crédible pour ce rôle : une carrure très large, un intimidant bloc de force brute, et un visage insaisissable, légèrement dissymétrique. Il est tour à tour très beau et disgracieux, dans tous les cas charismatique, et même magnétique pourrait-on quasiment dire, tant l'acteur dégage quelque chose de spécial, parfaitement saisie par le cinéaste. Les dernières minutes sont entièrement consacrées à ce visage tourmentée et en souffrance, centre de gravité d'un premier film réussi qui constitue une belle promesse pour l'avenir, porté par un acteur et un réalisateur dont on garde les noms dans un coin de la tête. 
 
 
Calm with horses de Nick Rowland avec Cosmo Jarvis et Barry Keoghan (2020)

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