10 février 2019

Looker

Albert Finney est un chirurgien esthétique d'exception, sans doute le meilleur de sa profession. Très demandé, il doit réaliser les exigences saugrenues de mannequins déjà très belles mais désireuses d'approcher encore davantage de la perfection, celle dictée par une obscure agence de publicité qui s'appuie sur des critères très précis, établis au millimètres près ! Après avoir réalisé son travail, Albert Finney apprend la mort de quatre de ses patientes... Soupçonné par la police, il entame lui-même une enquête pour comprendre ce qui pousse les modèles au suicide et il décide de prendre sous son aile l'une des jeunes femmes. Au cours de ses investigations, Albert Finney va lever le voile sur une société de productions publicitaires qui, s'appuyant sur des expériences scientifiques poussées, souhaite utiliser une forme d'hypnose dans ses spots pour atteindre immanquablement ses cibles et mieux vendre ses produits, et, pourquoi pas, manipuler les masses...  





Sorti en 1981, Looker est un "techno-thriller" signé Michael Crichton, spécialiste du genre. Il aborde des thèmes intéressants, toujours valables, et son scénario surprend même encore aujourd'hui, à l'heure où les publicités peuvent, à grand renfort de récupération massive de données, être si personnalisées et que nous pouvons désormais analyser très précisément les impacts sur les consommateurs potentiels des images et sons qui leurs sont diffusés. La même histoire, entre les mains d'un cinéaste plus doué, aurait ainsi pu donner un excellent thriller mâtiné de science fiction, soulevant avec acuité des questions plus que jamais d'actualité. Il s'agit là d'un talent que l'on ne peut guère enlever à Michael Crichton, assez habile pour mettre le doigt, très tôt, sur des grandes problématiques posées par le progrès technologique et les placer au service de récits de science fiction prometteurs. Looker nous rappelle hélas que si l'écrivain est une redoutable boîte à idées, une poule pondeuse de pitchs de SF alléchants, il est aussi un bien piètre cinéaste, trop limité, voire arrogant, il suffit de se rappeler le rôle qu'il a joué dans le désastre du Treizième Guerrier de John McTiernan.





Un peu moins haletant que Morts Suspectes ou Mondwest, Looker ne réussit pas à développer cette atmosphère paranoïaque qui aurait été plus que la bienvenue. Il ne parvient pas non plus à faire naître un suspense efficace et donne même à voir quelques scènes très pauvres, plates, où rien ne se passe alors que l'enjeu y est pourtant important. Soyons honnête et relevons tout de même une ou deux bonnes séquences, à l'impact visuel réel : je fais ici surtout allusion à l'analyse du mannequin incarné par la blonde Susan Dey, dont le corps est littéralement passé au crible, sous différentes lumières, pour, à l'image, des effets simples mais franchement réussis. Malheureusement le film ne maintient jamais ce pouvoir de fascination. Le final apparaît même assez mollasson, les quelques idées de mise en scène (Albert Finney et James Coburn se retrouvant parachutés dans des décors différents lors de l'affrontement final dans les studios de la société de production) ne sont jamais vraiment bien exploitées. Au bout du compte, bien que le film de Michael Crichton suscite clairement une certaine sympathie grâce à son côté visionnaire, son pitch malin, son casting solide (impeccable Albert Finney) et une ou deux scènes bien emballées, il laisse surtout un goût de regret et ne parvient pas, loin de là, à se hisser au niveau des vraies réussites du cinéma de SF des années 80. C'est dommage : entre les mains d'un vrai cinéaste, ce film aurait certainement fait date. Il suffit d'imaginer un Jurassic Park réalisé par Crichton pour se dire que donner une caméra à ce type n'était pas l'idée du siècle.


Looker de Michael Crichton avec Albert Finney, Susan Dey et James Coburn (1981)

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