Maya est, à l'aise, le film le plus poilant et léger de Mia
Hansen-Løve.
On y suit un reporter de guerre (Roman Kolinka, pas trop mal, malgré ce
maudit manche à balai toujours coincé en travers le dos)
qui, après avoir été tenu en otage en Syrie pendant plus de quatre mois,
retrouve
enfin la grisaille de Paris. Dans la capitale, on le sent un peu paumé,
déphasé, il a du mal à refaire surface, il décide donc de partir du jour
au lendemain en Inde, le pays de son enfance, pour un gros break.
Là-bas, il a un peu de famille et, surtout, une petite maison sympa,
située dans la périphérie de
Goa. Il y rencontre rapidement Maya (Aarshi Banerjee, leste, pleine
d'allant et de fraîcheur, ça contraste avec son partenaire à l'écran),
une jeune
indienne rayonnante, qui est la fille de son parrain et ne va pas
laisser indifférent l'anaconda, resté trop longtemps endormi, du
reporter. Rien de ouf sur le papier, me direz-vous, mais à l'écran,
c'est pas désagréable à suivre, surtout après le confinement et toute
cette période où l'on a dû vivre dans un rayon d'un kilomètre. Avant
Bergman Island, que j'ai rattrapé depuis et qui m'a retourné le crâne, Mia Hansen-Løve donnait déjà un peu
dans le film carte postale, en torchant de très jolis plans de l'Inde
qui invitent au voyage et à l'évasion. On termine le film avec la très
nette impression d'avoir passé une paire d'heures à Goa et dans ses
environs. Pour pas cher, en plus, car j'ai juste emprunté le dvd à la Médiathèque José Canabis.
On a tout de même du mal à se passionner pour l'errance
psychologique de son personnage principal, qui retrouve sa vieille
daronne en Inde (Johanna ter Steege, l'éternelle disbarue de L'Homme qui voulait savoir), tente de recoller les morceaux et de comprendre
pourquoi il est aujourd'hui si perturbé et relou. Le film colle trop à
son protagoniste et finit par lui ressembler dangereusement. Il est
atone, mou, avec toujours ce maudit manche à balai coincé en travers le
dos. On a parfois envie de secouer Roman Kolinka, de lui faire ouvrir
les yeux, de lui prescrire des séances de kiné et de l'inviter à kiffer
pleinement sa parenthèse indienne aux côtés de Maya, pour laquelle on a
du mal à s'emballer. Malgré cela,
Mia Hansen-Løve
reste une cinéaste parfois inspirée : je retiens ici cette transition
subtile qui marque l'arrivée du reporter en Inde, un simple raccord
lors d'un trajet en voiture et le tour est joué, on y est. C'est aussi
le fait que le personnage soit toujours en retrait, légèrement
traumatisé par son expérience syrienne, qui permet paradoxalement au
film de demeurer léger.
Mais s'il s'agit du film le plus poilant de Mia Hansen-Løve, c'est à
cause d'une courte scène que je me suis repassé en boucle et qui m'a
littéralement fait la soirée, au grand dam de ma compagne et colocataire d'infortune. Je veux bien évidemment parler de ce
moment où le personnage principal se fait chouraver son
scooter, poursuit les malfaiteurs, finit face à eux dans une impasse et
leur lance, avec un accent français terrible et un ton monocorde
inimitable, "Hé what the feuuck ?". L'acteur est tout simplement énorme.
Je me suis repassé son WTF une petite dizaine de fois au bas mot. Ce passage-là, je
vous le conseille très très chaudement. Quelques années après, hélas, Mia
Hansen-Løve abandonnait l'humour et retombait dans ses travers en filmant la lente agonie de son père
campé par un Pascal Greggory plus crédible que jamais.
Maya de Mia Hansen-Løve avec Roman Kolinka, Aarshi Banerjee, Alex Descas, Judith Chemla, Nicolas Saada et Johanna ter Steege (2018)