8 août 2018

Super Dark Times

Premier long métrage de Kevin Phillips, Super Dark Times s'inscrit quelque part entre Stand By Me, Paranoid Park et Mean Creek. Avec le succès de la série Stranger Things et du film d'horreur d'Andrés Muschietti, Ça, il atteste également de l'essor actuel des histoires, teintées de nostalgie, d'adolescents dans le pétrin, devant faire face à des drames et autres phénomènes qui les dépassent totalement. L'action se situe ici au milieu des années 90, dans un bien joli coin de campagne du nord est des Etats-Unis. Pour en révéler le moins possible et vous garder intact le plaisir de la découverte, je resterai très vague : quatre adolescents se retrouvent impliqués dans un drame terrible et devront chacun gérer leur culpabilité. Une situation somme toute très classique et déjà vue plusieurs fois au cinéma et ailleurs, mais ici assez bien traitée. Plutôt que de nous narrer la trajectoire prise par chacun des jeunes, le réalisateur se focalise sur deux d'entre eux. Deux meilleurs amis de lycée dont le drame révèle les personnalités divergentes. A priori prévisible, mais tout de même agréable à suivre car Kevin Phillips a du style, le scénario prend finalement une tournure plus terre à terre, et presque horrifique, avec l'affirmation chez l'un des protagonistes d'une personnalité déséquilibrée...




Dès la courte scène d'introduction, Kevin Phillips parvient à capter notre attention et installe d'emblée une ambiance spéciale, flottante, annonciatrice d'un drame à venir, inéluctable. La musique signée Ben Frost participe joliment à cet effet. Les adultes sont ici pratiquement absents. Seule la mère du héros (Amy Hargreaves), une assez simple et belle figure maternelle au passage, tient un rôle notable. Aucun homme adulte à l'écran, aucune figure paternelle. Le film laisse ainsi l'impression d'un abandon, d'être le spectacle d'adolescents livrés à eux-mêmes, délaissés, presque condamnés à mal tourner. Kevin Phillips s'intéresse de près à ses personnages qu'il prend son temps à filmer, à installer et sur lesquels il porte un regard assez doux. Il capte plutôt bien l'adolescence, ce moment décisif où chacun doit s'affirmer, s'assumer. Les premières scènes qui plantent leur environnement, aux couleurs automnales et à l'ambiance brumeuse, et qui nous proposent d'assister à leurs interactions quotidiennes ainsi qu'à leurs allées et venues à vélo, correspondent à la partie la plus réussie.





Le cinéaste, un trentenaire qui avait auparavant signé plusieurs courts métrages remarqués, fait donc preuve d'un certain talent et a sans doute été à bonne école. Sa mise en scène soignée est illuminée par quelques très beaux plans et traversée par des idées de montage fort bienvenues. Moment crucial du film et point de bascule attendu, la scène où survient le drame est plutôt bien gérée, mais c'est lors de quelques scènes de cauchemars que Kevin Phillips se montre plus inspiré. Certaines images s'avèrent assez marquantes, comme ce détail pourtant fugace d'une petite fille qui assiste, figée et l'air hagard, à une scène de violence terrible se déroulant dans le jardin en face de chez elle. Pour ne rien gâcher, les jeunes acteurs sont irréprochables. Dans le premier rôle, Owen Campbell démontre une belle sensibilité. Face à lui, Charlie Tahan se pose en sosie juvénile assez flippant de Jonny Greenwood, cachant son mal être derrière ses mèches de cheveux folles et un sourire en biais. Côté fille, la délicieusement nommée Elizabeth Cappuccino est parfaite aussi, crédible et, comme les autres, éloignée des stéréotypes et canons de beauté actuels. Des acteurs à suivre !





Nous espérons aussi que la suite de la carrière de Kevin Phillips sera plus productive que celle du gars qui avait signé le sympathique Mean Creek (ça remonte quand même à 2004, quelqu'un a des nouvelles ? Ah, sa page Wikipédia annonce un film de SF horrifique produit par Jason Blum, à venir en 2018, croisons les doigts pour un retour en forme !). Le premier long de ce Kevin Phillips est en tout cas une belle promesse : un teen movie qui n'est clairement pas un feel good movie mais bel et bien une œuvre de fière allure et tout à fait digne d'intérêt. 


Super Dark Times de Kevin Phillips avec Owen Campbell, Charlie Tahan, Amy Hargreaves et Elizabeth Cappuccino (2017)

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