4 octobre 2015

Un Château en Italie

En effet c'est une vraie merde. Prenez tout ce que vous pouvez imaginer de pire quand vous pensez à un nouveau et énième film de Valéria Bruni-Tedeschi avec toute la smala qui joue dedans, multipliez ça par cent, par mille même, et vous obtenez Un château en Italie. Ou comment subir pendant presque deux heures le spectacle d'une famille de grands bourgeois à problèmes (vendre le château ou pas ? vendre un Bruegel à 2,6 millions d'euros ou pas ? Dilemmes...), avec en son centre Valéria Bruni-Tedeschi elle-même dans son rôle habituel puissance quatre (quarantenaire perchée, névrosée, seule, ex-actrice en mal d'amour et de progéniture, irritante et irritée, d'une seconde à l'autre anesthésiée ou hystérique, complexée et excentrique, folle, neurasthénique, obsessionnelle et agressive, bref, je ne vais pas vous faire un dessin, je sens que vous la tenez !). Gravitent autour de cet horripilant personnage un frère sidaique, une mère insupportable et un amant (Louis Garrel), forcément las de son métier d'acteur lui aussi, attiré par les vieilles, allergique aux enfants, blafard et cerné, suicidaire sans doute, né d'une mère hippie (Marie Rivière, que faites-vous là ?) qui déballe toujours le truc déplacé à ne surtout pas dire (« Mon fils avait un sexe énorme quand il est né, et quand la tête est passée, j'ai eu un orgasme »...) et d'un père acteur (André Wilms, décidément paumé dans pas mal de coups fourrés du récent cinéma français) qui, comme par hasard, a jadis, des années plus tôt, sur un tournage, baisé la nouvelle compagne de son fils (Tesdeschi donc, si vous suivez).


Si on réunit les deux affiches de The Grand Budapest Hotel, on obtient celle d'Un Château en Italie. C'est cadeau. Faites-en ce que vous voulez.

Le pire c'est qu'au tout début, on croit percevoir un potentiel. Minime, mais réel. Dans cette scène, quasi d'introduction, où Louis Garrel, au beau milieu d'un tournage, est au volant d'une petite voiture montée sur un camion, sous une pluie battante, et semble se laisser aller à la dérive. C'est fugace mais c'est bien là, un soupçon de mystère, de force, de beauté même, dans le plan. Et puis très vite tout fout le camp. Tedeschi préfère enchaîner les saynètes pseudo-comiques et archi-pathétiques, comme celle où, parce qu'elle rêve d'enfanter tandis que son jeune amant s'y refuse, nous la voyons faire des pieds et des mains pour aller poser son cul dans un couvent, sur un fauteuil soi-disant miraculeux susceptible de la faire engendrer, tandis que des bonnes sœurs tentent de l'éjecter des lieux. Et parfois la tentative d'humour n'y est même pas, laissant la gêne régner en maître, quand la même Tedeschi répète "NON !... NON !... NON !..." en boucle, d'une voix sordide, quand sa mère débarque en grande pompe à l'hôpital où le frère malade vient de mourir.


 Qui parvient encore à endurer ça ?

Mais au-delà du malaise sidérant qu'on éprouve devant la quasi-totalité de ces séquences parfaitement déprimantes, le film est, dans son ensemble, d'un nombrilisme horripilant. Pour s'autoriser à se répandre sur son propre cas, Tedeschi tourne tout en dérision et charge l'intégralité de ses personnages des pires tares du monde, histoire qu'on ne puisse pas la soupçonner de s'adorer et qu'on lui pardonne de se farfouiller le nombril ouvertement. Et, prenant les devants pour prévenir les reproches qu'on pourrait légitimement lui adresser (filmer les tracas misérables d'une bande de bourgeois imbuvables), elle place, vers la fin du film, une allusion finaude, pareille à un gros coup de coude dans nos côtes qui n'avaient rien demandé, à une série mexicaine intitulée Les riches pleurent aussi. Mais Un Château en Italie n'est qu'encore plus détestable quand il s'efforce de parer par avance aux critiques qui lui seront forcément adressées en dénonçant lui-même sa bassesse. Bruni-Tedeschi n'a toujours pas compris qu'on sait aussi bien qu'elle que l'argent ne fait pas le bonheur, et que les riches aussi peuvent chialer, mais qu'il est absolument insupportable de s'en faire donner la leçon par des gens complexés qui se tournent en ridicule et se rendent plus odieux qu'ils ne sont dans le seul but de nous noyer dans leurs larmes tout en s'excusant de pleurer.


Un Château en Italie de Valéria Bruni-Tedeschi avec Valéria Bruni-Tedeschi, Louis Garrel, Marisa Borini, Céline Salette, Filippo Timi, Xavier Beauvois, André Wilms et Marie Rivière (2013)

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