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3 juillet 2014

Big Bad Wolves

Après le plutôt prometteur Rabies, slasher hybride étonnant, voici donc le deuxième long métrage du duo israélien, Aharon Keshales et Navot Papushado, déjà accompagné d'une réputation assez enviable. Le duo est encore bien décidé à explorer différents genres cinématographiques en nous proposant cette fois-ci ce qui ressemble d'abord à un film de gangsters, avec sa tripotée de personnages de truands idiots, et mute progressivement en un thriller en huis-clos louchant clairement du côté du torture-porn, le tout étant régulièrement teinté d'un humour noir plus ou moins heureux. C'est sans doute cet esprit aventureux, à la fois riche en références et visant malgré tout l'originalité, qui a dû taper dans l’œil de Quentin Tarantino, lui-même régulièrement cité par les deux israéliens. Le cinéaste le plus vénéré de sa génération a ainsi fait de Big Bad Wolves son petit poulain. Son coup de pouce s'avère malheureusement assez cruel tant il apparaît démesuré : il a pour effet de gonfler les attentes de spectateurs qui seront, du coup, inévitablement déçus. Sa citation définitive, inscrite en gros sur l'affiche, dessert totalement le nouveau film de Keshales et Papushado. Il s'agirait donc du "meilleur film de l'année", tout simplement... On connaît la spontanéité de Tarantino en interview et son enthousiasme excessif pour un certain cinéma bis, il est donc nécessaire de prendre cette phrase avec de sacrées pincettes, autrement dit, de ne pas la prendre au sérieux du tout. Je vous y encourage, vous risqueriez sinon d'être de nouveau plongé dans la plus grande incompréhension face aux préférences de celui qui pourrait utiliser son immense aura pour mettre en avant des titres autrement plus remarquables...




Car Big Bad Wolves est une œuvre bâtarde, beaucoup moins originale que Rabies, un film raté, qui peine tout du long à surprendre et à trouver un équilibre entre sérieux et second degré. Deux hommes, le père d'une fillette assassinée et un flic aux méthodes discutables, se lancent à la poursuite d'un tueur en série pédophile. Après avoir mis la main sur le principal suspect, ils se retrouvent dans le sous-sol d'une maison isolée. Leur objectif est de faire avouer au suspect ses crimes avant de le tuer. Le point de départ est d'une grande banalité et on attend que le duo s'en serve comme base pour enchaîner les péripéties. Que nenni. On attend toujours que le film aille plus loin, d'un côté comme de l'autre, vers le sérieux ou l'humour ; en vain. Les moments de tortures sont à la fois timides et suffisamment démonstratifs pour être dérangeants (en particulier le passage au chalumeau). Les problèmes moraux que pourrait interroger le scénario sont tout simplement ignorés (ce qui n'a pas dû embêter Tarantino...). Quant aux quelques blagues, elles tombent très souvent à plat et sentent vraiment le réchauffé. Pour ce qui est de la forme, la mise en scène et la photographie sont très pro, très américaines, on jurerait qu'on est en train de regarder un film hollywoodien ou une série-télé soignée. En bref, rien à signaler. Là encore, on est en droit d'attendre autre chose d'un tel film... Keshales et Papushado faisaient preuve de plus d'inspiration dans leur premier essai, ils attestent ici d'une personnalité bien plus hésitante et timorée. Pas de quoi s'enflammer, et quand survient le générique final, on est carrément sur notre faim. Inutile de dire que je ne me ruerai guère vers les autres titres qui constitueront le fameux top annuel de Tarantino.


