Sorti en janvier 1985 aux États-Unis (et beaucoup plus
confidentiellement, trois ans plus tard, en France, sous le triste titre
Une Bringue d'enfer), Fandango marque la rencontre entre deux BFFL
(Best Friends For Life), Kevin Costner et Kevin Reynolds. C'est durant
le tournage de ce film que Costner et Reynolds se sont découvert une
passion commune pour la musique country et ont formé leur duo, 2K. Duo
devenu trio lors de l'intégration de Kevin Kine, avec lequel Costner a
vécu une histoire d'amitié intense ("no touching" selon lui) pendant la
réalisation de Silverado. Ils modifièrent leur nom de scène en KKK,
connaissant un vif et inexplicable succès lors de leur tournée
inaugurale dans les états du Sud, jusqu'à ce qu'un rabat-joie leur
rappelle la signification historique de ce sordide acronyme. Au zénith
de son succès, quand il remporta le "Big Three" aux Oscars pour Danse
avec les loups, Kevin Costner se retrouva plus d'une fois face à des
journalistes accusateurs qui s'étaient renseignés sur son passé et lui
demandèrent des comptes. C'est à ce moment-là que la star changea de
bord et passa des Républicains aux Démocrates, pour montrer patte
blanche, en pensant que ça enterrerait définitivement cette affaire, "a
vast quid pro quo" selon ses propres termes.
Cette
anecdote étonnante et méconnue a en commun avec Fandango l'insouciance
de la jeunesse. En effet, le premier long métrage de Kevin Reynolds nous
narre la dernière virée d'un groupe de potes sur les routes du Texas.
Nous sommes en 1971 et ces étudiants fraîchement diplômés viennent
chacun de recevoir une convocation de l'armée, direction le Vietnam.
Sachant qu'ils se situent à un moment charnière de leurs existences et
vivent sans doute leurs derniers instants de pleine liberté, ils se
lancent à la quête d'un trésor qu'ils avaient caché quelques années plus
tôt dans le désert, à la frontière avec le Mexique. Cette chasse au
trésor n'est en réalité qu'un prétexte pour passer du temps ensemble,
vivre à fond, se laisser dériver vers de folles péripéties, quitte à
mettre le groupe à rude épreuve...
"Un des
meilleurs premiers films de l'histoire du cinéma" dixit Quentin
Tarantino, qui est tout sauf une référence en matière de cinéma,
Fandango brille par sa fraîcheur, sa candeur, son énergie et ses jeunes
personnages attachants campés par des acteurs au poil. Sort évidemment
du lot, avec une insolence naturelle et un charme qui ne demandait qu'à
s'imprimer sur nos rétines et à s'épanouir encore, Kevin Costner. Son
charisme fou manque de transformer le film en un one man show. Kevin
Reynolds admet avoir eu une érection massive quand il a serré pour la
première fois la main virile de Kevin Costner, et cela suinte
littéralement de chaque plan. Toutes les occasions sont bonnes pour lui
faire tomber le haut et mieux révéler un torse qui, s'il ne correspond
pas aux critères dégénérés sous créatine de notre sombre époque, évoque
l'art statuaire gréco-romain le plus classique et intemporel. Il ne
fallait pas s'appeler Spielberg pour déceler tout le potentiel
cinégénique de celui qui, paradoxalement, enchaînait alors les castings
sans succès et les apparitions fugaces dans des téléfilms érotiques.
De
ce film éminemment sympathique, nous retenons sa douce mélancolie,
présente de la première à la dernière image, malgré toutes les
péripéties parfois puériles que nous avons vécu entre temps. Âgé de 33
ans au moment du tournage, Kevin Reynolds semble clore sous nos yeux
attendris le chapitre de sa propre jeunesse. La délicatesse de son
regard parvient à toucher n'importe quel trentenaire un peu nostalgique
(ou simple amateur de bons films) n'ayant pas un cœur de pierre. Temps
fort parmi les temps forts, parenthèse aérienne au milieu de leur road
trip frivole, la séquence du saut en parachute marque durablement les
esprits. Calquée presque plan par plan de son court métrage Proof qui la
fait connaître aux yeux les plus avertis d'Hollywood, cette
séquence décoiffante et franchement réussie nous tient en haleine par
son mélange de tons alliant un suspense qui fonctionne à plein tube à un
humour parfois outrancier (le pilote lunaire) et un comique de
situation efficace. Une séquence pleine d'idées, dont on sent qu'elle a
longtemps mûrie dans l'esprit d'un cinéaste débutant, plein de fougue et
désireux de montrer tout son talent.
Fandango (Une Bringue d'enfer) de Kevin Reynolds avec Kevin Costner, Judd Nelson, Chuck Bush, Sam Robards et Suzy Amis (1985)
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