1 octobre 2019

Yesterday

Danny Boyle derrière la caméra, Dick Curtis, spécialiste autodésigné de la romcom british, au scénario... vous allez dire que je cherche le bâton pour me faire démonter ma tronche de blogueur ciné un poil trop curieux, et vous auriez raison. Mais voilà : le pitch m'intriguait. Je vous le résume en deux phrases : un zikos de pacotille qui peine à percer se réveille suite à une accident de vélo dans un monde où les Beatles n'ont jamais existé. Trop désireux de conquérir enfin le public, il s'approprie leurs chansons et impressionne tout le monde, à commencer par son amie d'enfance et "manager". Le début du film a quelque chose de plutôt amusant et plaisant, je dois l'avouer. Les deux acteurs principaux, Himesh Patel et Lily James, ont un certain charme, une fraîcheur, et Danny Boyle, qui sait parfois se montrer efficace, a le mérite de planter rapidement le décor et les enjeux du scénario. Un fan des Beatles doit même s'éclater devant ça, car il y a pas mal de références plus ou moins explicites à leur discographie, à leur histoire, qu'ils pourront s'amuser à relever. Je ne les saisissais pas toutes mais, pendant près d'une heure, je ne passais pas un mauvais moment.




Et puis tout s'écroule progressivement jusqu'à finir dans les limbes de la comédie romantique que l'on a déjà bien trop subie. Vite repéré par une productrice américaine imbuvable, l'imposteur s'envole pour Los Angeles, mettant de côté son amour platonique pour sa manager de toujours pour lui préférer un succès interplanétaire assuré. Le film se pare alors d'une satire très creuse et timide de l'industrie du disque et du spectacle, qu'il caricature sans génie, notamment à travers ce personnage de productrice que l'on a tout simplement envie d'étrangler (Kate McKinnon, insupportable). Alors que la première heure parvenait à nous faire sourire une fois ou deux, la suivante nous fout carrément sur les nerfs. L'histoire d'amour entre notre plagiaire en chef et son amie d'enfance revient au premier plan et peine sacrément à nous passionner tant tout paraît couru d'avance et tant les choix des personnages sont désespérants. On tombe dans tous les travers habituels de ce genre de films. Le dernier tiers est le plus laborieux et l'exaspération atteint son paroxysme quand tous les protagonistes se retrouvent réunis dans les coulisses du dernier concert et que l'un s'efface au profit de l'autre pour que tout rentre dans l'ordre bien comme il faut. Ouf, il était temps.




Côté romance, on s'en bat le steak, tout comme on se fiche du léger cas de conscience du musicien, qui finit par voir son action adoubée par John Lennon himself (incarné par un méconnaissable Robert Carlyle) et par les deux seuls autres pelés qui se souviennent des compositions oubliées des scarabées. Et côté comédie, ça n'est pas mieux, le film usant toujours des mêmes ficelles, avec cette manie d'interrompre une scène à son moment crucial histoire d'hameçonner le spectateur, comme par exemple en coupant nette une déclaration tant attendue sur le point d'être faite. C'était presque sympa au début, quand notre singer-songwriter aux abois essayait de jouer pour la première fois Let it Be à ses parents, en étant sans cesse coupé dans son élan, c'est super relou ensuite, quand cela devient systématique et ne fait que repousser l'inéluctable. Constatons aussi que Danny Boyle n'a pas tout à fait abandonné ses tics morbides, nous gratifiant de quelques cadrages obliques hideux dont il a le secret et forçant son couple vedette à fricoter devant le gigantesque écran plat resté allumé de leur chambre d'hôtel, histoire de donner des allures clipesques à leurs premiers émois. Il fallait bien qu'il se lâche de temps en temps, qu'il appose sa triste patte à cette love story finalement si convenue. 




Le cinéaste britannique prétend vraisemblablement nous mener à une réflexion sur l'importance et la beauté de la transmission des œuvres d'art, de générations en générations, à travers ce personnage principal dont le travail personnel n'existe plus mais qui semble tout à fait se contenter de ce rôle de vecteur du répertoire des Beatles. Le souci est que le cinéaste survole à peine ce sujet, il ne s'intéresse pas à la réception de ces morceaux par le public actuel, il n'aborde guère les conséquences de l'absence des Beatles sur la musique pop (si ce n'est sous forme de rapide clin d’œil, en nous montrant qu'Oasis n'a jamais existé), questions sans doute trop complexes pour notre cher Dick Curtis. Les chansons du Fab Four sont d'emblée considérées comme des tubes intemporels, des petites formules bien faciles à reproduire à partir du moment où l'on s'en remémore vaguement. C'est tout juste si l'on s'amuse de l'anachronisme d'un titre comme Back in the USSR ou que l'on interroge l'auteur sur le sens de tel ou tel parole devenue encore plus cryptique qu'à la date véritable de son écriture. Tout cela est bien trop superficiel pour avoir le moindre intérêt, à l'image du film tout entier : un pet lâché au vent sur un passage piéton. 


Yesterday de Danny Boyle avec Himesh Patel et Lily James (2019)

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