Big Bad Wolves d'Aharon Keshales et Navot Papushado avec Lior Ashkenazi, Rotem Keinan, Tzahi Grad (2014)

2 juillet 2014

Rabies

Présenté comme le tout premier slasher du cinéma israélien, Rabies est avant tout un film d'horreur plus intelligent que la moyenne et prenant un malin plaisir à déjouer méticuleusement les attentes des spectateurs. Son étiquette de slasher est ainsi totalement factice, même si ses deux auteurs, Navot Papushado et Aharon Keshales (qui ont co-signé la réalisation et le scénario), connaissent parfaitement le genre et s'amusent à mettre tout en œuvre pour que l'on croie bel et bien qu'ils nous mènent droit vers cette voie si familière. Leur film débute ainsi avec une petite bande de jeunes qui s'en vont jouer au tennis et se retrouvent malencontreusement coincés dans une sorte de réserve naturelle après avoir percuté un type déjà bien amoché avec leur 4x4. La pauvre victime finit par se relever et leur demande de l'aide : une jeune fille serait retenue prisonnière dans les bois, vaste espace truffé de pièges en tout genre, et vraisemblablement hantée par un mystérieux tueur. Un brave berger allemand, un couple de géologues sympathiques et un duo de flics idiots se mêlent ensuite à la fête, le massacre peut alors commencer... Tous les personnages finiront en effet par y passer, sans qu'une logique compréhensible ne semble jamais régir cet étonnant carnage, ma foi assez plaisant à suivre et plutôt amusant dans sa majeure partie. Quand on comprend enfin que le film s'échine à éviter toutes les étiquettes pour finalement apparaître comme une sorte de parodie sanglante à l'humour noir particulièrement glaçant et corrosif, on finit tout de même par s'ennuyer un brin. Le petit jeu de massacre devient progressivement un peu trop systématique et le film peine à tenir la longueur. Las, on peut même se demander si l'exercice n'est pas un peu vain, et c'est bien dommage, car avant que le film s'essouffle et que son rythme patine, on goûtait là une vraie singularité. 




Il y a en effet un réel talent, chez les auteurs de Rabies, pour surprendre et intriguer l'audience habituée à voir défiler sous ses yeux des produits horrifiques aseptisés et se ressemblant tous comme deux gouttes d'eau. Bien qu'imparfait et maladroit, leur film apparaît du coup comme une réponse modeste et maligne à ce cinéma d'horreur sans âme ni aucun imprévu qui abreuve nos écrans depuis des lustres. Leur mise en scène parfois très inspirée réussit à faire surgir l'inattendu et à provoquer la stupeur, avec par exemple cette scène très bien menée où, tandis qu'un des flics est au téléphone et que la caméra le suit dans ses déplacements, nous devinons en arrière-plan une situation a priori anodine qui prend peu à peu une tournure épouvantable. Autre particularité : Navot Papushaldo et Aharon Keshales ont le chic pour faire monter la tension et nous quitter juste avant la conclusion paroxystique attendue de la scène, pour mieux enchaîner avec une autre situation tendue, en reproduisant encore le même schéma, ce qui a pour effet de créer un suspense original et une attente toujours bien entretenue. Arrivé dans une scène, on a hâte de revenir à la précédente, que l'on ne reprend pas au moment où on l'a quittée, mais après : on peut alors deviner ce qui s'y est produit, et ainsi de suite. Bref, leur petite idée fonctionne comme il faut ! Notons aussi que les acteurs sont tous bons, et permettent eux aussi d'élever le film nettement au-dessus des standards habituels. Une jeune actrice brune aux yeux bleus, Ania Bukstein, intrigue beaucoup. Son corps avantageux correspond parfaitement à ceux de ces bimbos décérébrées que l'on croise inévitablement dans ce genre de films, mais il est surmonté d'un visage de caractère, très particulier, presque masculin, dont les réalisateurs exploitent très bien la bizarrerie. Malgré les défauts de ce qui est leur tout premier film, Navot Paspushado et Aharon Keshales s'affirment comme un duo de cinéastes à suivre. Leur Rabies reste une bonne surprise, un film étrange et étonnant qui mérite amplement que l'on en dise quelques mots.


Rabies de Navot Papushado et Aharon Keshales avec Lior Askenazi, Danny Geva et Ania Bukstein (2010)