Ben Wheatley, cinéaste anglais jadis très prometteur, continue hélas de filer du mauvais coton. Après son adaptation ratée mais risquée de J. G. Ballard, High Rise, il se fourvoie cette fois-ci dans un exercice a priori beaucoup plus facile : un film de gangsters en huis clos à la Tarantino. Sous ce prétexte, Ben Wheatley démontre qu'il est encore une fois obnubilé par le fétichisme des années 70 et son film de 90 petites minutes paraît en durer le double puisqu'il consiste en une longue et fatigante fusillade dont on se contrefiche des tenants et aboutissants ainsi que de strictement tous les personnages qui y sont mêlés. Que s'imagine Ben Wheatley ? Croit-il vraiment que quelques "fuck" judicieusement placés transforment forcément des dialogues anodins en répliques inoubliables ? En panne d'imagination, il réussit seulement à nous rappeler la pauvreté de la langue anglaise quand elle est utilisée ainsi. Et pense-t-il qu'il suffit de grimer une dizaine d'acteurs en gravure de mode des années 70 pour leur donner du charisme, de l'allure, de la classe ? Nous ne voyons que des costumes, des mannequins, des pantins, faits pour prendre des balles ou en envoyer, et nous imaginons les maquilleurs, costumiers et coiffeurs fonçant sur eux entre chaque prise pour leur refaire une beauté.
Pourtant, les beaux noms, les grosses gueules et les accents en tout genre sont bien de sortie : Cillian Murphy, d'une fadeur exceptionnelle, Armie Hammer, difficilement supportable à rouler des mécaniques dans son costard ridicule, Sharlto Copley, particulièrement nocif avec son accent d'outre-tombe, Sam Riley, qui a décidément bien mal géré sa carrière après avoir incarné Ian Curtis dans Control, Noah Taylor, que l'on a jamais beaucoup vu au premier plan mais que l'on a tout de même bien assez vu, et bien sûr, l'acteur fétiche de Wheatley, Michael Smiley, trimbalant comme toujours son gros nez tordu et sa mauvaise humeur habituelle, condamné à l'ironie patronymique. Au milieu de tous ces hommes, on a de la peine pour l'oscarisée Brie Larson qui, malgré une chemise parfaitement assortie à ses jolies bouclettes, ne devient guère l'icône que son réalisateur aurait tant aimé faire d'elle en lui attribuant le beau rôle. Tous ces acteurs essaient lamentablement de cultiver la diversité de leurs filmographies, continuellement à la recherche du film culte instantané et de l'apparition remarquée chez un cinéaste clivant aux fans véhéments. Hélas, plus Ben Wheatley filme, plus il s'éloigne de ce rang et nous fait même douter de ses premières réussites. Il confirme ici son plus mauvais penchant, pour la pose, pour un cinéma de petit malin empli de références mais incapable de créer quoi que ce soit de marquant et de personnel. C'est dommage, car on avait connu le duo qu'il forme avec sa femme, Amy Jump, bien plus inspiré que ça à l'écriture comme à la réalisation. Kill List et A Field in England restent deux films intéressants, originaux, osés, qui laissaient effectivement croire en une vraie personnalité chez leurs auteurs. Il faudra désormais un sacré revirement pour que nous puissions de nouveau y croire.
Free Fire de Ben Wheatley avec Brie Larson, Cillian Murphy, Armie Hammer, Sam Riley et Sharlto Copley (2017)
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