700 millions de dollars accumulés dans le monde. Plus de 2 millions d'entrées en France. En dépassant le record depuis longtemps détenu par L'Exorciste de William Friedkin, Ça est devenu le plus grand succès du cinéma d'horreur au box office. Une donnée à relativiser puisqu'il faudrait plutôt considérer la rentabilité réelle d'un tel film, d'autant plus dans le genre horrifique, où les productions peuvent être peu coûteuses et rapporter très gros (ne serait-ce qu'en 2017, il est fort probable que Get Out le dépasse aisément). Au-delà de ces considérations sans grande importance, cette nouvelle adaptation très attendue du pavé de Stephen King demeure l'un des films d'horreur les plus remarqués de l'an passé. Nous étions très curieux de découvrir ça, quand bien même le précédent long métrage d'Andrés Muschietti, Mama, ne nous avait guère convaincus et n'encourageait pas à l'optimisme.
C'est donc avec une certaine méfiance que j'ai lancé Ça, mais cette crainte, heureuse surprise, s'est plutôt rapidement dissipée devant un film qui se présente d'emblée comme plutôt agréable à l’œil avec sa production particulièrement soignée. Dès la première scène, le film affiche aussi sa volonté de nous choquer gentiment en nous montrant un pauvre gosse se faire arracher le bras par le fameux clown maléfique. Premier drame d'une série de disparitions qui aura le mérite de resserrer les liens d'amitié entre quelques collégiens, "la bande des losers", bien décidés à percer le mystère de ces événements tragiques quittes à devoir affronter leurs plus grandes trouilles.
Si le film de Muschietti parvient à nous captiver, c'est d'abord parce que ses jeunes personnages sont plutôt sympathiques. Les gamins sont certes assez stéréotypés, puisque l'on retrouve l'inévitable binoclard blagueur, l'intello obèse, le bègue, le petit asthmatique, le feuj trouillard, le black (juste black), etc, mais ils sont suffisamment bien dessinés pour être un brin attachants. Certaines de leurs répliques sont parfois drôles, notamment celles de l'obsédé sexuel de la troupe au sens de la répartie bien aiguisé. Tous les garçons sont obnubilés par la seule fille de la bande, une mignonne rousse un peu plus âgée qu'eux, et les deux trois scènes nous montrant leur admiration pour elle sont d'ailleurs les plus réussies.
Le scénario a hélas le vilain défaut de charger un peu trop la barque. Pratiquement tous les gosses de la bande sont victimes de harcèlement, soit de leurs parents, soit d'une tripotée de durs à cuir infréquentables qui martyrise le collège. Harcèlement sexuel, psychologique, racial... tout y passe et personne n'en sort indemne. Il n'y a quasiment pas un seul adulte à sauver là-dedans. Absents ou amorphes, quand ils ne représentent pas une menace de plus, tous paraissent incapables de venir en aide aux gosses ou simplement de les écouter. Ça donne une drôle d'impression. Andrés Muschietti ose aussi nous montrer une violence et une brutalité étonnantes dans un film dont les personnages principaux sont tous des teen-agers, cela n'est pas déplaisant même si c'est bien inoffensif et qu'il n'y a rien de réellement subversif là-dedans.
Le film avance et des scènes de trouille généralement ratées s'enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu. Elles viennent nous rappeler le talent tout de même limité du réalisateur argentin. Andrés Muschietti en fait souvent trop avec sa caméra qui ne tient jamais en place et il a recours à des effets sonores aussi bruyants que pénibles dans l'espoir de nous faire sursauter. C'est bien dommage car l'intérêt du film est bel et bien ailleurs, dans les moments plus calmes qui se consacrent aux jeunes héros et à leurs interactions. Quand il s'en éloigne, le cinéaste paraît contraint de remplir le cahier des charges pour un résultat pas toujours heureux, les effets visuels numériques sont souvent trop propres pour effrayer et ils manquent d'inventivité.
Soyons de bonne foi et notons quelques exceptions : je pense par exemple à l'apparition réussie du fantôme d'un petit garçon décapité descendant lentement les escaliers et que l'on découvre donc peu à peu. Une autre scène sort du lot : celle durant laquelle la petite troupe au grand complet regarde des diapositives dans un garage et que la machine s'emballe, affichant de plus en plus rapidement des images qui ont l'air de prendre vie et le fameux clown avec elles. Le réalisateur semble alors nous tendre un miroir, comme pour nous rappeler que son œuvre plaira avant tout au jeune public désireux de se faire peur et qui aura effectivement des raisons d'être satisfait.
Alors certes, ça n'est pas un très bon film mais c'est tout de même clairement au-dessus de la moyenne du genre. En fin de compte, nous sommes surtout en présence d'un produit malin, opportuniste, qui a bien su saisir l'air du temps et s'adapter aux modes du moment. L'action se déroule à la fin des années 80, les clins d’œils au cinéma de cette période sont nombreux (surtout la saga Freddy) et la bande son est à l'avenant, surfant ainsi sur la nostalgie pour les eighties qu'entretient également une série comme Strangers Things, auquel Ça fait inévitablement penser. Pour le réalisateur, toujours en proie à des tics de mise en scènes malheureux, c'est malgré tout une nette amélioration après le triste Mama. Nous regarderons la suite, sans dépenser le moindre centime, mais en l'attendant tranquillement.
Ça d'Andrés Muschietti avec Bill Skarsgård, Jaeden Lieberher, Finn Wolfhard, Sophia Lillis, Jack Dylan Grazer, Wyatt Oleff, Jeremy Ray Taylor et Chosen Jacobs (2017)
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