16 septembre 2020

Trois jours et une vie

C'est normal d'éclater de rire à la mort accidentelle d'un gamin de cinq ans ? Cela fait de moi un sociopathe ? Ou cela fait de Nicolas Boukhrief un piètre cinéaste ? Ou bien du scénario de ce film un amoncellement d'événements sordides et une réunion de personnages pitoyables qui ont pour effet de rendre impossible toute empathie ? Peut-être tout ça à la fois... En tout cas, il y a quelque chose de vraiment drôle dans le montage que nous propose Boukhrief lors de cette fameuse scène. On sent le réalisateur soucieux de nous faire comprendre chaque détail du déroulement tragique de l'accident. J'ai particulièrement apprécié ce gros plan furtif sur les petites bottes du gosse qui, après avoir reçu un bout de bois sur le front, se fait un croche-patte lui-même avant de s'étaler par terre, sa tête heurtant un gros caillou. Dit comme ça, c'est franchement triste et il n'y a vraiment rien d'amusant, je le reconnais, mais à l'écran, Boukhrief réussit à rendre ça tordant, je vous jure. Je me la suis repassée deux ou trois fois...




Trois jours et une vie est l'adaptation d'un bouquin de Pierre Lemaitre. Je n'ai jamais lu un seul de ses livres et je suis désormais sûr que ça n'est pas près d'arriver. Lemaître a joué un rôle actif dans cette adaptation puisqu'à en croire Allociné, c'est lui qui l'a directement proposée à Boukhrief. Il en a co-signé le scénario et écrit les dialogues. L'auteur apparaît même dans un rôle clé, à un moment crucial du film, il n'est autre que le procureur qui vient annoncer en public les résultats de l'enquête. Bref, tout ça pour dire que si Boukhrief est à pointer du doigt, Lemaitre l'est aussi. Reconnaissons toutefois qu'il y a quelque chose d'addictif dans ce scénario de malheur, qui réserve certaines surprises tellement énormes que l'on aurait pas osé les envisager. Le coup de la tempête du siècle qui ravage tout, rendant les recherches impossibles, celui du premier amour enfin consommé, qui tombe enceinte direct... chapeau l'artiste, fallait oser ! Les péripéties s'enchaînent de telle façon que l'on veut toujours connaître la suite, comme poussé par une curiosité malsaine et irrépressible. A chaque fois que l'on croit que la coupe est pleine, on nous en rajoute encore. C'est formidable !




Pierre Lemaitre a une imagination débordante quand il s'agit d'accumuler les couches de malheurs, d'enchaîner les moments gênants et de prendre en tenaille son audience. Le tout, pour ne rien gâcher, dans la grisaille ultra glauque du nord-est, axé autour d'un personnage principal roux, haïssable et unidimensionnel, qui ne nous intéresse à aucun moment bien qu'on le suive de l'enfance à l'âge adulte. Le pauvre gars qui a accepté le rôle est normalement cramé pour le reste de sa carrière, on ne veut plus jamais le recroiser après ça. Certains acteurs sont en roues libres, comme Charles Berling, dont les deux trois coups de sang amènent quelques éclaircies et un peu de vie, d'autres font simplement peine à voir, tout particulièrement la pauvre Sandrine Bonnaire, qui a dû s'imaginer retourner chez Chabrol alors qu'elle fait de la figuration dans un mauvais téléfilm. Trois jours et une vie est un film à fuir absolument qui a de quoi vous scotcher tout en vous foutant sur les nerfs. 


Trois jours et une vie de Nicolas Boukhrief avec Pablo Pauly, Charles Berling et Sandrine Bonnaire (2019)

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