15 août 2018

Le Grand Jeu

Molly's Game est le premier long métrage réalisé par Aaron Sorkin, scénariste multi récompensé pour des films aussi marquants que Steve Jobs, The Social Network ou Le Stratège et des séries télévisées (A la Maison Blanche, The Newsroom, etc). La particularité des œuvres de Sorkin est d'être particulièrement bavardes : il nous assomme de longs dialogues et autres monologues interminables qui essaient vainement de nous donner l'impression que l'on a affaire à quelque chose de terriblement intelligent. Son premier film en tant que réalisateur n'échappe pas à la règle, il est tout ce que l'on pouvait redouter. Son unique intérêt réside en la beauté tapageuse de son actrice principale, notre idole Jessica Chastain, que l'on préfère toutefois plus naturelle, moins "bimbo". Les dialogues sans fin signés Aaron Sorkin ont en outre le fâcheux défaut d'engendrer des lignes et des lignes de sous-titres qui dissimulent les décolletés vertigineux de la star.





Jessica Chastain est Molly Bloom, une self made woman (un de ces personnages que passionnent tant Aaron Sorkin) qui a réussi à faire fortune en devenant organisatrice de parties de poker aux mises astronomiques. Le film nous retrace son parcours à l'heure où elle doit se défendre face aux accusations, aidée par un avocat habitué à relever de tels défis. Dès les premières secondes, Jessica Chastain nous martèle sur un débit mitraillette un texte imbitable fait de citations lourdingues, de formules toutes faites et de soi-disant bons mots qui tombent souvent à plat. Pris de court, on a bien du mal à se passionner pour ce qu'elle nous raconte et on peine aussi à y croire (Jessica Chastain, championne de ski de bosses ?...). Revient alors à notre esprit la première scène mortelle du Social Network de David Fincher dans laquelle un Jesse Eisenberg inarrêtable inondait Rooney Mara et le spectateur avec elle d'un flot de paroles abominable, une introduction qui avait déjà eu pour effet de nous mettre K.O. d'entrée.





Côté mise en scène, Aaron Sorkin paraît là aussi avoir peur du vide. Se prenant pour Scorsese, il vise le rythme à tout prix, par un montage très rapide, sans temps mort, qu'il doit imaginer dynamique et fun. Il nous explique le poker par des petits schémas explicatifs pathétiques qui apparaissent à l'écran comme dans un mauvais tuto Youtube. Il s'avère bien incapable de développer la moindre tension pour un jeu qui, à vrai dire, ne l'intéresse pas. Sorkin déploie en fin de compte un style très télévisuel, on se croirait devant l'épisode beaucoup trop long (140 minutes !) d'une série américaine moisie. Les acteurs participent à ce triste effet : aux côtés d'une Jessica Chastain irréprochable bien que peu étonnante dans un de ces rôles de femme de caractère auxquels elle est désormais abonnée, les hommes ne font pas du tout le poids.





Roulant des mécaniques du début à la fin, Idris Elba agace dans le rôle de l'avocat prestigieux de Molly Bloom. Il doit tenir tête à sa cliente pugnace lors de joutes verbales épuisantes où les deux se répondent du tac au tac dans de pénibles concours de répartie, chacun s'échinant à avoir le dernier mot. Mais le plus ridicule dans cette affaire est certainement le pauvre Kevin Costner que l'on était pourtant heureux de retrouver au casting d'un film de cette "envergure" (notez les guillemets). L'acteur sur le retour n'a pas hérité d'un rôle facile puisqu'il campe le père insupportable de Molly Bloom, un daron exécrable qui, le repas du soir venu, demande très solennellement à ses enfants "Alors, vous avez appris quoi à l'école aujourd'hui ?". On a juste envie de lui péter au nez... La réconciliation finale entre lui et sa fille, supposée atteindre un sommet d'émotion si l'on en croit la bande son sursignifiante qui l'accompagne, est d'une nullité absolue. Elle a pour seul effet de nous mettre une nouvelle fois face à l'indigence extrême d'Aaron Sorkin. Ce type-là ne doit pas avoir la même conception du cinéma que nous. Il nous donne envie de nous replonger dans l'âge d'or du cinéma muet et d'éviter soigneusement à l'avenir toutes les saloperies dans lesquelles il sera impliqué. Un dernier mot à l'attention de Michael Cera : tu ne nous avais pas manqué. 


Le Grand Jeu (Molly's Game) d'Aaron Sorkin avec Jessica Chastain, Idris Elba et Kevin Costner (2018)

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