30 mars 2025

Maya

Maya
est, à l'aise, le film le plus poilant et léger de Mia Hansen-Løve. On y suit un reporter de guerre (Roman Kolinka, pas trop mal, malgré ce maudit manche à balai toujours coincé en travers le dos) qui, après avoir été tenu en otage en Syrie pendant plus de quatre mois, retrouve enfin la grisaille de Paris. Dans la capitale, on le sent un peu paumé, déphasé, il a du mal à refaire surface, il décide donc de partir du jour au lendemain en Inde, le pays de son enfance, pour un gros break. Là-bas, il a un peu de famille et, surtout, une petite maison sympa, située dans la périphérie de Goa. Il y rencontre rapidement Maya (Aarshi Banerjee, leste, pleine d'allant et de fraîcheur, ça contraste avec son partenaire à l'écran), une jeune indienne rayonnante, qui est la fille de son parrain et ne va pas laisser indifférent l'anaconda, resté trop longtemps endormi, du reporter. Rien de ouf sur le papier, me direz-vous, mais à l'écran, c'est pas désagréable à suivre, surtout après le confinement et toute cette période où l'on a dû vivre dans un rayon d'un kilomètre. Avant Bergman Island, que j'ai rattrapé depuis et qui m'a retourné le crâne, Mia Hansen-Løve donnait déjà un peu dans le film carte postale, en torchant de très jolis plans de l'Inde qui invitent au voyage et à l'évasion. On termine le film avec la très nette impression d'avoir passé une paire d'heures à Goa et dans ses environs. Pour pas cher, en plus, car j'ai juste emprunté le dvd à la Médiathèque José Canabis.


 
 
On a tout de même du mal à se passionner pour l'errance psychologique de son personnage principal, qui retrouve sa vieille daronne en Inde (Johanna ter Steege, l'éternelle disbarue de L'Homme qui voulait savoir), tente de recoller les morceaux et de comprendre pourquoi il est aujourd'hui si perturbé et relou. Le film colle trop à son protagoniste et finit par lui ressembler dangereusement. Il est atone, mou, avec toujours ce maudit manche à balai coincé en travers le dos. On a parfois envie de secouer Roman Kolinka, de lui faire ouvrir les yeux, de lui prescrire des séances de kiné et de l'inviter à kiffer pleinement sa parenthèse indienne aux côtés de Maya, pour laquelle on a du mal à s'emballer. Malgré cela, Mia Hansen-Løve reste une cinéaste parfois inspirée : je retiens ici cette transition subtile qui marque l'arrivée du reporter en Inde, un simple raccord lors d'un trajet en voiture et le tour est joué, on y est. C'est aussi le fait que le personnage soit toujours en retrait, légèrement traumatisé par son expérience syrienne, qui permet paradoxalement au film de demeurer léger.



 
Mais s'il s'agit du film le plus poilant de Mia Hansen-Løve, c'est à cause d'une courte scène que je me suis repassé en boucle et qui m'a littéralement fait la soirée, au grand dam de ma compagne et colocataire d'infortune. Je veux bien évidemment parler de ce moment où le personnage principal se fait chouraver son scooter, poursuit les malfaiteurs, finit face à eux dans une impasse et leur lance, avec un accent français terrible et un ton monocorde inimitable, "Hé what the feuuck ?". L'acteur est tout simplement énorme. Je me suis repassé son WTF une petite dizaine de fois au bas mot. Ce passage-là, je vous le conseille très très chaudement. Quelques années après, hélas, Mia Hansen-Løve abandonnait l'humour et retombait dans ses travers en filmant la lente agonie de son père campé par un Pascal Greggory plus crédible que jamais.
 
 
Maya de Mia Hansen-Løve avec Roman Kolinka, Aarshi Banerjee, Alex Descas, Judith Chemla, Nicolas Saada et Johanna ter Steege (2018)