Dans le supplément du DVD édité par Elephant Films, l'historien du
cinéma Laurent Aknin explique fort bien en quoi ce Résurrection de
Daniel Petrie est une œuvre intéressante qui mérite d'être vue. Monsieur Aknin
présente le film avec sérieux, sans grande passion mais avec une certaine
conviction. On devine aisément qu'il ne s'agit pas de l'un de ses films
de chevet, mais qu'il a plutôt dû le regarder dans le cadre de ses
recherches personnelles, professionnelles, et a su en relever le modeste intérêt. Sorti en
1980, Résurrection a rencontré un beau succès outre-Atlantique mais
demeure assez méconnu en France. En le redécouvrant aujourd'hui, on
comprend aisément pourquoi. Il n'y a pas grand chose qui vaut vraiment
le coup d’œil là-dedans, on peut passer son chemin sans louper une
pépite injustement oubliée, et c'est surtout la prestation habitée d'Ellen Burstyn, dans un rôle lumineux qu'elle a peut-être choisi en réponse à celui de L'Exorciste, qui permet de ne pas décrocher. Autre élément
notable : ce mélo, réalisé lors de cette période trouble et transitoire
de l'histoire du cinéma américain – plus tout à fait dans la mouvance des années 70, pas complètement inscrit dans les moins glorieuses
eighties – a une façon étonnamment simple d'aborder la question des
croyances religieuses, mais pour que vous compreniez cela, il faut que
je vous raconte viteuf le pitch...
Pour l'anniversaire de son mari, Ellen Burstyn a une géniale idée : lui
offrir une nouvelle bagnole du tonnerre. Quelques centaines de mètres plus loin, rien ne
va plus : trop désireux de faire rugir le moteur de son bolide flambant neuf, le mari se montre assez peu prudent... Occupé
à sourire
idiotement à sa femme sans regarder devant lui, et pour éviter de justesse un jeune
skateur qui traversait la
route, il envoie valser le
véhicule par-dessus une
falaise escarpée, direction l'Océan Pacifique. L'accident est impressionnant, efficacement mis en scène. Bref,
brutal, avec un effet de verre brisé judicieux pour représenter le
pare-brise qui éclate et la vie qui bascule : on est légèrement sous le
choc. Résultat : un mort sur le coup (le mari), et une blessée grave qui ne chemine pas jusqu'à la lumière au bout du tunnel mais perd l'usage de ses jambes
(Burstyn). Ellen Burstyn aura bien du mal à se remettre de la mort soudaine de
son époux, regrettant son cadeau empoisonné, et le spectateur l'encaisse difficilement aussi, d'autant plus que le défunt était incarné par le sympathique Jeffrey DeMunn, acteur au nom pourri, à la tronche découpée à la serpe et au sourire ravageur (la preuve !) déjà croisé dans des tueries des années 80 comme Hitcher et Le Blob. À la sortie de l'hosto, notre rescapée s'en va vivre chez son facho de père, dans un bled paumé ressemblant
plus ou moins au trou de balle du Texas. Et c'est là-bas qu'elle
découvre progressivement ses dons de guérison, qu'elle emploie d'abord
sur elle-même afin de marcher de nouveau (bien pratique). Elle devient ainsi faiseuse de miracles et fait peu à peu le buzz.
Résurrection est le premier film (à vérifier, mais je fais confiance à
Monsieur Aknin) qui traite d'expériences
de morts imminentes de façon sérieuse et non à des fins fantastiques ou
horrifiques. Dan
Petrie en propose une vision assez jolie bien qu'elle corresponde tout à fait aux
clichés qui lui sont associées. De la lumière au bout d'un tunnel
sombre ; les silhouettes des proches, déjà disparus, que l'on s'apprête à
rejoindre, etc. Tout y est, mais c'est franchement fait avec un certain
goût. La lumière choisie a une teinte violette qui donne un caractère un
peu psychédélique à ce passage-clé du film, plutôt à mon goût (Douglas Trumbull y a peut-être repensé trois ans plus tard quand il a réalisé les passages les plus dingues de Brainstorm). Et l'on
sent déjà tout le sérieux du film de Dan Petrie, qui ne traite pas ce sujet à la légère.
Cette foi en ce qui nous est montré ne fait aucun doute et permet de
faire passer la pilule très naturellement.
Ce qu'il y a donc de
particulièrement remarquable ensuite, c'est la façon toute aussi simple
qu'a Danny Petrie de nous montrer les diverses réactions des différents
personnages face au pouvoir paranormal de guérison de notre miraculée
ainsi que le choix de cette dernière de l'accepter sans se poser plus de
question, en refusant, sans faire réellement de vague, d'être associée à
une religion, à une manifestation divine ou que sais-je. C'est assez
étonnant. Le film évite ainsi les lourdeurs et donne l'impression de se
faufiler tel un serpent prudent sur un terrain miné (ou en tout cas
propice à un film particulièrement pénible). La pression que subira la guérisseuse
sensass campée par Ellen Burstyn l'amènera cependant à vivre recluse, à
se retirer de la société, ce dont nous prenons conscience lors d'une
dernière scène plutôt réussie là encore grâce à simplicité, et se déroulant
quelques années plus tard. Pour faire complètement le tour des qualités
modestes de ce film, notons la présence d'un super chien, une adorable
boule de poils pleine d'amour auprès de laquelle Ellen Burstyn trouve du
réconfort avant qu'un jeune et fringant Sam Shepard ne s'intéresse à
elle de plus près. Enfin, je précise que la jaquette
du DVD Elephant Films est réversible, ce qui n'est pas si courant et
mérite d'être souligné. Cela en fait une pièce de choix à ranger au sein
de sa collection.
Résurrection de Daniel Petrie avec Ellen Burstyn, Sam Shepard, Jeffrey DeMunn et Richard Farnsworth (1980)


