1 décembre 2019

Séduis-moi si tu peux !

Séduis-moi si tu peux !, version française fort peu inspirée de Long Shot, est une énième comédie romantique sur le thème du mariage de la carpe et du lapin. Tout oppose Seth Rogen et Charlize Theron. Le premier est un journaliste politique réputé pour son franc-parler, aux « idées » bien affirmées, laid comme un pou et toujours vêtu d'un k-way de très mauvais goût. Il a été demandé à Seth Rogen de venir sur le plateau au naturel, sans oublier sa casquette préférée. La deuxième est la Secrétaire d’État des États-Unis, pragmatique et ambitieuse, très appréciée des médias pour sa classe et sa beauté, elle est promise à une grande carrière dans un monde dont elle connaît bien les rouages. Les deux individus vont être amenés à collaborer, la politicienne souhaitant utiliser les « talents » d'écriture et l'humour du journaleux (notez les guillemets quand j'évoque le personnage campé par Rogen). Ce dernier, sous le charme de celle qui s'avère être son ancienne baby-sitter, qui a provoqué chez lui ses premiers émois, ne peut refuser la proposition malgré des divergences de points de vue indéniables.




Pour fonctionner, une telle comédie romantique a nécessairement besoin de s'appuyer sur un duo central sympathique et attachant, joué par des acteurs drôles et charmants, autour desquels doivent de préférence venir graviter en renfort des personnages secondaires truculents. Dans un exercice plutôt inhabituel pour elle, Charlize Theron s'en tire avec les honneurs. L'actrice est clairement le plus grand atout du film, elle s'avère assez à l'aise dans le registre comique, son charme et son élégance au beau fixe permettent un contraste saisissant avec l'allure disgracieuse de Seth Rogen. Celui-ci est le maillon faible mais, soyons honnête, le problème vient davantage de son personnage que de l'acteur lui-même, auquel nous étions tout à fait prêt à donner une nouvelle chance, malgré une diction, une voix et une présence toujours très problématiques.




Comment, en effet, prendre en sympathie ce type qui, soucieux de « remettre à jour » cette politicienne trop absorbée par sa vie professionnelle pour s'accorder une minute à elle, lui fait l'apologie des films de l'univers Marvel et de la série Game of Thrones ? Il lui impose ensuite des séances de rattrapage et nous les voyons tous deux, affalés devant la télé, passer de grands moments de complicité et de joie lors de soirées inoubliables, tour à tour sous le choc des morts surprenantes de la fameuse série et sur le cul devant les scènes post-génériques à gerber des films sus-cités. Pour un blogueur ciné, ces scènes-là sont rudes à encaisser. Rappelons que Seth Rogen est supposé incarner un journaliste cultivé, une fine plume au regard pertinent et acéré sur la société (j'ai arrêté avec les guillemets car il y en aurait trop). Déjà, c'est dur à croire, mais si en plus on nous le montre prendre son pied devant de tels trous noirs artistiques, c'est compliqué... D'autant plus que le film cherche sans doute très bassement à flatter ainsi le spectateur lambda, rassuré de voir qu'il mate les mêmes merdes que ces personnages pathétiques. C'est bien facile tout ça.




Autour de Theron et Rogen, dont l'alchimie n'est pas franchement évidente, les personnages secondaires ne rattrapent pas le coup. Ils sont beaucoup trop fabriqués et creux, à l'image d'un Andy Serkis lamentable grimé en vieil homme d'affaire véreux. Ce cabotin de fonds verts et d'heures de maquillage intensif semble condamné à se travestir ridiculement, comme si la seule prouesse d'être de nouveau méconnaissable était censée suffire et impressionner la galerie. A mes yeux, Andy Serkis est juste l'un des acteurs les plus tristes du monde. Quant à O'Shea Jackson Jr., dans le rôle du meilleur ami de Seth Rogen, il laisse parfois entrevoir les mêmes dons comiques que son papa Ice Cube, grande attraction des 21 Jump Street, mais il finit le plus souvent par nous saouler. Surtout, il est au cœur de la scène la plus crispante du lot : celle où Rogen se rend compte que son ami de toujours est un Républicain pur jus et fier de l'être, convaincu que ses valeurs lui ont permis de réussir sa vie (self-made-man même pas âgé d'une trentaine d'années, il est déjà à la tête d'une start-up qui règne sur les derniers étages d'un gratte-ciel de Manhattan...). Rogen découvre alors que ce sont ces mêmes valeurs, insidieusement inculquées par son pote, grosso mierdo fondées sur la confiance en soi et la foi en la réussite individuelle, qui lui ont permis de conquérir Charlize Theron, c'est-à-dire d'accomplir le plus grand exploit de sa vie. Tout cela est assez déprimant en plus d'être d'un esprit douteux.




Ce film beaucoup trop long qui bouffe à tous les râteliers finit par échouer à tous les étages. On ne rit pratiquement jamais, si ce n'est lors d'une chute (littéralement, une chute : quelqu'un qui tombe...), et on ne ressent aucun plaisir à voir Charlize Theron et Seth Rogen se rapprocher, se fâcher, prendre leur distance, pour se rabibocher enfin, Séduis-moi si tu peux ! passant bien par toutes les étapes obligées de ce genre de films à la formule frelatée. La pseudo satire du monde politique timidement ébauchée en toile de fond est bien trop grotesque et absurde pour avoir quelque chose d'un tant soit peu pertinent. Mais admettons qu'il est à présent difficile, pour les américains, d'imaginer un président plus grotesque que le guignol bien réel qui est à la tête de leur pays. Alors que le rythme bien calculé de ce produit à consommation rapide nous a d'abord permis d'accrocher facilement, il s'essouffle peu à peu, s'achevant laborieusement au bout de 2h05 de tergiversations. On termine à cran.


Séduis-moi si tu peux ! de Jonathan Levine avec Charlize Theron et Seth Rogen (2019)

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