14 mai 2022

Bull

C'est par respect pour la chronologie des médias que je vous parle seulement aujourd'hui de ce film que j'ai découvert bien avant vous. Non distribué dans nos salles mais projeté lors de quelques festivals plus ou moins confidentiels consacrés au cinéma de genre, Bull est désormais visible en VOD. Une destinée hélas prévisible pour ce revenge flick british hyper violent qui a la modeste prétention de nous faire passer 88 petites minutes de haute intensité en très très mauvaise compagnie. Le pitch pourrait être le fruit de l'imagination débridée d'un ado d'une dizaine d'années amateur de légendes urbaines et d'anecdotes sordides, et c'est aussi ce qui fait tout son charme. Bull nous raconte une histoire de vengeance d'une terrible simplicité que seul le montage malin et non linéaire du récit rend surprenante et intéressante. Impitoyable homme de main d'une petite bande de gangsters de la campagne anglaise dirigée par son beau-père, le (très à propos) surnommé Bull revient au bercail après dix ans d'absence, bien décidé à en découdre avec ceux qui l'ont éloigné de force du seul être qui suscitait chez lui un peu de douceur et d'humanité, son fils. Dans les faits, cela se traduit par l'élimination méthodique et sanglante, perpétrée à l'aide de scotch américain et d'une machette bien aiguisée, de toutes les personnes que Bull estime impliquées dans cette séparation forcée, à commencer par celui dont il était jadis le gendre pas si idéal que ça... 




Paul Andrew Williams a donc l'heureuse idée de développer deux trames temporelles que son montage malin et sans affèterie agence de la façon la plus simple qui soit : le présent de la froide vengeance du personnage principal, animé par une rage implacable, nous est ainsi progressivement éclairé par des scènes de son passé. Passé comme présent se jouent sur un temps très resserré, une paire de jours tout au plus, ce qui participe grandement à l'agréable concision du film et à la clarté de son intrigue qui convoque une galerie d'énergumènes fort peu recommandables (le vieux chef de meute, campé par David Hayman, sortant du lot grâce à la répugnance feutrée que l'acteur écossais parvient à susciter avec ses petits yeux vicieux sous son petit crâne ridé et tâché). Pour couronner le tout, et je vous invite ici à ne plus me lire si vous avez la moindre chance de regarder ce film un jour, Bull s'achève par un twist assez osé et dingue puisqu'il nous fait d'un coup basculer sans ambages dans le surnaturel, ni plus ni moins. Cette pirouette finale nous conforte dans la charmante impression que ce thriller quasi horrifique, à l'humour noir discret mais salvateur, aurait pu être la concrétisation en images de quelques sombres fantasmes d'un jeune et enthousiaste esprit avide d'histoires glauques. Ce twist diabolique renforce aussi ce sentiment fugace : celui de voir en ce protagoniste craint de tous, friand d'arme blanche, à la gestuelle et aux expressions plutôt minimalistes, à la démarche résolue et toujours égale, laissant désolation et cadavres saignants dans son sillage, un lointain cousin anglais de l'impassible et immortel Michael Myers. Une parenté d'autant plus inattendue et presque amusante quand on sait que notre personnage éponyme est puissamment incarné par Neil Maskell (déjà vu et apprécié dans Kill List, du regretté Ben Wheatley – paix à son âme), tout en rage mal retenue et éclats de folie et d'ultra violence coupante. Or, le sympathique Neil Maskell est un sosie bedonnant de Will Forte, cet acteur comique américain que l'on imagine difficilement faire du mal à une mouche... Autant de rapprochements plaisants, à l'image de cet ultime retournement audacieux, qui font de Bull un film de genre concocté avec malice qui remplit dignement son office.


Bull de Paul Andrew Williams avec Neil Maskell, David Hayman et Lois Brabin-Platt (2021)

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