Plutôt chaleureusement accueilli à sa sortie l'année dernière, Blindspotting, du jeune réalisateur américain d'origine mexicaine Carlos López Estrada, a les défauts classiques d'un premier long métrage. Malgré son rythme soutenu et sa durée relativement courte, le film paraît un peu trop dispersé et aurait gagné à se focaliser encore davantage sur son personnage principal, Collin (Daveed Diggs), dont nous suivons les trois derniers jours avant que ne s'achève sa liberté conditionnelle. Au soir de son premier jour, le sympathique Collin assiste malgré lui à une terrible bavure policière qui le chamboulera très profondément. Passant ensuite ses journées à parcourir les rues d'Oakland aux côtés de son meilleur pote, Miles (Rafael Casal), en tant que déménageur, il essaiera de faire comme si de rien n'était jusqu'à ce que sa rage et son désir de justice le rattrapent progressivement...
Dès le générique d'ouverture, Carlos López Estrada nous plonge dans l'ambiance particulière d'Oakland, une ville californienne en pleine mutation, animée et ensoleillée, qu'il filme avec un amour et un enthousiasme non dissimulés. On s'attache d'emblée aux deux personnages principaux, une paire de zonards attendrissants incarnés par un duo d'acteurs dont l'alchimie et la complicité transparaissent véritablement à l'écran. Il ne fait aucun doute que ces deux-là sont copains comme cochons derrière comme devant la caméra, se renvoyant la balle avec un plaisir communicatif. Daveed Diggs et son acolyte Rafael Casal ont d'ailleurs signé ensemble le scénario ; nous les sentons intimement impliqués dans le projet et le premier, acteur également rappeur, démontre plus d'une fois son talent pour le slam. La scène pivot de la bavure policière est la plus réussie du film : à l'image de Collin, spectateur impuissant du drame, nous restons cois et assistons extatiques à l'événement, si simple, si cruel.
Malgré tout, nous n'adhérons pas complètement au film. Celui-ci déroule son petit programme de manière trop attendue, trop prévisible. Malgré le rap improvisé étonnant de Collin lors de la scène finale, celle-ci s'avère un peu trop grotesque et gauchement amenée. Aussi, le jeune réalisateur a quelques idées de mise en scène qui nous rappellent désagréablement qu'il vient du clip et de la publicité. C'est efficace et parfois bien vu, certes, mais c'est plus souvent lourd et redondant, le message du film perd alors en impact. Les personnages que tente de creuser le scénario s'avèrent de moins en moins intéressant. La vie familiale de Miles et l'amourette de Collin semblent tout droit tirées d'une mauvaise série télé tandis que les personnages féminins, lisses au possible, ne brillent guère par leur originalité... Dommage, car lorsque Blindspotting se concentre sur la remise en question de Collin, à travers ses cauchemars récurrents et ses doutes envahissants, le cinéaste s'avère plus habile et nous offre quelques scènes qui sortent réellement du lot. C'est ce que l'on préférera retenir. Cela, et la belle énergie qui porte ce Blindspotting, nous invitent toutefois à garder un œil curieux sur ce que cette petite bande réalisera par la suite.
Blindspotting de Carlos López Estrada avec Daveed Diggs et Rafael Casal (2018)
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